Comparaison des lames de laryngoscope plastiques jetables et métalliques réutilisables dans l induction de l anesthésie par séquence rapide.
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- Madeleine Dufour
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1 ACADEMIE DE PARIS Année 2009 MEMOIRE pour l obtention du DES d Anesthésiologie-Réanimation Chirurgicale Coordonnateur : Mr le Professeur M. SAMAMA par Aurélie BIRENBAUM Présenté et soutenu le 9 avril 2009 Comparaison des lames de laryngoscope plastiques jetables et métalliques réutilisables dans l induction de l anesthésie par séquence rapide. Travail effectué sous la direction du Dr J. AMOUR et du Pr O. LANGERON
2 RESUME Du fait de leur moindre coût et de l absence de risque de contamination infectieuse, les lames plastiques à usage unique de laryngoscope ont été placées au premier rang des recommandations de bonne pratique en anesthésie réanimation quel que soit le contexte médical. Cependant, leur efficacité dans le cadre de l urgence ou chez des patients devant bénéficier d une intubation orotrachéale dans un contexte d estomac plein demeure matière à discussion. Le but de cette étude était de comparer une lame plastique de référence à une lame métallique réutilisable dans le contexte de l induction anesthésique en séquence rapide. Matériels et méthodes: Tout patient nécessitant une intubation orotrachéale en séquence rapide était inclus, le type de lame utilisé en première intention (plastique jetable ou métallique recyclable) répondant à une randomisation par cluster de semaine. Après l induction anesthésique, l intubation orotrachéale devait être réalisée dans un délai de 60 secondes quel que soit le type de lame utilisé. En cas d échec d intubation, une seconde tentative avait lieu en utilisant systématiquement la lame métallique recyclable quel que soit le type de lame randomisé initialement. Le critère de jugement principal était la fréquence d échecs d intubation et le critère de jugement secondaire était la fréquence d apparition de complications (désaturation, inhalation, traumatisme oropharyngé). Résultats: Au total, 284 patients adultes ont été inclus dans cette étude ouverte randomisée monocentrique. Les deux groupes étaient comparables notamment en termes de facteurs de risque d intubation difficile. Au premier essai, le taux d échecs d intubation était plus élevé dans le groupe lame plastique (17 vs 3%, P<0,01). Dans le groupe lame métallique, 50% des échecs d intubation étaient des intubations difficiles requérant une technique alternative d intubation. Dans le groupe lame plastique, 100% des échecs d intubation rencontrés avaient été intubés avec succès lors du recours à une lame métallique recyclable au deuxième essai, avec une amélioration significative du score de Cormack et Lehane. Par ailleurs, la fréquence des complications liées à l intubation était plus élevée dans le groupe lame plastique que dans le groupe lame métallique (15 vs 6% respectivement, P< 0,05). Conclusion: Dans le contexte de l urgence, lorsqu une intubation en séquence rapide est requise, la lame de laryngoscope en plastique jetable est moins efficace que la lame métallique réutilisable. Son utilisation devrait être prohibée dans ce contexte clinique.
