La Chine, l empire du Milieu dépecé. I- Présentation générale de la Chine au XIXe siècle

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1 La Chine, l empire du Milieu dépecé I- Présentation générale de la Chine au XIXe siècle (dossier réalisé par le service éducatif de la MGT) L empereur et le pouvoir Jusqu au milieu du XIXe siècle, la Chine n a eu que des relations très limitées avec les Européens. A cette époque, les rapports de la Chine, empire du Milieu, au monde, sont étroitement influencés par l idéologie confucéenne : l univers est un tout à l intérieur duquel les phénomènes s ordonnent selon une hiérarchie précise et immuable. L empereur, Fils du Ciel, accomplit les rites indispensables au maintien de l harmonie universelle. Placé au sommet de la société civilisée, la civilisation étant identifiée exclusivement à la civilisation chinoise, il joue le rôle du père de famille tant pour ses sujets chinois que pour les peuples dits barbares. Dans cette conception, la tradition ne distingue pas la politique intérieure de la politique extérieure, les mêmes règles fixant les rapports entre les hommes dans la famille, au niveau de l État, ou dans la communauté internationale. Les relations extérieures traditionnelles avec les autres pays d Asie sont alors fondées sur un système tributaire : les États tributaires reconnaissent la supériorité de la civilisation chinoise par l envoi à Pékin de missions périodiques, porteuses de présents. Pour Pékin, ce système implique également de limiter les contacts directs entre les Barbares et la population chinoise, afin d éviter la contamination des mœurs civilisées et de préserver la paix de l empire céleste. La grande muraille de Chine Commencée dès le IXe siècle avant J.-C., la construction de ce gigantesque ensemble de fortifications, permettant à l empire de se protéger des invasions des peuples barbares du Nord, s est poursuivie pendant plus de 2000 ans. Avec plus de 6000 km de murs construits (auxquels il faut rajouter plus de 2000 km de barrières naturelles), il s agit de la plus grande structure militaire du monde. (cote MGT : CP Collin 2253)

2 L empereur est secondé dans sa tâche par les «mandarins», expression occidentale désignant les hauts fonctionnaires lettrés, éduqués dans la tradition confucéenne, et recrutés à l issue de concours extrêmement difficiles. Ils ont en charge l administration, tant centrale que provinciale, de l empire et forment une véritable caste bureaucratique. (cote MGT : CP Collin 2011) Depuis 1644, la dynastie impériale est entre les mains de l ethnie mandchoue. Lors de leur prise de pouvoir, les conquérants mandchous s imposent aux Chinois Han comme des maîtres à leurs esclaves, chassant les paysans de leurs terres des environs de Pékin afin que les aristocrates mandchous puissent constituer des domaines privés, interdisant les mariages mixtes, et exigeant des Han, sous peine de mort, le port de la natte sur crâne rasé. Couper sa natte et laisser pousser ses cheveux est considéré comme un signe de rébellion. C est par exemple ce que font les Taiping, société (cote MGT : CP Collin 2295) secrète qui, au milieu du XIXe siècle, lance une vaste et sanglante insurrection antimandchoue qui ébranle fortement le pouvoir dans le Sud de la Chine, pendant une quinzaine d années, avant d être écrasée. De nombreuses autres sociétés secrètes œuvrent également à cette époque pour le rétablissement d une dynastie chinoise.

3 Visions de la civilisation chinoise Nombre de cartes postales de la collection de Collin de Plancy véhiculent l image stéréotypée d une Chine aux coutumes exotiques, voire encore barbares. En matière de condamnations, on trouve des cartes illustrant les supplices publics de la cangue (sorte de pilori) et de la décapitation au sabre. Le supplice le plus raffiné, le célèbre lingchi (le démembrement au couteau, réservé à des crimes exceptionnels) est interdit par décret impérial en 1905, mais les Européens se délectent avec effroi des photographies qui en ont été faites au début du siècle, et qui justifient, à leurs yeux, leur domination sur une civilisation aussi cruelle. (cote MGT : CP Collin 2306) (cote MGT : CP Collin 2311)

