REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

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1 Modulation = modification du contrat de travail Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 28 septembre 2010 N de pourvoi: Publié au bulletin Rejet Mme Collomp, président M. Flores, conseiller rapporteur M. Foerst, avocat général SCP Delvolvé, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 mai 2008), que M. X... a été engagé à compter du 2 janvier 1989 pour une durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole par le GAEC Collonge, que son contrat de travail a été transféré le 2 janvier 2006 à la société Y... Philippe et Vincent ; qu'après application d'un accord de modulation, le salarié, estimant que sa durée de travail avait été réduite unilatéralement par l'employeur, a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande aux fins de rétablissement de son horaire de travail à 169 heures mensuelles et de rappel d'heures supplémentaires ; Sur le premier moyen : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. X... un rappel de salaire sur la période du 2 janvier 2006 au 31 mars 2008, les congés payés afférents et un rappel de prime d'ancienneté et congés payés afférents, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui a constaté que jusqu'au 1er janvier 2002, M. X... était rémunéré sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, puis, du fait de la réduction légale de la durée du travail, sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 heures, et que si cet horaire mensuel était complété par des heures supplémentaires à hauteur au moins de 169 heures, leur ventilation était variable sur les bulletins de paie et leur nombre n'était pas régulier, ce qui ne saurait caractériser une convention de forfait sur un nombre d'heures supplémentaires garanties au salarié, une telle convention ne pouvant résulter que d'un accord particulier entre l 'employeur et le salarié et non d'un usage, a, en considérant que l 'employeur étai t tenu de rémunérer le salarié pour un 1

2 horaire garanti de 169 heures (151, ,33 heures payées au taux majoré de 25 %), et qu'elle ne pouvait lui opposer l'accord de modulation régulièrement appliqué dans l 'entreprise, a violé l'article 1134 du code civil ; Mais attendu que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ; Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait mis en oeuvre une modulation du temps de travail sans l'accord du salarié, dont il était résulté pour ce dernier une modification du mode de détermination des heures supplémentaires, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; Sur le second moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Philippe et Vincent Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Philippe et Vincent Y... à payer à M. X... la somme de euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix. Prêt de main d œuvre Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 18 mai 2011 N de pourvoi: Publié au bulletin Cassation Mme Collomp, président M. Gosselin, conseiller rapporteur M. Aldigé, avocat général SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s) 2

3 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu que M. X... a été engagé par la société John Deere en qualité de délégué régional le 6 novembre 2000 ; que le même jour il a été mis à disposition de la société John Deere crédit ; qu'ayant refusé une modification de sa rémunération, il a été réintégré au sein de la première société par lettre du 28 novembre 2006 ; qu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail le 30 novembre 2006 et saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir, entre autres, l'indemnisation des heures acquises depuis 2005 au titre du droit individuel à la formation et le paiement de sommes au titre du travail dissimulé et d'heures supplémentaires ; Sur le premier moyen, qui est recevable : Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L du code du travail ; Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à faire juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'augmentation du salaire de base en octobre 2006 (de 7%) permettait de compenser la baisse du taux des primes (de 6%) de sorte que la modification n'avait pas d'incidence sur le montant de la rémunération ; que le salarié avait d'ailleurs admis le principe de l'harmonisation avancée ; Qu'en statuant ainsi, alors que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Sur le deuxième moyen : Vu les articles L et L du code du travail ; Attendu que le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d'exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation ; Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à obtenir le paiement par la société John Deere d'une somme au titre du droit individuel à formation l'arrêt retient que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation des heures acquises au titre du DIF depuis 2005 alors qu'il 3

4 n'a jamais formulé de demande à ce titre comme le suppose l'article L du code du travail, ni à l'occasion de la prise d'acte de la rupture pour une éventuelle demande pendant le préavis ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur le troisième moyen, qui est recevable : Vu les articles L , L , L et L , ce dernier dans sa rédaction alors applicable, du code du travail ; Attendu, d'abord, que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre est interdite ; que cette interdiction concerne également l'entreprise utilisatrice et que le caractère lucratif de l'opération peut résulter d'un accroissement de flexibilité dans la gestion du personnel et de l'économie de charges procurés à cette dernière ; Attendu, ensuite, qu'est également interdit tout marchandage défini comme une opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail ; Attendu que pour rejeter la demande du salarié de paiement par la société John Deere crédit d'une somme au titre du travail dissimulé et d'heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'il ressort de l'ensemble des documents versés aux débats non contestés sur ce point, que la société John Deere ne retirait pas le moindre profit de l'opération de mise à disposition du salarié auprès de la société John Deere crédit, la rémunération de ce salarié étant refacturée au centime près à la société John Deere crédit ; que le salarié n'établit pas que la rémunération perçue pour un forfait- jours était moindre que celle qui lui aurait été allouée s'il avait relevé de la convention collective qu'il revendique ; qu'en effet dans une telle hypothèse, son salaire de base aurait été différent et le paiement d'heures supplémentaires éventuelles aurait été réglementé ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que sa mise à disposition est illicite et qu'elle l'a privé du bénéfice d'une convention collective qui lui aurait ouvert droit à une meilleure rémunération au travers du paiement d'heures supplémentaires ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations, d'une part, que la société John Deere crédit ne supportait aucun frais de gestion de personnel hormis le strict remboursement du salaire et des charges sociales, et, d'autre part, qu'il avait été fait application au salarié d'une convention de forfait-jours illicite, faute pour la convention collective des sociétés financières qui lui était applicable, conformément à l'article L du code du travail, de prévoir la possibilité d'y recourir, ce qui l'avait privé du paiement des heures supplémentaires effectuées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne les sociétés John Deere et John Deere crédit aux dépens ; 4

5 Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme de euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze. Avantages catégoriels Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 1 juillet 2009 N de pourvoi: Publié au bulletin Cassation partielle Mme Collomp, président M. Marzi, conseiller rapporteur M. Cavarroc, avocat général SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er décembre 1991 en qualité de démarcheur livreur par la société DHL International absorbée le 31 décembre 2004 par la société Ducros services rapides devenue la société DHL express ; qu'estimant être moins bien rémunéré que d'autres salariés de l'entreprise, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail ; Sur le deuxième moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le premier moyen : Vu le principe d'égalité de traitement ; 5

