RT 2012 ÉTANCHÉITÉ.INFO #37 mars 2013

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1 26 DOSSIER PERFORMANCES ÉNERGÉTIQUES Les lanterneaux face aux enjeux de la RT 2012 La nouvelle réglementation thermique a poussé les fabricants de lanterneaux à mettre à niveau leurs produits en matière de performances énergétiques. Et à revaloriser l apport de lumière et de ventilation naturelles. Adeline Dionisi Skydôme

2 ÉTANCHÉITÉ.INFO #37 mars 2013 RT 2012 DOSSIER 27 «Le bâtiment redécouvre les avantages élémentaires des lanterneaux : l apport de lumière et de ventilation naturelles.» Les lanterneaux tels que nous les connaissons sont arrivés en France dans les années Ils ont été importés des États-Unis à la suite du dépôt d un brevet relatif au thermoformage du polyméthacrylate de méthyle (PMMA). Donner une forme bombée à ce plastique transparent a permis de le positionner en toiture pour créer des ouvertures. «À l époque, l objectif premier des lanterneaux était d apporter de la lumière naturelle dans les bâtiments de grand volume. Les toits plats ont pu remplacer les sheds», explique Bernard Lepage, directeur technique d Hexadome et coordonnateur au GIF Lumière qui regroupe les fabricants de matériel coupe-feu et d évacuation des fumées. Sécurité incendie En 1971, l incendie meurtrier de la discothèque «le 5-7» à Saint-Laurent-du-Pont (Isère) incite les pouvoirs publics à renforcer la réglementation incendie notamment en ERP (décret du 31 octobre 1973). Le désenfumage connaît un important essor. La sécurité incendie devient alors la fonction prépondérante des lanterneaux. «Avec le durcissement des réglementations successives en matière de désenfumage, les fabricants ont privilégié les capacités d ouverture des produits. L isolation thermique n était alors pas une priorité, d autant plus que les textes officiels n imposaient rien en la matière, rappelle Grégory Maurin, directeur commercial chez Ecodis. Nicolas Robert, chargé de suivi de chantier au sein du bureau d études Tribu, spécialisé dans le développement durable, confirme : «La RT 2005 ne comptabilisait pas les lanterneaux dans le calcul du coefficient de déperdition des parois. De plus, les valeurs disponibles relatives à la transmission thermique (U) ne prenaient pas en compte le produit complet mais se cantonnaient au remplissage en polycarbonate ou à la seule isolation des costières métalliques». Les fenêtres de toit sont alors avant tout perçues comme des exutoires de fumées aux performances thermiques faibles et créant des effets de surchauffe à l intérieur des bâtiments. La RT 2012 a incontestablement poussé les fabricants à relancer le développement de leurs produits. De nouvelles gammes ont vu le jour, proposant des performances thermiques largement améliorées par rapport aux produits standard. L isolation des costières est renforcée tout comme les joints. Les rupteurs de ponts thermiques se généralisent, les remplissages sont plus épais ou font appel à des matériaux innovants tels que l aérogel (voir encadré) et les systèmes d ombrage réduisent le facteur solaire responsable des phénomènes de surchauffe. L objectif pour les fabricants : ne plus taxer le lanterneau de maillon faible de l enveloppe. Comme l explique Nicolas Robert, «depuis deux ans environ, les informations sur le U rc * incluant l ensemble des paramètres du produit sont disponibles». Dans l ensemble, le coefficient de conductance affiché pour les équipements revendiqués «RT 2012» est aujourd hui compris entre 1 et 2 W/m²K. «En parallèle, le bâtiment redécouvre les avantages élémentaires des lanterneaux que l on n aurait jamais dû oublier : l apport de lumière et de ventilation naturelles», poursuit Bernard Lepage (voir articles pages 28 et 30). Or ces deux éléments participent pleinement au respect des exigences de la nouvelle réglementation thermique. En matière Les exigences de la nouvelle réglementation thermique L efficacité énergétique du bâti : elle est définie par le coefficient Bbio qui valorise la conception bioclimatique du bâti afin de limiter les besoins en énergie (chauffage, refroidissement et éclairage). La consommation énergétique du bâtiment : la consommation maximale d énergie primaire du bâtiment (Cepmax) a été fixée à 50 kwh/m 2.an. Elle concerne les consommations de chauffage, de refroidissement, d éclairage, de production d eau chaude sanitaire et d auxiliaires (pompes et ventilateurs) et impose donc le recours à des équipements performants. Le confort d été : il s agit d assurer un bon niveau de confort en été sans avoir à recourir à un système actif de refroidissement. La réglementation impose que la température la plus chaude atteinte dans les locaux, au cours d une séquence de 5 jours très chauds d été, n excède pas un seuil.

