LES DECHETS BRUYLANT BRUXELLES Droits de propriété, économie et environnement. V e Conférence internationale
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1 INTERNATIONAL CENTER FOR RESEARCH ON ENVIRONMENTAL ISSUES (ICREI) CENTRE D'ANALYSE ÉCONOMIQUE ENVIRONNEMENT (CA2E) LES DECHETS Droits de propriété, économie et environnement V e Conférence internationale Aix-en-Provence Université Paul Cézanne 23,24, 25 juin 2004 sous la direction de Max FALQUE Henri LAMOTTE Jean-François SAGLIO EXTRAIT BRUYLANT BRUXELLES
2 GESTION DES DECHETS RADIOACTIFS EN FRANCE : PROPRIÉTÉ ET RESPONSABILITÉ PAR MARC LÉGER ET DIDIER PEZENNEC DIRECTION JURIDIQUE ET DU CONTENTIEUX COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE (CEA) I. - INTRODUCTION Avant de présenter les questions de propriété et de responsabilité en matière de déchets radioactifs, il est tout d'abord nécessaire de rappeler les différentes catégories de déchets produits en France ainsi que l'autorité administrative et l'organisme charger de vérifier que les règles de sûreté sont bien respectées tout au long du cycle de vie du déchet. Les règles en matière de responsabilité des déchets radioactifs ne sont pas différentes des règles édictées pour les déchets classiques. Cependant, leur application pose des problèmes pour les producteurs de déchets radioactifs du fait notamment qu'ils en conservent la propriété et, par voie de conséquence, la responsabilité tout au long de leur processus d'élimination. Il peut donc s'avérer nécessaire de réfléchir à des solutions alternatives permettant également de garantir aux citoyens une gestion des déchets respectueuse de l'environnement et de la santé.
3 104 DIDIER PEZENNEC des ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la santé, elle est chargée du contrôle technique et réglementaire de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Elle élabore la réglementation relative à la gestion des déchets radioactifs, assure le contrôle de la sûreté des installations nucléaires de base à l'origine des déchets ou intervenant dans leur élimination, et réalise des inspections chez les différents producteurs de déchets (CEA, COGEMA, EDF, hôpitaux, centres de recherche...) et auprès de l'andra. Elle contrôle directement l'organisation générale mise en place par l'andra pour l'acceptation des déchets des producteurs. Elle apprécie enfin, directement, la politique et les pratiques de gestion des déchets des producteurs de déchets radioactifs. L'Autorité de sûreté nucléaire a trois principales préoccupations : - la sûreté de chacune de 4 s étapes de la gestion des déchets radioactifs (production, traitement, conditionnement, entreposage, transport et élimination des déchets), - la sûreté de la stratégie globale de gestion des déchets radioactifs, en veillant à la cohérence d'ensemble, - le développement de filières de gestion adaptées à chaque catégorie de déchets, tout retard dans la recherche de solutions d'élimination des déchets conduisant à multiplier le volume et la taille des entreposages sur site. B. - L'ANDRA Depuis 1991, l'andra est un établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle des ministres chargés de l'environnement, de l'industrie et de la recherche. Ses missions sont prévues par l'article L du Code de l'environnement. 1. Mission de recherche L'article 4 de la loi n du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs (article L du Code de l'environnement) définit trois voies de recherche complémentaires (axe 1 : étude de la séparation-transmutation, axe 2 : étude du stockage en couches géologiques profondes, axe 3 : étude du conditionnement et de l'entreposage de longue durée en surface) pour trouver une solution de gestion à très long terme aux déchets à haute activité et à vie longue. Elle en a confié l'axe 2 à l'andra et les axes 2 et 3 au CEA. GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE 105 L'ANDRA doit fournir tous les éléments permettant d'évaluer la faisabilité d'un stockage en formation géologique profonde. Elle s'est dotée d'un laboratoire de recherche souterrain. L'objectif est de déterminer si cette couche géologique est appropriée aux exigences d'un éventuel stockage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, dans une logique de réversibilité demandée par le gouvernement. Avant la fin de l'année 2005, l'agence devra rendre au gouvernement un dossier contenant les éléments scientifiques destinés à éclairer un débat parlementaire qui se déroulera en Mission industrielle L'ANDRA réalise et met en place les filières de stockage adaptées à chaque catégorie de déchets radioactifs. Cela se traduit par la collecte, le conditionnement, le stockage et la surveillance des déchets issus des centrales nucléaires, des hôpitaux, des usines, des laboratoires de recherche, etc. L'Agence assure la gestion, l'exploitation et la surveillance, des centres de stockage de déchets radioactifs. Elle conçoit et réalise de nouveaux centres pour des déchets non acceptables dans les installations existantes. Elle définit, en conformité avec les règles de sûreté, des spécifications de conditionnement, d'acceptabilité et de stockage, des déchets radioactifs. 3. Mission d'information L'ANDRA est chargée de réaliser un inventaire de référence des déchets radioactifs présents sur le territoire national. Cet inventaire est remis à jour périodiquement. 4. Financement Les projets de l'andra sont financés selon le principe dit du pollueur-payeur, au moyen de dispositifs contractuels avec les principaux producteurs de déchets radioactifs. Ce principe devrait d'ailleurs être requalifié de principe du «producteur-payeur». Les producteurs ne peuvent en effet être qualifiés de pollueur alors même qu'en confiant leurs déchets à l'andra, ils ont un comportement citoyen, soucieux de la protection de l'environnement.