3 REMERCIEMENTS Au Professeur P. Coriat, avec toute mon estime et ma gratitude. Au Professeur B. Riou, avec tout mon respect. Au Professeur O. Langeron, pour ses conseils avisés et son soutien. Au Docteur J. Amour, pour m avoir confié ce travail et avoir eu la disponibilité et la patience de le diriger. A l ensemble de l équipe qui nous a permis de réaliser cette étude. A tous ceux qui m ont accompagnée, guidée et enseigné l anesthésie-réanimation au cours de mon internat. A mes parents et ma sœur. A Salomé, à Julien
4 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 1 I/ MATERIELS ET METHODES 3 1. Patients 2. Protocole expérimental 3. Analyse statistique II/ RESULTATS 6 1. Caractéristiques générales 2. Comparaison de l efficacité des deux types de lames 3. Complications observées III/ DISCUSSION 8 IV/ FIGURES ET TABLEAUX 12 V/ BIBLIOGRAPHIE 18
5 INTRODUCTION Moins coûteux et plus sûr en terme de transmission infectieuse, le matériel médical à usage unique a révolutionné la pratique médicale moderne. Dans le cadre de la gestion des voies aériennes, il existe ainsi une multitude de lames de laryngoscope à usage unique variant par leur constitution, plastique ou métallique, leur degré de courbure, l intensité de leur éclairage ou leur rigidité et leurs performances cliniques s avèrent être extrêmement aléatoires d une firme à l autre. 1,2 Les deux avantages majeurs que sont le faible coût et l absence de risque de transmission d agents pathogènes, ont placé ce type de matériel au premier plan des recommandations de bonne pratique en anesthésie réanimation lors de l intubation orotrachéale de routine. 3-5 En effet, l utilisation de lames métalliques réutilisables expose à des risques de transmission iatrogène d agents infectieux. 4,6 Lors de l intubation orotrachéale, les lames de laryngoscope peuvent être contaminées par différents agents pathogènes infectieux et notamment par le prion, responsable de la maladie de Creutzfeld-Jakob, que les techniques usuelles de stérilisation ne neutralisent pas. 4 D autres agents pathogènes tels que le pseudomonas aéruginosa pourraient eux aussi être à l origine de contamination par le matériel recyclable. 6 De plus, la stérilisation des lames métalliques et du matériel recyclable en général nécessite l utilisation de processus coûteux et le coût relatif des lames plastiques jetables est 40 à 50 fois inférieur à celui des lames métalliques recyclables. 2 Dans le cadre de l urgence ou chez les patients devant bénéficier d une intubation orotrachéale dans un contexte d estomac plein, l indication d une intubation en séquence rapide est retenue dans le but de contrôler au plus vite les voies aériennes supérieures et ainsi de protéger les poumons de la survenue d un syndrome de Mendelson. Malheureusement, dans ce contexte, les difficultés d intubation sont accrues et peuvent se compliquer d événements délétères pour les patients. 7,8 En effet, l échec d intubation lors d une première tentative de laryngoscopie est fréquent puisqu il est de l ordre de 4% au bloc opératoire 9 et de 8% en réanimation. 10 Ces échecs s associent à une morbi-mortalité importante, étant à l origine de 4% de pneumopathies d inhalation et de 3% de mortalité. 10 La rigidité moindre des lames plastiques jetables 1,2 comparées aux lames métalliques recyclables pourrait être à l origine d un allongement de la durée de la laryngoscopie, élément favorisant l inhalation broncho-pulmonaire, et pourrait augmenter le taux d échecs d intubation. Paradoxalement, les études ayant pour but d évaluer ces lames sont rares, le plus 1
6 souvent effectuées sur mannequin 1,2 et ne se sont pas intéressées à l intubation en séquence rapide dans le contexte de l urgence. Ainsi, le but de cette étude prospective randomisée était de comparer les performances respectives des lames de laryngoscope plastiques jetables et métalliques recyclables pour l intubation orotrachéale lors d une induction d anesthésie par séquence rapide. 2