6 Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité de congés payés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés que s'il est vrai qu'aux termes d'un accord collectif du 25 avril 1988, les salariés non cadres bénéficient de 25 jours de congés payés par an alors que les cadres bénéficient de 30 jours de congés payés par an, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit aux partenaires sociaux de prévoir un nombre de jours de congés différent selon les catégories professionnelles et que les contraintes spécifiques aux cadres, notamment l'importance des responsabilités qui leur sont confiées, justifient une différence de traitement ; Attendu cependant que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si l'octroi de l'avantage accordé aux cadres était justifié par des raisons objectives et pertinentes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le troisième moyen pris en sa seconde branche : Vu l'article L du code du travail ; Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre du lundi de Pentecôte et dire que la retenue litigieuse ne peut s'analyser comme une discrimination pour fait de grève, l'arrêt retient que, d'une part, la discrimination pour fait de grève suppose qu'il soit démontré un exercice régulier du droit de grève et que M. X... ne produit aucun élément pour justifier de cette condition, et d'autre part, que les modalités de calcul de la retenue critiquée ne sont pas en soi illicites et ont été pratiquées conformément à une note de service du 27 avril 2000 stipulant que le taux horaire pour les majorations de salaire comme pour les minorations liées aux absences inclura l'incidence des 13ème et 14ème mois ; Attendu cependant, que l'exercice du droit de grève ne peut donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux ; Qu'en se déterminant comme elle a fait, alors qu'il n'était pas contesté que l'intéressé avait exercé régulièrement son droit de grève, et sans rechercher si, concrètement, toutes les absences autorisées ou non, entraînaient les mêmes conséquences au regard des 13ème et 14ème mois, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le quatrième moyen : Vu l'article 1134 du code civil ; Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la prime de vacances, l'arrêt, après avoir relevé que la société DHL express qui a absorbé le 31 décembre 2004 la société DHL International où travaillait M. X... et d'autres sociétés et entités juridiques distinctes, retient qu'il est justifié que des négociations collectives sont en cours pour parvenir à un rapprochement progressif des statuts de chacune des entreprises fusionnées et que le 6

7 salarié ne peut prétendre obtenir à titre individuel, la reconnaissance d'un statut hybride fait d'un panachage entre les avantages des systèmes de rémunération de la société absorbée et de celui de la société absorbante ; Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... était fondé à invoquer les dispositions de l'accord d'entreprise applicable au sein de la société DHL express à compter du moment où il en était devenu le salarié, même si en vertu de l'article L du code du travail, la convention collective en vigueur dans la société DHL international dont il était le salarié avant son absorption par la société DHL express continuait de produire effet dans les conditions prévues par cet article, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Sur le cinquième moyen : Vu l'article 625 du code de procédure civile ; Attendu que la cassation de l'arrêt sur les trois moyens entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de dommages intérêts ; PAR CES MOTIFS : Casse et annule mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, d'une indemnité de congés payés, de primes de vacances et d'un rappel de salaire au titre du lundi de pentecôte, l'arrêt rendu le 28 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société DHL express aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société DHL express à payer à M. X... la somme de euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juin 2011 N de pourvoi: Publié au bulletin Cassation partielle Mme Collomp, président M. Gosselin, conseiller rapporteur M. Weissmann, avocat général SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s) 7

8 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Donne acte à M. X... du désistement total de son pourvoi incident ; Sur le moyen unique : Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 22-9 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique ; Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement, résultant d'un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Laboratoires Ciba-Ceigy, devenue la société Novartis Pharma, en qualité de visiteur médical le 24 septembre 1979 ; qu'ayant été nommé délégué hospitalier, groupe VI, niveau C, selon la convention collective de l'industrie pharmaceutique à compter du 1er janvier 1998, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté conventionnelle pour la période courant de février 2003 à février 2009 ; Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient que les cadres et assimilés cadres sont placés dans une situation identique au regard de la prime d'ancienneté litigieuse, car il n'existe aucune raison objective pour que l'ancienneté des seconds soit rémunérée par une prime et que celle des premiers ne le soit pas ; qu'il est donc inutile de rechercher si le salarié est resté cadre ou est devenu assimilé cadre puisque dans les deux cas il avait droit à la prime ; Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la différence de traitement résultant de la convention collective de l'industrie pharmaceutique entre les cadres et les assimilés cadres en matière de prime d'ancienneté n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; 8

9 PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 21 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze. Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juin 2011 N de pourvoi: Publié au bulletin Cassation partielle Mme Collomp, président Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur M. Weissmann, avocat général SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Roger et Sevaux, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Vu leur connexité, joint les pourvois n s C et G ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Sopafom à partir de 1997 et élu du personnel, a fait l'objet d'une procédure de licenciement en 2002 pour laquelle l'inspecteur du travail a refusé de donner son autorisation ; qu'il a été réélu représentant du personnel le 11 janvier 2007 ; que les élections ont été annulées par le tribunal d'instance de Clichy par jugement du 24 février 2007 ; que M. X... a été convoqué à une entretien préalable au 9

10 licenciement le 13 août 2007 et licencié pour faute grave le 29 août 2007 ; que la cour d'appel a dit que le licenciement, notifié peu après l'expiration du statut protecteur pour des faits commis pendant la période de protection, lesquels auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail, était nul ; Sur le moyen unique pris en sa première branche : Attendu que la société Sopafom fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement nul alors, selon le moyen, que le salarié dont le mandat de représentant du personnel s'est interrompu à la suite d'un jugement d'annulation des élections professionnelles ayant permis sa désignation perd la qualité de salarié protégé à compter de ce jugement sans pouvoir bénéficier de la protection de six mois allouée aux anciens représentants du personnel ; que le licenciement du salarié, auquel il est reproché des faits commis au cours de la période de six mois postérieure à la date du jugement d'annulation des élections professionnelles ayant permis sa désignation en qualité de représentant du personnel, n'a donc pas à être autorisé par l'inspecteur du travail ; que la cour d'appel qui, pour décider que l'employeur aurait dû solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement du salarié et juger, en conséquence, que faute d'avoir sollicité cette autorisation le licenciement était nul, a relevé que le licenciement prononcé après l'expiration de la période de protection était fondé sur des faits commis pendant la période de protection expirant six mois après le jugement d'annulation des élections professionnelles, a violé l'article L du code du travail par fausse application ; Mais attendu que, selon l'article L du code du travail, le licenciement d'un délégué du personnel ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, et que cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution ; Qu'il en résulte que c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que l'élection des délégués du personnel de la société Sopafom avait été annulée par un jugement du 24 février 2007, et qui a constaté que la période de protection dont bénéficiait M. X... après avoir cessé ses fonctions expirait le 24 août 2007, a décidé que le licenciement, qui reposait sur des faits survenus le 4 juillet 2007, aurait dû être soumis à l'autorisation de l'autorité administrative ; Que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le moyen unique pris en sa deuxième branche : Vu l'article L du code du travail ; Attendu que la cour d'appel énonce qu'il y a lieu de condamner la société Sopafom à verser à M. X... une somme de euros pour violation du statut protecteur ; Attendu cependant que l'indemnité pour violation du statut protecteur est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection ; qu'il en résulte que le salarié, licencié en méconnaissance de son statut protecteur après l'expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 10

