Dossier NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2009 VIE N 14 35

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1 Dossier NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2009 VIE N 14 35

2 Du soleil pour produire de l électricité dans environ 200 villages au Sénégal En 2008, plus de 80% des ménages ruraux sénégalais n ont pas accès à l électricité. Dans certaines localités du pays, les écoles et les cases de santé doivent assurer leurs services sans électricité. Dans un tel contexte, il est évident que les opportunités de développement économique et social sont fortement limitées. Ainsi, pour améliorer l accès à l électricité en milieu rural, des villageois expérimentent la promotion, à une échelle élargie, des énergies renouvelables. Celle-ci est une initiative du Programme pour la promotion des énergies renouvelables, de l électrification rurale et de l approvisionnement durable en combustibles domestiques (PERACOD) de la coopération sénégalo allemande. L utilisation des énergies renouvelables pour produire de l électricité est une vraie réponse aux problèmes actuels des populations rurales qui n ont pas accès à l électricité. En plus de fournir de l électricité de façon durable, l utilisation d un système à base d énergies renouvelables a des avantages économiques non négligeables. Sur le moyen terme, la consommation d énergie coûte moins cher que pour les énergies fossiles et les frais d installation des systèmes de production sont rapidement amortis. LA DEMARCHE Environ 200 villages enclavés auront l électricité grâce à des systèmes solaires Les projets d Electrification Rurale à Initiative Locale (ERIL) de l Agence Sénégalaise d Electrification Rurale (ASER) sont des projets pour les villages éloignés du réseau de la SENELEC. Le PERACOD accompagne l ASER dans la mise en œuvre de ces projets ERIL. C est dans ce cadre qu il met en œuvre le projet ERSEN (Electrification Rurale Sénégal), qui vise à électrifier environ 200 villages enclavés grâce à des systèmes solaires. Durant la première phase du projet ( ), l objectif était d assurer l accès à l électricité pour 72 villages. Durant sa seconde phase ( ), plus de 130 villages sont ciblés. En vue d améliorer la qualité des services de base fournis aux villageois, chaque village sélectionné doit disposer d au moins une école et une case de santé. Ainsi, les systèmes électriques solaires assurent l approvisionnement en électricité de l école, de la case de santé, mais aussi des ménages. Une attention toute particulière est portée sur le fait que l électricité doit aussi être utilisée à des fins productives. ERSEN permet donc aux micro et petites entreprises rurales d utiliser l électricité «verte» et économique. 36 VIE N 14 NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2009

3 Les objectifs d ERSEN Utiliser l électricité pour créer des richesses en milieu rural : Afin de favoriser l essor économique dans les villages ciblés, le PERACOD appuie l ASER à mettre en place une stratégie de développement des usages productifs de l électricité pour les entrepreneurs ruraux. Pour cela, il identifie les usages prioritaires des filières économiques les plus valorisables avec les services d électricité et élabore des plans d affaires pour chaque activité potentielle. Afin de garantir un bon développement de l entreprise rurale, un package de services «Business Development Services» a été défini. Par exemple, dans les villages de Darou Diadji et Ndiayène Poste (Département de Kaolack), deux groupements de femmes (GPF) sont appuyés dans l acquisition de moulins à mil solaires. Le PERACOD finance le système solaire électrique et l ONG ASACASE facilite l accès au micro crédit pour le financement de la machine (le moulin). Une formation initiale à la gestion d entreprise et un suivi accompagnement des GPF pendant un an sont assurés par ASA- CASE. L utilisation d un moulin solaire devrait générer un chiffre d affaires de plus d un million de FCFA par an. Et surtout, cela allège le travail des femmes : elles n ont pas besoin d aller acheter du gasoil pour le fonctionnement de leur moulin. Elles économisent ainsi de l argent et leur besogne ne dépend pas d un combustible importé, parfois en rupture de stock. Les différentes solutions techniques offrent une large gamme de services : Afin de rendre l électricité utile et accessible à tous, différents types de services sont offerts aux usagers avec différentes technologies : - Les systèmes solaires individuels pour les besoins en électricité des ménages, des écoles et des cases de santé. Ces systèmes fournissent de l électricité suffisante pour 4 points lumineux et une télévision en noir et blanc, une radio et un chargeur de portables. - Les lampadaires solaires pour éclairer les chemins, les places publiques et parfois les lieux de culte. - Les mini centrales solaire-diesel qui ont une capacité suffisante pour alimenter les ménages et infrastructures d un village de 500 à 700 habitants. Ce service est comparable à ceux offerts en ville, ce qui permet d utiliser tout type d équipement et facilite le développement des usages productifs. ERSEN met l accent sur la fourniture d équipements à faible consommation. En intégrant les innovations techniques relatives à l efficience énergétique des régulateurs et des lampes basse consommation de haute qualité, on peut augmenter d environ 50% la quantité maximum d énergie susceptible d être produite par un système pour un niveau d investissement donné. Des régulateurs de charge innovants sont testés pour une protection optimale des batteries. La délégation de la gestion aux opérateurs privés et l appui à la gouvernance locale des services électriques : Ce sont des entreprises privées sénégalaises, sélectionnées par l ASER, qui installent, gèrent et maintiennent ces équipements électriques dans les villages. Dans chaque zone NOVEMBRE - DÉCEMBRE d électrification, tous les acteurs concernés prennent part au projet, aussi bien les communautés rurales, les ménages, les gestionnaires des infrastructures sociales que les opérateurs privés. Ils participent tous, de cette manière, à l investissement initial du projet et à la sensibilisation. La mise en place d une ingénierie sociale qui implique la gouvernance locale permet de créer un cadre de concertation adéquat qui favorise la viabilité des équipements, mais aussi, facilite l intervention du secteur privé. Pour les opérateurs privés, il est mis en place un dispositif de sécurisation des redevances collectées auprès des usagers. L opérateur différencie, par une double gestion bancaire, les opérations quotidiennes de gestion courante et les activités de renouvellement des équipements. LES IMPACTS A ce jour, 62 villages ont déjà bénéficié de l électricité en Casamance et dans le Bassin Arachidier. Des changements sociaux importants 2009 VIE N 14 37