7 I / MATERIELS ET METHODES Cette étude a été approuvée par le Comité de Protection des Personnes se Prêtant à la Recherche Biomédicale de l hôpital Cochin-Saint Vincent de Paul (Paris, France). Dans le cadre de l urgence et devant l utilisation courante des deux types de lames de laryngoscopie, seule une information et un consentement oraux éclairés étaient requis par le comité d éthique. 1/ Patients Cette étude prospective a été réalisée dans le service d anesthésie réanimation de la Pitié-Salpêtrière au bloc opératoire des urgences. Tous les patients âgés de plus de dix-huit ans devant être opérés sous anesthésie générale et nécessitant une induction en séquence rapide ont été inclus dans l étude de novembre 2004 à juillet Les critères d exclusion étaient une contre-indication aux agents utilisés pour l induction, une anomalie morphologique des voies aériennes supérieures ou un antécédent d intubation difficile nécessitant le recours à une alternative à la laryngoscopie directe. Les critères d intubation difficile retenus étaient : le score de Mallampati modifié 11 (figure 1), une ouverture de bouche limitée, l immobilisation de la nuque par une minerve ou une rigidité cervicale, un cou court, une macroglossie, une cellulite faciale, une rétrognathie, la grossesse, un hématome cervical ou une dent proéminente. 2 / Protocole expérimental : Quarante-six anesthésistes, 26 seniors d anesthésie-réanimation (7 à 20 ans d expérience professionnelle), 20 internes en anesthésie-réanimation (3 ans minimum d expérience) et 20 infirmiers anesthésistes (5 ans minimum d expérience professionnelle) ont été recrutés pour participer à l étude afin de minimiser les biais d investigation. Tous ces intervenants utilisaient quotidiennement des lames plastiques jetables et des lames métalliques recyclables lors de l intubation orotrachéale de routine. L ensemble de l équipe anesthésique des urgences, constituée de cinq membres (2 anesthésistes séniors, 2 internes en anesthésieréanimation et 1 infirmier anesthésiste) changeait quotidiennement. La répartition du type de lame utilisé était déterminée chaque semaine grâce à une table de randomisation par cluster, le 3
8 type de lame randomisé étant utilisé pendant sept jours consécutifs. Les lames métalliques recyclables standards (Macintosh Heine classique + ; Heine, Herrshing, Allemagne) étaient comparées aux lames plastiques jetables (Lite-blade ; Rush, Kernen, Allemagne). Au total, 34 semaines ont été requises afin de réaliser l étude. La lame jetable Lite-blade a été sélectionnée parce qu elle a été définie comme étant une des meilleures lame plastiques disponibles. 2,7 Avant l induction anesthésique, les patients étaient pré-oxygénés à l aide d un masque facial, en utilisant une fraction inspirée en oxygène à 100% pendant quatre minutes ou le temps nécessaire pour obtenir une fraction expirée en oxygène supérieure à 90%. Après cette pré-oxygénation, les patients étaient anesthésiés en utilisant comme hypnotique le pentothal (Nesdonal ; Abbott, Campoverde di Aprilia, Italie) à la dose de 5mg/kg ou l étomidate (Hypnomidate ; Jansen, Beerse, Belgique) à la dose de 0,4 mg/kg associé à un curare dépolarisant : la succinylcholine (Celocurine ; Pharmacia, Espoo, Finlande) à la dose de 1mg/kg. L étomidate était l hypnotique de choix chez les patients âgés et en cas d instabilité hémodynamique. Vingt secondes après avoir observé les fasciculations musculaires, secondaires à l utilisation de la succinylcholine, l intubation orotrachéale était réalisée en utilisant une sonde endotrachéale (Portex ; Tijuana, Mexique) systématiquement rigidifiée par un mandrin souple sous couvert de la pression du cartilage cricoïde (manœuvre de Sellick). 12 La taille de la lame de laryngoscope (3 à 4) et celle de la sonde d intubation (7 à 8 mm de diamètre interne) étaient choisies par l anesthésiste responsable. La hauteur de la table d opération était ajustée afin que le front du patient soit au niveau du cartilage xyphoïde de l anesthésiste. La tête du patient était mise en position amendée de Jackson 13 chez les patients sans minerve ni traumatisme rachidien. Le temps d intubation était défini comme le délai entre l introduction de la lame de laryngoscope dans la bouche et le gonflement du ballonnet de la sonde d intubation. Une période de 60 secondes était allouée à l anesthésiste pour réussir la première tentative