et ses amis photographes Musée de Grenoble 7 nov fev

Transcription

1 Georgia O Keeffe, Stries rouge, jaune et noir, Musée National d Art Moderne MNAM / Centre Georges Pompidou, Paris Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat Georgia O Keeffe Museum / Adagp, Paris 2015 g E o r g i a et ses amis photographes Musée de Grenoble 7 nov fev Contacts Presse Presse régionale Musée de Grenoble Marianne Taillibert marianne.taillibert@ville-grenoble.fr Presse nationale & internationale Claudine Colin Communication Caroline Vaisson caroline@claudinecolin.com

2 DOSSIER DE PRESSE CONTACTS PRESSE Presse régionale Musée de Grenoble Marianne Taillibert Presse nationale & internationale Claudine Colin Communication Caroline Vaisson I caroline@claudinecolin.com SOMMAIRE p. 3 p. 5 p.10 p.14 p.17 p.19 p.20 p.26 p.28 p.29 p.31 Communiqué de presse Le parcours de l exposition Georgia O Keeffe : la forme inévitable par Julia Kristeva Georgia O Keeffe : une vision photographique par Sophie Bernard Repères biographiques Expositions personnelles Liste des œuvres présentées Autour de l exposition Nos partenaires Informations pratiques Images à la disposition de la presse

3 GEORGIA O KEEFFE et ses amis photographes Musée de Grenoble 7 nov fév.2016 COMMUNIQUÉ DE PRESSE Première monographie consacrée en France à l artiste peintre américaine Georgia O Keeffe, l exposition programmée cet automne au musée de Grenoble constitue un événement exceptionnel. Réalisée avec la participation du Musée Georgia O Keeffe de Santa Fe (Nouveau Mexique, Etats-Unis) et le soutien du réseau de musées FRAME (FRench American Museum Exchange), elle retrace la carrière d une icône de l art américain aussi célèbre aux Etats-Unis que Jackson Pollock. De ses premières créations à New York à son installation au Nouveau-Mexique en 1949, O Keeffe fut fortement influencée par la photographie moderne. Pour en rendre compte, l exposition fera ainsi dialoguer ses peintures avec les images de ses amis photographes et formera, un ensemble total d environ 90 œuvres issu de quinze prestigieux musées américains mais également de grandes institutions allemandes, espagnoles et françaises. Georgia O Keeffe, Iris Blanc [White Iris],1930 Alfred Stieglitz, Georgia O Keeffe, 1919/20 Georgia O Keeffe occupe une place singulière dans le contexte de l art américain. Ses peintures, reconnaissables entre toutes, se distinguent par leur immédiateté, la sensualité de leurs couleurs et la clarté de motifs qui s imposent, avec insistance, à la mémoire. La force de ces images, qui viennent questionner le visible, tient au trouble créé par des formes énigmatiques oscillant souvent entre abstraction et figuration. L artiste se fait connaître, dans les années 1920, par des peintures de fleurs et de buildings au réalisme photographique. Elle assimile alors l esthétique précisionniste des peintres du cercle de Stieglitz Arthur Dove, John Marin, Charles Demuth et Marsden Hartley, pour ensuite donner corps à un répertoire formel unique, profondément marqué par sa vie dans le désert du Nouveau Mexique. A partir des années 1960, en communion spirituelle avec son environnement du Sud-Ouest, O Keeffe peint des compositions abstraites, dont la pureté formelle et la sensualité des tons se font l écho des travaux de Mark Rothko, Ellsworth Kelly ou Agnes Martin. Née en 1887, dans le Wisconsin à Sun Prairie, O Keeffe élabore très jeune une œuvre personnelle inspirée par les vastes plaines du Texas et marquée par les arabesques de l art nouveau. A la suite de sa rencontre avec le photographe et défenseur des avant-gardes, Alfred Stieglitz, elle s installe à New York en 1918 pour se consacrer exclusivement à son œuvre. Muse puis épouse du photographe en 1924, O Keeffe découvre l avant-garde européenne à la galerie 291 et fréquente le cercle de Stieglitz. 2

4 GEORGIA O KEEFFE et ses amis photographes Musée de Grenoble 7 nov fév.2016 Fruit d une individualité forte, son œuvre unique puise ses sources dans la nature. Entre abstraction et figuration, son travail se développe en séries selon un parti pris résolument moderniste. Ses compositions naissent avant tout de son observation du monde. Ce sont d abord les ciels du Texas, les montagnes de Lake George, les buildings de New York et les fleurs. A partir de 1929, l artiste choisit de passer ses étés à Santa Fe avant de s installer définitivement au Nouveau-Mexique en Elle vit alors en communion intime avec la nature, goûtant la solitude des grands espaces, conduisant sa voiture à travers le désert. Cette expérience lui inspire de nouveaux sujets : architecture vernaculaire, canyons, os, ciels et rivières. Georgia O Keeffe, Nuit sur la ville [City Night],1926 Tout au long de sa carrière, O Keeffe est attentive aux développements de la photographie moderne. La vision photographique qu elle assimile explique en partie la force de ses images. Aussi jalonnant le parcours de l exposition, au-delà des célèbres clichés de Stieglitz qui le premier sut saisir la beauté de l artiste, sept photographes qui ont marqué son œuvre peint, qu elle a elle-même influencés Alfred Stieglitz, Paul Strand, Edward Weston, Imogen Cunningham, Ansel Adams, Eliot Porter et Todd Webb - seront présentés. Georgia O Keeffe partageait avec eux non seulement une communauté de motifs mais des lieux de prédilection New York, le Nouveau-Mexique qui forgèrent leurs regards respectifs. Commissariat de l exposition Guy Tosatto, conservateur en chef, directeur du musée de Grenoble Sophie Bernard, conservateur, chargée des collections modernes et contemporaines Catalogue A paraître, novembre

