Muriel Mben. La dernière pluie

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Maxime Brisson
il y a 5 ans
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3 Zéphirin avait tout pour être heureux : il était propriétaire de trois magasins de vêtements au marché central de Douala. Ses affaires étaient florissantes, ses habits se vendaient comme des petits pains. Il était même sur le point d ouvrir une boutique de prêt-à-porter à Akwa, quartier très fréquenté de Douala. C était grâce à cet argent qu il payait les études d Émilie, sa fiancée. Le jour de leur rencontre, elle cherchait une robe de soirée. Émilie visita donc l une des boutiques de Zéphirin au marché lorsque leurs yeux se croisèrent, ce fut tout de suite le coup de foudre. La joie de vivre et la beauté d Émilie fascinèrent tellement Zéphirin qu il l invita à déjeuner le lendemain. Et, de fil en aiguille, ils passèrent du statut de «petits amis» à celui de fiancés. Pour lui, il était donc logique de la prendre intégralement à sa charge. Dès lors, il paya ses études universitaires, survint à ses besoins vestimentaires, et même de temps en temps à ceux de sa famille. Il lui arrivait aussi d inviter Patrick, le frère aîné d Émilie, avec qui il s entendait bien. La mère d Émilie voyait en Zéphirin le gendre idéal, il avait même refusé de vivre avec elle avant la 2 3

4 date du mariage! Il attendait qu elle ait sa licence en droit des affaires. Ensuite, ils convoleraient en justes noces. Émilie venait d une famille aux revenus moyens. Son père avait disparu un jour dans la nature et n avait plus donné de nouvelles depuis bien des années. Sa mère travaillait dans une société de téléphonie où elle gagnait à peine de quoi s occuper de ses enfants. Réveillé depuis à peine dix minutes, Zéphirin, comme à son habitude, goûtait aux joies de la grasse matinée. Penché au rebord de sa fenêtre, le soleil dardait gentiment sa peau. En fond sonore, une chanson de Joe Dassin, L Été indien. Zéphirin affectionnait particulièrement cette chanson. Elle lui rappelait un peu cette relation qu il entretenait avec Émilie depuis trois ans. À la différence qu Émilie, elle, était toujours à ses côtés. Perdu dans ses pensées, il n entendit pas Émilie frapper à la porte. Émilie parvenait difficilement à dissimuler l excitation qui l habitait. Elle semblait nerveuse. Elle n arrêtait pas de toucher ses cheveux. Elle avait certes hâte de lui parler, mais elle ignorait par où commencer. Elle sourit à Zéphirin et, comme toujours, ce sourire fit battre son cœur, d autant plus que la date du mariage approchait à grands pas. Une organisatrice de mariage s occupait des préparatifs de leur mariage. Ils avaient même déjà choisi la salle de réception et l église où serait célébrée leur union. Chaque fin de semaine, le couple faisait le point avec cette dernière. Émilie ne connaissait ses résultats universitaires que depuis quelques semaines. Elle en avait terminé avec les études, du moins pour un moment. Zéphirin se 24

5 réjouissait parce qu elle pouvait maintenant se concentrer sur sa carrière professionnelle et les préparatifs du mariage. Tandis qu il lui tournait le dos, elle esquissa une petite grimace plus pour se donner la force de parler. Pourquoi hésitait-elle autant? C est vrai que ce qu elle avait à lui annoncer risquait de le vexer mais après tout, s il l aimait vraiment, il comprendrait et l encouragerait même. La jeune demoiselle lissa les plis imaginaires de sa jupe taille basse noire assortie d une chemise cache-cœur rouge sang. Légèrement gonflée à bloc, elle se lança donc dans le vif du sujet. Je m en vais. Zéphirin se crispa et s assit pour entendre la suite. Il ne broncha pas mais fixa la jeune fille d un regard interloqué. Il ne comprenait pas. Le mariage était prévu dans moins de huit mois et elle disait qu elle s en allait? Il y avait forcément une erreur. Comme il ne réagissait pas, elle continua sur sa lancée. En fait, j ai eu un visa d étude longue durée pour la France. Je pars samedi. Je ne sais pas quand je reviendrai. Il n y avait donc aucun malentendu. Dans sa tête c était clair comme de l eau de roche : elle s était jouée de lui durant toutes ces années ; elle le laissait tomber comme une vieille chaussette faisant une croix sur leur relation! Comment pouvait-on être aussi cruel? Il ne lui prêta plus aucune attention. «Le plus sage c est de ne pas broncher, de ne pas lui montrer que je souffre, ça lui ferait trop plaisir», pensa-t-il. Aucune femme ne le ferait plier. Comprenant qu il ne dirait plus rien, Émilie repartit 2 5

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