11 Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche : Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 4 et 7 de la convention collective régionale du bâtiment et des travaux publics ; Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; Attendu que pour condamner la société Sopafom à verser à M. X... à titre d'indemnité de préavis d'une part et d'indemnité de licenciement d'autre part, en application de la convention collective régionale du bâtiment de la région parisienne des sommes correspondant à trois mois de salaire, la cour d'appel énonce qu'en vertu des principes d'égalité de traitement et de prohibition des discriminations, l'employeur ne peut arguer de ce que l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement auraient été calculées comme s'il était un cadre alors qu'il ne serait qu'etam ; Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la différence qu'elle constatait dans les dispositions de la convention collective régionale de la région parisienne relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité de licenciement au bénéfice des cadres, par rapport à celles prévues au bénéfice des employés, techniciens et agents de maîtrise, n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de chacune de ces deux catégories professionnelles distinctes, définies par la convention collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de euros au titre de la violation du statut protecteur, de la somme de euros au titre de l'indemnité de préavis et de euros au titre de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, rectifié le 11 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 11

12 Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze. TGI Paris 29 novembre 2011 n 10/05909, Fédération nationale des personnels des Stés d'études c/ Fédération des Syntec Composition du tribunal Madame Anne Lacquemant, Vice-Président Président de la formation Monsieur Maurice Richard. Vice-Président Madame Juliette Lançon, Juge Assesseurs assistés de Elisabeth Aubert, Greffier Débats A l'audience du 11 octobre 2011 tenue en audience publique Jugement Prononcé en audience publique Réputé contradictoire En premier ressort Sous la rédaction de Madame Lacquemant A la suite d'une assignation délivrée le 16 avril 2010, la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT, désignée par la Fédération CGT dans le présent jugement, demande, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2011, au visa des articles L , L , L et L du Code du travail et du principe jurisprudentiel de l'égalité de traitement, de : - juger la Fédération CGT recevable en son action, - juger que les partenaires sociaux ne peuvent faire échec au principe d'égalité de traitement, - juger que les articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective nationale Syntec violent le principe d'égalité de traitement, en l'absence de raison objective et pertinente, - déclarer les Fédérations patronales irrecevables en leur demande de nullité et, subsidiairement mal fondées, la violation de l'égalité de traitement devant entraîner l'application de l'avantage le plus favorable, en conséquence, - ordonner aux organisations Syntec et CICF de convoquer l'ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective en vue de mettre en conformité la convention collective avec le principe d'égalité de traitement, sous astreinte de euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, - condamner les organisations Syntec, CICF et CFE-CGC à verser chacune à la Fédération CGT la somme de euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, -prononcer l'exécution provisoire. A l'appui de ses demandes, la Fédération CGT invoque le caractère illicite de six articles de la convention collective nationale Syntec, qui prévoient des avantages différents pour les salariés ingénieurs et cadres, dit les IC, et les salariés employés, techniciens et agents de maîtrise, dit les Etam, faisant valoir que l'appartenance à une catégorie professionnelle ne peut justifier en soi une différence de traitement et qu'en l'espèce les différences instaurées ne sont pas justifiées par les spécificités propres à chacune des catégories professionnelles. Elle précise, tout en indiquant que la catégorie professionnelle des cadres n'est pas définie de façon univoque et renvoie à des réalités très différentes (salaires, responsabilités, formations...), qu'elle n'entend pas remettre en cause le principe des classifications conventionnelles qui fonde les minimas salariaux par catégorie professionnelle mais considère qu'à partir du moment où le système de classification prend en compte les responsabilités assumées et les connaissances mises en application résultant du rôle dévolu aux ingénieurs et cadres pour leur octroyer a priori de meilleurs salaires, rien ne justifie que cette catégorie perçoive, au-delà de la rémunération, des avantages plus favorables qui ne sont pas la contrepartie directe du travail habituel, que les différences de traitement ne doivent pas reposer sur le critère catégoriel mais sur d'autres critères proportionnés et en rapport direct avec l'objet de chaque avantage considéré. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2011, la Fédération CFDT de la communication, conseil, culture, dite la F3C-CFDT, faisant valoir que l'octroi d'avantages ou de compensations doit se faire en prenant en compte la situation objective de travail des salariés, quel que soit leur statut et que, dès lors que ces derniers sont liés à une activité professionnelle commune et constituent une communauté de travailleurs salariés, ils se trouvent dans une même situation objective et doivent bénéficier du même traitement, soutient, comme la Fédération CGT, que les articles 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective Syntec portent atteinte au principe d'égalité de traitement en ce que la différence entre IC et Etam qu'ils prévoient ne repose sur aucune raison objective. En revanche, la F3C-CFDT considère que la différence de traitement entre les IC et les Etam résultant de l'article 12