d intubation. En cas d échec d intubation au delà de ce délai, une deuxième tentative d intubation était réalisée en utilisant de façon systématique une lame métallique réutilisable quelle que soit la lame randomisée initialement. La visualisation de la glotte lors de l intubation était évaluée et notée à chaque essai selon les quatre échelons visuels du score de Cormack et Lehane 14 (figure 2). En cas d échec, lors de la deuxième tentative d intubation, après 60 secondes, le protocole était interrompu et le contrôle des voies aériennes supérieures était géré suivant l algorithme d intubation difficile selon les recommandations de la Société Française d Anesthésie et de Réanimation 13 réactualisées en et de la Société Américaine d Anesthésie 16 (cf. feuille de recueil figure 3) 4
9 3 / Analyse statistique : Le critère de jugement principal était l échec d intubation orotrachéale, au bout de 60 secondes, lors du premier essai. La taille de l échantillon a été déterminée en présumant un risque alpha égal à 0,05, un risque beta de 0,2 et une incidence d échecs d intubation orotrachéale dans le groupe lame métallique recyclable de 5%. Une correction des calculs a été appliquée afin de prendre en compte la randomisation en cluster (estimation 32 semaines), tel que décrit précédemment. 17 Ainsi, nous avons calculé un effectif de 137 patients par groupe pour mettre en évidence une augmentation du taux d échecs d intubation de 20% avec les lames plastiques jetables. Les données étaient exprimées en moyenne ± DS. Une analyse en intention de traiter était effectuée. La comparaison entre les deux groupes a été effectuée en utilisant le test t de Student et la méthode exacte de Fisher, lorsque cela était approprié. La comparaison du score de Cormack et Lehane au premier et second essai a été effectuée en utilisant le test de Mac Nemar. L intervalle de confiance à 95% de la différence de proportions entre les groupes a aussi été calculé. Toutes les comparaisons statistiques ont été effectuées en situation bilatérale et une valeur de P < 0,05 était requise afin de rejeter l hypothèse nulle. L analyse statistique avait été effectuée en utilisant le logiciel NCSS 2001 (Statistical Solutions Ltd, Cork, Irlande). 5
10 II / RESULTATS 1 / Caractéristiques générales : Pendant 34 semaines, 284 patients ont été inclus dans l étude selon la randomisation par cluster suivante: 137 patients dans le groupe lame métallique réutilisable et 147 dans le groupe lame plastique jetable. Les caractéristiques générales des patients étaient comparables dans les deux groupes. En effet les patients étaient comparables en terme d âge (55 ± 22 vs 47 ± 19 ans; NS), de sexe (56 % d hommes vs 59% ; NS), d index de masse corporelle (24 ± 5 vs 24 ± 4 Kg.m -2 ), de score de Mallampati modifié (classe 1 ou 2 : 113 vs 123 ; NS ; classe 3 ou 4 : 21 vs 17 ; NS), d ouverture de bouche (43 ± 9 vs 42 ± 9 mm ; NS) et de distance thyro-mentonnière (70 ± 17 vs 70 ± 14 mm ; NS). Les critères d intubation difficile associés n étaient pas significativement différents : minerve ou rigidité de la nuque (11 vs 12 ; NS), cou court (7 vs 2 ; NS), macroglossie (3 vs 2 ; NS), dents proéminentes (1 vs 0 ; NS), rétrognathie (1 vs 4 ; NS), cellulite faciale (1 vs 0 ; NS), grossesse (2 vs 0 ; NS), hématome cervical (2 vs 1 ; NS), et tous critères confondus (25 vs 17 ; NS). Le type d hypnotique utilisé lors de l induction anesthésique était semblable dans les deux groupes: pentothal (85 vs 94 ; NS) ou étomidate (52 vs 54, NS), de même, la répartition des différents opérateurs était comparable dans les deux groupes (infirmier anesthésiste (43 vs 32, NS), interne d anesthésie et de réanimation (67 vs 82, NS), sénior d anesthésie et de réanimation (27 vs 33, NS)) (tableau 1). 2 / Comparaison de l efficacité des deux types de lames: Dans le groupe lame métallique recyclable, 133 patients ont été intubés lors de la première tentative d intubation orotrachéale, 2 patients l ont été au décours de la deuxième tentative et 2 patients ont nécessité d avoir recours à une autre technique (1 par fastrach et 1 par mandrin de Eichmann) (tableau 2). Dans le groupe lame plastique jetable, 122 patients ont été intubés lors de la première tentative d intubation orotrachéale, alors que les 25 autres ont tous été intubés lors de la deuxième tentative à l aide d une lame métallique réutilisable (figure 4). 6