4 L électricité au village apporte des changements radicaux dans la vie des populations. Par exemple, à Keur Madiouf, premier village électrifié dans le cadre d ERSEN dans la région de Kaolack, le fils du chef de ce village a été complètement «é b l o u i» p a r l électrification de son village. Après sa première soirée passée sous la lumière produite par le système solaire, il s est adressé en ces termes à son père : «Papa, quand j ai appuyé sur l interrupteur et que la chambre s est illuminée, je me croyais chez mon oncle à Dakar! Jamais je n aurais imaginé qu on obtiendrait de la lumière autrement qu avec les lampes-tempête. Je pourrai désormais réviser correctement au village pendant les vacances et t aider dans les travaux cham - pêtres plutôt que d aller à Dakar.» L électrification ayant apporté au village les mêmes commodités que la ville, les villageois peuvent y mener des activités similaires. Dans le village de Ndimb Taba (région de Kaolack), les jeunes n hésitent plus à veiller tard et profitent maintenant de l électricité pour organiser des combats de lutte à la lueur des lampadaires. Ce qu ils ne pouvaient pas faire avant l électrification. Du coup, les grandes migrations vers les villes baissent et on assiste même à des retours. On s informe et communique plus facilement Grâce à l électrification rurale, on observe de nouvelles habitudes liées à l accès à l information (radios, télévisions) et au confort (ventilateurs, réfrigérateurs, etc.). Dans tous les villages électrifiés, les populations sont très satisfaites de pouvoir brancher la télévision et de ne plus se rendre en ville pour charger leurs téléphones portables. Les résultats scolaires s améliorent Sur le plan scolaire, les enseignants profitent de l électrification aussi bien que leurs élèves. Quand les premiers affirment qu ils préparent mieux leurs fiches de cours, les seconds, de leur côté, étudient plus facilement leurs leçons jusque tard le soir. Ils peuvent dorénavant utiliser des outils pédagogiques requérant l électricité et choisir de prendre part aux cours du soir. Toujours à Keur Madiouf, le Directeur de l Ecole a fait remarquer que «les résultats scolaires se sont nettement améliorés grâce à l électri - cité, puisqu il est désormais possible de réviser jusqu à la veille des examens». Les consultations médicales sont de meilleure qualité Sur le plan sanitaire, on assiste à une nette amélioration des conditions de consultation. Dans certaines cases de santé qui fournissent des services plus larges que des cases de santé classiques, la conservation des vaccins et des médicaments est également plus facile et plus sûre. Dans la case de santé de Keur Madiouf, les consultations pour le paludisme ont considérablement augmenté de même que les accouchements. Quand il n y avait pas l électricité, en cas d urgence la nuit, il fallait parcourir 5 kilomètres pour rejoindre le centre de santé le plus proche. Les activités économiques se développent Sur le plan économique, grâce à l installation des moulins solaires, d ateliers de couture, de menuiseries (bois et métalliques), les communautés ciblées expérimentent de nouvelles activités génératrices de profits. Dans les villages de Ndiébel (Région de Kaolack) et Diaoulé (Région de Fatick), les installations électriques, réalisées en 1989 et 1990 dans le cadre d un projet de la coopération sénégalo-allemande ayant permis la formulation du PERACOD, ont permis aux femmes d utiliser des congélateurs solaires. Les femmes utilisent ces derniers pour la conservation des produits qu elles revendent lors des marchés hebdomadaires. Dans ces deux villages, on assiste à un développement économique exceptionnel depuis l électrification. Ils sont devenus des villages attractifs et des pôles économiques pour beaucoup de villages alentours. Il faut ajouter que l utilisation de l électricité permet aussi de réduire les travaux difficiles, en particulier ceux des femmes, comme piler le mil et puiser de l eau. Désormais, elles se disent moins fatiguées et satisfaites d utiliser les moulins à mil et les pompes à eau. L électrification rurale permet donc aux femmes d être davantage autonomes et cela participe au renforcement de leur pouvoir de décision dans le village. Ainsi, grâce à l électrification rurale, les populations accèdent à un meilleur bien-être avec une information et une communication facilitées, des conditions d apprentissage confortables, un service de santé amélioré et des activités génératrices de revenus. Bref, tout ce qui participe à la réduction de la pauvreté pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en VIE N 14 NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2009

