Femmes, création d'activité et ESS

Transcription

1 Petit-déjeuner solidaire du 7 juillet 2011 Femmes, création d'activité et ESS Intervenants : Fatiha Legzouli (co-directrice de l'association Initiatives Plurielles), Benoît Boulnois (coordinateur de la couveuse Chrysalide, association A Petits Pas), Céline Grasset (créatrice de la boutique Les Petits Terriens) Participants : 20 personnes Intitiatives Plurielles, Fatiha Legzouli ( L'association, qui existe depuis 14 ans, accompagne des femmes dans leur projet de création d'activité. Elle travaille avec tout type de projets et tout type de statuts. L'idée est de proposer une démarche active, l'entrée dans un réseau et une certaine dynamique. L'accompagnement comprend une partie "classique" d'accompagnement à la création, mais également des formations de développement personnel pour faciliter la reprise de confiance en soi. C'est un accompagnement global de la personne, personnalisé, dans la durée - et même postcréation. La dimension personnelle est prise en compte. Initiatives Plurielles parie sur la capacité de création de tout public, même les plus éloignées de l'emploi. L'association tente de trouver toutes les compétences des personnes, va les chercher, pour les valoriser (par exemple à travers les passetemps, etc.). L'accompagnement doit comporter une étude de marché, certes, mais il s'agit aussi d'acquérir les compétences de chef d'entreprise. Les projets sont testés "sur le terrain", y sont confrontés en réel. Parfois les projets, pour être viables, doivent évoluer, être complétés. Des rencontres avec des structures financières alternatives sont organisées (Cigales, FGIF, Prêt à taux 0...). Des ateliers mensuels thématiques ont lieu également, selon la demande ("comment trouver des clients quand on est seul?» «Blog, site... sur Internet, que choisir pour se faire connaître?»...), ainsi que des ateliers de développement personnel avec un coach PNL (pour la confiance et l'estime de soi), "concilier vie familiale et vie professionnelle"... Il y a également des rencontres par filière (textile, bien-être, restauration...). L'idée est de ne pas se voir comme

2 concurrents mais bien de rechercher les synergies, de mutualiser les moyens, de partager les informations. Les créatrices, grâce à ce réseau, font souvent appel les unes aux autres pour leurs différents besoins. Il y a aussi des moments conviviaux, un Club de femme, qui propose un repas convivial tous les trimestres. Il s'agit donc d'un accompagnement global, personnalisé, personnel et collectif. Initiatives Plurielles organise également tous les trois ans un colloque européen pour valoriser la création d'entreprise au féminin. Depuis 2007, un programme de "marrainage" a été mis en place : il s'agit d'associer une chef d'entreprise expérimentée et une "filleule" créatrice d'entreprise. La marraine apporte conseils et soutiens à la filleule. Ce dispositif remporte un grand succès, et les statistiques montrent que cela est positif pour la réussite de la nouvelle entreprise. Cela permet souvent aux filleules d'entrer dans des réseaux, d'avoir quelqu'un à qui poser des questions pratiques, concrètes. Les marraines et les filleules n'exercent pas dans le même secteur d'activité. A Petit Pas, Benoît Boulnois ( Le nom de l'association vient de l'idée que "à petit pas tout peut changer". Six personnes qui souhaitaient créer leur propre activité ont créé A Petits Pas il y a 15 ans. L'association a différents pôles : écotourisme ; loisirs éducatifs ; culture et citoyenneté en milieu rural (festival Les Créatifs par exemple) ; conseil (sur des questions d'énergie, environnementales, et de création d'activité). On leur demandait souvent comment ils avaient fait pour créer leur activité, ils ont donc fini par se dire qu'il y avait des besoins en la matière. Un "collectif de l'envie aux projets" a été mis en place avec d'autres structures. Il propose des stages thématiques (définition de mon projet ; réflexion sur mes compétences ; rencontres avec d'autres créateurs...) de 3 jours. Ils misent beaucoup sur les échanges entre participants, car c'est de cela qu'on s'enrichit (expériences des autres, carnets d'adresses...). Actuellement l'accompagnement comporte trois portes d'entrée : 1) l'installation en milieu rural (dans toute la région NPDC) ; 2) l'économie solidaire (la plus-value humaine) ; 3) les questions environnementales, développement durable. Environ 40 à 50 personnes sont accompagnées par an, qui arrivent par l'une ou plusieurs de ces portes d'entrée. Il y a aussi une couveuse d'entreprise (il en existe une quinzaine dans la région), qui permet de tester son activité en réel (je ne crée pas encore d'entreprise mais je commence à vendre mes biens ou services). Dans cette couveuse il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes. Cela permet de vérifier à la fois que la personne est bien faite pour ce projet et que celui-ci est viable. Cela fonctionne avec un "contrat d'accompagnement au projet d'entreprise" de 1 an, renouvelable deux fois. Pendant ce temps, on reste demandeur d'emploi, salarié à temps partiel, ou bénéficiaire de minima sociaux. En 2006, A Petits Pas et Initiatives Plurielles se sont rencontrés et ont décidé de travailler ensemble.