5 LE PARCOURS DE L EXPOSITION Le journal photographique. O Keeffe photographiée par Stieglitz Alfred Stieglitz commence à photographier Georgia O Keeffe en juin 1917 dans sa galerie 291, réalisant un des plus beaux portraits photographiques du XX e siècle. Par sa maîtrise de la lumière, Stieglitz révèle le visage comme le corps d O Keeffe, leur texture et leur sensualité, dans un ensemble photographique inédit. Cet ensemble de portraits et de nus plus de 350 en totalité - apparaissent d une grande radicalité pour la photographie américaine de l époque. Le photographe vient scruter les parties du corps de l artiste dans des compositions saturées d érotisme - Le photographe, promoteur de la Straight Photography [Photographie directe] utilise de façon systématique le gros plan associé à l idée de série. Cette esthétique nouvelle marquera définitivement O Keeffe. «Je réussis à m y voir...et cela m a aidée à dire ce que j ai à dire - en peinture». Le parcours de l exposition est un cheminement à travers la longue carrière de Georgia O Keeffe depuis ses abstractions des années jusqu aux dernières séries de peintures consacrées aux ciels dans les années Ce parcours se partage en sections thématiques qui font écho au vocabulaire formel qu adopte l artiste, profondément marquée par les lieux qu elle habite - New York, Lake George puis le Nouveau-Mexique. L exposition a également pour fin de montrer comment les rencontres successives de Georgia O Keeffe avec de grands noms de la photographie - Alfred Stieglitz en premier lieu dès 1917, mais également Paul Strand puis Ansel Adams, Eliot Porter et Todd Webb - ont forgé sa vision et son appréhension de la peinture. Abstraction, biomorphisme et art nouveau L imagerie abstraite de Georgia O Keeffe appartient aux travaux les plus remarquables que le début du XX e siècle ait produit. Dès 1912, l artiste se forme aux théories d Arthur Wesley Dow, professeur au Teachers College de l Université de Columbia, qui revendique une abstraction pure héritée des arts décoratifs mais aussi de l art oriental et précolombien. Les formes et arabesques développées dans les Specials, ses fusains remarqués par Alfred Stieglitz influencent son œuvre abstraite de la première moitié des années Lectrice de Bergson mais marquée par Du Spirituel dans l art de Kandinsky, O Keeffe élabore un langage abstrait fondé sur son observation des formes naturelles élémentaires. La photographie est d ores et déjà dans ces travaux une source d inspiration qui lui permet de développer une imagerie synthétique et unique. Lake George Georgia O Keeffe, Stries rouge, jaune et noir, 1924 Dès 1918, Georgia O Keeffe passe l été dans la propriété familiale de Stieglitz à Lake George, au sud-est des monts Adidonrack, à trois cents kilomètres de New York. Elle transforme pour ce faire l ancienne grange, «the shanty», en atelier ; Stieglitz se fabrique de son côté une chambre noire. Le couple d artistes trouve à Lake George des sources d inspiration communes dans l observation du ciel, de la végétation et des collines avoisinantes. Tous deux expriment leur union spirituelle avec la nature au moyen de fragments de nature photographiés ou peints. Depuis son enfance dans le Wisconsin, O Keeffe a toujours été saisie par la beauté des paysages. Les peintures synthétiques réalisées à Lake George 4

6 LE PARCOURS DE L EXPOSITION L influence de Paul Strand et de la Straight Photography «Et je voulais vous dire encore et encore combien j ai aimé votre travail je crois que je regarde les choses et les vois comme je pense que vous les photographieriez est-ce que ce n est pas drôle de faire des photographies de Strand pour moi-même dans ma tête». Georgia O Keeffe à Paul Strand, dans le train de New York au Texas, le 3 juin 1917 C est Stieglitz le premier qui sensibilise O Keeffe à la photographie moderne en photographiant ses fusains puis l artiste elle-même. Dans le cercle de la galerie 291, O Keeffe fait une autre rencontre déterminante, celle de Paul Strand. Bouleversée par le travail du photographe, O Keeffe entrevoit alors le potentiel de renouvellement des conventions picturales que lui offre la vision photographique moderne. Pionnier de la photographie moderniste, Paul Strand est l un des premiers à avoir abandonné l esthétique pictorialiste au profit d une pratique photographique directe et objective. Il prône une photographie caractérisée par des plans resserrés, la netteté de la prise de vue et la frontalité. O Keeffe s inspirera dès lors des conventions de cette photographie pure ou Straight Photography. «Je crois que vous autres, les photographes, vous m avez fait voir, ou plutôt fait sentir des couleurs nouvelles». représentent la maison, les arbres, les fruits ou les collines entrevues depuis la porte de la propriété. Attentive aux couleurs et à leurs tonalités changeantes au fil des saisons, l artiste cherche, comme son compagnon, à donner une âme à chaque parcelle de nature. Peintre de fleurs. The Lady of the Lily «Je sais que je ne peux pas peindre une fleur. Je ne peux pas peindre le soleil sur le désert, un clair matin d été mais je peux peut-être, grâce à la couleur, vous faire part de mon expérience de la fleur ou de ce que la fleur signifie pour moi à ce moment précis». Lettre de Georgia O Keeffe à William M. Milliken, 1 er novembre 1930 A partir de 1924, pour contrer les interprétations volontiers sexuelles de ses travaux, l artiste se tourne vers la figuration. Georgia O Keeffe vient alors révolutionner la peinture de fleurs avec des représentations dont le style a parfois été qualifié de précisionniste, se faisant l écho des mouvements contemporains de la Nouvelle Objectivité ou du Réalisme magique. Grâce à l artifice de l agrandissement, ces fleurs deviennent les emblèmes de son œuvre. L artiste mexicain Miguel Covarrubias réalise un dessin d humeur «O Keeffe, The Lady of the Lily» [«O Keeffe, la dame du lis»] publié en 1929 dans le New Yorker et révèle ainsi que, dans les années 1920, O Keeffe et ses fleurs ne font qu un. Entre 1918 et 1932, l artiste peint plus de deux cents tableaux de fleurs : arômes, amaryllis, lis, arisème-petit-prêcheur, pétunias, et des fleurs plus précieuses, iris noir, orchidée, calla d Afrique. Ses fleurs immenses sont à rapprocher des photographies de fleurs ou d objets naturels en plan resserré d Imogen Cunningham et d Edward Weston, photographes de la Côte Ouest, qui forment avec Adams et Strand en 1932 le groupe F/64. Avec ses fleurs, O Keeffe suspend le temps, capture le transitoire et crée des images au fort potentiel d abstraction. Vues urbaines et gratte-ciels : New-York vu par O Keeffe «Nous vivons haut au Shelton Hotel - depuis un moment - peut-être tout l hiver, le vent souffle [...]Nous nous sentons comme si nous étions au milieu de l océan, tout est si calme en dehors du vent qui fait trembler la tour de métal dans laquelle nous vivons. C est un endroit magnifique». Lettre de Stieglitz à Sherwood Anderson, 9 décembre

