LE GLISSEMENT DU SAILLANT COMMUNES DE TALIZAT ET D ANDELAT (CANTAL) UN PALEO GLISSEMENT REACTIVE

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1 Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l'ingénieur - JNGG' 2006 Lyon (France) LE GLISSEMENT DU SAILLANT COMMUNES DE TALIZAT ET D ANDELAT (CANTAL) UN PALEO GLISSEMENT REACTIVE Benoît NAGEL 1 Jacques RESTITUITO 1 1. LRPC Clermont-Ferrand - France RESUME - Le vaste glissement de terrain sur les communes de TALIZAT et d ANDELAT, déclenché en décembre 2003 est le plus volumineux observé en Auvergne et Limousin depuis 40 ans ( de m 3 ). Outre son occurrence dans un contexte géologique réputé pour sa stabilité, des indices nets conduisent à l interpréter comme la réactivation brutale d un paléoglissement. 1 Introduction Début décembre 2003, lors d une période de fortes précipitations, un glissement de terrain a affecté le versant Est de la vallée au niveau du Babory (sous affluent de la Truyère), à cheval sur les communes de TALIZAT et d ANDELAT, près du village du SAILLANT (Cantal). En quelques jours, la progression des déplacements a atteint 2 à 3 mètres au niveau de l escarpement principal, disloquant et détruisant totalement la chaussée de la route départementale 404 sur 150 m de longueur. La photographie de la figure 1 permet de constater l ampleur de ces déplacements. Figure 1. Escarpement principal Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse III - 25

2 B. Nagel et al. Par ailleurs, le glissement a affecté de façon pluridécimétrique la voie SNCF NEUSSARGUES BEZIERS uniquement aux deux extrémités. Un bourrelet de pied complexe et étendu a été observé dans la plaine alluviale souvent audelà du ruisseau. La zone concernée par cette instabilité présente une forme en haricot de 500 m de longueur selon les courbes de niveau et 160 à 250 m de largeur selon la pente, soit une surface de l ordre de 10 hectares. Les estimations de la profondeur moyenne de la surface de rupture (non caractérisée par sondages et inclinométrie à ce jour) sont de 15 à 20 m soit un volume déplacé d au moins 1, m 3. 2 Contexte géologique Ce glissement paraît affecter des formations superficielles du type éboulis de pente à blocs et colluvions sableuses ou sablo-argileuses ainsi que des panneaux du substratum brèchique. Les formations superficielles dérivent de deux coulées de basalte subhorizontales et de brèches volcaniques. La coulée principale en partie supérieure de versant s amincit vers le sud, tandis que l autre en sommet forme la couverture du plateau volcanique («Planèze de SAINT FLOUR»). Les brèches volcaniques (conglomérats hétérogènes de projections) se situent en partie médiane ou basse de versant. Sous les coulées de basalte et sous le niveau de brèches se trouvent deux horizons sédimentaires, subhorizontaux d âge miocène à dominante sableuse. Le niveau supérieur en base des deux coulées a une épaisseur de 0,5 à quelques mètres. L épaisseur des éboulis de pente et colluvions sableuses n est pas connue avec précision ainsi que la géométrie de leur contact avec les formations du substratum. Bien qu aucune faille ne soit signalée sur la carte géologique de ST FLOUR, il faut souligner un alignement très net de cette partie de la vallée du Babory avec le faisceau faillé du graben de SAINT FLOUR. La tectonique cassante peut donc vraisemblablement jouer un rôle dans la genèse de ce glissement. Le glissement n a pas fait l objet à ce jour d étude géomécanique détaillée. 3 Données morphologiques Elles résultent des mouvements de décembre 2003 et elles sont reportées sur un plan topographique levé sur l initiative du Conseil Général du Cantal (Services Techniques Départementaux) dont une réduction est reportée en figure 2. III - 26 Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse

3 JNGG 2006 Lyon Figure 2. Schéma morphologique du glissement du Saillant On note : En tête un escarpement principal très étendu avec des rejets verticaux de 1 à 3 mètres. Juste en dessous, une zone d effondrement de 10 à 20 m de largeur où les mouvements ont été principalement verticaux, avec en bordure aval des affleurements rocheux de brèches volcaniques et de basalte paraissant en place. Le long de la voie SNCF, en contrebas, aucun désordre, hormis aux deux extrémités du glissement, tant dans la géométrie des rails que dans l aspect d un pont (passage supérieur) en pierres appareillées. Ce point pose problème dans l interprétation du glissement. A la base du versant, des bourrelets de pied de 1 à 2 m de hauteur, associés à des contre-pentes nettes, de géométries complexes, avec même des intersections (cf. photographie en figure 3). Ceci pourrait être la marque de plusieurs surfaces de ruptures anciennes plus ou moins réactivées en décembre 2003 Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse III - 27