4 (cote MGT : CP Collin 2334) L usage chinois de la déformation des pieds féminins remonterait au Xe siècle de notre ère. Il consiste, dès le plus jeune âge, à replier sous le gros orteil les quatre autres doigts de pieds et à courber la voûte plantaire en exerçant des pressions très fortes par l intermédiaire de bandages de plus en plus serrés et de chaussures de plus en plus petites. Les pieds finissent, au prix de multiples souffrances par s atrophier. Considérés comme un idéal de beauté, les petits pieds doivent permettre de faire un riche mariage. Ils sont signe d une certaines distinction familiale, l atrophie des pieds handicapant fortement la démarche des femmes, et les empêchant de réaliser certains travaux physiques. Ils constituent aussi une restriction de leur liberté. Sans doute partie du cercle des courtisanes impériales, cette mode se répand ensuite dans les milieux aristocratiques puis dans toutes les couches sociales du centre et du Nord de la Chine, à l exception des plus misérables pour lesquelles le travail des femmes reste indispensable. Les femmes mandchoues n avaient pas non plus les pieds bandés. Au début du XXe siècle, des édits impériaux interdisent cette pratique. Mais il faut attendre la république (1911) pour que les premières mesures efficaces soient prises afin de mettre fin à cette coutume, imposée de mère en fille par souci de conformisme social. La pratique se perpétuera cependant encore dans la clandestinité. (cote MGT : CP Collin 2321) (cote MGT : CP Collin 2291) Le thé joue un grand rôle dans la culture chinoise. Utilisé comme plante médicinale depuis plus de 3000 ans, puis comme boisson désaltérante, très populaire dès le XIIIe siècle, il est l objet d un commerce florissant. Moines bouddhistes et taoïstes lui donnent une dimension sacrée. Facteur de cohésion sociale, il est associé à un style de vie fondé sur la paix et l harmonie. Les maisons de thé font, depuis des siècles, partie du décor des villes chinoises.

5 Fumeurs d opium et de pipe (cote MGT : CP Collin 2301) L opium est une substance psychotrope obtenue à partir du pavot. Dès le début du XIXe siècle, l opiomanie est mentionnée en Chine comme un problème. Dans les années 1820, on commence à en parler comme d un fléau national. L élite (riches marchands, lettrés) est particulièrement touchée, ce qui provoque alors une certaine déliquescence de la société. Les fumeries d opium apparaissent vers cette époque, et leur nombre ne cesse de croître au cours du XIXe siècle. Il s agit d établissements, du plus sordide au plus luxueux, où on consomme de l opium, installé sur un lit ou un divan. Au cours du XIXe siècle, la contrebande de l opium par les Anglais, depuis l Inde, devient pour ceux-ci la principale monnaie d échange contre le thé, la soie et les cotonnades. Alors que la balance commerciale chinoise était jusque là largement excédentaire, elle s enfonce alors dans un déficit abyssal. En 1839, le haut fonctionnaire chinois réformateur Lin Zexu fait brûler solennellement tout l opium détenu à Canton par les étrangers. C est le prétexte que saisissent les Anglais pour intervenir directement et forcer la Chine à ouvrir ses frontières. Dans les années 1880, l opium représentait presque 50% des importations totales de la Chine. C est pour réduire le déficit commercial que la Chine décide alors de produire l opium dans le pays. Les conditions climatiques et le relief du Yunnan, l une des régions les plus pauvres de Chine, lui permettent de devenir le cœur de la culture du pavot, celui-ci possédant un rendement optimal lorsqu il est cultivé sur les hauts plateaux humides. L Indochine française toute proche constitue aussi un débouché idéal. Le commerce de l opium entre la Chine et l Indochine fait l objet d une convention signée en Les autorités françaises prélèvent alors une taxe sur les importations d opium, dont le produit alimente les caisses de l administration coloniale, allant jusqu à représenter plus de 25% de son budget au bout de quelques décennies. Comme la Chine prélevait aussi une taxe d exportation sur ce produit, les deux pays en retiraient un gros avantage. Au début du XXe siècle, cependant, nombre d étudiants chinois revenus de l étranger voyaient d un œil de plus en plus critique l avilissement d une partie de la population par cette drogue, dont le commerce restait majoritairement contrôlé

6 par les étrangers. En 1906, l impératrice douairière Cixi fait paraître un édit visant à faire interdire le commerce de l opium dans un délai de 10 ans. Fumer de l opium est désormais interdit à tous les fonctionnaires. Côté occidental, la pression de différents ordres religieux protestants pousse le gouvernement anglais à accepter de réduire progressivement les exportations depuis les Indes. Une conférence internationale, organisée à Shanghai en 1909 lance un appel à toutes les nations afin qu elles interdisent l exportation d opium vers la Chine, celle-ci s engageant de son côté à réduire la culture sur son propre sol. Cette politique conduit à la fin des fumeries légales, mais il en existe toujours quelques-unes clandestines, notamment à Shanghai dans les années D ailleurs, les autorités du Yunnan comme les autorités françaises mettent bien peu d enthousiasme à respecter les décisions. Dès la révolution de 1911, l opium clandestin redevient le nerf de la guerre. Les guerres de l opium, ou l ouverture forcée de la Chine aux étrangers (cote MGT : CP 11) Les Européens, «barbares d Occident», ne peuvent se satisfaire de la conception traditionnelle de la Chine dans ses rapports avec les étrangers. Obéissant à la logique de leur croissance capitaliste, les Occidentaux ne peuvent concevoir ceux-ci que sur une base d égalité entre les nations, avec la croyance que des contacts étroits peuvent