7 LE PARCOURS DE L EXPOSITION Georgia O Keeffe, Sans Titre (Falaises rouges et jaunes), 1940 Entre 1925 et 1930, Georgia O Keeffe peint plus d une vingtaine de vues urbaines. Comme les arbres, les buildings sont des équivalents des forces sublimes de la nature. Avec leurs formes simplifiées, leurs surfaces lisses et leurs perspectives inspirées de la technique photographique, ils incarnent un New York visionnaire. O Keeffe a pu observer The City of Ambition, le cycle de photographies de Stieglitz qui représentait, dans les années 1910, une ville en pleine expansion tout comme les vues plus tardives de l artiste figurant le Shelton dans les années Les vues énergiques d inspiration cubiste de la métropole par Sheeler, Strand et Marin sont aussi une source d inspiration pour l artiste. Peindre New York et ses gratte-ciels représentait un défi à plusieurs titres pour Georgia O Keeffe. Les membres du cercle de Stieglitz considéraient que ce sujet ne devait être abordé que par des hommes. Et compte tenu de l activité incessante de New York, la photographie pouvait plus facilement que la peinture rendre la vie de la métropole. Le Nouveau-Mexique. Visions du désert «Lorsque que le printemps est venu, je me dis que je dois y aller [dans le Sud-Ouest], je souhaiterais parfois ne l avoir jamais vu. L attirance est si forte». Lettre d O Keeffe à Russell Vernon Hunter du 21 octobre 1933 En 1929, Georgia O Keeffe se rend avec Rebecca Strand, l épouse du photographe Paul Strand, chez Mabel Dodge Luhan, la doyenne de la colonie artistique de Taos au Nouveau-Mexique. D emblée, l artiste ressent une profonde intimité pour cette région. Elle passera dès lors tous ses étés au Nouveau-Mexique, avant de s y installer définitivement en Après le Texas et Lake George, O Keeffe révèle à nouveau sa relation sensuelle au paysage. Elle développe dans le désert une peinture dont émane une liberté propre au Nouveau Monde. Les espaces immenses, les ciels changeants, les canyons, les rochers comme les os blanchis du désert constituent dès lors son répertoire formel, celui qui forge son œuvre si singulière. L artiste peint les lieux qu elle décrit dans ses lettres - Abiquiu, Chama River, Taos, Ghost Ranch, Pedernal - avec émerveillement dans une forme de communion spirituelle avec la nature. 6

8 LE PARCOURS DE L EXPOSITION Le Nouveau-Mexique vu par les photographes Dans un contexte marqué par la crise de 1929, nombre d artistes cherchent à cimenter l identité américaine. L intérêt des photographes américains pour le Nouveau-Mexique rejoint celui des artistes modernistes pour les cultures primitives et les arts extra-européens. Edward Weston, Paul Strand, Imogen Cunningham et Ansel Adams y séjournent dans les années Tous ces photographes sont profondément impressionnés par les paysages et la société du Nouveau-Mexique. Strand photographie l architecture hispanique et les nuages unissant la terre et le ciel. Weston, comme Strand et Stieglitz, se concentre sur des formes élémentaires et pures au rendu visuel précis. Adams photographie Ghost Ranch, la Chama Valley, le Canyon de Chelly ou Hernandez dans des vues désormais mythiques. L année 1932 marque un véritable tournant vers la photographie pure pour ces photographes. Avec Strand, Weston et Cunningham, Adams fonde le groupe f/64 du nom de la plus petite ouverture de diaphragme sur les appareils-photo : c est celle qui permet la plus grande netteté et la plus grande profondeur de champ. Dans un manifeste, le groupe défend une photographie sans manipulation aucune, utilisant des chambres de grand format et prônant des images à la qualité technique irréprochable. O Keeffe fera siennes les innovations techniques de ses amis photographes Canyons et désert «Une colline rouge est un fragment des Bad lands où l herbe n existe plus. Les Bad lands se déroulent par-delà ma porte - colline après colline - les collines rouges sont faites de la terre que tu mélanges à l huile pour obtenir de la peinture». O Keeffe, 1939 La région de Santa Fe sera baptisée, en hommage à l artiste, «O Keeffe Country». O Keeffe y réalise de longues marches dans le désert. Depuis les larges fenêtres de ses maisons de Ghost Ranch et d Abiquiu, l artiste entrevoit également ce paysage singulier. Georgia O Keeffe peint inlassablement les mêmes motifs : les montagnes et colline de sable rose et rouge du désert. Cette application fait écho aux liens étroits qu elle entretenait avec l art oriental. Mais surtout ces paysages du Nouveau Mexique avec leurs collines rouges, leurs reliefs et leurs anfractuosités ont la sensualité du corps féminin. Les arbres «Je m allonge souvent sur ce banc et je regarde cet arbre je passe le tronc et je regarde les branches. C était particulièrement beau la nuit avec les étoiles au-dessus de l arbre». O Keeffe citée par Richard D. Marshall, Achille Bonito Oliva et Yvonne Scott, Georgia O Keeffe: Nature and Abstraction, éd. Skira, 2007 La relation fusionnelle de Georgia O Keeffe avec la nature remonte à son enfance dans les plaines du Texas. La jeune femme est depuis son adolescence profondément reliée au paysage. Dans ses lettres, elle s attarde volontiers sur le vent violent qui souffle, la beauté des ciels, les bruits d animaux et le murmure des arbres. De Lake George au Nouveau- Mexique, O Keeffe peint des arbres. Elle réalise même des portraits d amis proches incarnés dans des arbres. Elle entretient avec l arbre tout comme avec la fleur une relation très particulière. 7