3 28 DOSSIER d efficacité énergétique du bâti (Bbio) tout d abord en réduisant significativement le recours à l éclairage artificiel et aux systèmes de climatisation. Par exemple, «pour les bâtiments industriels, il arrive que sans lanterneau, on ne puisse pas respecter le coefficient Bbiomax», rappelle Bernard Lepage. En termes de confort d été ensuite grâce à la surventilation nocturne notamment (voir Étanchéité. Info n 34). Performances globales Pour autant, le directeur technique d Hexadome reste prudent : «Il n existe pas de produit RT 2012 mais seulement des solutions. Il faut adapter le produit à l usage que l on souhaite en faire. Par exemple, on n envisage pas de la même façon 25 m² de bureaux et m² de bâtiment industriel.» Le GIF Lumière proposera prochainement une approche globale qui synthétise les performances réelles d un lanterneau en fonction de ses caractéristiques : apports en lumière naturelle, déperditions thermiques, capacités de ventilation, facteur solaire, perméabilité à l air «L efficacité des lanterneaux résulte de la conjonction de tous ces facteurs, l un pouvant compenser l autre. Il faut aussi prendre en compte leur nombre installé en toiture, leur positionnement et leur répartition.» Si les performances intrinsèques au lanterneau demeurent prépondérantes, le mode de pose par les étancheurs et son entretien peuvent également impacter l efficacité du système «notamment en matière d étanchéité à l air, dont la généralisation des tests constitue un nouveau défi pour la profession», précise Sylvain Belloir, directeur du développement et du marketing chez Skydôme. Sans oublier les facteurs externes au lot étanchéité tels que le bon dimensionnement de la structure pour éviter tout risque de fléchissement. Avec la RT 2012, mais aussi avec la crise économique, les fabricants de lanterneaux ont donc engagé une vraie réflexion autour de leurs produits qui s accompagne d une montée en gamme. «Les ventes de produits dits standard sont amenées à diminuer au profit de solutions plus innovantes thermiquement et en matière d apport de lumière naturelle», prédit Grégory Maurin. Si les bâtiments industriels restent l un des principaux débouchés, en raison de leur configuration (rez-de-chaussée sans étage et grande hauteur sous plafond), «nous cherchons de plus en plus à nous diversifier», affirme Sylvain Belloir. La maison individuelle, particulièrement les extensions, apparaît comme un marché vers lequel certains industriels se dirigent. Pour d autres, les réglementations futures sont déjà en ligne de mire. Prochaine étape : la réduction des nuisances sonores qui reste encore l un des points faibles du produit. l 0 1 Les performances d un lanterneau dépendent de plusieurs facteurs tels que ses apports en lumière naturelle, ses déperditions thermiques, ses capacités de ventilation La mise en œuvre de lanterneaux en toiture a un impact sur le coefficient Bbio du bâtiment. * Le coefficient U rc désigne le coefficient de conductance thermique (flux de chaleur total qui passe à travers 1 m 2 de paroi avec une différence de température de 1 C entre ses deux faces) des lanterneaux. Il prend en compte les conductances thermiques de remplissage, du profil de rive et de la costière. Il s exprime en W/m 2 K. Skydôme Matériaux innovants L aérogel : s il a été inventé dans les années 1930 aux Etats-Unis, cela ne fait que quelques années que les lanterneaux disponibles en France en sont équipés. Composé d air et de silice retenus dans des nanopores, il combine «un coefficient élevé de transmission de la lumière et d excellentes caractéristiques d isolation», explique Sylvain Belloir. De plus, il est capable de supporter jusqu à deux mille fois son poids. Injecté dans les alvéoles du polycarbonate du capot du lanterneau, il renforce les propriétés d isolation thermique et phonique du produit, minimise les déperditions thermiques, diffuse la lumière de façon homogène et réduit le facteur solaire. En France, trois entreprises fabriquent et / ou distribuent des lanterneaux remplis d aérogel : Alcaud, Skydôme et Ecodis. Des microbilles de verre dans le PCA : breveté par SIH et commercialisé sous le nom de Pearl inside, ce système de remplissage des plaques de polycarbonate par microbilles de verre possède, selon son fabricant, les qualités acoustiques et de confort visuel du verre sans les inconvénients. Il est en effet trois fois plus léger. 01