4 106 DIDIER PEZENNEC Les producteurs de déchets financent également les travaux de recherches menés par l'andra sur les nouvelles voies d'exutoire, y compris les recherches menées dans le cadre de la loi précitée du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Ceci constitue une charge supplémentaire de dépenses dont la contrepartie est aléatoire et sujette à des discussions politiques et des autorisations administratives que les producteurs ne peuvent contrôler. Le principe du producteur-payeur va donc bien au-delà du principe pollueur-payeur. IV. - LE RÉGIME DE LA PROPRIÉTÉ DES DÉCHETS RADIOACTIFS A. - Principes Le droit français en matière de gestion des déchets radioactifs combine les dispositions du décret du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires et*celles du Code de l'environnement (articles L et suivants). Selon le décret du 11 décembre 1963, l'exploitant d'une installation nucléaire doit assurer la gestion de tous les déchets présents sur son installation. L'article L du Code de l'environnement pose le principe suivant : «Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination (...) dans des conditions propres à éviter lesdits effets». Les producteurs de déchets radioactifs sont assujettis aux obligations de droit commun énoncées à l'article L : c'est donc sur eux que pèse la responsabilité de l'élimination de leurs déchets, sans qu'y fasse obstacle le fait que la gestion en soit confiée à l'andra. Or, les dispositions précitées ne sont pas claires quant à la propriété proprement dite des déchets stockés à l'andra pour de très longues durées (2). La gestion des déchets incombe à titre principal (2) Un centre de stockage est exploité pendant quelques dizaines d'années puis fait l'objet d'une surveillance pendant plusieurs centaines d'années. GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE 107 au producteur de ceux-ci et à titre subsidiaire à leur détenteur, c'est-à-dire dans la majorité des cas à l'andra. Ce régime n'entraîne pas de transfert de propriété des déchets lors de leur prise en charge par l'andra à des fins de stockage. Indépendamment des modalités techniques de stockage, le producteur des déchets demeure donc propriétaire de ceux-ci, l'andra n'en étant que le gardien au sens du code civil. Cette situation mérite d'être débattue. En effet, les déchets qui sont stockés dans les centres de stockage de l'andra sous la forme de colis sont indéniablement des biens meubles au moment où ils sont livrés à l'andra. Mais on pourrait soutenir qu'une fois déposés dans les ouvrages de stockage spécialement aménagés pour les recevoir et d'où ils ne doivent pas en principe sortir (sauf nécessité de reconditionnement), ils se trouvent «incorporés» dans l'immeuble constitué par l'ouvrage, lequel a certainement le caractère d'ouvrage public. Cette «incorporation» dans le domaine public, qui paraîtrait assez évident en longue période est toutefois malaisée à concevoir avec un maintien du droit de propriété des producteurs. Par ailleurs, s'il y a entre le colis et l'ouvrage qui l'accueille un lien de «destination» évident qui implique incorporation dans le domaine public et transfert de propriété, il resterait à déterminer le moment précis de ce transfert. L'Etat devant garantir aux citoyens que les déchets radioactifs, et en particulier les déchets hautement radioactifs à vie longue, seront convenablement traités, il ne fait aucun doute que durant la période de stockage sur ses sites, l'andra et au-delà l'etat, demeurent responsables des conséquences dommageables que les déchets pourraient avoir sur l'environnement et les tiers, en qualité d'exploitant nucléaire pour l'andra et de garant de l'établissement public pour l'etat. B. - Enjeux pour les producteurs S'ils doivent, assurément, contribuer au financement de la gestion à long terme des déchets qu'ils produisent, l'échelle de temps sur laquelle leur responsabilité pourrait être recherchée, en ce qui concerne les déchets radioactifs à vie longue, n'est de toute évidence pas compatible avec leur statut d'entreprises industrielles évoluant dans un environnement économique incertain. Seule l'intervention
