Lutter contre l illettrisme et agir contre l exclusion sociale

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1 Lutter contre l illettrisme et agir contre l exclusion sociale La Fondation poursuit la même démarche de mécénat dans la lutte contre l illettrisme. Elle a conçu dans ce cadre le dispositif «Savoirs pour réussir», en assure l ingénierie de projet et de développement, la mise en place, le suivi et l évaluation des 13 centres opérationnels au 31 décembre La Fondation initie et soutient également des recherches dans le domaine de la conception d outils pédagogiques et des programmes de soutien, d accompagnement et de perfectionnement développés auprès des jeunes par les partenaires de ce secteur. Enfin, engagée dans la lutte contre d autres formes d exclusion sociale, elle favorise l émergence de nouvelles modalités d actions innovantes en matière d insertion par l économique, et en agissant sur le volet crucial du lien habitat-santé. Cinq opérations d intérêt général existent aujourd hui dans le pôle de lutte contre l exclusion sociale. Abécédaire réalisé par les jeunes de «Savoirs pour réussir» de Châlons-en-Champagne. 67

2 ENTRETIEN avec Alain Bentolila Pour Alain Bentolila, vice-président de la Fondation, «avoir du mal à comprendre un petit texte simple est un handicap social. Tous ceux qui ont une difficulté avec la langue seront un jour ou l autre en difficulté culturelle, sociale et professionnelle». L objectif du dispositif «Savoirs pour réussir», qui est une opération d intérêt général, est de mettre en place avec chaque jeune adulte en situation d illettrisme et avec ceux et celles qui se mobiliseront sur son projet, un parcours d accompagnement et de suivi lui permettant d acquérir les savoirs fondamentaux pour obtenir un emploi ou pour lui permettre de créer sa propre activité. Alain Bentolila. 69

3 A ce propos, Alain Bentolila souligne : «C est la Fondation qui agit, qui met en place, qui construit. Avec ce dispositif, la Fondation n est pas seulement mécène. Une fondation qui porte des projets et en assure la responsabilité : voilà un risque que la plupart des fondations ne prennent pas.» Une étude de l Agence Nationale de Lutte Contre l Illettrisme (ANLCI), réalisée en juin 2006, a montré en effet que 9 % des Français de 18 à 65 ans soit personnes sont en difficulté face à l écrit. 4,5 % des jeunes éprouvent de graves difficultés de lecture, selon les évaluations effectuées lors des Journées d Appel de Préparation à la Défense (JAPD). L enjeu que représente l acquisition de la langue française est incontestable pour l insertion des personnes en situation d illettrisme dans le monde du travail et dans la société en général. Ainsi plusieurs axes d intervention ont été retenus : la sensibilisation à l accueil et à l orientation des adultes et jeunes adultes en situation d illettrisme ; le soutien et la formation d adultes et de jeunes adultes dans une démarche d acquisition des savoirs de base ; le soutien et la formation de tuteurs ; la recherche et le développement d outils pédagogiques. «Savoirs pour réussir» repose sur la convention nationale signée fin 2003 et reconduite en 2005 pour trois ans, avec les ministères de la Défense, de l Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, de l Agriculture, de l Education nationale, de l Enseignement supérieur et de la Recherche, et avec l Enseignement catholique, le Conseil national des missions locales et l ANLCI. Abécédaire réalisé à l occasion de l opération «Rêves de gosse», par les jeunes de «Savoirs pour réussir» à Châlons-en-Champagne. 71

4 Le repérage des jeunes en situation d illettrisme s appuie sur les Journées d Appel et de Préparation à la Défense (JAPD), qui dépendent du ministère de la Défense, et sur les missions locales qui dépendent, elles, du ministère du Travail et de la Cohésion sociale. «A la fin de la JAPD, les jeunes filles et garçons passent plusieurs tests sous forme de quiz», explique par ailleurs Brigitte Plisson, directrice du pôle de lutte contre l exclusion sociale. «A l issue de ces tests, l armée présente aux jeunes en difficulté le dispositif SPR. Ils pourront ainsi, s ils le souhaitent, prendre contact.» Ces jeunes sont à un âge où, sortis du cursus scolaire et souvent démotivés, ils risquent de connaître une longue période d inactivité. Sans expérience professionnelle ni formation spécifique, ils sont exposés à une très grande vulnérabilité et à l exclusion. A cet égard, Alain Bentolila rappelle : «Entre 4,5 % à 5,5 % des salariés en France sont en situation linguistique difficile. L illettrisme ne permet pas le changement. L illettrisme exige que l on fasse constamment la même chose.» Le dispositif repose largement sur l engagement de tuteurs bénévoles, qui sont parfois sociétaires, salariés ou retraités des Caisses d Epargne. Ces hommes et ces femmes, formés par la Fondation, ont choisi de donner du temps, de l énergie et de la conviction pour assurer la transmission et la continuité de ce lien intergénérationnel précieux. A travers ces liens entre les générations se noue l essentiel de l apprentissage et de la transmission, au cœur du combat d Alain Bentolila, qui en précise les contours : «Ce combat contre l illettrisme est de donner à chacun la capacité de se faire comprendre, d aller vers quelqu un d autre.» Ateliers «Savoirs pour réussir» à Chambéry et Marseille. 73

