Groupe de travail énergie et matières premières

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1 Groupe de travail énergie et matières premières Audition de Pierre SIGONNEY Chief Economist, groupe Total Jeudi 7 avril 2011 Etaient présents : Edouard Alby - Eric Fromant - Dominique de Guerre Dominique Garrigues- Raphaël Lipp - Emmanuel Nahas Christophe Michel de Moze Michel Rousseau Christian Stoffaës Jennifer Pizzicara Présentation de Pierre Sigonney en pièce jointe. Nous avons peut-être eu un troisième choc pétrolier en Dans un contexte général de baisse du PIB mondial, nous avons, pour la première fois depuis les années 1980, assisté à une baisse de la demande de pétrole exclusivement dans les pays industrialisés (la demande est restée positive en Chine). La baisse a notamment été plus forte en 2008 aux Etats-Unis avec un impact fort de la hausse du prix du pétrole. (p.3). Au début des années 2000 on s inquiétait de l augmentation du prix du pétrole qui, en dollars courant, étaient aussi élevé que les niveaux enregistrés lors du 2 ème choc pétrolier, mais en valeur réelle, le prix est resté à des niveaux bien inférieurs. Ce n est qu en 2008 qu on a connu, au cours du second semestre, une chute brutale, aussi forte que dans les années Seule différence, dans les années 1980, les prix se sont stabilisés à leur niveau bas, tandis qu ils sont rapidement remontés dès 2010 (p.4). L impact de la crise économique a bien sûr eu un effet négatif mais plus limité que celui connu lors du 2nd choc pétrolier. L impact de la crise libyenne Aujourd hui, malgré l arrêt quasi-total de la production libyenne, qui peut fournir un pétrole de bonne qualité à hauteur de 1,5 millions de barils jour (mb/j), soit 2% de la production mondiale, la capacité de production reste normale. (il demeure tout de même une inquiétude sur les conséquences d une extension éventuelle des révoltes dans les pays Arabes). Il y a eu un rééquilibrage : dès janvier 2011, l Arabie Saoudite augmentait sa production pour compenser la baisse de l offre libyenne. (Il pourrait toutefois y avoir des conséquences à termes sur le marché car le pétrole libyen est de meilleure qualité). (p.6/7) L Arabie Saoudite a 80 années de réserves de pétrole ; elle n a pas d intérêt à voir un prix du brut élevé car cela entraînerait la mise en œuvre de politiques de substitution à la consommation de pétrole dans les pays développés. En effet, le second choc pétrolier a entraîné la disparition de l utilisation du pétrole dans la production d électricité dans les pays développés (sauf quelques jours par an). Production dans les pays de l OPEP. Il faut savoir que l Arabie Saoudite a été dépassée par la Russie. L Arabie Saoudite, le Koweït et les E.A.U. peuvent ensemble compenser la baisse actuelle de la production libyenne. Le marché pétrolier est le plus grand marché mondial. Trois grandes zones de consommation (p.8) - L Asie, la zone la plus dépendante, importe 70% de sa consommation. La demande est de 26 mb/j, contre une production de 6 mb/j. - L Amérique du nord, a une production importante. Une demande de 23 mb/j contre 13mb/j produits. 1