13 15 relatif au préavis peut être objectivement justifiée dès lors que la durée du préavis est le dispositif miroir de la période d'essai pour laquelle la différence de traitement entre cadres et non cadres est prévue par le code du travail et qu'il est certain qu'il faut plus de temps pour remplacer un cadre qu'un non cadre. Elle sollicite en conséquence que les Etam bénéficient des indemnités de licenciement, des indemnités en cas d'incapacité temporaire de travail et des moyens de transports prévus pour les IC par les articles 19, 43, 59 et 70 de la convention collective, que les IC bénéficient des compensations prévues à l'article 37 pour les Etam en cas de travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés. A titre très subsidiaire, elle demande que soit ordonné aux organisations patronales et salariales de revoir d'un commun accord les articles litigieux au regard du principe de l'égalité de traitement, et ce conformément à la déclaration liminaire de la convention collective Syntec. Enfin, elle sollicite, outre l'exécution provisoire de la décision à intervenir, la condamnation des fédérations patronales Syntec et CICF à lui payer la somme de euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2011, les organisations syndicales patronales, la Fédération des Syndicats des Sociétés d'etudes et de Conseils, dite la Fédération Syntec, et la Chambre de l'ingénierie et du Conseil de France, dite la CICF, soulèvent, faute de qualité à agir, l'irrecevabilité de la demande de la Fédération CGT qui tend à voir ordonner l'ouverture de négociations collectives, faisant valoir, d'une part, que l'article L du Code du travail ne permet qu aux seuls syndicats signataires de l'accord initial et à ceux qui y ont adhéré ultérieurement de conclure un accord de révision, d'autre part, que l'article 82 de la convention collective précise que cette dernière est révisable à tout moment par accord unanime des parties contractantes. A titre subsidiaire, sur le fond, elles soutiennent que les avantages conventionnels remis en cause par la Fédération CGT se justifient par les spécificités liées à la situation des IC et des Etam, spécificités que ces différences de traitement catégorielles visent à prendre en compte et qui en constituent autant de raisons objectives et pertinentes. A titre très subsidiaire et reconventionnellement, si le tribunal faisait droit à la demande de la Fédération CGT, elles demandent que soit prononcée la nullité des articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective afin de permettre aux parties de renégocier dans des conditions équitables. Elles sollicitent la condamnation de la Fédération CGT à verser à chacune d'elles la somme de euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 septembre 2011, la Fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, dite la FIECI CFE-CGC, invoque l'irrecevabilité de la demande de la Fédération CGT qui n'a pas qualité pour solliciter la révision de la convention ou dénoncer celle-ci. Elle soutient, à titre subsidiaire, que la demande porte atteinte à la négociation syndicale et à l'autonomie des partenaires sociaux érigée en principe constitutionnel, que par ailleurs une convention collective constitue un ensemble contractuel indivisible et que l'équilibre d'ensemble interdit de discuter de la légitimité, au regard du principe d'égalité, de tel ou tel avantage pris isolément, que la seule conséquence de l'illégalité des dispositions litigieuses est la nullité de celles-ci et non, comme le sollicite la Fédération CGT l'obligation d'ouvrir de nouvelles négociations ou l'application des avantages les plus favorables à tous les salariés sans distinction. A titre infiniment subsidiaire, elle considère qu'il n'existe pas de principe général d'égalité de traitement entre les salariés et qu'une différence de traitement peut être opérée entre des salariés placés dans des situations différentes, ce qui est le cas des IC et des Etam s'agissant des clauses discutées. Elle sollicite reconventionnellement la condamnation de la Fédération CGT à lui verser la somme de euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 février 2011, la Fédération des employés et cadres CGT-Force Ouvrière ne discute pas le fait qu'une convention collective doive respecter le principe constitutionnel d'égalité mais soutient qu'il ne peut être considéré que toute différenciation conventionnelle entre cadres et non cadres serait a priori illicite et illégale, faisant observer que la notion de catégories professionnelles constitue un socle incontournable non seulement dans l'histoire du droit conventionnel, mais aussi dans l'ensemble des dispositions légales et réglementaires relatives aux droits et obligations des travailleurs et employeurs, toute la construction du droit du travail, du droit social, de la sécurité sociale et du droit de la négociation collective s'étant élaborée sur la base de cette différenciation entre catégories professionnelles. Elle conclut que la Fédération CGT est mal fondée à soutenir que les dispositions relatives aux différenciations et aux catégories professionnelles contenues dans la convention collective nationale Syntec seraient a priori attentatoires au principe de l'égalité de traitement au motif qu'elles disposeraient différemment selon l'appartenance des salariés à telle ou telle catégorie. Elle ajoute qu'il n'appartient pas au juge d'ordonner aux organisations patronales de convoquer l'ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective. Elle conclut enfin au rejet des demandes de la Fédération Syntec et de la CICF tendant à l'annulation des articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70 de la convention collective Syntec et demande la condamnation de la Fédération CGT et de la Fédération Syntec aux dépens. Pour un plus ample exposé de l'argumentation des parties, il est renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions précitées. La CFTC n'a pas constitué avocat. Motifs Attendu que la convention collective nationale Syntec a été signée le 15 décembre 1987 par la Fédération 13