4 B. Nagel et al. Figure 3. Bourrelet de pied et contre-pente Le ruisseau du Babory coule tantôt au-delà, tantôt en deçà de ces bourrelets de pied. L observation détaillée du terrain permet de reconstituer un ancien lit du ruisseau (avant la première phase du glissement) un lit intermédiaire et un lit actuel. Celui-ci a été repoussé vers le versant opposé, par la progression des terres dans la partie nord de la zone. Au contraire dans la partie centrale, le ruisseau s est rapproché du versant affecté à la faveur de la contre-pente résultante. 4 Analyse cinématique Sur les profils A-B (figure 4), et E-F (figure 5), respectivement en parties nord et sud du glissement, nous avons reporté les éléments géologiques disponibles résultant des affleurements et de la carte géologique de SAINT FLOUR. Les épaisseurs attribuées faute de sondages restent approximatives ainsi que les interprétations sur la cinématique en jeu. Celle-ci à partir de régressions successives consécutives à l érosion de pied du ruisseau se traduit d une part par une zone où les mouvements sont rotationnels avec une résultante de translation vers l aval ; d autre part, selon une progression des désordres vers l amont par des mouvements verticaux donc de tassements au sein des éboulis de pente. Dans cette partie la présence d une surface de rupture continue est plus hypothétique. Ceci est montré par la morphologie de crêtes doubles en vis à vis de part et d autre d une partie effondrée. III - 28 Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse

5 JNGG 2006 Lyon Figure 4. Glissement du Saillant Profil A B Le lambeau de brèche du profil E-F pourrait être lié au déplacement en masse d un gros volume rocheux venant surmonter les éboulis de pente. Cependant, dans l hypothèse d une faille, il pourrait s agir aussi d un compartiment complet de brèches déplacé. Les faibles mouvements constatés au niveau de la voie ferrée pourraient alors être attribués à leur position centrale dans la partie rotationnelle des désordres, ce qui implique une profondeur forte de la surface de rupture en ce point. Figure 5. Glissement du Saillant Profil E F Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse III - 29

6 B. Nagel et al. 5 Éléments de chronologie La chronologie du site à ce stade de l interprétation peut se résumer aux phases suivantes : un glissement d origine, ancien, de plusieurs siècles au moins. Le bourrelet de pied ancien qui n est pas ou peu réactivé en décembre 2003 dans la partie nord du glissement est une limite de commune. Il est peu probable que celle-ci (limite de commune ou de paroisse) se soit trouvée à cet endroit au-delà du lit de l ancien ruisseau pour une surface aussi réduite (cf figure 2). Un autre élément de chronologie est offert par l âge de construction de la voie ferrée ( 1880) obligatoirement postérieur aux premiers désordres. une phase d activité du glissement nulle ou très réduite, ce qui la rend non perçue des gestionnaires de la route, de la voie ferrée et des riverains. Cela étant, on note : des rechargements de chaussée répétés, bien visibles dans la coupe de la structure de chaussée, une mise en butée des rails nécessitant périodiquement une intervention des services de la SNCF, des indices morphologiques (bourrelets, fissures) de faibles intensité visible sur une photographie aérienne de l année 2000 (figure 6), une phase d activité brutale, après plusieurs siècles d équilibre précaire, en décembre La cause déclenchante est à rechercher dans le contraste météorologique entre l été 2003 très chaud et sec et une fin d automne particulièrement pluvieuse, une activité résiduelle est à signaler avec des petits indices de déplacements relevés en mars Figure 6. Glissement du Saillant - Photographie aérienne de l année 2000 III - 30 Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse

7 JNGG 2006 Lyon 6 Conclusion Beaucoup de points restent encore obscurs quant à la connaissance de ce glissement. Des études complémentaires permettront de préciser et d améliorer la compréhension du site. Cet évènement, affectant fort heureusement des axes de transports à enjeux mineurs, atteste que des glissements «fossiles» réputés comme stabilisés ou méconnus peuvent se réactiver à la suite d évènements météorologiques fortement contrastés et engendrer des désordres conséquents. On peut facilement imaginer les impacts de ce type de phénomène dans le cas où la route départementale serait une autoroute et la voie ferrée NEUSSARGUES BEZIERS une liaison transalpine. Il apparaît de plus en plus nécessaire de mettre en œuvre une méthodologie permettant d identifier ces paléo-glissements de grande ampleur pour une meilleure prévention de leur réactivation. Session 3 - Risques naturels en zone montagneuse III - 31