9 LE PARCOURS DE L EXPOSITION Affinités électives : le photographe Ansel Adams ( ) et Georgia O Keeffe ( ) Adams et O Keeffe se rencontrent en 1929 au sein de la colonie artistique de Mabel Dodge Luhan à Taos. Tous deux partagent la même passion pour le Sud- Ouest, passion qui scellera leur amitié des années 1920 aux années O Keeffe reçoit Adams dans sa propriété de Ghost Ranch en 1937 alors qu il est accompagné de David Hutter McAlpin, collectionneur et futur fondateur du Département de la photographie du Museum of Modern Art de New York. L artiste fera plusieurs voyages avec Adams dans le Sud-Ouest. Parcourant les grands espaces avec sa cadillac, Adams photographie la Sierra Nevada, le Parc du Yosemite et au Nouveau-Mexique les collines de Ghost Ranch, l Eglise de Saint Francis à Ranchos de Taos, la Chama Valley et le canyon de Chelly. Il immortalise O Keeffe dans sa voiture transformée en atelier de fortune dans un cliché désormais mythique. Si le photographe a pu observer les peintures d O Keeffe, réciproquement, les peintures d O Keeffe présentent des compositions formellement très proches de celles d Adams. Les os du désert «Il n y avait rien à voir dans le désert en termes de fleurs. Il y avait juste des os blanchis par le soleil. Alors je me mis à les ramasser». Georgia O Keeffe citée dans le catalogue Charles C. Eldredge, Georgia O Keeffe. American and modern, 1993 Lors de longues promenades dans le désert aux alentours de Ghost Ranch et après 1945 près d Abiquiu, Georgia O Keeffe ramasse des os, des crânes et du bois flotté. Ce sont ses «trophées du désert». Elle les rapporte à Lake George dans les années 1930 et en entoure la maison. Puis, l artiste constitue une véritable collection dans sa maison d Abiquiu. Les os et les crânes sont en quelque sorte la sculpture de Georgia O Keeffe ; elle en fait également le centre de ses compositions dans les années 1940 et 1950, privilégiant les os pelviens aux formes rondes et épurées à partir de Les ciels Dans la peinture américaine, le ciel est l emblème du pays des grands espaces. Pour O Keeffe, il est depuis toujours un objet de fascination. Pendant son adolescence à Amarillo au Texas, elle est impressionnée par les vents qui poussent les nuages dans les plaines poussiéreuses. Puis ses peintures abstraites et vibrantes inspireront la célèbre série de Stieglitz, les Equivalents, portraits de nuages en mouvement dont les tonalités de gris viennent mimer la gamme musicale. Dans les années 1950 et 1960, les ciels d O Keeffe sont redevables aux nouveaux développements de la peinture américaine, celle des peintres du Color-field : Rothko, Still et Newman. Avec ses couleurs éclatantes, ses formes découpées et son absence de profondeur, From the plains fait volontiers penser aux compositions hard edge d Ellsworth Kelly. 8

10 GEORGIA O KEEFFE La forme inévitable par Julia Kristeva, écrivain Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes D après Georgia O Keeffe (sous la direction de Jack Cowart et Juan Hamilton), cat. exp. [Washington, National Gallery of art, Art Institute de Chicago, Dallas Museum of Art, Metropolitan Museum of Art, New-York, 1 er novembre février 1989] éd. Adam Biro, Paris, Georgia O Keeffe, Gris, Bleu & Noir Cercle Rose, 1929 «De toutes les images que Stieglitz et d autres photographes nous ont laissées de cette étrange femme qui mena sa vie comme une œuvre et son œuvre comme une vie, je préfère celle de 1929 par Alfred Stieglitz lui-même, Georgia O Keeffe - après son retour du Nouveau Mexique. Adossée à une grosse voiture, une sorte de camionnette - on voit la vitre arrière et la roue de secours collée en dessous - Georgia se tient droite, fière, détachée et quelque peu provocante. Le visage est d une austère tendresse qui semble contempler à l extérieur un monde intérieur imprenable et inévitable. Les cheveux tirés, le long cou dégagé lui donnent l air d une danseuse. L érotisme vient des mains car elles introduisent la grâce nerveuse d un mouvement suspendu. Femme, amante, modèle, artiste Georgia O Keeffe condense tous les rôles que les femmes ont tenus dans l histoire de l art et dans l art moderne, et qui les ont souvent rejetées dans des marginalités douloureuses. Or, si elle est excellente dans chacun de ses emplois pris séparément, elle les combine surtout avec une intensité élégante, peut-être sans précédent et sans suite. Unique, sa complexité vitale et esthétique dégage cependant une simplicité qui défie les interprétations et ne reste pas moins mystérieuse. Peut-être cet alliage quasi mystique d expérience vécue et de forme parfaite dans la réalisation d une femme explique-t-il pourquoi elle est si peu connue par le public français. Comme si le génie très analytique de l Hexagone et sa méfiance restaient interdits devant une si énergique exigence de «sensations», de «respirations», de «solitude» et d «inconnu» innommable. Son dédain des mots, ses déclarations d être impénétrable au langage et rétif aux spéculations critiques suscitées par son œuvre ont sans doute contribué à l éloigner des courants plus raisonnés, plus philosophique de l art moderne. Telle une force sauvage surgie de la nature puissante du nouveau continent, en communion intime avec ses couleurs, vents, sons, fleurs, chairs, os, montagnes, canyons, plaines, Georgia O Keeffe semble effleurer l aventure de l art moderne et atteindre, immédiatement, sans intermédiaire, une sorte de sainteté sublimée de perfection limpide et incontournable. Comme pour Emily Dickinson - mais de manière moins sombre, plus colorée précisément et infiniment plus heureuse dans sa face sociale -, c est le mot d «expérience» qui conviendrait mieux à son exigence, tant le terme d «art» paraît partiel par rapport à la polyvalence de son aventure. A rebours, le mot «expérience» rattaché à ces visions que 9