7 permettre de prévenir les conflits. Les progrès techniques accomplis, grâce à la révolution industrielle, dans les domaines des transports, de l armement, de la production, leur donnent alors les moyens d imposer { la Chine cette ouverture qu ils réclament et qu elle refuse. L objectif est donc d obliger la Chine { accepter le nouvel ordre capitaliste du monde. La destruction { Canton, sur l ordre de Lin Zexu, de tous les stocks d opium saisis dans la ville, et l interdiction proclamée de son trafic, poussent les autorités britanniques, au nom de la liberté du commerce, à envoyer un corps expéditionnaire { Canton. C est le début de la Première Guerre de l opium ( ). Les opérations militaires tournent { l avantage des Britanniques qui forcent les autorités chinoises { signer le traité de Nankin. Par ce traité, qui met fin à la guerre, cinq ports chinois sont ouverts au commerce : Shanghai, Ningbo, Canton, Amoy et Fuzhou. Les étrangers se voient accorder le droit de s établir dans ces ports avec leurs familles. Une lourde indemnité financière est exigée de la Chine. Celle-ci doit aussi mettre fin au système du cohong, sorte de corporation de marchands chinois, mise en place au XVIIIe siècle à Canton (seul port où les étrangers pouvaient alors aborder), qui avait jusque là le monopole des relations commerciales avec les étrangers (il fixait les prix et les volumes de marchandises échangées). Les droits de douane, uniformes et modérés, sont désormais fixés par accords entre Chinois et Britanniques. L île de Hong Kong est cédée aux Britanniques. Ceux-ci vont également pouvoir bénéficier du privilège d exterritorialité (en cas de litige entre Chinois et Britanniques, ceux-ci seront jugés par une juridiction britannique selon les lois britanniques). Enfin, la clause de la «nation la plus favorisée» permet à la Grande-Bretagne de se voir accorder tout bénéfice obtenu par une autre nation. En 1844, les Etats-Unis et la France obtiennent à leur tour ces privilèges. Les concessions peuvent commencer à se développer dans les grandes villes de Chine. Cependant, dans les années qui suivent, les Occidentaux peinent { s imposer politiquement comme des interlocuteurs «égaux». Les clauses obtenues à la suite du traité de Nankin ne sont pas interprétées de façon identique des deux côtés. Pour les Chinois, il s agit de tenir en quarantaine dans des ghettos ces étrangers porteurs de troubles. Leur implantation sur les côtes méridionales du pays n est considérée que comme un problème mineur de maintien de l ordre aux frontières maritimes. Pour les Occidentaux, en revanche, l enjeu est bien de jeter les bases d un impérialisme conquérant. Ils souhaitent la légalisation du commerce de l opium, revendiquent la possibilité d étendre le commerce à la Chine du Nord et au fleuve Yangzi, et de traiter directement avec la cour impériale à Pékin. Ce malentendu de départ débouche en 1858 sur la Seconde Guerre de l opium ( ). Le traité de Tientsin, signé dès 1858, accorde aux Européens ce qu ils exigent. Mais le refus de l empereur de les autoriser { établir des ambassades { Pékin entraîne une reprise des opérations. A la suite de l entrée du corps expéditionnaire francobritannique dans Pékin, de la fuite de la cour au Nord de la Grande Muraille et du sac du palais d Eté, la convention de Pékin ratifie le traité de Tientsin. La liberté de culte et d évangélisation est également reconnue. L empire chinois sort donc considérablement affaibli de ces défaites. Les Taiping justifient au même moment leur soulèvement par l incapacité du pouvoir mandchou { résister aux étrangers. Pendant une quinzaine d années, ils menacent le régime impérial au cours de ce qui reste sans doute l un des conflits les plus meurtriers de l histoire. L impératrice Cixi comprend aussi qu il est temps pour la Chine de s ouvrir aux influences extérieures et de se moderniser pour pouvoir espérer tenir tête aux nations européennes.

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