5 108 DIDIER PEZENNEC de l'etat est de nature à garantir la bonne fin du processus d'élimination de ces déchets. Au-delà de l'incertitude juridique quant au transfert total de responsabilité des déchets de leur producteur vers l'andra, l'évolution des coûts afférant à la gestion de ces déchets constitue un facteur d'incertitude, qui devra néanmoins être justifiée sur le plan technique par l'andra. S'agissant plus particulièrement d'un centre de stockage à long terme de déchets hautement radioactifs à vie longue, on peut raisonnablement supposer qu'il connaîtra une modification graduelle des dispositions législatives et réglementaires applicables à la gestion de ces déchets. Or, il pourrait résulter du renforcement de l'encadrement réglementaire de ces opérations une hausse des coûts correspondants, lesquels seraient refacturés par l'andra à ses clients, ce qui aggraverait l'incertitude quant au coût pour l'exploitant nucléaire du stockage de ce type de déchets. V. - EVOLUTIONS FUTURES A. - Transfert de propriété à l'andra Le transfert de propriété à l'andra serait conforme aux grands intérêts généraux en jeu. On ne comprendrait pas que les enjeux de sécurité publique en cause, qui ont justifié jusqu'ici l'intervention du législateur et qui sont de dimension nationale, n'aient aucune incidence sur la propriété des déchets qui resteraient au passif des entreprises qui les ont produits. Les durées en cause sont d'ailleurs tellement longues qu'il est fort probable que ces entreprises aient disparu au moment où un problème se poserait. B. - Création d'un fonds dédié La création d'un fonds dédié pour la prise en charge dans le long terme de la gestion des déchets ultimes viendrait remplacer le système actuel qui repose sur des contrats passés entre l'andra et les producteurs. La gestion de ce fonds pourrait être confiée soit à l'andra soit â un établissement financier indépendant sous le contrôle de l'etat (Caisse des dépôts?). L'important étant d'assurer la traçabilité et la GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE 109 transparence de la gestion des sommes versées par chaque producteur, dans des conditions de sécurité suffisantes, de manière à garantir la disponibilité des fonds placés au moment de leur utilisation, à travers un mécanisme lisible et contrôlable. Il serait naturellement abondé par les contributions des producteurs. La question d'un paiement libératoire reste ouverte, le problème étant de savoir s'il doit l'être en totalité et définitivement ou partiellement et hors les cas de force majeure à définir. C. Transfert à l'andra des choix de gestion des déchets En contrepartie, l'andra deviendrait seule responsable des choix techniques relatifs à la conception, la création et le fonctionnement des centres d'entreposage et de stockage, ce qui permettrait : - d'optimiser les temps respectifs d'entreposage et de stockage, en fonction de la baisse de la charge thermique des déchets, - de lier étroitement les besoins et la capacité de financement à un projet de stockage déterminé, bien adapté au niveau d'activité des déchets. VI. - CONCLUSION Le Parlement doit se prononcer en 2006 sur l'avancée des recherches menées dans le cadre de la loi du 30 décembre Dans le cas où le Parlement choisirait la solution d'un stockage en couches géologiques profondes pour les déchets hautement radioactifs et à vie longue, il paraîtrait indispensable que le Parlement se penche également sur les questions de propriété et de responsabilité précé-. demment évoquées. En effet, seules des dispositions législatives ad hoc pourraient permettre de modifier le périmètre des responsabilités de l'andra et lui transférer en particulier la propriété des déchets radioactifs.
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