11 GEORGIA O KEEFFE La forme inévitable par Julia Kristeva, écrivain Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes sont ses tableaux d une nudité désarmante et cependant onirique, irrationnelle, bouleversante permet de traverser l impression légère qu on est tenté d avoir de Georgia O Keeffe comme si elle était une artiste «naïve», pour découvrir la dynamique d un sens inépuisable par-delà la parcimonie apparente de ses représentations. En somme, la question que Georgia O Keeffe pose, sans doute le plus violemment, est la suivante : est-ce que tout l artiste, et plus encore toute l artiste, est dans le tableau dans ses couleurs, ses contours, sa composition? Ou bien est-ce que pour «le voir» ou «la voir» en effet tout ou toute, ou au moins pour le voir ou la voir «au maximum», «au mieux», il est essentiel de lire aussi sa vie, ses «sensations», ses «respirations», ses combats avec les mots, ses lettres, son histoire? Avec l insolence des grands artistes qui feignent à peine d être modestes, Georgia O Keeffe semblait considérer que la peinture était la face visible, à la limite indifférente, d une expérience complexe d organisation globale des formes dont elle était sûre, la plupart du temps, d avoir la maîtrise. «J ai le sentiment qu une forme réellement vivante est le résultat naturel des efforts d un individu pour créer cette chose vivante à partir de ce que son esprit, s aventurant dans l inconnu, a expérimenté, ressenti sans le comprendre et de cette expérience naît le désir de révéler cet inconnu. Par inconnu, j entends ce que cet individu ressent sans pouvoir clairement le comprendre parfois il sait pourquoi parfois il ne le sait pas parfois cela se passe dans le noir absolu mais c est un travail qui doit être fait Révéler l inconnu selon le mode d expression propre à chacun, vous absorbe tout entier si l on cesse de penser à la forme en tant que forme, on est perdu les formes de l artiste doivent être inévitables On ne doit pas penser un seul instant que l on ne réussira pas -» (lettre 29, 1923)». [ ] «Cette création de formes à partir d une expérience aux limites de soi est sans doute commune à toute aventure esthétique. Loin de l effacer, l art moderne l a portée aux frontières de l identité mentale et à une incandescence jamais atteinte dans la violence du plaisir ou de la douleur (Picasso, Matisse et, d une autre manière Pollock, De Kooning, ou Artaud en témoignent). Cependant, en voulant ausculter la technique qui témoigna de ces dépenses insensées, la critique moderne a fini par les oublier le formalisme s épuise à scruter 10

12 GEORGIA O KEEFFE La forme inévitable par Julia Kristeva, écrivain Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes l apparence de l iceberg. Plus encore, l œuvre lance un défi plus intolérable encore à la raison formaliste et même psychologique, lorsque l apparence oppose à l observateur une sérénité quasi orientale, impénétrable, non interprétable. Même pas de malaise?? Pas de sexualité exhibée, revendiquée? Serait-elle puritaine, trop dissimulée? Une «radinerie inconsciente» (Unconscious stinginess), lance quelqu un à propos d O Keeffe : Par trop grande richesse intérieure, ou par «égoïsme défensif»? Elle a connu les grands artistes européens. En 1908 elle visite les expositions de Rodin et de Matisse. Elle expose avec Picasso en 1941 à la galerie de Stieglitz, An American Place - Picasso est pour elle, une sonorité, une musique : «Ce dessin de Picasso est une merveilleuse musique n est-ce pas - Anita -, écrit-elle dès 1915, je l aime tellement que je suis jalouse des autres gens qui simplement le regardent - et j aime le portrait de Gertrude Stein la chose me fascine simplement - j aime tout» (lettre à Anita Pollitzer, 1915). Marcel Duchamp est un ami intime de Stieglitz et O Keeffe, et ils l admirent profondément. Si l on se demande quel peut bien être le commun dénominateur de ces différents artistes dominant notre siècle, on découvre en réalité le défi aux conventions sexuelles et morales, et cette intransigeante exigence de soi qui modèle à chaque nouvelle œuvre la personne elle-même en une nouvelle forme, en un nouveau bonheur plastique». [ ] «Non seulement O Keeffe a raison, mais une lecture plurielle de ses visions s impose : fantasmes, rêves abstraits, paysages lunaires, lacs, montagnes : ils sont tous là, vus de loin ou sous verre agrandissant. Avec une seule permanence : l assurance inébranlable et fière de la ligne courbe, vague, serpentine. Et la franchise de la couleur qui, nette ou demi-teinte pastel, se déploie en elle-même, parcourt une gamme dans l espace qui lui est imparti, et s harmonise étrangement avec la couche de couleur apposée qui la côtoie. Le maximum de brutalité chromatique s achève ainsi en un maximum d harmonie. Et pourtant, je reviens à ma vision préférée qui ne me semble pas trahir l insistance que Georgia O Keeffe met par ailleurs sur la force de ses sensations ou sur le «steak cru» de son appétit vital. Avec le temps, 11

13 GEORGIA O KEEFFE La forme inévitable par Julia Kristeva, écrivain Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes les Spéciales et les Séries fleurissent : les muqueuses et les membranes s étoffent en somptueuses fleurs qui cachent à peine ou, si vous voulez, au contraire, invitent à scruter avec provocation les fentes et les lèvres. Faites un retour sur Abstraction de fleur, Pois de senteur blancs ou Pois de senteur roses. Non? Vous ne discernez rien de «spécial» précisément? Cela vous paraît très naturel, très pur, très floral? Certes. Voyons alors Iris noir III : vous me suivez davantage? Vous décelez «l entrée humide de la vallée obscure», pour dire les choses comme le penseur chinois? Georgia O Keeffe est le peintre de l érotisme au féminin : présent, aveuglant, mais invisible sous son apparence naturelle et offerte ; aucune transgression, aucune perversion la jouissance est permanente, une floraison continue qui se dilue en apaisement, en neutralité, en quiétisme. Rien à voir avec la froideur, mais simplement une distance neutre et intériorisée qui sait attendre son instant de floraison. La passion filtrée par le refoulement». 12

14 GEORGIA O KEEFFE Une vision photographique Le rôle de la Straight Photography dans l élaboration d une «Nouvelle Vision» picturale par Sophie Bernard, conservateur au musée de Grenoble Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes Alfred Stieglitz, Georgia O Keeffe, 1922 «Enfin une femme qui dessine, une femme qui se donne» s enthousiasme Alfred Stieglitz en janvier 1916, saisi par la force et l étrange singularité des dessins que lui apporte la jeune Anita Pollitzer, amie de Georgia O Keeffe. Alors qu elle est une artiste encore inconnue enseignant au Texas, l éminent photographe et directeur de la galerie «291» se met à photographier ses fusains. Bouleversé, il les appellera élogieusement «Songs of consciousnous». En retour, dans une lettre qu elle lui adresse la même année, la jeune femme écrit : «Vous allez probablement rire si je vous dis que j aime vos photographies de mes dessins bien plus que je n aime les dessins j ai été très amusée de la manière dont j ai plaisir à les regarder vraiment j ai pris du plaisir.» Les photographies de ses propres œuvres séduisent immédiatement O Keeffe : elles en accentuent le synthétisme et la brillance. La photographie souligne les composantes spatiales, les jeux de tonalités ainsi que les rythmes formels des compositions au fusain. Dès 1917, l artiste se montre particulièrement sensible à ce medium. Installée à New York en 1918 à l invitation de Stieglitz, la jeune femme suivra avec ce dernier l aventure de ses galeries, The Anderson Galleries ( ), The Intimate Gallery ( ) et An American Place ( ), qui non seulement offrent une tribune aux grandes figures de l art moderne, aux représentants de la peinture américaine mais promeuvent aussi avant tout d éminents photographes. Dans ses galeries qu il aime à nommer ses «laboratoires», O Keeffe assiste à de nombreux débats passionnés sur la photographie opposant alors les tenants de la photographie pictorialiste à ceux de la Straight Photography. Elle épouse les idées de Camera Work, revue qui s attèle à ériger la photographie au rang des beaux-arts. Tout en étant directement exposée aux problématiques techniques de la photographie, la jeune femme pose régulièrement pour Stieglitz de 1916, date de leur rencontre, jusqu en Plus de 350 photographies attestent de la relation étroite qui les lie en tant qu amants et artistes. Avec Georgia O Keeffe at 291, 1917, (Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe), Stieglitz photographie pour la première fois l artiste qui est venue spécifiquement du Texas pour voir sa propre exposition à la galerie «291» de New York. 13

