LE DOCTEUR M. LACAMBRE, PSYCHIATRE AU CHRU DE MONTPELLIER «LE CIRQUE, UN OUTIL THÉRAPEUTIQUE?»

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1 CONFÉRENCE AVEC LE DOCTEUR M. LACAMBRE, PSYCHIATRE AU CHRU DE MONTPELLIER DANS UN EXPOSÉ DE SA THÈSE INTITULÉ «LE CIRQUE, UN OUTIL THÉRAPEUTIQUE?» 14 OCTOBRE 2010 À L UFCV TOULOUSE Dans la lignée des événements précédents, organisés en partie par l association Par Haz Art autour du thème des arts du cirque en lien avec le handicap (Causeries au Lido Centre Municipal des Arts du Cirque, Rencontres autour du cirque adapté avec des tables rondes à la Faourette), nous avons mis en place une conférence pour approfondir l axe de la recherche théorique que l association mène depuis bientôt trois ans. Le Docteur Mathieu Lacambre, ancien artiste amateur de cirque, et psychiatre au CHRU de Montpellier a publié dans le cadre de son doctorat sa thèse sur le sujet suivant :»Le cirque, un outil thérapeutique?» Toujours soucieux de faire avancer la réflexion sur le thème des arts du cirque en lien avec le handicap, il nous a semblé intéressant à mettre en commun les connaissances du Docteur M. Lacambre lors d une conférence. En partenariat avec le SIAM (Service pour l Intégration en Accueil Collectif de Mineurs) dispositif d intégration au sein de l UFCV à Toulouse, nous avons pu accueillir le Docteur Lacambre dans les locaux de l UFCV le 14 octobre Une cinquantaine de personnes d horizons très variés allant du milieu artistique au milieu médico-social en passant par celui de l animation, et des parents d enfants autistes ou encore des étudiants, ont pu écouter les propos du Docteur Lacambre, puis échanger lors d un débat sur la thématique des arts du cirque envisagé en tant qu outil thérapeutique. Le Docteur Lacambre nous a fait part durant deux heures de son expérience autour d un projet thérapeutique à l école de cirque de Strasbourg intitulé «Graine de Cirque», à destination d enfants et d adolescents du service Psychothérapeutique pour Enfants et Adolescents des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Par le biais de cette

2 expérience il se questionnait sur l utilisation de la pratique des arts du cirque comme outil thérapeutique auprès d enfants souffrant de troubles autistiques et psychotiques. Voici un compte-rendu qui retrace de manière synthétique la richesse des expériences du Docteur Lacambre, en suivant la trace de celui-ci dans son exposé. L introduction L effet sur les enfants L effet sur les soignants L effet sur l institution Conclusion INTRODUCTION : Pourquoi le cirque comme outil thérapeutique? Le cirque fait appel à des références de l enfance, de la famille et surtout de l imaginaire. L imaginaire passe d abord par la confrontation au réel, puis par la pratique, pour ensuite utiliser la symbolique dans l expression artistique. Pourquoi utiliser les techniques du cirque? La richesse des arts du cirque avec ses disciplines très variées, est utilisée avant tout comme principe au développement de la psychomotricité du pratiquant. Mais pas seulement, comme l exprime en effet A.Sautteur :»le but n est pas d apprendre et de réaliser des exercices de plus en plus difficiles ; il ne s agit pas d imposer telle ou telle progression, mais d aider le patient à dénouer les situations et à évoluer positivement.»

3 EFFETS SUR LES ENFANTS : Le projet de cirque a eu lieu sous le chapiteau de l école de cirque de Strasbourg, «Graine de Cirque». L aspect du chapiteau semble très important aux yeux du Docteur Lacambre, car il utilise l espace du chapiteau de manière très précise. Pour lui le chapiteau est un lieu vivant, qui réagit aux conditions météorologiques, qui respire avec le vent, qui chauffe par beau temps, qui «chante» quand il pleut. C est un lieu différent tous les jours, il change «d humeur» comme l être humain en fonction du temps. Enfin c est un lieu qui protège de l extérieur, c est une sorte de refuge. Le chapiteau protège des phénomènes extérieurs avec son feuillet interne et externe - il fait allusion ici à la théorie de D. Anzieu «Le Moi peau». L investissement du chapiteau délimite le dedans et le dehors, facilitant ainsi aux enfants la pénétration de l espace de travail. À l intérieur du chapiteau, les espaces de travail sont bien délimités afin de structurer ce lieu inconnu. Les loges : l espace où on se change, (changer peau aussi) La piste : l espace potentiel de jeu et d activités circassiennes Les coulisses : un espace protégé ainsi qu un espace d échauffement Les gradins : un espace interdit L échauffement des séances a toujours lieu dans cet espace des coulisses et se déroule toujours près du sol. Les enfants souffrant de troubles autistiques ou psychotiques, manquant souvent de repères, éprouvent en effet le besoin de s ancrer au sol, pour parer à leurs angoisses archaïques. La matérialisation d espaces bien précis, grâce à un cerceau par exemple, peut être nécessaire pour délimiter un espace propre, protecteur et facilitant le bon déroulement d une séance. À travers l étude du comportement de quelques enfants le Docteur Lacambre décrit une partie de ces expériences : Toujours partir du centre d intérêt de l enfant : Le Docteur Lacambre décrit les premiers contacts avec les objets de cirque, qui sont le plus souvent des contacts d ordre sensoriel. Il s appuie sur ce que propose l enfant que se soit un contact auditif, oral (gustatif) ou tactile pour rentrer en relation avec lui. Arriver à recréer un lien entre la réalité et le délire : L activité des arts du cirque permet à un enfant de vivre ses délires de jeu vidéo. En nommant chaque élément de parcours par son nom, à chaque passage de l enfant, le soignant permettait ainsi de rappeler celui-ci à la réalité, proposant ainsi une réappropriation d un réel commun et partagé (plutôt que l isolement dans le délire). Le cirque devient alors un espace de compromis entre le réel et l imaginaire proposant, dans le cadre d un soin, un étayage symbolique.

