Apport des nouvelles techniques cytogénétiques dans l estimation des irradiations anciennes en dosimétrie biologique.
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- Stéphane Lépine
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1 Apport des nouvelles techniques cytogénétiques dans l estimation des irradiations anciennes en dosimétrie biologique. Journées des thèses IRSN, septembre ème année de thèse IRSN/DRPH/SRBE/LDB Début de thèse : Octobre 2003 Fin de thèse prévue :mars-avril 2007 Thèse financée par l IRSN Directeur de thèse : Dr Philippe VOISIN Tuteur de thèse IRSN : Dr Laurence ROY Université Paris-Sud 11 Ecole doctorale de cancérologie Introduction : Sous l action des rayonnements ionisants, les cellules mais aussi l ADN peuvent être endommagés. Des mécanismes de réparations extrêmement efficaces sont donc activés afin de restaurer l intégrité de l ADN. Toutefois, un nombre réduit d erreurs peut être généré lors de ces processus. Ces aberrations peuvent résulter de la cassure non réparée d un chromosome (fragment), d une mauvaise réparation de deux cassures conduisant à des remaniements au sein d un même chromosome (inversion, anneau centrique), ou d échanges de matériel génétique entre plusieurs chromosomes (translocation, dicentrique). Certaines de ces erreurs peuvent être observées lorsque les chromosomes sont condensés durant la phase du cycle cellulaire appelée mitose. Classiquement, deux groupes d aberrations sont distingués. Les aberrations dites «instables», telles que les dicentriques, les anneaux centriques et les fragments, dont la fréquence diminue au cours des divisions cellulaires. En effet, leur nature va conduire la cellule portant ce type d aberration à une mort mitotique. 1
2 Les aberrations dites «stables», telles que les translocations, les insertions ou les inversions, permettent de par leur nature une séparation correcte des cellules filles lors de la mitose. La stabilité de ces aberrations reste toutefois sujette à controverse [Darroudi 2000]. Ce type d aberration chromosomique est particulièrement adapté pour effectuer une dosimétrie rétrospective. L analyse de ces aberrations est effectuée par la technique de Fluorescence In Situ Hybridization (FISH-3 Painting) qui consiste à marquer trois chromosomes avec des couleurs différentes. Les translocations entre les chromosomes de couleurs différentes sont comptées et analysées. Cette méthode présente, cependant, des inconvénients. Les translocations ne sont pas spécifiquement produites par les rayonnements ionisants, ce qui rend cette méthode moins spécifique et moins sensible que l étude des dicentriques. En outre, cette technique peut conduire à une surestimation de la dose reçue principalement pour deux raisons : (i) les aberrations instables sont difficilement discriminées des aberrations stables. (ii) La présence de clones peu conduire à comptabiliser plusieurs fois la même aberration chromosomique. Afin de lever les biais de cette technique, nous avons étudié l ensemble du génome en colorant chacun des chromosomes avec une couleur unique (technique de M-FISH). Dans un premier temps, l objectif de la thèse a été d évaluer l apport de la technique de M-FISH par rapport à la technique de FISH-3 Painting dans l étude des translocations [Pouzoulet]. De plus l un des points important en dosimétrie rétrospective est de connaître quelle est la réelle stabilité des translocations. Ainsi la diversité des résultats de la littérature, de même que les résultats obtenus les années précédentes au laboratoire, nous ont conduit à étudier la stabilité des translocations sous deux aspects. Tout d abord nous nous sommes intéressés à la stabilité de cellules irradiées au sein d une population mélangée de cellules non irradiées et irradiées. Dans un deuxième temps, nous avons étudié la stabilité propre des translocations au cours des divisions. Toutes les analyses cytogénétique ont été réalisées par la technique de M-FISH. Matériel et méthodes : Obtention des fibroblastes de peau humaine : Les fibroblastes ont été obtenus à partir de la peau d un homme de 56 ans prélevé lors d une intervention de chirurgie plastique. Le tissu a été dissocié par méthode enzymatique et les fibroblastes ont été récoltés puis mis en culture. Obtention des fibroblastes GFP : Le gène de la GFP a été intégré dans le génome de fibroblastes issus de la même biopsie grâce à un rétrovirus. Les cellules ayant intégré le gène ont été isolées par cytométrie en flux. La présence de ce gène rend les cellules fluorescentes ce qui permet de distinguer une population cellulaire irradiée et d une non irradiée. 2