15 GEORGIA O KEEFFE Une vision photographique Le rôle de la Straight Photography dans l élaboration d une «Nouvelle Vision» picturale par Sophie Bernard, conservateur au musée de Grenoble Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes Le photographe inaugure là un genre, celui du journal photographique, pratique qu il avait initiée puis abandonnée avec sa fille Katherine devant les réticences de sa propre femme Emmeline Obermeyer. A partir de juin 1918, il la concrétise sous les auspices de la passion amoureuse, lui donnant une forme approfondie et obsessionnelle dans les portraits de Georgia... A sa mort, O Keeffe est l artiste la plus photographiée des Etats-Unis. Le portrait que lui consacre Stieglitz forge la première image publique d une artiste au physique impressionnant, au visage sculptural et à la présence inédite que bien des photographes sauront exploiter tout au long de sa vie lui conférant l envergure et l aura du mythe. O Keeffe saura à son tour instrumentaliser la photographie en vue d élaborer sa propre histoire et sa propre mythologie. Un article de Life de 1938 «Georgia O Keeffe transforme les os morts en art vivant» est accompagné d une photographie d Ansel Adams qui la montre souriante coiffée d un chapeau et vêtue d un jean telle une légende vivante, une femme libre incarnant à elle-seule la self-made-woman américaine. La jeune peintre dont le succès avait été subordonné à celui de Stieglitz, prend en un certain sens avec ce genre de clichés sa revanche photographique. Cela étant, le rôle de la photographie dans la carrière d O Keeffe ne se résume pas à l élaboration du mythe en images d une grande artiste moderne ayant traversé le XX e siècle, quand bien même son statut d icône de l art américain n échappera pas au regard de Warhol et au prisme de ses célèbres sérigraphies de stars. La photographie imprègne autrement et profondément sa création. La photographie moderne a accompagné l œuvre peint d O Keeffe tout au long de sa vie. La force de Georgia O Keeffe est d avoir su créer des peintures qui sont des images en soi. Ses motifs s imposent à la mémoire. Pour donner corps à ce bréviaire de symboles, à ce répertoire imagé, à ces couleurs sans comparaison dans l art moderne américain, O Keeffe s est attachée au pouvoir de synthèse de la photographie. 14

16 GEORGIA O KEEFFE Une vision photographique Le rôle de la Straight Photography dans l élaboration d une «Nouvelle Vision» picturale par Sophie Bernard, conservateur au musée de Grenoble Extrait du catalogue Georgia O Keeffe et ses amis photographes La transparence, la finesse de la couche picturale et la platitude si caractéristique de ses peintures concourent à les rapprocher de la photographie. L immédiate simplicité de ses œuvres donne l impression d un art décoratif dont le synthétisme se fait l écho d estampes japonaises. Ces motifs semblent échapper aux contingences temporelles et aux lois terrestres ; elles constituent un monde en soi. A ses dépens d ailleurs, puisqu en 1946, Clement Greenberg commente, en des termes quelque peu ironiques, son œuvre : «La plus grande partie de son œuvre n est guère que de la photographie colorée. La patience minérale qu elle a déployée à tailler, à animer, polir ces morceaux de cellophane trahit son intérêt non point tant pour l art que pour un culte personnel, l adoration des fétiches qu elle magnifie en leur attribuant des significations secrètes et arbitraires». L artiste a su exploiter la vision nouvelle qu offraient les tenants de la Straight Photography - pureté, simplicité de la vision et clarté proprement moderniste - et plus largement su établir un dialogue étroit avec de grands paysagistes américains. Sans la photographie, l essence de la peinture d O Keeffe, ce qui fait son unicité et la rend si singulière dans l art du XX ème siècle, ne serait tout simplement pas. Transposant en peinture les acquis de la technique photographique - ses cadrages et sa palette de gris, O Keeffe elle-même se met aussi derrière l objectif alimentant sa peinture et son vocabulaire formel si particulier des nombreux clichés qu elle réalise. Plus largement, les lieux - New York, Lake George et le Nouveau-Mexique - comme la rencontre d éminents photographes - Stieglitz, Paul Strand, Ansel Adams - contribuent respectivement à forger sa vision photographique. 15