5 Ainsi, encadrés par les chefs de projets et accompagnés par les tuteurs, les jeunes participent à des ateliers : presse, informatique, cuisine, découverte de la cité et de la géographie urbaine Chaque activité est une occasion pour reprendre contact avec les savoirs de base. A l occasion des rencontres annuelles organisées à Paris avec tous les chefs de projets des centres SPR, Alain Bentolila rappelait en 2005 «la tentation de multiplier les activités est immense, il est erroné de penser qu il en restera toujours quelque chose. Il ne s agit pas de multiplier les activités : la question est de savoir d abord comment resituer l expérience dans une perspective d apprentissage, la transmettre à ceux qui n en ont pas bénéficié, en faire un objet de savoir. C est là tout le travail du dispositif «Savoirs pour réussir». Chaque tuteur, formé par la Fondation encadre au maximum trois jeunes. L accompagnement peut durer jusqu à vingt-quatre mois. Peu à peu, les jeunes se réconcilient avec l écriture, la lecture, le calcul, retrouvent le goût d apprendre et construisent un projet professionnel. La plupart d entre eux réintègrent ensuite un circuit d apprentissage ou de formation qui les mène vers l insertion professionnelle de leur choix. Initiée en PACA, l opération «Savoirs pour réussir» disposait à fin 2006 de 13 centres opérationnels qui accueillaient près de 600 jeunes : Marseille qui compte 2 antennes, Châlons-en Champagne, Bordeaux, Agen, Périgueux, Chambéry, Le Havre, Alès, Valenciennes, Valence, Grenoble et Limoges. Grâce à l engagement des Caisses d Epargne, 7 nouveaux centres doivent ouvrir leurs portes avant la fin de l année 2007 : Lille, Paris, Orléans, Tours, Montbéliard, Annecy et Toulouse. «Un jeune illettré développe toutes sortes de stratégies pour masquer cette difficulté.» Francis Lavoine, directeur du département de lutte contre l illettrisme Françoise Thomas, Manuela Gherib et Francis Lavoine. 75

6 L objectif majeur de la Fondation est, avec l appui des Caisses d Epargne, d étendre le dispositif dans toutes les régions et, à terme, dans tous les départements au cours des prochaines années. Evaluations et études réalisées Chaque centre «Savoirs pour réussir» est suivi par un chargé de mission de la Fondation. Depuis le lancement du dispositif en 2003, 5 centres Marseille, Chambéry, Le Havre, Châlons-en- Champagne et Bordeaux disposent aujourd hui d une expérience suffisante pour une première évaluation globale. Profil 506 jeunes accueillis en 2 ans dans ces 5 centres dont 331 garçons et 175 filles 85 % majeurs Grande diversité des niveaux scolaires (11 % avaient un niveau de primaire, 23 % sont allés jusqu au collège et 25 % ont préparé un CAP ou un BEP dans un lycée professionnel) Evolution des jeunes 27 % sont aujourd hui en formation ou ont suivi une formation 37 % ont effectué un stage ou sont encore en stage et, dans ce cas, trouvé souvent grâce au réseau du tuteur Un peu plus de 13 % ont actuellement un emploi. Principaux secteurs : l industrie agroalimentaire, le bâtiment, la restauration, la mécanique auto, les collectivités territoriales et les emplois saisonniers Ateliers informatique et théâtre «Savoirs pour réussir» au Havre. 77