11 Lors de la première tentative d intubation orotrachéale, le pourcentage d échecs d intubation était significativement plus élevé dans le groupe lame plastique jetable en comparaison avec le groupe lame métallique réutilisable (17% vs 3% ; P < 0,01). Le temps d intubation était significativement plus long dans le groupe lame plastique jetable (38 ± 20 vs 29 ± 13 secondes; P < 0,01), le pourcentage de grades élevés (3 et 4) selon le score de Cormack et Lehane était significativement plus important dans le groupe lame plastique jetable que dans le groupe lame métallique réutilisable (22% vs 8%, P < 0,05) alors que le pourcentage de grades 1 et 2 était significativement diminué dans le groupe lame plastique jetable (78% vs 92%, P < 0,05) (tableau 2). Deux des échecs d intubation du groupe lame métallique et un des échecs du groupe lame plastique jetable étaient liés à l utilisation d une sonde de diamètre trop élevé ou à une dent proéminente. La répartition des échecs d intubation dans le groupe lame plastique jetable était comparable entre les infirmiers anesthésistes, les internes d anesthésie-réanimation et les séniors d anesthésie-réanimation (19, 16 et 18 % respectivement; NS). Lors de la deuxième tentative d intubation, réalisée systématiquement à l aide d une lame métallique recyclable, 100% des patients, pour lesquels l intubation avec une lame plastique avait été un échec, ont été intubés avec succès et ceci avec une amélioration du score de Cormack et Lehane (figure 5). En effet, les 96% de grades 3 et 4 selon le score de Cormack et Lehane observés lors de la première tentative d intubation étaient ramenés à 84 % de grades 1 et 2 et 16 % de grade 3 en utilisant une lame métallique réutilisable et ceci dans un délai de procédure significativement plus court (30 ± 13 vs 68 ± 17 secondes; P < 0,05). Dans le groupe lame métallique, les deux échecs initiaux, non liés à la taille de la sonde d intubation ou à une dent proéminente, étaient des cas d intubation difficile qui avaient nécessité d avoir recours à une autre alternative que la laryngoscopie directe. 3/ Complications observées : La survenue de complications était significativement plus élevée dans le groupe lame plastique jetable comparé au groupe lame métallique (22 vs 6% respectivement, P < 0,05) (tableau 2). 7
12 III / DISCUSSION Cette étude a permis de montrer que le taux d échecs d intubation orotrachéale, dans l induction en séquence rapide, était plus élevé lors de l utilisation d une lame de laryngoscope plastique jetable par rapport à une lame métallique recyclable. Par ailleurs, le délai de procédure et le taux de complications étaient plus élevés dans le groupe lame plastique jetable que dans le groupe lame métallique recyclable. L intubation orotrachéale difficile est une situation rare mais qui reste associée une morbi-mortalité importante. 18 Dans cette étude, le taux de réussite d intubation lors de l utilisation d une lame métallique recyclable était de 97%, ce qui est en accord avec les études précédentes. 19,20 En revanche, le taux d échecs avec les lames plastiques jetables était significativement plus élevé avec seulement 83% de succès d intubation lors de la première tentative. De plus, 100% des patients qui n avaient pas été intubés lors du premier essai avec la lame plastique jetable l avaient été lors de la deuxième tentative réalisée avec une lame métallique réutilisable et ceci, avec une amélioration de l exposition laryngée définie par l échelle de Cormack et Lehane (figure 5). Ces résultats diffèrent de ceux constatés dans des études antérieures réalisées lors d interventions chirurgicales programmées ne nécessitant pas d induction anesthésique en séquence rapide. En effet, dans des conditions classiques d induction anesthésique, chez 100 patients ne présentant pas de critère d intubation difficile en chirurgie programmée, Asai et al. 21 ont observé un taux de réussite global de 100% après deux essais quel que soit le type de