17 REPÈRES BIOGRAPHIQUES 1887 Georgia O Keeffe naît à Sun Prairie dans le Wisconsin de Francis Callixtus et Ida O Keeffe La famille O Keeffe s installe en Virginie. Encouragée par sa professeur d arts plastiques, la jeune Georgia O Keeffe étudie à l école de l Art Institute de Chicago, où elle apprécie tout particulièrement le cours de dessin de John Vanderpoel O Keeffe étudie à l Art Students League de New York. William Merritt Chase lui enseigne l art de la nature morte O Keeffe devient professeur d arts plastiques dans les écoles publiques d Amarillo au Texas. Elle intègre la classe d été d Alon Bement à l Université de Virginie. Ce dernier la sensibilise aux théories du peintre et historien d art Arthur Wesley Dow. «Le sujet est en toi, la nature ne donne que des suggestions» O Keeffe enseigne en Virginie aux côtés de Bement. Avec son amie Anita Pollitzer, O Keeffe joint le National Woman s Party qui milite alors pour le droit des femmes. Inspirée par les principes de Dow, O Keeffe crée une série de dessins au fusain qu elle partage exclusivement avec sa confidente Anita Pollitzer. Visite les expositions consacrées à Picasso et Braque à la galerie «291» d Alfred Stieglitz Anita Pollitzer présente les fusains, les célèbres Specials d O Keeffe au directeur de la galerie 291, Alfred Stieglitz, qui s enthousiasme : «Je dois avouer qu ils m ont donné de la joie». A partir de juin 1916, leur correspondance s intensifie. Stieglitz lui envoie des numéros de Camera Work, des ouvrages sur l art moderne et du matériel pour peindre. Stieglitz montre le travail d O Keeffe dans une exposition de groupe à la galerie 291 qui inclut des pièces de Marsden Hartley, John Marin, Abraham Walkowitz et Stanton Mcdonald Wright O Keeffe bénéficie d une exposition monographique à la galerie 291 de Stieglitz. Il s agit de la dernière exposition de la galerie avant que Stieglitz n en ouvre d autres. L exposition s achève par la vente d un fusain Train at night in the desert (1916, collection privée). O Keeffe découvre le travail du photographe Paul Strand. Passe ses vacances dans le Colorado avec sa sœur Claudia. Leur train est détourné et lui donne l occasion de découvrir le Nouveau Mexique dont les paysages la fascinent d emblée En juin, O Keeffe rejoint Stieglitz à New York, lequel a quitté sa femme Emmeline Obermeyer avec laquelle il était marié depuis Stieglitz et O Keeffe passent tous leurs étés au bord du Lake George dans les Adidonrack Mountains où la famille de Stieglitz possède une grande maison. Georgia transforme la grange en atelier qu elle surnomme affectueusement «the shanty». En communion avec la nature, Stieglitz et O Keeffe trouvent là des thèmes, et des sources d inspiration communes Période rigoureuse de travail au fusain. Abstractions colorées inspirées de la musique O Keeffe gagne en notoriété grâce à l exposition que Stieglitz lui organise aux Anderson Galleries Stieglitz ouvre l exposition One hundred pictures : oils, watercolors, pastels, drawings by Georgia O Keeffe, American qui accueille plus de 500 visiteurs par jour. O Keeffe commence à peindre ses célèbres fleurs. O Keeffe et Stieglitz se marient dans le New Jersey avec le peintre John Marin comme témoin O Keeffe et Stieglitz déménagent au Shelton, grand building dont ils occupent successivement le 28e puis le 30e étage. De leur fenêtre, ils jouissent d une vue grandiose. O Keeffe commence sa série de gratte-ciels au style photographique. Aux Anderson Galleries, Stieglitz ouvre son exposition Seven Americans qui inclut 31 œuvres d O Keeffe Pendant l été, O Keeffe quitte le cercle de Manhattan et de Lake George pour le Nouveau-Mexique avec Rebecca Strand, l épouse du photographe Paul Strand. Elles sont toutes les deux invitées par Mabel Dodge Luhan, écrivain et mécène fortunée, doyenne de la colonie artistique de Taos O Keeffe part à Alcade dans la vallée du Rio Grande où elle ramasse un ensemble d os, de crânes dans le désert qu elle rapporte dans la propriété de Lake George et qui deviendront la source de son travail pour les années venir Les photographes Ansel Adams, Edward et Brett Weston ainsi qu Imogen Cunningham et Willard van Dyke forment le groupe f/ 64 une réponse de la côte Ouest aux photographies de la côte Est. Weston exprime ainsi leurs objectifs : «L appareil devait être utilisé pour enregistrer la vie, pour rendre la substance et la quintessence de la chose elle-même qu il s agisse de métal poli ou de viande palpitante» Georgia O Keeffe après trois ans d absence au Nouveau-Mexique, découvre Ghost Ranch, à 70 miles au sud de Taos, au milieu des falaises rouges et des collines érodées de la Chama River Valley. 16

18 REPÈRES BIOGRAPHIQUES 1937 Le photographe californien Ansel Adams rend visite à Georgia O Keeffe à Ghost Ranch, New Mexico dans sa maison d été. Il réalise alors une série de photographies du paysage austère. O Keeffe part avec Adams et quelques amis explorer les sites du Sud-Ouest O Keeffe finit par acheter sa propriété de Ranchos de Los Burros qu elle avait louée jusqu alors. Elle peint des vues de paysages désertiques autour de Ghost Ranch Rétrospective à l Art Institute de Chicago. Commence sa série de peintures sur les os pelviens O Keeffe acquiert un espace abandonné à Abiquiu (Nouveau Mexique), un village historique dans la Chama River Valley Rétrospective au Museum of Modern Art. Commence sa série des patios. Mort de Stieglitz dont elle se charge de gérer l héritage Grande exposition au Whitney Museum de New York, suivie d une itinérance à l Art Institute de Chicago et à San Francisco L artiste perd la vision centrale. Fait la rencontre d un jeune artiste Juan Hamilton. Réalise alors des peintures à l huile et des sculptures Film de Perry Miller Adato diffusé sur les télévisions 1978 Georgia O Keeffe : A Portrait by Alfred Stieglitz est présenté au Metropolitan Museum de New York Georgia meurt à Santa Fe Le centenaire de l artiste est célébré par la National Gallery de Washington O Keeffe fait un tour en Arizona, visitant l ouest de Taliesin (et notamment la villa de Frank Llord Wright, Desert Studio Home) à Scottsdale et Tucson Georgia O Keeffe s installe définitivement au Nouveau Mexique. Elle passe l été à Ghost Ranch et l hiver à Abiquiu, un village au sud de Taos. Elle commence à recevoir des journalistes et des photographes alimentant son mythe en action. Un article publié dans Newsweek titré «My World is different» met au jour le style de vie non conformiste adopté par l artiste américaine années 1960 Georgia O Keeffe qui pour l heure n avait jamais quitté les Etats-Unis entame une série de voyages, un tour du monde à l âge de 66 ans. De longues heures passées en avion inspirent de nouveaux travaux : les vues du ciel, les cours d eau serpentant dans des paysages désertiques L artiste visite l Europe (France et Espagne) pour la première fois. Elle est enthousiasmée par les œuvres de Goya au Prado Au printemps 1959, O Keeffe fait un tour du monde de trois mois et demi (Asie du Sud-Est, Inde). L expérience du vol lui inspire une nouvelle série de peintures fondée sur ces vues aériennes de motifs de rivière. En 1960, l artiste part pour un voyage de 6 semaines visitant le Japon, Formose, les Philippines, Hong Kong, le Cambodge et les îles pacifiques Utilisant le garage de sa maison de Ghost Ranch, O Keeffe commence sa plus grande peinture, Sky Above Clouds IV (The Art Institute of Chicago), la dernière d une série de vues de nuages vues d en haut. 17