14 syndicale des sociétés d'études et de conseil (Syntec) et la chambre des ingénieurs conseils de France (la CICF), d'une part, l'odertes-cgc et le SNAT CGT-FO, d'autre part ; Qu'elle a été étendue par arrêté ministériel du 13 avril 1988 ; Que plusieurs organisations y ont adhéré : la FECTAM-CFTC le 3 janvier 1989, l'union nationale des professionnels de l'ordonnancement et de la coordination (UNAPOC) le 22 décembre 1989, la Fédération des services CFDT le 30 janvier 1996, le SPECIS FECTAM-CFTC le 18 mai 2000 et la Fédération des commerces et des services UNSA le 6 décembre 2004 ; Que la Fédération CGT n'est ni signataire, ni adhérente de la convention litigieuse ; Que cette convention couvre un champ d'application professionnel qui regroupe les cabinets d'études techniques, les cabinets d'études économiques et sociologiques, les cabinets d'études informatiques et d'organisation, les travaux à façon informatique, les cabinets de conseils en information et documentation, les sociétés dont l'activité principale est l'organisation ou l'accueil de manifestations économiques types foires, salons, congrès et réunions d'entreprise, ou les prestations de services liées à ces activités ; Attendu que la Fédération CGT et la F3C-CFDT contestent la licéité de diverses clauses de la convention collective Syntec soutenant qu'elles portent atteinte au principe d'égalité des salariés en ce qu'elles prévoient des avantages différents pour la catégorie des Etam et celle des IC sans que cette différence soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes ; Qu en conséquence de l'illicéité invoquée, les deux organisations syndicales forment à titre principal des demandes différentes, la Fédération CGT sollicitant du tribunal qu'il ordonne aux organisations syndicales patronales de convoquer l'ensemble des organisations syndicales représentatives à une négociation collective en vue de mettre les dispositions qu'elle critique en conformité avec le principe d'égalité de traitement, la F3C-CFDT demandant que les avantages les plus favorables soient étendus à l'ensemble des salariés ; Sur la recevabilité Attendu que la recevabilité des demandes de la F3C-CFDT n'est pas discutée ; Attendu que l'action de la Fédération CGT ne s'inscrit pas dans le cadre d'une demande en révision ou en dénonciation de la convention en application des dispositions L et L du Code du travail mais tend à voir sanctionner des dispositions conventionnelles qu'elle juge contraires à l'égalité de traitement des salariés ; Que les développements sur le défaut de qualité à agir de la Fédération CGT pour solliciter une révision d'une convention sont dès lors inopérants ; Attendu qu'une organisation syndicale, signataire ou non, est recevable à invoquer, dans l'intérêt collectif de la profession, le caractère illicite des clauses d'une convention collective, celle-ci aurait-elle fait l'objet d'un arrêté d'extension, un tel arrêté n'ayant pas pour effet de conférer à la convention une validité ; Qu'une disposition conventionnelle est illicite non seulement lorsqu'elle est discriminatoire mais aussi lorsqu'elle porte atteinte au principe d'égalité des travailleurs qui constitue un principe général du droit ; Que la légitimité des partenaires sociaux à négocier ne peut faire échec à ce principe en les exonérant de son respect ; Qu'il appartient ainsi au juge, non pas de contrôler l'opportunité des résultats de la négociation collective et des choix effectués par les partenaires sociaux, mais de s'assurer qu'à travers ces choix il n'a pas été porté au principe d'égalité de traitement des salariés placés dans des situations identiques ; Que la demande de la Fédération CGT qui a pour objet de voir déclarer illicites les dispositions critiquées en raison de la violation de ce principe, est recevable ; Attendu que la question de savoir quelles conséquences peuvent être tirées de l'illicéité prétendue, ne relève pas de la recevabilité de la demande, mais de l'examen au fond ; Qu'a cet égard, le caractère illicite d'une disposition conventionnelle au motif qu'elle porterait atteinte à l'égalité de traitement des salariés ne saurait avoir pour effet d'appliquer l'avantage le plus favorable à l'ensemble des salariés, comme le sollicitent la F3C-CFDT à titre subsidiaire et la Fédération CGT à titre principal ; Qu'une telle solution porterait atteinte à la volonté des partenaires sociaux et à l'équilibre global de la convention ; Que si le seul moyen de réparer l'irrégularité substantielle résultant de la violation du principe d'égalité dans l'octroi de divers avantages aux IC et aux Etam et de préserver l'intérêt collectif de l'ensemble des salariés, est d'engager de nouvelles négociations, il n'appartient pas à la juridiction saisie d'ordonner l'ouverture de telles négociations en dehors de toute procédure de dénonciation ou de révision de la convention, étant en outre observé que la Fédération CGT n'a pas qualité pour dénoncer ou solliciter la révision de la convention en cause ; Que le tribunal qui serait amené à considérer que les dispositions critiquées seraient contraires au principe d'égalité de traitement des salariés, ne pourrait que les annuler, les partenaires sociaux devant en tirer toutes conséquences ; Sur le fond Attendu que la branche professionnelle concernée emploie environ salariés ; que selon les éléments fournis par la Fédération Syntec et la CICF résultant du rapport de branche 2010 et de l'étude socio démographique, 90 % des entreprises de la branche emploient moins de six salariés, la main d'oeuvre est très diplômée, la branche compte une proportion très élevée d'ingénieurs et cadres, dit les IC : 74 % contre 26 % d'employés, techniciens et agents de maîtrise, dit les Etam ; Que le préambule de la convention collective nationale Syntec souligne la spécificité des sociétés relevant de son champ d'activité, celles-ci devant prendre en charge des interventions d'études et de réalisation très diverses dans leur ampleur, dans leur technicité, dans leur localisation et dans le temps ; Qu'aux termes de l'article 2 de la convention collective Syntec qui définit les deux catégories professionnelles Etam et IC, sont considérés comme Etam, les salariés dont les fonctions d'employés, de techniciens ou d'agents de maîtrise sont définies en annexe par la classification correspondante, sont considérées comme IC, les 14