2 - L Europe, avec une dépendance intermédiaire par rapport à l Asie et l Amérique du Nord - 15mb/j contre une production de 5mb/j L Asie est très dépendante du Moyen-Orient. L Europe a des liens forts avec la Russie. Au final, les Etats-Unis, qui s inquiètent le plus de leur dépendance, sont dans une situation plutôt confortable. Le marché étant global, l évolution des prix se répercute instantanément. Evolution globale de la demande d énergie. (p.9) A l avenir, les besoins d énergie seront concentrés dans les pays émergents (croissance démographique combinée avec une croissance économique). La demande énergétique sera stable dans les pays développés (une croissance économique plus faible couplée à un effort d efficacité énergétique dans les pays développés) Evolution du mix énergétique - Malgré les efforts mis en œuvre, notamment en termes de baisse des émissions de GES [de quoi s agit-il?], Total ne s attend pas à une baisse considérable du rôle des énergies fossiles dans le mix énergétique global de Ces énergies représenteraient, en 2030, 75% de l offre totale, contre 81% en 2005, avec le pétrole pesant 30%, le gaz 22% et le charbon 23%. Total met un point d interrogation sur l évolution de la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial en raison, d une part, de l impact de la catastrophe japonaise sur le développement du nucléaire (exemple de l Allemagne) et d autre part sur la nécessité d un renouvellement du parc actuel d ici à 2030 et du problème d acceptation des populations de voir de nouvelles centrales s implanter près de chez elles. Autre énergies : - Développement du biomasse (au sens traditionnel comme le bois de chauffage) - L hydraulique aura un développement limité (la construction de grands barrages nécessite le déplacement de populations). - Le solaire et l éolien devraient atteindre 4 à 5% du mix énergétique. Pour Total, il n y aura pas de révolution des énergies renouvelables (du fait, du problème de back-up de ce type d énergie). Question : l hydrogène résoudrait-il le problème d intermittence de l énergie éolienne? Le problème qui se pose est un problème de prix car la production d électricité par éolienne est déjà plus élevée que l énergie standard. La solution résiderait éventuellement dans l utilisation de grosse batterie de stockage. Concernant la voiture électrique : le problème des batteries est qu on n en connaît pas la longévité ; la moitié du prix du véhicule provient du prix de la batterie ; le modèle économique n est pas démontré. La recharge rapide provoque une surchauffe de la batterie qui doit certainement en diminuer la qualité et/ou la durée de vie. Par ailleurs, si une grande part de la population équipée d une voiture électrique devait recharger sa batterie en fin de journée, cela devrait nécessairement conduire à augmenter de manière considérable la capacité de production d électricité du pays. L autre problème de l hydrogène est qu il est très peu dense et surtout hautement explosif Pour M. Sigonney, ce n est pas pour rien que le modèle de véhicule fonctionnant au pétrole l ait emporté sur les autres modèles voici un siècle et demi : le rapport volume/autonomie du pétrole est le meilleur. Plus de 50% de la consommation de pétrole est utilisée dans les transports. Accroissement de l offre énergétique entre 2010 et 2030 (p.11) L évolution de l offre énergétique globale se traduira d abord par un développement élevé de l offre de gaz, suivi du pétrole, des biomasses et du solaire/éolien. 2

3 Il s agit d un scénario établi avec un objectif à 550PPM [que veut dire cette abbréviation?](c est-à-dire avec une concentration de CO2 dans l atmosphère à hauteur de 550 PPM). Or l objectif est de ne pas dépasser les 450PPM. (A 550 PPM, on considère que la chaleur aura augmenté de 3 C d ici à 2100 à 440PPM, augmentation de 2 C) Pour respecter l objectif des 450 PPM, les efforts devront être fournis d abord par la Chine, puis par les Etats-Unis. Ce scénario des 450 PPM ne fonctionnera donc que si la Chine accepte de faire un arbitrage entre sa croissance économique et sa consommation énergétique. Le scénario à 550 PPM est lui-même considéré comme ambitieux car il suppose une croissance limitée du charbon soit (alors qu il s agit d une production assez largement répandue et bien répartie à travers le globe) c est-à-dire, que cela suppose une baisse de l utilisation du charbon dans les pays de l OCDE et une utilisation modérée en Chine Question : quel impact du stockage du CO2? Tout d abord le captage du CO2 n est pas simple, les technologies se développent dans le domaine et il est prévu de le faire aux abords des centrales. Il faut savoir que ces systèmes font baisser les rendements (d environ 5%). Il faudra du temps avant que les centrales soient toutes équipées (or 2030 c est demain!) La question du stockage, pose la question du lieu de stockage. L avantage du CO2 est que cela n explose pas et que peu concentré ça ne peut pas causer de dommage pour l homme. Il existe des possibilités de stockage dans les aquifères salins, pour cela, il faut extraire l eau avant d injecter le gaz. Réserves de pétrole et de gaz (p.12) Une étude récente de HSBC sur l Energie en 2050 prévoit 49 ans de réserve de pétrole. Total considère plutôt que les réserves s élèvent à une centaine d années. - Réserves prouvées (c est-à-dire connues et dont on maîtrise les technologies d exploitation nécessaires) : 33 ans - Les nouvelles découvertes : estimées à 20 ans - Le brut extra-lourd, dont la qualité est mauvaise et pose des problèmes d extraction (présence notamment au Vénezuela) - Le pétrole de schiste, ou schiste bitumineux : le sous-sol contient de la matière organique qui ne se trouve pas encore à l état de pétrole. Pour obtenir du brut, il faut le faire remonter, et pour cela, il faut le faire brûler en sous-sol, ce qui va produire du CO2 qui remontera à la surface Autre problème : on ne sait pas le produire de manière économique. Sous Paris il y a des poches de «tight oil», appelé aussi «shale oil». Concernant le gaz de schiste en France, tant qu il n y aura pas d exploitation on ne connaîtra pas notre capacité de production (problème : le puits doit être horizontal). En termes de technologies, nous en sommes aux prémices L idée reçue selon laquelle les nappes phréatiques peuvent être contaminées est fausse. Le problème de l exploitation du gaz ou du pétrole de schiste en France provient certainement du code minier. En France, l Etat concède l exploitation à une entreprise qui peut exproprier, aux USA, le propriétaire du sol est aussi propriétaire de son sous-sol. De toute façon, ce n est pas la France qui a le plus grand potentiel dans les gaz de schistes : l Europe de l est, la Pologne en particulier, est très intéressée car elle est très dépendante du gaz russe. Les grandes compagnies internationales se sont mises relativement tard sur le gaz de schiste. Il a fallu la révolution du système américain pour l envisager. En Europe, nous n en sommes qu à la phase de démarrage. Les grandes compagnies, plutôt américaines qu européennes, se positionnent. 3