4 Aider à faire sortir de la bulle : La synchronisation de deux enfants dans un parcours identique, permet à l enfant de rentrer en résonance avec l autre. L objectif est de faire exister le tiers par mimétisme, afin de permettre à l enfant de sortir de la bulle autistique. Le regard des autres est insoutenable : Le regard d autrui peut être une grande source d angoisse. Au début du projet, il est impossible pour l enfant de participer tellement forte est la crainte du regard d autrui. Et pourtant, l enfant arrive au fur et à mesure à s inclure dans le groupe par la valorisation que le regard d autrui lui apporte. Car, montrant une aisance hors norme pour l équilibre sur des objets comme la boule, l enfant attire involontairement les regards parfois envieux ou surpris des autres. Ce regard des autres est alors tout à fait bienveillant. Et grâce à l image positive de lui-même, que va créer et lui renvoyer ce regard extérieur, l enfant peut se permettre de s exposer à celui-ci. Par la suite l enfant commence à solliciter les regards des adultes. Regarder l autre et accepter le regard d autrui c est faire le geste de reconnaître son existence. Le collectif : Même si le travail collectif reste difficile pour les participants, au fur et à mesure des séances, les échanges augmentent. Ils sont plus riches en nombre et en qualité. EFFETS SUR LES SOIGNANTS : Les répercussions des séances de cirques n apparaissent pas que chez les enfants : chez les soignants, le regard qu ils portent sur les enfants se transforme grâce à la mobilisation de ressources insoupçonnées de ceux-ci, qui sont relevés lors des séances et cela dans un contexte nouveau pour l enfant mais aussi pour l adulte. La cohésion au sein de l équipe pluridisciplinaire en est renforcée car l équipe se trouve plus engagée auprès de l enfant à travers un projet commun. La curiosité de l équipe soignante est tellement stimulée qu une séance de cirque est organisée exclusivement pour les soignants. Cette séance renforce le changement du regard sur l activité et les capacités des enfants par le biais d un vécu et d une confrontation directe à l activité. EFFETS SUR L INSTITUTION : La dynamique institutionnelle qui se crée grâce à la mise en place de ce genre de projet est à prendre en compte. Une intégration dans la politique culturelle s est faite grâce au projet, qui est soutenu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) dans leur dispositif «Culture à l hôpital» et par des financeurs privés. Le désir de voir naître ce projet autour du cirque à été dynamisé par l implication de l association de parents d enfants malades «Les Ronds Carrés». Au fur et à mesure de

5 l avancement du projet, les parents se montraient en effet curieux de savoir ce qu il se passe dans le chapiteau. Invités pour une séance de travail en public en fin d année, ils ont pu avoir un aperçu concret de ce que faisait leurs enfants au cirque. CONCLUSION : Pourquoi le cirque comme outil thérapeutique? «Le cirque, c est le rêve, la rencontre et l union dans le même mouvement de l imaginaire (l émotion) et du réel (la technique). Cette rencontre tend vers une modification de la conscience de soi, une modification des rapports du sujet avec luimême et avec autrui. «M Lacambre. Le cirque repousse les limites du réel. Il peut relativiser les angoisses archaïques. Par exemple, pour lutter contre l angoisse de la «chute vertigineuse» la pratique de l aérien peut s avérer intéressante. Le cirque peut permettre de repousser les frontières du réel possible, pour ces enfants, sans toutefois favoriser un basculement dans l imaginaire qui pourrait s avérer dangereux pour eux. Car l imaginaire est une chose très abstraite qui est extrêmement difficile à concevoir pour des personnes souffrant de pathologies psychiatriques et autistiques. Le cirque est dès lors l outil idéal pour ces enfants dans le but de leur apprendre à se gérer émotionnellement et exprimer leurs émotions, eux, qui vivent une autre expérience de la réalité, et cela grâce à l accompagnement des intervenants. Ils découvrent un monde où exister autrement devient possible. Grâce à un espace circonscrit celui du chapiteau, ils peuvent déplacer les frontières de la norme. Pourquoi utiliser les techniques du cirque? Une seule phrase suffit au Docteur Lacambre : L affinité entre l intervenant et le support de médiation est un lien décisif dans la transmission. Cet exposé a été suivi d un débat, qui ne fera pas l objet d une retranscription. L association Par Haz Art et le SIAM de l UFCV remercient vivement le Docteur Lacambre pour son récit qui a cette qualité d être accessible à tous, tout en restant exigeant et riche pour les personnes du milieu hospitalier. Dans l espoir de pouvoir réorganiser une rencontre similaire, l association Par Haz Art a été ravie de cette collaboration et d avoir pu faire connaissance du dispositif SIAM dans ces circonstances chaleureuses.