En guise de postface

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1 En guise de postface Farouk BELKEDDAR Administrateur, ex-secrétaire général, Génériques Madame la Ministre ou sa représentante, Monsieur Jacques Toubon, Président de la Cité Nationale de l histoire de l immigration Mesdames et Messieurs, Chers amis, Cette manifestation scientifique se déroule dans le contexte d une exposition de poids intitulée Générations. Un siècle d histoire culturelle des Maghrébins en France, réalisée par notre association Génériques et programmée depuis le 17 novembre 2009 dans cette maison qu est la Cité nationale de l histoire de l immigration. Aussi tout d abord voudrais-je remercier chaleureusement la Direction de la CNHI pour son accueil et pour la disponibilité de ses équipes qui ont fait en sorte que ce colloque et les différentes manifestations organisées autour de cette exposition se tiennent dans les meilleures conditions. Je salue et remercie tous nos autres partenaires étroitement associés à l élaboration et à l organisation de ce colloque : Les Partenaires institutionnels nationaux La Maison des Sciences de l Homme Paris Nord (Directeur : M. Pierre Mœglin). L Université Paris 8, UFR 3 (Territoires, Environnements, Sociétés), Département «Euroméditerranéen Monde maghrébin» (Responsable : M. Aïssa Kadri). L Ecole des hautes études en sciences sociales, son Centre de Linguistique Théorique (Directeur : M. Michel de Fornel). Et encore une fois, tant son appui a été précieux, la Cité nationale de l histoire de l immigration. Et nos Partenaires institutionnels internationaux Le Conseil de la Communauté Marocaine à l Etranger: le CCME. Le Centre national pédagogique et linguistique pour l enseignement de la langue tamazight (CNPLET, établissement sous la tutelle du ministère de l Education nationale d Algérie. Directeur : M. Abderrezak Dourari). 129

2 MIGRANCE 40 Orchestre El Moutroubia, avec Edmond Yafil et Mahieddine Bachatarzi, 1927 Collection Bachtarzi/Génériques 130

3 CHANSON KABYLE EN FRANCE ET MÉMOIRE DE L IMMIGRATION,

4 MIGRANCE 40 Le colloque associe plusieurs partenaires reconnus pour leurs compétences dans le domaine de la chanson kabyle en immigration dont l histoire est riche en matière de création et de patrimoine. Ce thème couvre une époque dense allant du début des années 1930 jusqu à l année 1974, date à laquelle émerge une néo-chanson kabyle moderne par la jeune génération relativement éloignée des préoccupations de l immigration traditionnelle. L objet scientifique du colloque concerne un groupe humain important, car il est bien connu que les Algériens constituaient, au cours de la période considérée ( ), parmi les étrangers vivant dans l hexagone, la première communauté hors Europe (les Kabyles représentent plus de la moitié des effectifs). Il y aura lieu d effectuer un travail d histoire et de mémoire sur l immigration d un pays colonisé jusqu en 1962, date de l accès de l Algérie à l indépendance, puis sur la même immigration dans la période suivante, lorsque le pays est devenu souverain et partenaire, à plus d un titre, de la métropole. Mais ce colloque interroge aussi une exigence historique et géographique incontournable du Maghreb, celle de la réappropriation commune de ce patrimoine qu est la culture amazighe. Aussi est-ce là une raison supplémentaire de nous féliciter du partenariat constitué avec le Conseil de la communauté marocaine à l étranger (le CCME) et le Centre national pédagogique et linguistique pour l enseignement de la langue tamazight (CNPLET) sous tutelle du ministère de l éducation national d Algérie. Ce colloque a pour but de faire émerger et confronter différents points de vue sur la chanson kabyle en France et la mémoire de l immigration. Au-delà des problèmes théoriques qu elle pose, une telle thématique constitue à proprement parler un gisement précieux en matière de travaux d approche théorique et de reconnaissance d un patrimoine considérable. La valorisation des fonds archivistiques sonores qui pourrait en découler doit se coupler, autant que possible, avec la collecte de témoignages oraux auprès des acteurs eux-mêmes, s ils sont vivants, ou auprès de ceux qui avaient connus ces derniers. Cette chanson en immigration a été, plus qu un simple divertissement, un moyen d expression fort d une construction identitaire. Qu ils soient ouvriers agricoles, migrants saisonniers, précurseurs de cette noria qu a décrit le regretté et incontournable sociologue Abdelmalek Sayad, mineurs issus d un monde agraire venus sonder les entrailles de la terre du Nord, ouvriers métallurgistes ou ouvriers spécialisés sur les chaines de montage automobile de l île Seguin, marathoniens à leur insu de l exténuant rythme Fordien, vivant dans des conditions de logements souvent insalubres mais aussi dans un climat d insécurité, ils ont d un même élan vital, inéluctable, puisé au plus profond d eux même, dans l intimité de leur vécu d exil quotidien, les resssources nécessaires de créations artistiques, et plus précisément la plus accessible et la plus populaire, la chanson ; cette posture esthétique les a certes aidés à rendre tolérables voire à transcender les contraintes de leur vécu matériel, social, politique, mais elle leur a surtout permis de proclamer quotidiennement et définitivement leur humanité. Car les artistes les plus emblématiques qui ont marqué les années 1950 et 1960 ont chanté en mettant en évidence la triste condition des exilés et des humbles en pointant du doigt les causes de multiples maux vécus par toute une génération. Ils ont chanté aussi les moments de lutte et les espérances dans lesquelles s est reconnue toute la communauté des auditeurs. 132