15 ingénieurs et cadres diplômés ou praticiens, dont les fonctions nécessitent la mise en oeuvre de connaissances acquises par une formation supérieure sanctionnée par un diplôme reconnu par la loi, par une formation professionnelle ou une pratique professionnelle reconnue équivalente dans la branche d'activité ; Que l'annexe I de la convention collective précise que le personnel de la catégorie des Etam peut remplir trois fonctions : des fonctions d'exécution, des fonctions d'études ou de préparation ou des fonctions de conception ou de gestion élargie, et institue une classification en trois fonctions, chacune d'elle étant subdivisée en un certain nombre de positions auxquelles sont affectés des coefficients ; que l'annexe détaille le contenu de chacune des fonctions ; Que l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail prévoit trois modalités de gestion des horaires : - modalités standard : concernent les Etam, les IC pouvant également en relever - modalités de réalisation de missions : tous les IC sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. Nature des tâches : responsabilités particulières d'expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s'arrêter à heures fixes, utilisation d'outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches...) - modalités de réalisation de missions avec autonomie complète ; Que la nature des missions confiées aux IC et aux Etam résultant de la classification précisée par la convention collective qui s'impose à toutes les entreprises relevant de la branche professionnelle en cause, il ne peut être utilement soutenu que les IC et les Etam ont vocation à occuper des postes équivalents ; Attendu qu'au regard des définitions des catégories IC et Etam précisées par la convention collective, de la spécificité des tâches confiées aux uns et aux autres et des régimes différenciés dans l'organisation et la durée du travail, ces catégories de personnel sont placées dans des situations de travail objectivement différentes ; Que cependant la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement, résultant d'un accord collectif ou d'une convention collective, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont il convient de contrôler la réalité et la pertinence ; Que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation ou d'un accord collectif ou d'une convention collective qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; Que sous ces réserves, les partenaires sociaux sont libres d'envisager différemment la situation des IC et des Etam en prévoyant notamment des avantages différents pour les uns et pour les autres, l'opportunité d'instaurer de telles différences relevant de leurs prérogatives ; Attendu qu'en considération des situations objectivement différentes du personnel IC et du personnel Etam travaillant au sein de la branche d'activité couverte par la convention collective Syntec et comportant les particularités ci-dessus énoncées, il convient d'examiner la pertinence du traitement différencié opéré par les dispositions litigieuses entre ces deux catégories professionnelles ; Que, s'agissant d'une contestation élevée par des syndicats en dehors de tout litige individuel, la spécificité des situations des salariés IC, d'une part, et Etam, d'autre part, au regard de l'avantage considéré, ne peut s'apprécier qu'in abstracto ; Qu'en effet, s'il est toujours possible que des constatations générales soient contredites au cas par cas dans certaines situations individuelles, il ne peut être exigé d'une convention collective qu'elle règle de manière strictement égalitaire chacun des cas particuliers qui peut être amené à se poser au cours de son exécution ; Sur l article 15 : durée du préavis en dehors de la période d'essai Attendu que cet article prévoit, en cas de rupture du contrat de travail, une durée de préavis de trois mois pour les IC, et de un à deux mois pour les Etam selon leur ancienneté (plus ou moins deux ans) ou leur coefficient hiérarchique conventionnel quelle que soit l'ancienneté acquise ; Que ce préavis s'applique tant dans l'hypothèse d'un licenciement que dans celle d'une démission ; qu'il ne peut dès lors être retenu qu'il n'est instauré que dans l'intérêt du salarié, comme le soutient la Fédération CGT ; Attendu que, compte tenu de la nature des missions et des responsabilités confiées aux IC de la branche d'activité concernée (chef de projet, intervention auprès des clients, organisation des missions...), la nécessité de finaliser des projets en cours, d'en d'informer les autres collaborateurs ainsi que la difficulté plus grande pour l'employeur de remplacer un IC et de vérifier l'adéquation d'un candidat IC au poste proposé, l'étude sociodémographique produite confirmant que les entreprises du secteur de l'informatique et de l'ingénierie ont des difficultés à recruter du personnel qualifié, la durée supérieure du préavis applicable aux salariés IC apparaît justifiée au regard de la spécificité de leurs fonctions ; Que tenant compte de cette spécificité, l'article L du Code du travail prévoit que les durées maximales des périodes d'essai sont différentes selon les catégories professionnelles, ouvriers et employés, agents de maîtrise et techniciens, cadres ; Que l'article 7 de la convention collective en cause qui envisage des périodes d'essai d'une durée inférieure à la durée maximale légale, fixe des durées différentes pour les Etam et les IC ; Qu'ainsi à une période de préavis plus longue pour les IC correspond une période d'essai plus longue ; Que l'article 15 de la convention n'encourt pas le reproche qui lui est fait et ne sera pas déclaré illicite ; Sur l'article 19 : indemnité de licenciement Attendu que cet article définit un montant différent de l'indemnité de licenciement pour les Etam et les IC : - pour les Etam : * pour une ancienneté acquise entre 2 et 20 ans : 0,25 mois par année de présence, 15

16 * à partir de 20 ans d'ancienneté : 0,30 mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 10 mois, - pour les IC : après 2 ans d'ancienneté : 1/3 de mois par année de présence sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois ; Attendu qu'il convient de rappeler que les indemnités de licenciement présentent un caractère indemnitaire et ont pour objectif de compenser les préjudices résultant de la perte d'emploi ; Que pour des salariés IC ayant des rémunérations plus élevées que celles des salariés Etam, la perte financière en cas de perte d'emploi est plus importante ; Qu'en outre, les IC dont les fautes dans l'exercice de leurs missions sont appréciées différemment et plus sévèrement au regard des responsabilités qui leur sont confiées, ne sont pas placées dans une situation identique à celles des Etam au regard du risque de licenciement ; Que compte tenu de ces éléments mais aussi du caractère mesuré de la différence instaurée entre les indemnités de licenciement complémentaires accordées aux IC, d'une part, et aux Etam, d'autre part, aux termes de l'article 19 de la convention collective, cette disposition n'apparaît pas contraire au principe d'égalité de traitement des salariés au regard de la spécificité de leurs situations respectives ; Sur l'article 37 : paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés Attendu que cet article qui ne concerne que les Etam prévoit que lorsque l'organisation du travail nécessite le travail habituel de nuit, du dimanche ou des jours fériés, les heures de travail ainsi effectuées bénéficient d'une majoration de 25 % appliquée sur le taux horaire découlant du minimum hiérarchique, sous réserve que ces heures soient incluses dans un poste comportant au moins 6 heures consécutives et précise que pour apprécier si cette majoration est perçue par l'intéressé, il est tenu compte des avantages particuliers déjà accordés à ce titre dans l'entreprise et soumis à cotisations sociales ; Que la Fédération CGT et la Fédération CFDT font grief a cette disposition d'exclure les IC de la compensation conventionnelle qu'elle prévoit, bien qu'ils puissent être amenés à travailler dans les mêmes conditions ; Que la Fédération Syntec et la CICF expliquent qu'au niveau de la branche, la convention collective ne prévoit le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les Etam en raison du contenu même de leur emploi et de leur mission ; Attendu que l'article 36 de la convention collective ne définit effectivement le travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés que pour les Etam ; Qu'ainsi, la disposition litigieuse n'instaure pas une différence de traitement entre les IC et les Etam au regard de la compensation pécuniaire en cause, mais définit la compensation accordée à ces derniers lorsqu'ils travaillent habituellement de nuit, le dimanche ou les jours fériés, le travail habituel de nuit, des dimanches et des jours fériés des IC n'étant pas prévu par la convention collective ; Que la disposition litigieuse n'emporte dès lors pas de rupture d'égalité ; Que s'agissant du travail exceptionnel du dimanche et des jours fériés, les deux catégories de personnel sont rémunérées dans les conditions des articles 35, 35-1 et 35-2 de la convention collective et de l'avenant du 28 avril 2004 relatif aux dispositions financières du travail du dimanche et des jours fériés pour certaines entreprises ; Sur l 'article 43 : incapacité temporaire de travail Attendu que l'article 43 de la convention collective prévoit que tant les IC que les Etam percevront une allocation destinée à compléter, durant trois mois, dès le premier jour d'absence, sans condition d'ancienneté dans le cas d'incapacité par suite d'accident du travail ou de maladie professionnelle survenus au service de l'employeur, à compter d'un an d'ancienneté dans les autres cas, les indemnités versées en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et les lois sur l'assurance maladie ainsi que les indemnités versées le cas échéant en compensation de la perte de salaire par un tiers responsable d'un accident, déduction faite des indemnités versées par le régime de prévoyance souscrit par l'employeur, jusqu'à concurrence des appointements ou fractions d'appointements suivants : -pour les Etam : * moins de cinq ans d'ancienneté : un mois à 100 %, les deux mois suivant à 80 % * plus de cinq d'ancienneté : deux mois à 100 %, le mois suivant a 80 % - pour les IC : 100 % durant les trois mois, étant précisé que les primes et gratifications ne sont pas comprises dans le calcul du salaire ainsi maintenu ; Attendu que les allocations conventionnelles ayant pour objet de compléter, à concurrence de leurs salaires dans les proportions ci-dessus et sans considération d'un plafond, les indemnités versées aux IC et aux Etam au titre de l'assurance maladie et du régime de prévoyance, l'argument tiré des modalités de calcul des indemnités journalières en ce qu'elles ne prennent pas en compte les sommes excédant le plafond de la sécurité sociale, est inopérant pour justifier la différence de traitement instituée entre les IC et les Etam par l'article 43 litigieux puisque le complément versé intégrera la totalité du montant excédant le plafond de la sécurité sociale ; Que le montant plus élevé des cotisations patronales versées au titre de la retraite et de la prévoyance sur les salaires des cadres, ne permet pas davantage de justifier la différence entre les indemnités complémentaires versées aux IC et aux Etam en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident, dès lors que la nature de l'indemnisation est différente ; Qu'en revanche, dans la mesure où les primes et gratifications ne sont pas prises en compte dans le calcul du salaire devant être maintenu dans les proportions ci-dessus, et alors qu'il n'est pas discutable que de manière générale, la rémunération des IC intègre des primes et gratifications dans des proportions plus importantes que celle des Etam, la différence de traitement entre les IC et les Etam à compter du deuxième ou troisième mois d'arrêt de travail, s'agissant du calcul de l'indemnité complémentaire pour maladie conventionnelle, permet de compenser la perte plus importante subie par les IC au titre des primes et gratifications et apparaît justifiée par 16