3 Culture et irradiation des fibroblastes : Les fibroblastes sont cultivés dans du milieu DMEM contenant 20 % de sérum de veau fœtal. Ils sont irradiés à confluence. Les fibroblastes sont maintenus confluents en culture 4 jours post-irradiation avant d être traités en vue de l observation des aberrations chromosomiques. Analyse par FACS : Les pourcentages de cellules GFP et non-gfp ont été déterminés par cytométrie en flux. Obtention des clones : Quatre jours après irradiation, les fibroblastes ont été réensemencés en plaque de 96 puits par dilutions limites aux concentrations de 0,1 et 0,5 cellules par puits. Les clones qui arrivent à confluence sont ensuite réensemencés jusqu à l obtention de suffisamment de cellules pour être analysées par la technique de M-FISH. Analyse M-FISH : Les fibroblastes destinés à l analyse M-FISH sont bloqués en métaphase par ajout de colcémide. Les métaphases sont ensuite fixées puis hybridées avec les sondes M-FISH permettant ainsi de coloré chaque chromosome par une couleur différente. Les métaphases ainsi marquées sont ensuite analysées. Résultats et discussion : Evolution d un mélange de cellules irradiées et de cellules non irradiées au cours des passages: Nous avons suivi l évolution du pourcentage de cellules irradiées marquées par la GFP (3 Gy) par rapport à des cellules non irradiées non marquées. Pour ce faire après irradiation, 75% de cellules GFP irradiées ont été mélangées avec 25% de cellules non irradiées non-gfp. L évolution de ce pourcentage a été suivie sur cinq passages. Un mélange contrôle de 75 % de cellules GFP non irradiées avec 25 % de cellules non-gfp non irradiées ont été aussi suivi au cours des passages pour vérifier la stabilité de la population GFP. Les résultats sont présentés figure 1. La population de fibroblastes GFP non irradiés est relativement stable au cours des passages. Par contre, quand les fibroblastes GFP ont été irradiés, une forte diminution de la proportion de cellules irradiées dans le mélange est observée entre les passages 8 et 10. Ensuite du passage 10 au passage 12 une stabilité de la population de cellules irradiées est observée. Cette décroissance au cours des passages précoces est probablement la résultante de trois phénomènes. Premièrement, les cellules GFP contenant des aberrations chromosomiques instables radio-induites disparaissent lors des premières divisions par le phénomène de mort mitotique. Ce phénomène joue un rôle dans cette diminution essentiellement lors du premier passage car les cellules instables sont éliminées pour la plupart au cours des trois premières divisions cellulaires [Anderson 2003]. 3
4 Deuxièmement, les cellules du fait de l irradiation se divisent moins vite que les cellules non irradiées, c est le phénomène de délais radio-induit. Les cellules non irradiées ont tendance à accroître leur nombre plus vite que les cellules irradiées conduisant ainsi à une diminution de la proportion de cellules irradiées. Vraisemblablement, le délai radio-induit jouerait un rôle essentiellement lors des premières divisions [Nasonova 2004]. Figure1 : Evolution du pourcentage de cellules GFP au cours de passages successifs Troisièmement, les fibroblastes que nous utilisons contiennent deux populations de fibroblastes : une population dont la vitesse de division est rapide (28 heures) et qui représente un tiers de la population et l autre dont la vitesse de cycle est plus lente (44 heures). La population rapide a plusieurs particularités. Tout d abord, les cellules rapides se divisent une fois de plus que les cellules lentes avant d atteindre l état de confluence. De plus, la proportion de cellules rapides par rapport aux cellules lentes reste constante au cours des passages. Cette particularité qui est en contradiction avec la première résulterait de la différenciation d une partie des cellules rapides en cellules lentes. Enfin le phénotype «cellules rapides» disparaît de la population après le dixième passage ou après une irradiation supérieure à 1 Gy. Donc ces cellules rapides présentes dans la population non irradiée conduiraient, de par leur prolifération, à une diminution de la proportion de cellules irradiées et ce jusqu à ce que les cellules rapides disparaissent de la population non irradiée c est à dire au-delà du dixième passage. Une fois les cellules rapides disparues, les proportions entre les deux populations restent stables. D après nos résultats, il apparaît clairement que les cellules initialement irradiées vont être diluées par les cellules non irradiées ceci pouvant expliquer l instabilité apparente des translocations observée dans certains cas. 4