19 Exposition Georgia O keeffe 7 novembre février 2016 EXPOSITIONS PERSONNELLES 1943 Georgia O Keeffe, The Art Institute of Chicago, Chicago 1946 Georgia O Keeffe, The Museum of Modern Art, New York 1953 Rétrospective O Keeffe, The Dallas Museum of Art, Dallas (organisée par la Downtown Gallery) 1960 Georgia O Keeffe, Forty years of her Art, Worcester Art Museum, Worcester, Massachusetts 1966 Georgia O Keeffe: An Exhibition of the Work of the artist from 1915 to 1966 Amon Carter Museum of Western Art, Fort Worth, Texas Museum of Fine Arts, Houston, Texas 1970 Georgia O Keeffe Whitney Museum of American Art, New York (8 octobre 29 novembre 1970) The Art Institute of Chicago, Chicago (6 janvier 7 février 1971) San Francisco Museum of Art, San Francisco (15 mars 30 avril 1971) 1987 Georgia O Keeffe National Gallery of Art, Washington The Art Institute of Chicago, Chicago The Dallas Museum of Art, Dallas The Metropolitan Museum of Art, New-York The Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles 1989 Georgia O Keeffe The National Gallery of Art, Washington D.C The Art Institute of Chicago, Chicago The Dallas Museum of Art, Dallas The Metropolitan Museum of Art, New York (1er novembre février 1989) Georgia O Keeffe : The Poetry of Things The Phillips Collection, Washington (17 avril 18 juillet 1999) Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe (7 août 17 octobre 1999) The Dallas Museum of Art, Dallas (7 novembre janvier 2000) Fine Arts Museums of San Francisco at the California, San Francisco (19 février 14 mai 2000) 2001 O Keeffe s O Keeffes: The artist s collection, Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe, Nouveau-Mexique 2003 Georgia O Keeffe, Ostfildern-Ruit, Allemagne 2004 Exposition itinérante: Georgia O Keeffe and New Mexico: A Sense of Place Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe, Nouveau-Mexique (11 juin 12 septembre 2004) Columbus Museum of Art, Ohio (1 er octobre janvier 2005) Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, New York (28 janvier 8 mai 2005) 2007 Georgia O Keeffe: Nature and Abstraction Irish Museum of Modern Art, Dublin 2008 Georgia O Keeffe and the Camera: The Art of Identity Museum of Art, Portland, Maine (12 juin 7 September 2008) Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe, Nouveau-Mexique (septembre février 2009) 2009 Georgia O Keeffe: Abstraction Whitney Museum of American Art, New York (17 septembre janvier 2010) The Phillips Collection, Washington (6 février 9 mai 2010) Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe, Nouveau-Mexique (28 mai 12 septembre 2010) 1993 Georgia O Keeffe: American and Modern Hayward Gallery, Londres (8 avril 27 juin 1993) El Museo del Palacio de Bellas Artes, Mexico (15 juillet 1er octobre 1993) Yokohama Museum of Art, Yokohama (30 octobre janvier 1994) 2011 Georgia O Keeffe Fondazione Roma Museo Palazzo Cipolla, Rome (4 octobre janvier 2012) Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Munich (3 février 13mars 2012) Helsinki Art Museum, Helsinki (1 er juin 9 septembre 2012) 18

20 LISTE DES ŒUVRES PEINTURES GEORGIA O KEEFFE Série I, n 8, Ligne rose [Series I, n 8, Pink Line], 1919 Huile sur toile, 50,8 x 40,6 cm Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich Avocat dans une coupe blanche, 1921 [Alligator Pear in White Dish] Huile sur toile, 44 x 36 cm Collection de Peter and K. Nahum The Leicester Galleries, Londres Ma cabane, Lake George [My Shanty, Lake George], 1922 Huile sur toile, 52,1 x 68,9 cm The Phillips Collection, Washington D.C Calla d Afrique dans un grand verre n 2, 1923 [Calla Lily in Tall glass n 2] Huile sur panneau, 81,6 x 30,5 cm Georgia O Keeffe Museum, Santa Fe Stries rouge, jaune et noire[red, Yellow and Black streak], 1924 Huile sur toile, 100 x 80,6 cm Musée national d art moderne / CCI Centre Georges Pompidou, Paris Pétunias [Petunias], 1925 Huile sur panneau, 45,7 x 76,2 cm Fine Arts Museums of San Francisco, San Francisco Ville de New-York sous la lune [New-York City with moon], 1925 Huile sur toile montée sur aggloméré, 121,9 x 76,2 cm Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid Coquillage et galet érodé VI [Shell and Old Shingle VI], 1926 Huile sur toile, 76,8 x 46,4 cm The Saint Louis Art Museum, Saint Louis Nuit sur la ville [City Night], 1926 Huile sur toile, 121,9 x 76,2 cm The Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis Cannas Rouge [Red Cannas], 1927 Huile sur toile, 91,7 x 76,5 cm Amon Carter Museum of American Art, Fort Worth, Texas Georgia O Keeffe, C était jaune et rose, II, 1959 Abstraction Bleue [Abstraction Blue], 1927 Huile sur toile, 101,6 x 76 cm The Museum of Modern Art, New-York Abstraction noire [Black Abstraction], 1927 Huile sur toile, 76,2 x 102,2 cm The Metropolitan Museum of Art, New York Fenêtre et porte de ferme, 1929 [Farmhouse Window and Door] Huile sur toile, 101,6 x 76,2 cm The Museum of Modern Art, New-York Gris, Bleu & Noir Cercle Rose, 1929 [Grey Blue & Black Pink Circle] Huile sur toile, 91,4 x 121,9 cm Dallas Museum of Art, Dallas Iris Blanc [White Iris], 1930 Huile sur toile, 101,6 x 76,2 cm Virginia Museum of Fine Arts, Richmond 19