17 les modalités spécifiques de rémunération de chacune de ces catégories professionnelles ; Qu'ainsi, l'article 43 de la convention collective nationale Syntec ne revêt pas de caractère illicite ; Sur les articles 59 et 70 : moyens de transport, voyages et transports Attendu qu'aux termes de ces dispositions, les déplacements professionnels effectués en France ou hors de France en train et bateau, s'effectuent en 2 e classe ou confort équivalent pour les Etam, en 1er classe ou confort équivalent pour les IC ; Attendu qu'il ne peut être contesté que les déplacements professionnels des IC, en raison des responsabilités assumées par ces derniers et de la nature des missions qui leur sont confiées, leur sont plus fréquemment imposés et sont souvent plus longs ; qu'il n'est pas davantage discutable que cette catégorie de personnel est le plus souvent amenée à travailler durant les trajets ainsi effectués ; Qu'en considération de ces conditions d'exercice des fonctions d'ic, les partenaires sociaux ont pu, sans porter atteinte au principe d'égalité, opérer une différence de traitement entre les IC et les Etam à l'occasion des déplacements qu'ils effectuent dans le cadre professionnel ; Que les articles 59 et 70 ne seront pas déclarés illicites ; Sur l'article 700 du Code de procédure civile Attendu que la Fédération CGT qui a engagé la présente action et succombe dans toutes ses demandes sera condamnée aux dépens, à l'exception des dépens engagés par la F3C-CFDT qui resteront à la charge de cette dernière ; Que des considérations tirées de l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Que les demandes formées de ce chef seront rejetées ; Par ces motifs Statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, Déclare les demandes de la Fédération CGT et de la F3C-CFDT recevables ; Cass. soc. 28 mars 2012, nos et D ; cass. soc. 28 mars 2012, nos et FSPB Licenciements préventifs Cass. soc. 14 décembre 2011 n (n 2638 FS-PBR), Guetre c/ Sté Generali vie LA COUR, composée conformément à l'article R du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 novembre 2011, où étaient présents : M. Lacabarats, président, M me Guyon-Renard, conseiller référendaire rapporteur, M me Mazars, conseiller doyen, MM. Bailly, Béraud, M mes Geerssen, Lambremon, M. Frouin, M me Deurbergue, M. Chauvet, M me Terrier-Mareuil, MM. Huglo, Struillou, Maron, conseillers, M mes Grivel, Pécaut-Rivolier, MM. Mansion, Contamine, M mes Sabotier, Corbel, Salomon, conseillers référendaires, M me Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M me Guyon-Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Guêtre, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Generali vie, les conclusions de M. Cavarroc, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Paris 24 novembre 2009, ch. 6-3), que M. Guêtre, employé depuis le 1 er mars 1991, a exercé en dernier lieu pour la société Generali proximité assurances (GPA), aux droits de laquelle se trouve la société Generali vie, les fonctions d'"inspecteur du cadre" ; qu'ayant refusé le 19 octobre 2006 de signer l'avenant à son contrat de travail portant modification des modalités de calcul de sa rémunération variable, il a été licencié pour motif économique le 5 janvier 2007 ; Sur le premier moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur le deuxième moyen : Vu l'article L du Code du travail ; Attendu que pour débouter M. Guêtre de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle el sérieuse, l'arrêt retient, d'une part, que la modification du contrat de travail refusée par le salarié était fondée sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du 17