lame utilisé. Cependant, le taux d échecs lors de la première exposition laryngée était lui aussi plus élevé dans le groupe lame plastique jetable que dans le groupe lame métallique recyclable (10 vs 4%, P < 0,05). Du fait du faible risque encouru d inhalation broncho-pulmonaire, estimé entre 0,03 et 0,05 %, 22,23 l échec d intubation orotrachéale en chirurgie programmée n expose pas aux mêmes risques que l échec d intubation en urgence, chez des patients ayant un estomac plein. Ajoutés à cela, le faible coût et l absence de risque de contamination infectieuse, l utilisation en première intention de la lame plastique à usage unique en chirurgie programmée semble pertinente, à la réserve prêt de conserver du matériel recyclable au bloc opératoire en cas d intubation difficile. 7 En revanche, Evans et al. ont rapporté que l efficacité variait en fonction des différents types de lame plastique jetable utilisés 1 et Rassam et al., après avoir testé 20 lames jetables, ont conclu que la lame Rüsh Lite était la plus performante, résultats 8
13 confirmés dans d autres études. 2,13,24 C est la raison pour laquelle nous avons choisi cette lame plastique jetable pour cette étude. En dépit de cette précaution, nos résultats montrent que le risque d échecs d intubation orotrachéale, en utilisant une lame plastique de référence, lors de l induction en séquence rapide est considérablement augmenté et associé à une plus large incidence de complications liées à l intubation. Il nous paraît dangereux, du moins dans le cas spécifique d une induction en séquence rapide, d utiliser ce type lame. Ces résultats ont été récemment confirmés dans une étude réalisée en pré-hospitalier par Jabre et al, dans laquelle les conditions d intubation sont connues plus difficiles qu au bloc opératoire. 9,25,26 Là aussi, les échecs d intubation orotrachéale étaient plus fréquents dans le groupe lame plastique jetable comparé au groupe lame métallique réutilisable, (24 vs 16% respectivement, P < 0,05). Une bonne exposition laryngée définie par un grade 1 ou 2 sur l échelle de Cormack et Lehane était plus rare dans le groupe lame plastique jetable que dans le groupe lame métallique recyclable (67 vs 83% respectivement, P < 0,05) et le recours à une technique alternative de contrôle des voies aériennes était plus fréquent (12 vs 4 % respectivement, P < 0,05). 27 Ceci n est pas sans conséquence puisque des épisodes de désaturation liés à des difficultés d intubation sont à même d aggraver le pronostic fonctionnel et vital, comme cela a été récemment démontré pour des patients traumatisés crâniens. 28 Plusieurs hypothèses peuvent être avancées afin d expliquer la différence de performance observée entre les deux types de lames dans notre étude. D une part, l insuffisance de rigidité des lames plastiques pourrait expliquer le taux supérieur d échecs d intubation en limitant la visualisation laryngée lors de la laryngoscopie. En effet, Evans et al. ont comparé les forces de traction exercées lors de la laryngoscopie en utilisant différents types de lames sur des mannequins avec ou sans minerve rigide. Les forces de traction nécessaires à l exposition glottique au cours de la laryngoscopie étaient significativement plus élevées lors de l usage des lames plastiques en présence (30,5 ± 12 vs 34,9 ± 13,1 Newtons, P < 0,0001) ou non d une minerve rigide (39,6 ± 16,2 vs 32,8 ± 12,7 Newtons, P < 0,0001). 1 Cette hypothèse pourrait expliquer nos résultats puisque l utilisation d une lame métallique recyclable au décours d un échec d intubation avec une lame plastique a permis d intuber 100% des patients en améliorant considérablement les grades de Cormack et Lehane (figure 5). D autre part, l induction anesthésique en séquence rapide implique d effectuer une manœuvre dite «de Sellick» correspondant à la pression du cartilage cricoïde. Cette manœuvre pourrait modifier l exposition laryngée et les conditions d intubation orotrachéale 9