4 30 DOSSIER éclairage naturel La lumière naturelle : nouveau débouché pour les lanterneaux La RT 2012 représente pour les fabricants de lanterneaux une opportunité de valoriser leurs produits en mettant en avant leur capacité à faire entrer la lumière naturelle dans un bâtiment. Une solution simple et peu coûteuse pour réduire les consommations d éclairage artificiel. A.D. Souligner les économies d énergie réalisées grâce aux lanterneaux pour compenser les déperditions thermiques qu on leur reproche. L argument est largement mis en avant par les fabricants. «L éclairage artificiel est parfois l un des postes les plus consommateurs d énergie, parfois avant le chauffage, notamment pour les commerces», affirme Bernard Lepage, directeur technique d Hexadome et coordonnateur au GIF Lumière*. Les différentes études et recherches en la matière confirment ce constat. C est donc logiquement que les industriels font largement la promotion de l efficacité de leurs produits en matière d apport de lumière naturelle zénithale 01 au regard de la RT 2012 et particulièrement du coefficient Bbio. «Par temps couvert et à surface égale, le lanterneau permet, grâce à son cône de diffusion, de multiplier par quatre la surface éclairée par rapport à une fenêtre de façade», poursuit Bernard Lepage. Un phénomène que Marc Fontoynont, professeur à l université d Aalborg (Danemark) et spécialiste de la lumière, explique par le fait que «la fenêtre de toit regarde le ciel pratiquement dans son ensemble et sans obstruction quand la façade n en voit que la moitié en raison de potentiels vis-à-vis avec d autres ouvrages, de la végétation De plus, le ciel est plus lumineux à son zénith.» Enfin, la lumière zénithale Définitions (source : GIF) Surface Lumière Efficace (SLE) : surface lumière en m 2 qui caractérise l efficacité globale du transfert de lumière du lanterneau. Flux lumineux : évaluation, selon la sensibilité de l œil, de la quantité de lumière rayonnée dans tout l espace par cette source. Il s exprime en lumen (lm). Éclairement : rapport du flux lumineux reçu à l aire de cette surface. Son unité est le lux (équivalent à 1 lm/m 2 ). Facteur lumière jour (FLJ) : en un point intérieur, rapport de l éclairement naturel reçu en ce point à l éclairement extérieur simultané, sur une surface horizontale en site parfaitement dégagé par ciel couvert. Il s exprime en pourcentage. Un local dont le FLJ est inférieur à 1 % est perçu comme sombre. Entre 1,5 % et 3 %, il apparaît clair. Au-delà de 3 %, il est considéré comme très lumineux. 01 La méthode de calcul mise au point par Ingelux Consultants pour le GIF permet de calculer le nombre de lanterneaux nécessaires pour fournir un éclairage naturel suffisant à l intérieur du bâtiment.

5 ÉTANCHÉITÉ.INFO #37 mars 2013 RT 2012 DOSSIER 31 tombant perpendiculairement au sol, le cosinus de l angle d incidence est plus élevé que celui de la lumière rasante des façades et donc l éclairement plus intense. Facteur Lumière Jour Pour aller plus loin et calculer la qualité et la quantité de lumière naturelle apportées par les lanterneaux, les outils existent. Ainsi, la capacité d un bâtiment à recevoir la lumière naturelle et la qualification de l impression ressentie lorsque l on entre à l intérieur se traduit par un pourcentage, le Facteur Lumière Jour (FLJ, voir encadré). En parallèle, le syndicat a fait appel au bureau d études spécialisé, Ingelux Consultants, pour mettre au point une méthode destinée à calculer le FLJ à partir du nombre et du type de lanterneaux installés et des caractéristiques de l ouvrage. Cette formule** permet également de définir le nombre de lanterneaux à positionner pour obtenir un FLJ donné dans un bâtiment donné. On peut également en déduire l autonomie d éclairage naturel d un local durant une année complète en fonction de la zone climatique, du nombre de lanterneaux, de leur surface lumière efficace (SLE exprimée en m²) et de leur positionnement en toiture. L objectif final étant de garantir Lumière, santé et réglementation Skydôme La lumière joue un rôle clé dans la régulation du rythme biologique de l être humain. Tout d abord, elle contribue à nous réveiller. Ensuite, «l exposition à d importants niveaux de lumière durant la journée favorise le sommeil du soir, ajoute Marc Fontoynont, professeur à l université d Aalborg (Danemark) spécialiste de la lumière. Notre corps a besoin d un rythme jour-nuit régulier et la lumière naturelle s avère être notre meilleur régulateur. En bloquant la production de mélatonine, une hormone du sommeil, elle participe à la réparation des troubles du sommeil.» Avec un spectre riche en bleu, elle est plus douce pour l œil et permet de le reposer. Un phénomène qui impacte aussi d autres fonctions fondamentales telles que l attention, le stress, la dépression Son influence sur notre concentration et notre vigilance a été démontrée par plusieurs études comme celle du professeur Laike (université de Lund, Danemark). Selon l usage des bâtiments, les niveaux minimums indispensables au confort visuel varient. «La norme européenne EN , l INRS et la RT 2012 dans son arrêté du 20 juillet 2011, préconisent un éclairage minimum du plan de travail de 300 lux pour avoir une bonne vision et éviter la fatigue visuelle, rappelle Bernard Lepage. Pendant 50 % du temps d occupation, ce niveau doit être atteint grâce à la lumière naturelle, pour l efficacité et la santé des personnes.»