18 groupe Generali et, d'autre part, que le précédent mode de calcul des rémunérations des conseillers commerciaux et des inspecteurs de la société GPA, el spécialement de leur part variable assise sur l'activité commerciale des agents qu'ils encadraient, était, par l'effet de contraintes tant internes qu'externes et de la nécessité de définir de nouvelles orientations stratégiques, devenu obsolète et même fortement décrié par les organisations syndicales qui en ont réclamé la redéfinition et ont été associées à son changement, celui-ci étant notamment devenu moins rémunérateur pour les salariés par suite de réformes législatives, votées en juillet et décembre 2005, résultant des amendements Fourgous et Marini, et insuffisamment incitatif et motivant pour assurer la conquête de nouveaux clients et le maintien de la part de marché de cet assureur, qui depuis une dizaine d'années, ne cessait de s'effriter par l'effet de la concurrence exacerbée des réseaux de "bancassureurs" et d'assurances-vie en ligne ; Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi était caractérisée l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel la société appartient, de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 24 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Generali vie aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, la condamne à payer à M. Guêtre la somme de euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille onze. Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 décembre 2011 N de pourvoi: Non publié au bulletin Rejet M. Lacabarats (président), président SCP Boullez, SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Sur les deux moyens réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 mai 2009), que M. X... a été engagé le 1er novembre 1984 en qualité de chargé de secteur par la société Groupe des assurances populaires, aux droits de laquelle se trouve la société Generali vie (la société) ; que dans le cadre de sa réorganisation, celle-ci lui a proposé le 25 septembre 2006 une modification des conditions de calcul de sa rémunération ; qu'après avoir refusé cette proposition, le salarié a 18

19 été licencié pour motif économique le 5 janvier 2007 ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen : 1 / que la modification du contrat de travail a une cause économique, lorsqu'elle procède d'une réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques futures et leurs conséquences sur l'emploi, même si celles-ci ne sont pas encore survenues à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'une évolution du cadre législatif de la rémunération des commerciaux leur étant défavorable, d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients soit 15 % de son portefeuille, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi "plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes" ; que pour considérer que le licenciement de M. X... était privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est contentée de relever que les modifications législatives n'étaient pas de nature à créer des difficultés économiques, puisqu'elles supprimaient des commissions que l'employeur n'avait donc plus à verser à ses salariés, que la diminution des marges techniques était compensée par les résultats provenant de placements financiers, que la perte de clients n'a pas conduit à une dégradation des résultats et le phénomène s'était ralenti, que la société Generali pouvait conserver ses commerciaux avec des modes de rémunération différents et d'affirmer qu'en réalité, la réorganisation avait pour but de simplifier la gestion interne et de réduire les frais généraux pour augmenter la rentabilité ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait constaté les pertes de parts de marché de la société exposante, la diminution de ses marges techniques et la persistance de l'érosion de sa clientèle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L du code du travail ; 2 / qu'en l'espèce, pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients soit 15 % de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur dix ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005, nécessitant l'adoption d'un système de rémunération plus adapté, pertinent et incitatif pour ses commerciaux ; qu'elle faisait ainsi valoir et démontrait que la modification proposée, tendant à adapter la rémunération des commerciaux à la situation de l'entreprise et à inciter ces derniers à conquérir de nouveaux clients, était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité, prévenir des 19

20 difficultés économiques prévisibles et importantes et ainsi maintenir l'emploi "plutôt que d'attendre une dégradation supplémentaire de la position de la société qui aurait entraîné la nécessité d'envisager des suppressions de postes" ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, sans rechercher ni préciser, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la définition d'un nouveau système de rémunération des commerciaux, plus incitatif, adapté et pertinent, ne permettait pas, tout en préservant les emplois, de mettre un terme, à la perte de clients et de parts de marché dans le secteur d'activité concerné, à la diminution de ses marges techniques et à la persistance de l'érosion de sa clientèle, tous éléments dont elle avait pourtant constaté la réalité et qui étaient essentiellement liés au développement très important de concurrents sur internet et des "bancassureurs", dotés d'importants réseaux d'agences, et, par là même, de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L et L du code du travail ; 3 / que la réorganisation de l'entreprise peut se justifier pour prévenir des difficultés économiques à venir, qui, par hypothèse, n'existent pas encore au jour du licenciement ; qu'en l'espèce, la société Generali vie se prévalait précisément de ce que la modification proposée tendait à recentrer l'activité de ses commerciaux vers la conquête de nouveaux clients, afin d'enrayer ses pertes persistantes de parts de marché et de compétitivité et éviter des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; que la cour d'appel, qui n'a examiné que la situation économique antérieure à la date du licenciement et celle de l'année où il a eu lieu, en retenant, l'absence de "dégradation des résultats économiques de l'entreprise" en dépit de la perte persistante de clients et de la diminution des marges techniques avérées, sans analyser l'avenir économique et concurrentiel de la société exposante tel qu'il était prévisible après cette date et l'existence de difficultés probables liées au statu quo, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L du code du travail ; 4 / que les mesures de réorganisation à caractère économique se fondent sur une analyse prévisionnelle faite par l'employeur et tendant à prévenir des difficultés économiques futures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a nié le caractère économique de la modification proposée et du licenciement opéré, motif pris de ce que la preuve de l'existence d'une menace "précise et immédiate" sur la compétitivité de l'employeur ne serait pas rapportée, bien que la réorganisation de l'entreprise puisse justifier une telle mesure, en cas difficultés économiques prévisibles, même sans menaces "immédiates" sur sa compétitivité, a violé l'article L du code du travail ; 5 / que pour justifier du caractère économique de la modification contractuelle proposée au salarié et du licenciement résultant du refus de ce dernier, la société Generali vie avait fait valoir et démontré que la modification proposée résultait d'un renforcement très important de la concurrence, notamment par le développement de concurrents sur internet et des "bancassureurs" dotés d'importants réseaux d'agences particulièrement efficaces auprès de la clientèle de proximité qui est celle de la société exposante, de l'importance des pertes persistantes de clients et de parts de marché qu'elle subissait régulièrement depuis dix ans et représentant cent cinquante mille clients, soit 15 % de son portefeuille, et que son résultat technique était resté négatif sur dix ans pour être évalué à 27,5 millions d'euros en 2005 ; qu'ayant pourtant retenu la réalité de la diminution des marges techniques et de la perte persistante de clients, la cour d'appel qui se borne à affirmer que l'employeur n'apporte pas la preuve de l'existence d'une menace précise et immédiate sur sa compétitivité, sans assortir sa décision d'aucun motif sur ce point, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L du code du 20