14 des patients devant bénéficier d une telle induction. 29,30 Cependant, Turgeon et al. ont montré, dans une étude récente randomisée en double aveugle incluant 700 patients, que la pression du cartilage cricoïde n augmentait pas de façon significative le taux d échecs d intubation orotrachéale. Par ailleurs, le score d intubation difficile et la visualisation laryngée étaient comparables dans les deux groupes. Seul le temps moyen d intubation était légèrement supérieur dans le groupe où la pression cricoïdienne était effectuée. 9 De façon moindre, des facteurs tels que le degré de courbure ou la largeur de la lame pourraient eux aussi intervenir. 1,2 En revanche, l intensité lumineuse ne semble pas être impliquée puisque la qualité d éclairage laryngée est très significativement améliorée par la lame jetable. 2 L interprétation de nos données doit prendre en compte plusieurs limitations de notre étude. En premier lieu, la différence nette d aspect des deux types de lames ne permettait pas de réaliser cette étude en aveugle, les anesthésistes-réanimateurs (séniors et internes) et les infirmiers anesthésistes recrutés pour cette étude savaient quel type de lame était utilisé et ceci peut constituer un biais. Cependant, les résultats de cette étude ainsi que leur analyse n étaient pas connus des investigateurs et ont été effectués au décours de l étude afin d en limiter le biais. Deuxièmement, le choix du délai d intubation de 60 secondes n a pas été défini dans la littérature mais a été défini a priori parce qu il semble être un délai raisonnable pour intuber un patient dans le contexte de l induction en séquence rapide. Troisièmement, la curarisation n était pas monitorée. Cependant, l objectif de notre étude était de tester les deux types de lames, plastiques jetables et métalliques recyclables, dans les conditions réalistes d urgence où le monitorage des curares est rendu difficile. D autre part, nous avons utilisé la succinylcholine à une dose 4 fois supérieure à l ED95 ce qui permet d obtenir des conditions d intubation satisfaisantes chez 98% des patients. 25 Dernier point, des internes d anesthésieréanimation et des infirmiers anesthésistes on été recrutés pour participer à cette étude en association avec des anesthésistes séniors. Néanmoins, les résultats étaient comparables dans ces trois groupes d intervenants qui représentent la population classique susceptible d avoir à intuber les patients dans les services d urgence, de réanimation et au bloc opératoire. 10
15 EN CONCLUSION, la lame plastique jetable, dont l efficacité et la sécurité semblent admises dans le contexte de l induction anesthésique en chirurgie programmée, est associée à un taux d échecs d intubation orotrachéale significativement supérieur à celui observé avec une lame métallique recyclable dans le contexte de l induction en séquence rapide en urgence. Ce taux d échecs augmenté s accompagne d un taux de complications plus élevé. Ainsi, l utilisation de lame plastique jetable ne devrait pas être recommandée lors de l induction anesthésique en séquence rapide. 11
16 IV/ FIGURES ET TABLEAUX Figure 1 : Classification modifiée de Mallampati 1 : Toute la luette et les loges amygdaliennes sont visibles 2 : La luette est partiellement visible 3 : Le palais membraneux est visible 4 : Seul le palais osseux est visible Figure 2 : Grade de Cormack et Lehane 1 : L épiglotte, et la quasi-totalité de la glotte, c'est-à-dire les cordes vocales et les cartilages aryténoïdes, sont visibles 2 : L épiglotte et seule l extrémité postérieure de la glotte, c est à dire les cartilages aryténoïdes, sont visibles 3 : Seule l épiglotte est visible, les cordes vocales et les cartilages aryténoïdes sont masqués 4 : Même l épiglotte est invisible 12
17 Figure 3 : 13
18 Figure 4 : diagramme descriptif de l étude. Au deuxième essai, la lame utilisée était systématiquement une lame métallique réutilisable. Randomisation en cluster des patients (n = 284) Lame métallique (n = 137) Lame plastique (n = 147) Intubation réussie Echec d intubation Intubation réussie Echec d intubation (n = 133) (n = 4) (n = 122) (n = 25) Lame métallique Lame métallique Intubation réussie Echec d intubation Intubation réussie Echec d intubation (n = 2) (n = 2) (n = 25) (n = 0) 14
