Comment parler d obe site aux enfants?

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1 L obésité, bien qu elle soit devenue un fléau, demeure un sujet délicat à aborder. Pourtant, il faut en parler. Parler d obésité aux enfants fait naître un malaise chez la plupart des adultes. Cela peut être la crainte de créer une préoccupation trop importante sur le sujet, un complexe chez ceux qui en sont atteints, pire encore, la peur de favoriser ou de déclencher un trouble alimentaire. Ces craintes bien justifiées sont le résultat d une société axée sur l esthétisme, avec la définition de la «beauté de l être humain» s appuyant avant tout sur l apparence. Ces craintes sont en fait le reflet de notre propre relation à la notion d obésité. Et puis, il faut réaliser qu être mince ne veut pas dire être en santé. Pour informer correctement un enfant, il faut d abord être bien informé soi-même en tant que parent ou adulte travaillant auprès des enfants. Il faut décrire l obésité pour ce qu elle est vraiment et non pour ce qu on en fait culturellement (qui en passant change avec les modes!). L obésité en soi n est pas un problème. Pas plus que la couleur des cheveux, la taille ou la langue que l on parle. En tant que pédiatre, l apparence du corps de l enfant m importe peu. Tout enfant à droit à être aimé. L enfant habite le corps. Ce sont les dangers associés à l obésité qui sont inquiétants. Précisons les termes (médicaux) À défaut de meilleure mesure, on utilise l indice de masse corporelle (IMC) pour évaluer les proportions d un individu = Poids (kg) /taille en mètre au carré. Surpoids = IMC (BMI) Obésité = IMC supérieur à 30 (BMI) Ces données s inscrivent sur une courbe selon l âge de l enfant. On estime que l IMC devrait se situé sous le 85 e centile. Au-delà, on commence à craindre la poursuite de prise pondérale jusqu à la définition d obésité présentée plus tôt. En traçant les courbes de croissance et l IMC de l enfant à mesure qu il grandit, le médecin devrait tenter d identifier le «rebond d adiposité» (marqueur du risque d'obésité infantile) de l enfant, qui survient habituellement vers l âge de 6 ans. Si ce rebond se produit plus tôt, l enfant est à grand risque de souffrir d obésité à l âge adulte. Bientôt, nous l espérons, les médecins prendront la mesure du tour de taille des enfants, car il identifie davantage l obésité dite «tronculaire» ou «abdominale» plus associée à des maladies cardiovasculaires à l âge adulte. De façon générale, un tour de taille supérieur à la moitié de la taille de l enfant est un signe d alarme. Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps

2 Les dangers de l obésité : Hypertension artérielle (HTA) (trois fois plus à risque); Troubles métaboliques (hypercholestérolémie, diabète de type II, syndrome métabolique); Maladies cardio-vasculaires à un âge plus précoce (infarctus du myocarde, AVC); Maladies respiratoires (apnée du sommeil); Calculs (pierres) de la vésicule biliaire; Troubles musculo-squelettiques (genou, hanche, dos); Troubles hormonaux (ovaires polykystiques avec danger d infertilité); Plus de néoplasie (cancers de l endomètre, du sein et du côlon); Problèmes de circulation veineuse; Plus de sédentarité; Pauvre estime de soi, isolement, anxiété, troubles de l humeur et du comportement alimentaire; Mortalité précoce. Qu est-ce qui cause l obésité? Il s agit ici d une question complexe, car la réponse dépend de multiples facteurs. Le sujet est d ailleurs discuté abondamment dans la littérature populaire et médicale. Les causes peuvent être d ordres : génétique (responsable de peu de cas selon les connaissances actuelles) ; hormonale ; environnementale (habitudes alimentaires, sédentarité, publicité et accès facile et peu coûteux à la malbouffe, etc.). On peut résumer la situation par une simple règle de mathématique : Les calories ingérées dépassent les besoins caloriques de l organisme (du corps). Ainsi pour perdre du poids, il faut diminuer les calories ingérées. Facile à dire, mais pas si facile à faire. D autant plus que si on tente de réduire de façon trop rapide les calories de notre alimentation, le corps vivra ce changement comme une menace de jeûne (et donc de mort) et il prendra tous les moyens nécessaires pour éviter le pire : La diminution du rythme du métabolisme ; L augmentation de la sensation de faim ; L emmagasinement de chaque calorie absorbée avec plus de vigueur ; et plus encore. Ce qui rend la perte de poids encore plus difficile! Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps

3 Les différences connues entre enfant et adulte face à l obésité Adulte On réalise maintenant que ce ne sont pas tous les gens souffrant d obésité qui développent des complications. Des recherches tentent présentement d identifier les types de personnes pour qui une perte de poids devrait être prescrite et les autres à qui il peut suffire d encourager une vie saine et active. Enfant Les connaissances actuelles ne nous permettent pas de faire cette distinction chez les enfants, car les répercussions se manifestent surtout à l âge adulte. Le diabète de type 2 connaît toutefois une croissance grandement inquiétante chez les jeunes. Nos efforts se concentrent à diminuer l obésité chez les jeunes en début d adolescence. Nous savons qu à partir de cet âge la perte de poids devient de plus en plus difficile. D ailleurs la majorité des adolescents obèses demeureront obèses leur vie entière (70% des cas d obésité à l adolescence persistent à l âge adulte). Comment parler à l enfant, quoi dire? Quelques suggestions : Pour guider les parents dans leurs interventions, commençons par diviser les enfants en deux grandes classes : 1. Avant l âge de 10 ans Il semble y avoir consensus qu il ne devrait pas y avoir de discussion directe d obésité avec le jeune. Les parents sont responsables d aller chercher l aide et d appliquer les recommandations pour favoriser la perte de poids de leur enfant. Les parents devraient parler au jeune, qui s interroge sur les changements alimentaires et les activités familiales, de l importance d avoir une vie saine et de prendre soin de son corps. Assurez-vous que votre enfant ne soit pas victime d intimidation et qu il ne souffre pas de troubles de l humeur, d identité ou d anxiété ans et plus Ici, la discussion doit inclure l enfant qu il soit lui-même atteint d obésité ou non. Il faut comprendre que le jeune a toujours besoin de supervision et que les repas et l épicerie demeurent les responsabilités premières des parents. L enfant doit comprendre son rôle dans ses choix alimentaires et dans la grosseur des portions de ses repas et de ses collations. Il peut participer à l élaboration des menus et à la préparation des repas. On parle de santé, d être responsable de son corps, et ceci devient un projet individuel ou familial. Les choix alimentaires, l activité physique et les bienfaits d être fier de Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps

4 prendre soin de soi sont les priorités. La perte de poids viendra, mais le plus important est que vous développerez des habitudes de vie saines qui favorisent une bonne santé. Vous aurez de bonnes chances de conserver ces bonnes habitudes et que vos enfants les transmettent à leur tour. On ne doit pas entreprendre une perte de poids sans consulter un professionnel, cela peut s avérer dommageable pour la santé, en plus d être infructueux. Les diététistes peuvent guider adéquatement les gens vers une meilleure santé alimentaire tout en respectant le rythme de chacun. Il est important d en parler à votre enfant et à votre médecin. 3. Pour tous les enfants Il faut parler d obésité à un moment ou à un autre. Les enfants connaissent tous un ami à l école ou quelqu un dans la famille qui en souffre, et qui vit peut-être même de l intimidation, avec toutes ses conséquences. Votre enfant se moque peut-être lui-même des enfants souffrant d obésité. Il ne serait pas le premier, ni le dernier. Beaucoup d adultes le font. Voici quelques points à aborder : 1. L obésité est une maladie comme une autre. Elle est visible comme porter des lunettes ou avoir besoin d un fauteuil roulant. 2. Les médecins en parlent, car l obésité amène des dangers pour la santé. 3. L enfant qui vit l obésité est souvent souffrant, il n est pas fier de lui, de son apparence, et ce même s il n en parle pas spontanément. 4. Il est le premier pénalisé (Il est parfois mis de côté, exclu d une équipe sportive, moins habile dans ses déplacements, il se prive peut-être de certaines activités ). 5. Des mauvais choix ont peut-être été pris à un moment donné sans que l enfant ne le sache? Qui ne fait pas de mauvais choix dans sa vie? Je suggère ici au parent de donner un exemple personnel d une mauvaise décision qu il a prise et de demander à l enfant de vous en fournir un à son tour. 6. L enfant souffrant d obésité doit vivre ainsi et faire ce qu il peut pour prendre soin de lui. Il aura peut-être besoin de consulter un médecin ou d autres spécialistes pour luimême et sa famille. 7. L enfant obèse doit surveiller et réfléchir chaque fois qu il mange quelque chose. Et on mange souvent dans une journée! 8. Il faut rappeler qu une personne n est pas son corps! Même si on l a reconnait par son physique. Il faut rappeler qu une personne en fauteuil roulant, par exemple, n est pas une moins bonne personne qu une autre. Qu être plus grand ou plus petit ne change pas qui nous sommes à l intérieur. Le corps est le moyen que nous avons Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps

5 de nous déplacer d un endroit à un autre, d accomplir et d exprimer des choses. Mais il n est pas ce que nous sommes. 9. Il faut prendre soin de son corps un peu comme on prend soin de sa voiture pour ne pas tomber en panne à un moment donné. Contrairement à la voiture, il n y a pas souvent de pièce de rechange pour le corps humain. Nous n avons qu un corps. Il faut en prendre soin. C est une des choses importantes pour être heureux et accomplir nos rêves. 10. Les enfants obèses souvent ne s aiment pas beaucoup. Il faut leur dire qu on les apprécie. Si votre enfant a des améliorations à faire pour mieux prendre soin de lui, par exemple se brosser les dents, vous pourriez lui faire cette comparaison. Si entre amis, ils discutent ouvertement de l obésité, ils devraient s encourager mutuellement dans leurs buts respectifs. 11. Le message global est qu il ne faut pas juger l autre. Personne n est parfait et c est la beauté de l espèce humaine. Les êtres humains ont la chance d être tous différents, ce qui nous enrichit tous si on sait s écouter et s accepter. On parle ici du principe d ALTÉRITÉ. C est grâce aux différences de l autre que je peux me définir moi-même. En accueillant l autre tel qu il est, je m accueille en quelque sorte moi-même! 12. La discussion sur le sujet est un beau prétexte pour parler de la chance qu on a d être né sur un bon continent et d avoir des gens qui nous aiment. Il faut savoir reconnaître quand on est chanceux et savoir donner en retour. C est la notion d empathie. 13. Il est facile de porter des jugements lorsque l on voit des personnes souffrant de surpoids dans des restaurants comme au McDonald. Dans une telle situation, si votre enfant passe un commentaire, cela peut être une belle occasion de discuter du sujet. Il faut lui expliquer combien il peut être difficile de ne pas manger ce dont on a envie, que peut-être cette personne s est-elle donné simplement une petite permission, ou qu elle a accompli un objectif, ou elle a peut-être tout abandonné. 14. C est le temps de lui faire part de votre admiration pour les gens qui vivent des défis personnels. On leur souhaite tout le succès possible. Je crois que sans minimiser le problème de l obésité et tout en demeurant conscients de ses dangers RÉELS pour la santé immédiate et future de nos enfants, il faut lui donner sa juste place dans notre vision de l être humain. Bien sûr, vous aurez à vulgariser ces informations selon l âge de votre enfant et ses réflexions antérieures sur d autres sujets. En tant que parents, vous êtes les mieux placés pour adapter vos paroles à la bonne compréhension de votre enfant. J espère que ces petits conseils sauront guider vos discussions. Salutation à tous les parents! Dr Elaine Deschênes, pédiatre Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps

6 À propos de l auteur Dr ÉLAINE DESCHÊNES Originaire de la ville de Québec, la docteure Deschênes a fait ses études de médecine à l'université de Sherbrooke. Elle y a complété un doctorat spécialisé en pédiatrie en Pédiatre depuis 15 ans, elle a travaillé à Drummondville un an, avant de déménager au Nouveau-Brunswick ou elle s est finalement établie. Son centre d'intérêt principal est dans l étude des conditions optimales au développement maximal de l'enfant. Dans son cabinet de consultation, elle ne voit que des enfants référés par le médecin de famille pour une problématique précise, n'offrant pas de suivi aux enfants dits «en santé». Environ la moitié des familles qu elle rencontre viennent la voir pour un problème touchant la santé mentale de l'enfant (anxiété, trouble du comportement, possibilité d'adhd, autisme...) et inévitablement, pour les troubles que cela engendre sur leur propre famille. Elle est la seule médecin travaillant au sein d'une clinique provinciale, sur une condition médicale appelée phénylcétonurie qui implique d importantes modifications du régime alimentaire et ce, dès la naissance, faute de quoi, des lésions cérébrales irréversibles surviennent. Ici aussi, la structure familiale est au cœur de sa démarche. Son implication dans cette clinique lui a valu, en 2011, le prix Médecin de cœur et d'action de la Fondation du D r Gilles Julien et de L'Association des médecins francophones du Canada. Depuis plus d un an, sa clinique se situe dans le village de Memramcook, passant ainsi du travail de groupe à une pratique solo. Ce choix vient répondre à un besoin de se sentir plus près des gens et de leur réalité et lui permet de créer un environnement plus propice à l'accueil des familles. Comment parler d obésité aux enfants? Info Parents Printemps