4 Prix de vente (p.13). En fonction de la technologie d extraction nécessaire le prix augmentera. Le prix de vente du «heavy oil» devra être d environ 60 à 80 $ par baril. Pour être capable de lancer certains projets, il faudra des périodes où le baril sera supérieur à 80$. On ne reviendra pas dans un univers où l énergie est bon marché. La taxe carbone n existe pas encore mais on peut considérer qu elle est présente en Europe sur l essence. En France, le baril revient à environ 300$ avec les taxes. Il est évident que le cours actuel du $ est plutôt favorable à la zone Euro en ce qui concerne l énergie et les importations de pétrole. Mais le bon niveau du taux de change entre l Euro et le dollar US devrait plutôt se situer autour de 1,20 que de 1,50 comme actuellement. Géothermie Il faut des zones spécifiques pour développer la géothermie et la France n est pas la mieux dotée (en dehors de certains territoires d outre-mer), en comparaison à l Islande ou la Californie. P. Sigonney considère que le potentiel est faible. En France pour l instant nous ne sommes pas adeptes du «chauffage collectif», collectif étant entendu à l échelle d une ville ou d un quartier. Il y a une nappe d eau chaude sous Paris qui avait été exploitée dans les années 70 au nord est de la région parisienne. Ce fut un désastre financier. (Problème de back-up et de corrosion, etc.) Situation du gaz et évolution Il y a 5 ans, les perspectives d un déclin aux Etats-Unis de l offre de gaz conventionnel - et donc la nécessité d une augmentation forte des importations de GNL - ont conduit à construire des terminaux de regazéification aux USA, et d usines de liquéfaction (notamment au Qatar) avec un rôle moteur d Exxon. L idée était d exporter du gaz du Moyen-Orient vers les Etats-Unis. En réalité, il y a eu une révolution du gaz de schiste, avec un taux de croissance fort, pour atteindre un niveau de 15% de la production total de gaz ; ce qui a compensé le déclin. Aujourd hui le gaz non conventionnel représente 50% (gaz de schiste, gaz de charbon, «tight gas»). Cette explosion, non prévue, fait que nous avons des surcapacités de GNL. La crise a entrainé une baisse de la demande de gaz dans les pays développés. Le marché américain, plutôt que de devenir ouvert sur le monde est resté fermé avec un gaz au prix bas au bénéfice de ses consommateurs et de son industrie. Si le gaz américain reste à ce prix là, il n y a pas de compétition possible! Les prix du GNL ont également baissé (prix spot). On a donc une situation régionalisée avec des prix bas aux Etats-Unis, un prix intermédiaire en Europe (une part importante de l alimentation en gaz est lié au pétrole avec une décote de 60/70%) d où l idée d augmenter le prix du gaz de la part de GDF-Suez (augmentation du prix du pétrole). Grâce aux productions norvégiennes, situation de dépendance moindre de l Europe vis-à-vis du Moyen- Orient. Le prix du gaz indexé sur le prix du brut a eu un avantage : assurer l alimentation de l Europe (on est moins dépendant que d autres). Le fait de payer suffisamment cher nous a permis de développer notre capacité, d avoir une offre abondante et d éviter les problèmes d approvisionnement. En Europe, nous avons bénéficié d un prix intermédiaire grâce à des contrats d approvisonnement à L/T liés au prix du patrole avec une décote de 60 à 70%. La surabondance de GNL ne risque pas de durer (cf. catastrophe nucléaire japonaise). Indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole La question qui se posera dans 5/10 ans : quel sera le gaz marginal et combien va-t-il coûter? 4

5 Concernant le gaz de schiste, même si on développe les techniques, il coûtera plus cher qu aux USA. Le gaz ne sera développé que si le prix du gaz est élevé. Si le prix de gaz était au niveau de celui des Etats- Unis, il ne se serait pas développé de gaz en Australie par exemple (où le coût de main d œuvre est très élevé). Les nouveaux champs de gaz : au nord de la Russie, en zone arctique (permafrost), donc avec une exploitation difficile car coûteuse. Il y a sans doute des réserves de gaz extraordinaires mais à l exploitation difficile. Pour M. Sigonney le gaz restera relativement cher : il y aura donc un maintien entre le prix du pétrole et le prix du gaz, au moins à l horizon du M/T prévisionnel. 5