7 OIG lutte contre l illettrisme, «Mieux lire et mieux écrire pour mieux accompagner» Cette opération d intérêt général contribue à développer dans un milieu professionnel une démarche de sensibilisation et de repérage des salariés, pour leur proposer des actions pour la réacquisition des savoirs fondamentaux. Quatre axes d intervention ont été dégagés : sensibilisation et mobilisation des acteurs de l entreprise ; accompagnement et formation en milieu professionnel ; mobilisation des partenaires du travail protégé ; recherche et développement d outils pédagogiques. La Fondation Caisses d Epargne pour la solidarité a ainsi soutenu la formation de salariés dans quatre de ses établissements. Durant plusieurs mois, ces salariés ont suivi des ateliers qui leur ont notamment permis d apprendre à mieux communiquer, à dialoguer avec les patients, à faire un courrier, etc. «Nous sommes au cœur d un important réseau d établissements», insiste Maryvonne Lyazid. «On se préoccupe beaucoup des pratiques professionnelles car, si un agent est mieux formé, il enrichit sa tâche et le patient est également mieux servi.» OIG, «les soutiens divers, outils et recherches» Cette opération permet de soutenir le développement de techniques et d outils didactiques et pédagogiques, pratiques et adaptables, pour aider les formateurs à créer les conditions de l apprentissage. «Comme pour le pôle autonomie, nous avons créé cette OIG pour accompagner des actions innovantes dans le cadre de la lutte contre l illettrisme mais qui ne rentraient pas dans le cadre des autres OIG», explique Didier-Roland Tabuteau. Les axes d intervention retenus sont : la recherche et le développement d outils pédagogiques de repérage, de mobilisation, d évaluation et de remédiation ; le soutien aux organismes œuvrant dans le champ de la lutte contre l illettrisme ; le soutien aux initiatives visant à lutter contre l exclusion sociale. A Paris, au Théâtre national de la Colline, la Fondation Caisses d Epargne pour la solidarité a soutenu l organisation et la mise en place d un atelier d écriture destiné à des personnes en situation d exclusion sociale. Chaque semaine, 35 personnes suivies par diverses associations de l Est parisien il s agit principalement de nouveaux arrivants en France, femmes en cours d alphabétisation, 79

8 jeunes en rupture scolaire viennent écrire à partir de consignes données, lire leur texte à voix haute et retrouver ou découvrir une confiance dans leurs propres capacités. Les participants sont encadrés par un auteur associé au Théâtre national de la Colline et des bénévoles. En avril 2006, le groupe «l'etudiant» et la Fondation ont lancé un appel à projets sur le thème «L illettrisme : l affaire de tous» doté de euros pour soutenir la lutte contre l illettrisme et favoriser l intégration scolaire, sociale et professionnelle. Le jury, composé de 9 experts et placé sous la présidence de Marie-Thérèse Geffroy, directrice de l Agence Nationale de Lutte contre l Illettrisme, a désigné 6 lauréats qui ont reçu leur dotation, le 11 décembre Premier lauréat, «l atelier journal d Hector, un journal en prison». Ce projet consiste à faire réaliser par des personnes incarcérées un hebdomadaire et un bimestriel, distribués à tous les détenus de la maison d arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Les bénéficiaires sont une vingtaine de détenus de tous niveaux scolaires, de 18 à 60 ans. Le prix a notamment permis de financer les frais de réalisation du journal tels que les fournitures, la reprographie, la presse et la documentation. A La Réunion, région particulièrement touchée par le phénomène de l illettrisme, c est le projet MAJI (les Métiers de l Animation pour des Jeunes Illettrés) de l association les Alizés du Cap, qui a été distingué. Une dizaine de demandeurs d emploi illettrés, âgés de 16 à 25 ans, se voit proposer un parcours de formation original visant à l obtention du BAFA (Brevet d Aptitude aux Fonctions d Animateur). Le parcours, qui alterne apprentissage en centre de formation et en association sportive, répond à un double objectif : la réappropriation des savoirs de base mais aussi l insertion professionnelle des jeunes dans un secteur qui constitue un réservoir de métiers non négligeable sur l île. Remise de prix de l appel à projets avec le Groupe l Etudiant. 81

9 A Marennes-Oléron, l ATELEC (Atelier Lire Ecrire Compter) a proposé la création d un site internet par et pour des jeunes sortis de l école ou connaissant des difficultés d intégration scolaire. Ce site, inauguré en juin 2007, comprend une présentation du patrimoine naturel et culturel du bassin Marennes-Oléron et un répertoire des emplois spécifiques à ce bassin. Le projet doit permettre aux 300 bénéficiaires de mieux connaître leur région et le marché de l emploi local, tout en acquérant la maîtrise de l outil informatique. A Saint-Lô, en Normandie, c est le projet de l Ecole des Parents et des Educateurs de mettre la pratique du théâtre au service de la promotion de la personne qui a été retenu. La culture en général et le théâtre en particulier sont des domaines privilégiés où la rencontre avec des artistes professionnels, des textes, des spectacles vivants et des méthodes de travail, valorise les compétences humaines, artistiques et politiques d une personne. Plus particulièrement, il s agit d offrir à une trentaine de jeunes entre 16 et 25 ans, en grandes difficultés linguistiques, l opportunité de produire et de promouvoir un spectacle théâtral avec le soutien d artistes professionnels. Préalablement au montage de la pièce, les «élèves» participent à une série d ateliers et d activités en lien avec le théâtre. A Clermont-Ferrand, ce sont la création et l expérimentation d un atelier «permis de conduire» pour adultes handicapés illettrés, par l association FIT (Formation Insertion Travail), qui ont été rendues possibles par une dotation. De septembre 2006 à juillet 2007, 15 adultes handicapés engagés dans une démarche de recherche d emploi ont suivi une formation spécifique leur permettant de préparer le permis de conduire théorique (code) et pratique (conduite). L action proposée par FIT répond au réel besoin des personnes handicapées en situation d illettrisme de créer ou d élargir les moyens de leur mobilité. Ces adultes, qui ont généralement un faible niveau de qualification, ne peuvent en effet pas utiliser les moyens de formation communs peu adaptés à leur situation. Remise de prix de l appel à projets avec le Groupe l Etudiant. 83