3 A Petits Pas faisait le constat que les femmes, souvent, osaient moins se lancer, se mettaient plus de freins que les hommes - en ayant des projets au moins aussi intéressants qu'eux, comprenant souvent des plus-values humaines très importantes. Ils ont donc été intéressés par le marrainage. A cette époque, Initiatives Plurielles voulait justement partager ce dispositif qui fonctionne très bien. A Petits Pas a donc un groupe d une dizaine de marraines depuis un an. Ils ont hésité un peu au départ sur le côté non mixte (c est un questionnement qu avait eu aussi Initiatives Plurielles), mais après réflexion et échange avec les filleules, ce qui est ressorti c est qu entre femmes «on parle le même langage», et on ne discute pas de la même manière qu on le ferait avec un homme. Pour les échanges «entre sexes», il y a des ateliers collectifs mixtes. A propos des marraines, les porteuses de projet expriment bien que leur soutien les aide à passer à la vitesse supérieure, à oser plus aussi peut-être. Les Petits Terriens, Céline Grasset ( Céline Grasset gère un site de vente en ligne depuis 2007 et une boutique également depuis fin 2010 sur la thématique : produits bio / équitables pour les 0-7 ans. Pour l ouverture de la boutique elle s est tournée vers les finances solidaires (Cigales et NEF). Avant de créer sa SARL, elle était au chômage, enceinte, avec 3 ans d expérience commerciale dans l export. Elle ne voulait plus être en déplacement une semaine sur deux. Quand elle a créé, elle ne pensait pas spécialement à l ESS, mais à créer en adéquation avec ses valeurs, et avec la volonté de faire quelque chose d utile à d autres, de «juste». Au bout d un moment elle s est aperçue que cela rentrait justement dans les critères de l ESS. Elle a d abord été en contact avec un club des entrepreneurs, plutôt classique. Il n y avait presque que des hommes, qui parlaient de masse salariale, d évolution de l entreprise et de rentabilité Elle s est sentie un peu en décalage et a cherché autre chose : un réseau de femmes chefs d entreprise. C était très bien, cela lui a beaucoup apporté, mais au bout du compte c était un peu la même chose, elle se sentait toujours un décalage avec ce milieu. Finalement, elle a été contactée par Initiatives Plurielles pour être marraine : cela ressemblait enfin à ce qu elle recherchait. Elle a donc intégré le dispositif de marrainage car elle avait toujours eu l envie d aider d autres personnes à créer. Le marrainage permet à la filleule de ne pas être seule, isolée. Si on a un problème, une question (des choses parfois très concrètes comme par ex. : un courrier du RSI réclamant une grosse somme d argent!), on peut compter sur quelqu un qui comprend ce qu on vit, qui est passé par là (alors que c est parfois difficile pour quelqu un qui n est pas lui-même entrepreneur). Quand on crée, ce qui compte, c est d être en adéquation avec ses valeurs, et de garder cette cohérence lorsque l on est obligé de faire des ajustements, de changer un peu le projet, le faire évoluer, etc. Echanges entre les différents participants