5 Etude de la stabilité des translocations au cours des divisions par l obtention de clones : La stabilité des translocations a été étudiée en comparant les taux de translocations simples et complexes de fibroblastes non irradiés et irradiés à une dose de 3 Gy juste après irradiation et après plus de vingt divisions (culture clonale). Les résultats sont présentés dans le tableau 1 Tableau 1 : Comparaison de la fréquence des translocations simples et complexes entre des cellules analysées après irradiation et après au moins 20 divisions (Clones). N.I=non irradié. Le taux de translocations simples des fibroblastes non irradiés reste stable au-delà de 20 divisions. Le taux des translocations complexes quant à lui augmente mais cela est dû pour l essentiel au faible nombre de clones obtenus à l issu de la culture. En ce qui concerne les fibroblastes irradiés, les translocations simples observées post-irradiations se maintiennent au cours des divisions cellulaire malgré l apparente tendance à la baisse qui n est pas significative. Par contre les translocations complexes ont tendance à diminuer au cours des divisions cellulaires. Etonnamment les translocations complexes semblent plus stables qu attendues puisque dans la littérature elles sont décrites comme étant instables. Pour conclure, les translocations simples semblent être stables dans les cellules au cours des divisions. Conclusions et perspectives : Les cellules irradiées au sein d une population de cellules non irradiées voient leur proportion décroître au cours des passages. Par contre, les translocations simples se maintiennent dans les cellules au cours des divisions. Ainsi, il apparaît clairement que les translocations utilisées en dosimétrie rétrospective sont stables au cours des divisions. L instabilité des translocations décrite par certains auteurs serait donc due à au moins deux facteurs. Premièrement, elle serait engendrée par les biais d analyse inhérents à la technique de FISH-3 Painting qui est actuellement la technique utilisée pour faire de la dosimétrie rétrospective. En effet, les travaux menés lors des années précédentes ont montré qu une partie des aberrations instables était considérée comme des aberrations stables. La principale conséquence de cette mauvaise classification est l apparente décroissance du taux de translocations au cours du temps. Deuxièmement, cette instabilité pourrait être due à une dilution des cellules aberrantes par les cellules non irradiées. Ceci va avoir pour effet de diminuer le taux de translocations. Cette diminution sera ainsi directement reliée au nombre de division cellulaire qui auront eu lieu entre le moment de l irradiation et celui de l analyse. Les translocations simples restent donc un bon indicateur de la dose reçue. Il nous reste toutefois à confirmer ce résultat en étudiant d autres cellules irradiées avec différentes doses. En outre, la difficulté, pour la dosimétrie rétrospective, est de pouvoir quantifier l impact de la dilution des cellules irradiées par les cellules non irradiées. Pour cela des expériences sur des cellules irradiées 5
6 de façon hétérogène seront menées afinde connaître l efficacité de la reconstitution de dose par la technique de M-FISH. Références: Anderson RM, Marsden SJ, Paice SJ, Bristow AE, Kadhim MA, Griffin CS, and Goodhead DT. Transmissible and nontransmissible complex chromosome aberrations characterized by three-color and mfish define a biomarker of exposure to high-let alpha particles. Radiat Res Mar;159(3):437. Darroudi F. Use of FISH translocations analyses for retrospective biological dosimetry : How stable are stable chromosome aberrations? Radiat. Prot. Dosimetry (1): Nasonova E, Fussel K, Berger S, Gudowska-Nowak E, and Ritter S. Cell cycle arrest and aberration yield in normal human fibroblasts. I. Effects of X-rays and 195 MeV u(-1) C ions. Int J Radiat Biol Sep;80(9): Pouzoulet F, Roch-Lefèvre S, Giraudet AL, Vaurijoux A, Voisin Pa, Buard V, Delbos M, Bourhis J, Voisin Ph and Roy L. Comparison of the M-FISH and FISH-3 painting techniques for analysing translocations. Soumis à Int. J. Radiat. Biol. 6
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