10 «Parcours les mots pour t orienter» est le dernier projet récompensé et présenté par l association bordelaise CALC R (Carrefour Animation Loisir Culture Rurale). L association propose à des jeunes inactifs de renouer avec les savoirs de base en élaborant et en animant une course d orientation destinée à des enfants de 6 à 10 ans souffrant pour certains de déficience visuelle. Les jeunes organisent la course du début à la fin (logistique, cartographie, balisage ) et se voient proposer en parallèle un accompagnement individualisé pour faire le point sur leur situation socioprofessionnelle et élaborer un projet personnel. En janvier 2008, la Fondation lancera son deuxième appel à projets dans le domaine de la lutte contre l illettrisme, toujours en partenariat avec le Groupe l Etudiant. Le Festival du Mot Enfin, la Fondation a choisi d être le partenaire privilégié du Festival du Mot, dont la troisième édition s est tenue du 6 au 10 juin 2007, à La Charité-sur-Loire dans la Nièvre. Organisé par l association Mot-et-Mots, le Festival a mis à l honneur cette année la francophonie. 22 animations, 13 spectacles, 3 films, 9 tables rondes, 15 ateliers ouverts au public et aux établissements scolaires, 14 expositions. Au Festival du Mot se rencontrent avec bonheur le théâtre, les débats, le cinéma, les expositions, les conférences, les ateliers, les spectacles de rue, les musiques et la chanson, les performances, les animations, et toujours et partout les mots et la poésie. Tous les matins sont proposés au public «le p tit déj des mots» : entre croissants et café brûlant, pour le plaisir des petits et des grands, de jeunes comédiens mettaient en bouche des mots d auteurs, des mots de rue, des mots de fous, des mots toujours drôles. Gaëtan Gorce, Marc Lecarpentier et Didier-Roland Tabuteau. Les D moiselles. 85

11 Ont assisté avec passion à ces «p tit déj», l équipe et les jeunes des centres «Savoirs pour réussir» de Valenciennes et d Alès. Ils étaient là, dans le cadre du partenariat 2006, pour voir comment, dans les prochaines années, les jeunes des centres SPR pourront être sollicités et associés aux activités futures du festival. Car la clé de voûte de ce festival est grâce à des comédiens, des musiciens, des saltimbanques de solliciter et de donner des cadres d expression et de création au jeune public mais également aux personnes fragilisées soit par le grand âge, soit par le handicap. Etonnés par les jeux pratiqués à l aide des mots, riant aux éclats, les jeunes des centres SPR étaient également ravis d assister, aux premiers rangs, au spectacle de Fabrice Luchini. Ils l étaient tout autant d écouter les slameurs d Uppercut le soir et de voir le lendemain le travail réalisé pendant plusieurs semaines par ces mêmes slameurs auprès des jeunes de 4 e et de 3 e du collège de La Charité-sur-Loire. Médusés enfin d assister au départ de jeunes comédiens en mobylette, de les voir partir sur les routes à fond de train, pour porter ça et là des mots commandés par la famille ou les amis, aux personnes âgées vivant seules chez elles ou en établissement. C était les MotAbylettes. Durant ces cinq jours et pour cette première année, la Fondation a demandé à la Fédération Nationale des Orthophonistes, à L AFPLI et à la DINALI d être présents. La première pour organiser des dépistages précoces de dyslexie auprès des jeunes enfants. Les deux autres pour faire participer des publics en difficulté à de nombreuses animations du festival. Une exposition réalisée par la Fondation était par ailleurs consacrée à ses différentes actions, montrant comment les mots de la vie soulagent les maux de l âge ou encore comment les mots de la confiance adoucissent les maux du désespoir. «Te cache pas derrière ton Ricile Qu il me dit d son air de crocodile Allez viens tu seras mon idylle Allez viens que j te croqu Odile» Les D moiselles Le P tit déj des mots. Les jeunes de «Savoirs pour réussir» Valenciennes au Festival du Mot. 87