5 CHANSON KABYLE EN FRANCE ET MÉMOIRE DE L IMMIGRATION, Les contributions relatives à ces lieux de convivialité que sont les cafés-hôtelsrestaurants de Paris, de sa périphérie et des autres agglomérations sont particulièrement attendues. L intérêt des médias de l époque, comme la chaîne Radio-Alger ouverte à des programmes en kabyle et en arabe dès 1945 et qui fit connaître les nouvelles créations musicales. Tout comme à Paris où les émissions en langue arabe et berbère (ELAB) en faisaient autant. L intérêt qu a eu aussi l industrie du disque à la chanson kabyle, si bien que des disques d artistes comme El Hasnaoui, Zerrouki Allaoua, Slimane Azem, ou Hanifa se trouvaient sur le marché. On pouvait aussi écouter les disques au bistrot et suivre collectivement des programmes kabyles autour d un récepteur radio. Dans les années 1960, plus de 250 bars fréquentés par des immigrés ont été équipés par des juke-boxes puis par des appareils à scopitones diffusant ces petits films musicaux très appréciés. Génériques, en dépit de ses modestes moyens, a pu faire l acquisition et sauvegarder quelques scopitones que vous pourrez voir et écouter dans notre exposition Générations. Un siècle d histoire culturelle des Maghrébins en France. Il y aura lieu, enfin, de faire référence aux archives et d aborder la question de leur préservation et leur valorisation, qu il s agisse des archives «papier» de la Sacem, de Radio France et des fonds contemporains des Archives nationales ou départementales, ou bien des archives sonores audiovisuelles. Enfin les contributions n ont pas manqué de souligner le contexte historique et social mais aussi culturel, et plus particulièrement lors de la période coloniale. Par rapport à leurs pays soumis au joug colonial, la métropole offrait pour les militants nationalistes et les créateurs qui y résidaient de relatives mais réelles possibilités d expression démocratique. Ces influences réciproques n annonçaient-elles pas par anticipation ce processus de métissage enclenché durant les deux dernières décennies par la globalisation? Il ne s agit donc pas seulement de comprendre le passé mais aussi d élaborer des outils pour mieux construire l avenir. Enfin, je veux saluer la persévérance et la ténacité de notre ami Ouahmi Ould-Braham qui a permis que ce colloque, dont il fut l'initiateur, ait lieu et nous l en remercions tous chaleureusement. Je vous souhaite d excellents travaux. Merci pour votre attention. 133

6 MIGRANCE 40 Orchestre du cabaret La Casbah, à Paris, avec Youssef Hagège à la clarinette, Jacques Zaki Krief au luth, et son épouse Louisa Tounsia à la guitare. Collection Youssef Agège / Génériques 134

7 CHANSON KABYLE EN FRANCE ET MÉMOIRE DE L IMMIGRATION,