4 Q Avez-vous observé un militantisme féministe? La création au féminin s inscrit-elle dans une lutte contre les discriminations? R Les femmes ont souvent du mal à trouver leur place dans les valeurs de l entreprise «classique». Le souci de nos associations est, plutôt que de revendiquer, d aller au-delà des freins qui empêchent les femmes de créer elles aimeraient mieux ne pas avoir à s adresser aux femmes plutôt qu aux hommes! Mais de fait, c est vrai qu on constate que les femmes créent moins, alors qu elles ont beaucoup d idées qui sont souvent au moins autant si ce n est plus intéressantes que celles des hommes (en tout cas concernant les plus-values humaine et environnementale). Une certaine discrimination accompagne ce phénomène également (par exemple les prêts bancaires qui sont accordés ou pas en fonction de certains critères de «disponibilité» : le nombre d enfants entrant dans le calcul ). Souvent quand une femme crée on lui pose la question «oui, mais votre mari, il fait quoi?». Aujourd hui en France on est à peu près à 30% de créations par des femmes, et cela stagne depuis un certain temps. Aux Etats-Unis, après la mise en place de moyen et une politique volontariste, ils sont arrivés à 50%. R - Ce n est pas parce qu on est une femme créatrice qu on est forcément «féministe» au sens un peu «extrême» du terme. On sait les sacrifices qu il faut faire, on est exigeant avec soi-même et donc aussi forcément un peu avec les autres, on peut être assez dur, même avec ses paires. R En tout cas la création au féminin et le marrainage font changer la vision de la création dans le Nord Pas de Calais : les hommes sont maintenant en demande de marrainage! Ils s aperçoivent que la dimension personnelle est importante, ont aussi envie de parler d eux, de leurs freins Q A quel moment de son projet peut-on commencer l accompagnement à Initiatives Plurielles? R Il n y a pas de «bon» moment, c est quand vous voulez, à n importe quel stade. Q Et combien de temps dure-t-il? R C est très variable, de 3 mois à 3 ans! Cela dépend des personnes, du moment auquel on se situe dans la création, etc. Q- Et quelle est la moyenne d âge? R La tranche d âge se situe entre 25 et ans avec un groupe important autour de 40 ans (35-45). Q Concernant le programme de marrainage, comment cela se passe-t-il, notamment comment sont constitués les «couples» marraine-filleule? R Le programme dure 1 an, renouvelable 2 ans. Il faut savoir que cela ne concerne pas toutes les créatrices accompagnées. Pour garder une exigence de qualité, il est impératif de garder un petit nombre de binômes - actuellement la réponse est de l ordre de 60 à 70 % des demandes, et l idée est d augmenter progressivement. Les demandes sont étudiées et traitées en fonction des dossiers prioritaires, qui en ont le plus besoin. La marraine doit exercer dans un autre secteur d activité que la filleule (pour éviter les conseils techniques, ce n est pas le but). Au départ, le binôme signe une «charte éthique» et une «entente de marrainage» qui fixe notamment les modalités (aux deux femmes de se mettre d accord, sur la fréquence de leurs contacts par exemple ; en moyenne elles se voient en «physique» toutes les 6 semaines). Le programme peut concerner une création d entreprise, au démarrage, ou bien un développement. Ce qui est intéressant aussi, c est que cela crée un véritable réseau au sein duquel ont lieu de nombreux échanges et de nombreux «coups de main» de toutes sortes (tu me fais ma carte de visite contre quelques massages, etc.)

5 Q Combien d entreprises que vous accompagnez doivent, au bout du compte, déposer le bilan? R Le taux est très faible chez les personnes accompagnées mais certaines arrêtent avant de devoir déposer le bilan (et elles peuvent être accompagnées dans cette étape également bien sûr). Quand les projets ne sont pas viables, c est aussi notre rôle de leur en faire prendre conscience. Q Est-ce possible de se faire accompagner dans le cadre du DIF? Comment faire si l on a que peu de temps? R Concernant le temps, vous ne devez pas forcément assister à tous les ateliers! Pour le DIF, c est vrai que beaucoup de gens ne savent pas qu ils ont droit à des heures. Ces heures peuvent en effet vous permettre de suivre des formations adaptées pour développer les compétences nécessaires à votre création. Concernant l accompagnement à la création, il est gratuit (grâce à des financements publics, grâce aux impôts!). Cela n a donc pas de coût financier, mais c est sûr que c est un investissement en temps.