19 Figure 5: Comparaison de la répartition des grades du score de Cormack et Lehane entre le premier essai d intubation orotrachéale avec une lame plastique et le deuxième essai avec une lame métallique recyclable chez les 25 patients victimes d un échec d intubation orotrachéale initial dans le groupe lame plastique. 100 P < 0,01 Premier essai Deuxième essai Pourcentage Score de Cormack et Lehane 15
20 Tableau 1: Caractéristiques générales des patients dans les groupes lame métallique recyclable et lame plastique jetable. Les données sont exprimées en moyennes ± DS ou n (%). Il n y avait pas de différence significative entre les deux groupes. âge (années) hommes Femmes Index de masse corporelle (kg/m²) Index de masse corporelle > 30 kg/m² Classification de Mallampati: classe I ou II classe III ou IV non classable Ouverture de bouche (mm) Distance thyromentonnière (mm) Critères associés: minerve ou rigidité de la nuque cou court macroglossie dent proéminente rétrognathie cellulite faciale grossesse hématome cervical Induction anesthésique: penthotal étomidate Personne réalisant l'intubation: infirmier anesthésiste interne sénior groupe lame métallique (n = 137) 50 ± (56%) 60 (44%) 24 ± 5 14 (10%) ± 9 70 ± (18%) (62%) 52 (38%) 43 (31%) 67 (49%) 27 (20%) groupe lame plastique (n=147) 47 ± (59%) 61 (41%) 24 ± 4 15 (10%) ± 9 70 ± (12%) (64%) 54 (36%) 32 (22%) 82 (56%) 33 (22%) 16
21 Tableau 2 : Efficacité des deux types de lame : métallique recyclable et plastique jetable. Les données sont exprimées en moyennes ± DS ou n (%).* : P < 0,01 par rapport au groupe lame métallique recyclable ; : P < 0,05 par rapport au groupe lame métallique recyclable ; : aucune comparaison statistique n a été réalisée pour les variables du deuxième essai vu la petite taille des échantillons. groupe lame métallique groupe lame plastique Premier essai n = 137 n =147 Nombre d'échecs (%) 4 (3%) 25 (17%)* Durée d'intubation, s 29 ± ± 20* Grade de Cormack et Lehane grade 1 ou (92%) 115 (78%) grade 3 8 (6%) 20 (14%) grade 4 2 (2%) 12 (8%) Deuxième essai n = 4 n = 25 Nombre d'échecs (%) 2 (50%) 0 (0%) Duréé d'intubation, s 106 ± ± 13 Grade de Cormack et Lehane grade 1 ou grade grade Complications (%) 8 (6%) 24 (16,3%) désaturation avec SpO 2 < 90% 8 20 inhalation broncho-pulmonaire 0 2 traumatisme oropharyngé 0 2 Echecs d'intubation nécessitant une autre technique 2 (1%) 0 (0%) 17
22 V/ BIBLIOGRAPHIE 1. Evans A, Vaughan RS, Hall JE, Mecklenburgh J, Wilkes AR: A comparison of the forces exerted during laryngoscopy using disposable and non-disposable laryngoscope blades. Anaesthesia 2003; 58: Rassam S, Wilkes AR, Hall JE, Mecklenburgh JS: A comparison of 20 laryngoscope blades using an intubating manikin: visual analogue scores and forces exerted during laryngoscopy. Anaesthesia 2005; 60: Anderson KJ, Bhandal N: The effect of single use laryngoscopy equipment on illumination for tracheal intubation. Anaesthesia 2002; 57: Hirsch N, Beckett A, Collinge J, Scaravilli F, Tabrizi S, Berry S: Lymphocyte contamination of laryngoscope blades--a possible vector for transmission of variant Creutzfeldt-Jakob disease. Anaesthesia 2005; 60: Laurenson IF, Whyte AS, Fox C, Babb JR: Contaminated surgical instruments and variant Creutzfeldt-Jakob disease. Lancet 1999; 354: Foweraker JE: The laryngoscope as a potential source of cross-infection. J Hosp Infect 1995; 29: Fourneret-Vivier A, Rousseau A, Shum J, Frenea S, Fargnoli JM, Mallaret MR: [Single-use laryngoscope blade assessment]. Ann Fr Anesth Reanim 2004; 23: McIntyre JW: The difficult tracheal intubation. Can J Anaesth 1987; 34: Turgeon AF, Nicole PC, Trepanier CA, Marcoux S, Lessard MR: Cricoid pressure does not increase the rate of failed intubation by direct laryngoscopy in adults. Anesthesiology 2005; 102: Schwartz DE, Matthay MA, Cohen NH: Death and other complications of emergency airway management in critically ill adults. A prospective investigation of 297 tracheal intubations. Anesthesiology 1995; 82: Mallampati SR, Gatt SP, Gugino LD, Desai SP, Waraksa B, Freiberger D, Liu PL: A clinical sign to predict difficult tracheal intubation: a prospective study. Can Anaesth Soc J 1985; 32: Sellick BA: Cricoid pressure to control regurgitation of stomach contents during induction of anaesthesia. Lancet 1961; 2:
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