5 Eolien : Projet TERNA Sénégal ou la concrétisation de la volonté du Gouvernement du Sénégal à la conquête des ressources énergétiques locales Dans la nouvelle Lettre de Politique de Développement du Secteur de l Energie (LPDSE) adoptée en février 2008, le Gouvernement du Sénégal vise à atteindre 15% de la part des énergies renouvelables et des biocarburants dans le bilan énergétique du pays à l horizon C est là un engagement résolu dans une véritable politique énergétique qui entend valoriser les ressources énergétiques nationales, notamment l énergie solaire, l énergie éolienne et l énergie de la biomasse. Les données disponibles sur le vent au Sénégal (principalement les données de l ex Direction de la Météorologie Nationale) ont toujours mis en exergue la faiblesse relative de la ressource éolienne au Sénégal, à l exception de la Grande Côte (Dakar - Saint- Louis) qui présente un potentiel non négligeable. En dépit de cette situation peu favorable, notre pays a eu à entreprendre, notamment dans les deux dernières décennies, quelques projets mettant en œuvre l exploitation de l énergie du vent aussi bien dans le domaine du pompage que de la production d électricité. Ces projets ont permis de cerner les contraintes liées à la maîtrise de cette filière, principalement la disponibilité de données fiables en vue d une domestication de l énergie du vent. Fort de ce constat, le Gouvernement a initié avec la coopération technique Allemande, GTZ, le projet TERNA Sénégal. GTZ met l accent sur l utilisation de l énergie éolienne pour l électrification urbaine mais aussi rurale. Ce projet est exécuté au niveau de la Grande Côte, entre Dakar et Saint Louis. In fine, ce projet pourra participer notamment à une amélioration du taux d électrification rurale au Sénégal. Il consiste en : la mesure de paramètres du vent ; l évaluation du potentiel éolien ; l évaluation du potentiel énergétique ; le développement d un parc éolien d au moins 10 MW. Les sites de Kayar (Région de Thiès) et Potou (Région de Louga) ont été choisis pour abriter les installations de mesure des données sur le vent. Pour une bonne exécution du projet, un comité de pilotage a été créé et est composé des structures suivantes : ex Direction de l Energie ; Agence Sénégalaise d Electrification Rurale ; Commission de Régulation du Secteur de l Electricité ; SENELEC ; ex Direction de la Météorologie Nationale; Centre d Etudes et de Recherches sur les Energies Renouvelables ; Ecole Supérieure Polytechnique de l Université Cheikh Anta DIOP. En juillet 2007, les techniciens sénégalais (ex Direction de l Energie, CERER, ESP, SENELEC) et leurs homologues allemands ont installé les mâts de mesure avec les différents équipements appropriés. Ainsi, tous les deux mois jusqu en juillet 2008, des relevés de données ont régulièrement été effectués sur site par les techniciens. En février 2008, un stage sur les mesures et analyses de données sur le vent a été organisé à l attention des membres du comité de pilotage à Saly Portudal. Par Louis SECK Directeur des Energies Renouvelables Ministère de l Energie En juillet 2008, un atelier de restitution sur les analyses des données obtenues a été organisé à Dakar. Ainsi, l évaluation du potentiel éolien, à partir des données obtenues, a donné les résultats suivants : Une vitesse moyenne de vent de l ordre de 5,8 m/s (mètre/seconde) à Kayar ; Une vitesse moyenne de vent de l ordre de 6,4 m/s à Potou. Une étude de pré-faisabilité a donné les résultats suivants en supposant des frais d investissement entre 1400 à 1500 euros par kw : un coût de production entre 0,1191 à 0,1258 euro par kwh pour Kayar ; et un coût de production entre 0,0922 et 0,0974 euro par kwh pour Potou. Au vu de ces informations, les résultats ont été jugés concluants et il a été décidé de poursuivre le projet pour faire une étude détaillée de développement de parc éolien d au moins 10 MW et l élaboration d un cahier de charges devant conduire à un appel d offres pour la production d électricité à partir d énergie éolienne pour le site de Potou. Une étude d impact environnemental et social sera prise en compte dans les études de développement. Aujourd hui, l étude de faisabilité pour le développement du parc éolien de Potou va démarrer incessamment, ce qui va permettre, d ici au maximum six mois, de lancer l appel d offres pour l opérateur devant conduire les travaux du parc éolien de Potou. L on peut alors conclure qu avec le Projet TERNA Sénégal, c est la concrétisation de la volonté du Gouvernement du Sénégal à conquérir, à grande échelle, les ressources énergétiques locales, principalement l énergie éolienne. Ce projet participera au renforcement de l électrification rurale au Sénégal. NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2009 VIE N 14 39