6 32 DOSSIER 300 lux d éclairage intérieur par de la lumière naturelle zénithale pendant 50 % du temps d occupation. Diminuer la facture Résultat, «sur les quatre mille heures de lumière naturelle disponibles par an, on considère que trois mille sont utiles. 6 % de la surface de la toiture couverte par des lanterneaux permet d en optimiser deux mille pour éclairer un bâtiment sans avoir recours à l éclairage électrique», explique Marc Fontoynont. Ce constat se traduit sur la facture d électricité. Les travaux menés par le GIF ont montré qu un éclairage de 300 Lux 50 % du temps (correspondant à un FLJ d environ 2 %) était le seuil au-delà duquel l éclairage zénithal permettait de réduire le bilan énergétique d un bâtiment. «La consommation d énergie liée à l éclairage artificiel peut être abaissée jusqu à 50 % à l aide d un système de gradation», ajoute Stéphane Boulard, ingénieur R&D chez SIH. Soit environ un euro par an par mètre carré. Sans compter la réduction des frais de maintenance en matière d éclairage artificiel, ce dernier étant bien moins sollicité. Pour être complètement utile et notamment éviter les zones de pénombre, l apport en lumière naturelle doit être homogène. La répartition des lanterneaux en toiture est primordiale. Elle permet, comme le souligne Stéphane Boulard, de «gérer efficacement l association entre éclairage naturel et éclairage artificiel». Les risques d éblouissement pouvant être réduits et/ou maitrisés via l utilisation de remplissages diffusants ou de protections solaires. l La lumière zénithale limite le recours à la lumière artificielle. * Syndicat qui regroupe les fabricants de matériel coupe-feu et d évacuation des fumées ** (Nombre de lanterneaux X SLE X Coefficient de transfert du bâtiment) / surface du bâtiment De la surchauffe au rafraîchissement Il est impossible de ne pas considérer le facteur solaire des fenêtres de toit qui peut provoquer des effets de surchauffe l été. Des produits spécifiques, tels que les lanterneaux diffusants limitent ce phénomène. L installation de protection brise-soleil peut parfois s avérer indispensable. Mais sur cette question, les fabricants ripostent aujourd hui en prenant le contre-pied de ce point faible souvent incriminé en soulignant l argument qui affirme que le lanterneau participe au rafraîchissement grâce à la ventilation naturelle. Tout comme l apport de lumière zénithale, cette dernière est une des fonctions d origine du lanterneau qui a été quelque peu délaissée à partir des années 1970 au profit du désenfumage. Avec la RT 2012, elle est aujourd hui redécouverte pour ses capacités à renouveler l air et à réguler thermiquement un ouvrage. Avec comme conséquence directe d améliorer le confort des occupants et de diminuer le recours à la climatisation l été. Par exemple, une étude réalisée par le Leptiab et Soprema en 2011 montre que l ouverture de 4,5 % de lanterneaux en toiture d un bâtiment commercial en acier de deux étages à Poitiers permet, grâce à la ventilation naturelle, de maintenir en été une température de 20,6 C contre 27,3 C sans ouvrant de toit. Un confort d été amélioré gratuitement que les fabricants cherchent à optimiser avec des lanterneaux équipés de systèmes motorisés d ouverture et de fermeture. «Si pour la lumière, nous avons à disposition des cartes d ensoleillement ainsi que les performances des matériaux, pour le renouvèlement de l air, c est plus compliqué. Il faut en effet prendre en compte les températures intérieures et extérieures mais aussi les champs de pression. Or ces derniers sont très difficiles à prévoir», met en garde Bernard Lepage. La solution la plus sûre reste le night cooling (purge nocturne), l atmosphère, en période estivale, étant souvent plus fraîche à l extérieur qu à l intérieur. Pour en savoir plus sur la ventilation naturelle, voir Étanchéité.Info n 34