Isabelle W. et Laurie L. L épisode d une vie

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Fabrice Lecours
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3 Comme pour toutes les mamans, les plus beaux jours de ma vie furent les naissances de mes filles. Laurie est née au printemps Il pleuvait et je me sentais si seule ce jour-là, et si triste sur le chemin de l hôpital. J allais donner la vie en même temps que j allais perdre le grand amour de ma vie. Je le sentais, je le pressentais, je le savais, beaucoup de choses avaient changé pendant ma grossesse, notre relation se dégradait et tout allait être bouleversé avec cette naissance J ai rencontré Victor le 26 novembre 1988, j allais avoir vingt et un ans, lui en avait vingt-six. Il était beau comme un dieu, fort, si sûr de lui. Je suis tombée amoureuse au premier regard, pourtant nous étions si différents. Il était policier, avait un passé. Moi, j étais si naïve, j allais au lycée et vivais dans un cocon familial fermé. Au bout de deux semaines, il m a avoué qu il était marié et avait un petit garçon. Il m a aussi juré que lui et sa femme ne s entendaient plus depuis des mois et qu elle était d accord pour 2 3

4 divorcer, qu il était à la recherche d un appartement pour quitter le domicile conjugal. Un peu avant Noël, il a confessé que sa femme n était pas au courant de sa décision de partir. J étais folle de rage qu il m ait menti, je m étais tant attachée à lui. Je l aimais et j avais peur de le perdre. Quand il a amené son fils et sa femme chez sa belle-mère, je lui ai dit de bien réfléchir, qu il ne devait pas tout quitter pour moi. J aurais dû insister beaucoup plus, j étais si jeune, je ne me rendais pas compte des dégâts que j étais en train de faire. Dieu, depuis, me l a fait payer bien cher, je trouve. Victor m a menti, m a fait croire des choses qui n existaient pas, et ce, durant huit ans. Cela fait deux ans qu il est parti et encore maintenant il ment, il est faux. Le 1 er avril 1989, soit six mois à peine après notre rencontre, je suis allée vivre avec lui à Paris, étant donné qu il y travaillait. On habitait un meublé pourri, minable même, mais cela n avait pas d importance pour moi, c était mon premier chez moi et j étais heureuse, j avais un appartement et un homme que j aimais par-dessus tout. On n avait rien, Victor était bourré de dettes, il avait francs de crédits à rembourser, une pension alimentaire pour son fils et une pour sa femme, et un loyer à payer. Il fallut très vite que je cherche un travail pour nous sortir de cette impasse. J ai trouvé un job d employée de maison chez des particuliers. Je m occupais de leur 24

5 intérieur et surtout de leurs deux petites filles. L une avait vingt mois, l autre deux mois. J étais comblée, j avais toujours voulu m occuper d enfants, c était ma passion. J aimais mon travail et, le soir, quand je rentrais, je retrouvais Victor. Cependant j ai très vite découvert qu il avait des sautes d humeurs inexpliquées, il s énervait pour un oui ou pour un non, s emportait, puis il s excusait. Il me disait que j étais son amour, qu il m aimait, et je le croyais. Ce bonheur chaotique a tenu je ne sais comment, surtout lorsque les huissiers firent leur apparition. Mon salaire ne suffisait pas à payer l ensemble des dettes et Victor, qui avait la folie des grandeurs, dépensait l argent du ménage en futilités ; il était comme un enfant, il voulait tout ce qu il voyait, ça me déroutait, mais je ne pouvais rien lui refuser. J ai accepté la saisie sur salaire. Hormis les problèmes d argent, le moral de Victor n était pas au beau fixe. Son ex-femme ne voulait pas s arranger à l amiable avec lui pour le divorce, elle lui refusait les droits de visite pour son fils, qui habitait à 300 km de Paris. Victor souffrait, il pleurait son enfant, il culpabilisait. Je faisais mon possible pour l aider à surmonter tout cela, et je culpabilisais aussi. J ai accepté sa mauvaise humeur et sa mauvaise foi. À peu près une fois par mois, on allait passer le week-end chez mes parents. Mes parents n ont jamais apprécié Victor. Ils ont tout de suite vu qu il n était pas pour moi, que ça ne marcherait pas. Ils ne 2 5

6 l aimaient pas et ne se sont jamais privés de le lui faire savoir. De son côté, Victor n aimait pas mes parents non plus, les week-ends étaient tendus, j étais très mal à l aise, j avais peur des réactions de chacun, je faisais mon possible pour que ça ne dégénère pas. C était très dur à vivre. Victor était tout pour moi et mes parents aussi. À chaque retour de week-end, Victor me faisait une scène, m insultait et insultait mes parents. Il n en pouvait plus, il allait craquer, et moi aussi. Il n a jamais été juste avec eux, il n a pas fait d efforts, il les toisait. Je garde un très mauvais souvenir de ces weekends. En plus des visites chez mes parents, on allait souvent aussi à Amiens. Je me suis tout de suite bien entendue avec son frère. Grégoire était très drôle, il avait beaucoup d humour, c était un bon vivant qui aimait les fêtes et ses amis. Autant je l appréciais pour sa gentillesse et sa générosité, autant je ne comprenais pas ses sautes d humeur à lui aussi. Il était dur avec sa femme, la rabaissait devant tout le monde ; Christine l aimait, elle se battait pour son couple et ses enfants avec beaucoup de courage, malgré son lourd handicap physique. Victor me disait que, dans sa famille, ils étaient tous impulsifs mais pas méchants. Je n ai pas été déçue du voyage La mère de Victor est décédée avant que je puisse la connaître. Son père a refait sa vie après quelques mois de veuvage. Il avait l intention de divorcer mais, 26

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