Drôles de légendes normandes

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1 Ajen Drôles de légendes normandes Publibook

2 Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires PARIS France Tél. : +33 (0) IDDN.FR R.P Les dessins et les aquarelles qui illustrent le présent ouvrage ont été réalisés par les membres de la section peinture Snecma Villaroche, Groupe SAFRAN. Cet ouvrage a fait l objet d une première publication aux Éditions Publibook en 2011

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5 Sommaire Ma source L œil dans la falaise d Étretat Un œil dans la falaise? Une pêche miraculeuse Captive dans la maison La tempête se lève La grotte du chien de Rogerville Le Duc est un démon Hermeline est là! La grotte La lumière renaît La fée du bonheur, l écureuil d argent et le chêne Le chêne d Allouville-Bellefosse La fée surveille la petite bête La dernière niche Le crucifix de Manéglise La magna ecclésia Un difficile pèlerinage Le retour, une rude épreuve Le retour Et la chose survient Huguebert le mauvais fils Un fichu caractère ce fils Mise à l épreuve Gontrand, fils du Comte de Fontaine La Mallet La révélation

6 Sages décisions du Comte La mort est proche Le puits de Graville Le joyau de Graville Après les Vikings, les Anglais Non au roi de France L avarice au sommet de l État Précisions sur les termes employés Remerciements

7 Ma source L esprit enraciné comme le hêtre sur son talus formant mon clos masure, a germé dans ces villages d Allouville-Bellefosse, d Étretat, de Manéglise. Il s est noyé dans ce profond terroir authentique, abreuvé de cet esprit normand si particulier, enrichi dans ce pittoresque Pays de Caux de son très illustre passé. Par lui au gré fantaisiste de mes pensées, je puise dans mes racines, je vagabonde sur la terre de mes ancêtres, en quête de leurs us et coutumes Ajen 11

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9 L œil dans la falaise d Étretat

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11 Un œil dans la falaise? Beaucoup de promeneurs vont et viennent sur le fronton du petit port normand d Étretat. Ils sont émerveillés par la beauté du site, par la luminosité des couleurs de la mer et du ciel, amoureux des reflets du soleil jouant sur la craie blanche de la falaise. Certains vont même marcher sur la plage de galets et se tremper les pieds dans l eau verte rafraîchissante de la Manche. Immanquablement, les visiteurs s arrêtent et s interrogent devant cette curieuse fantaisie de la nature, cet énorme trou dans la falaise. Qui a creusé cet œil dans la grande et majestueuse falaise du Pays de Caux? Les enfants demandent à leurs parents de leur expliquer ce mystère, mais peu de réponses pour assouvir leur curiosité naturelle. Non, les grandes personnes ne savent pas, ne connaissent pas l histoire de l œil dans la falaise. Il faut être un normand de longue génération pour savoir ce qui s est passé ici, il y a très longtemps, dans ce petit port situé au fond d une ria 1 à Étretat. 1 Ria : vallée encaissée creusée par la mer formant un delta occupé par l homme quand les flots n y arrivent plus. 15

12 Comme cette merveille est connue de beaucoup de monde, je vais vous conter le secret de ce grand trou dans la falaise. Mais promettez-moi de ne pas le dire à d autres personnes afin de préserver la surprise lorsqu ils viendront voir «ce drôle d œil dans la falaise». En ce temps-là, Étretat était un petit port réservé uniquement à quelques pêcheurs de morue et autres espèces de poissons des eaux froides. Les ouvriers de la mer partaient quelques jours ou quelques semaines sur de petits bateaux en bois, avec comme seul moyen de propulsion, de grandes et lourdes voiles en toile de lin. Comme les saisons de pêche s étalaient de septembre à fin avril, ils naviguaient souvent par gros temps, essuyant quelques fois des tempêtes. Suite à des tempêtes plus fortes que de coutume, il arrivait que des bateaux ne rentrent pas au port. Ils avaient disparu corps et âme dans les flots déchaînés. Arrivés sur les lieux de pêche, ils mettaient à l eau leurs filets tressés par les femmes du pays, puis après quelques miles à faire des ronds sur la mer froide, ils remontaient les filets à la force des bras. Parfois, la pêche était bonne et le poisson abondant et varié, avec en prime, de nombreux crustacés. Quand le mauvais sort s acharnait sur un bateau, les filets étaient vides et déchirés. Il fallait vite réparer et changer le lieu de la pêche. Courageusement, les pêcheurs travaillaient sans relâche, le jour comme la nuit si besoin. Dans le noir, comme 16

13 des automates, ils n avaient que la faible lumière des torches de graisse pour remettre les filets à la mer. Avec ce dur métier, dans des conditions très difficiles, où puisaient-ils tout ce courage? Seul l espoir leur donnait cette envie, cette force, cette rage de continuer sans arrêt ces efforts surhumains. Ils finiraient bien par remonter les filets avec de belles prises pour remplir rapidement la cale et rentrer à la maison. Ces marins pêcheurs n étaient pas riches. Ils nourrissaient leur famille, en grande partie avec tous les produits de la mer, la morue bien évidemment, mais aussi avec des poissons moins recherchés à l époque et les différents crustacés. Les ouvriers pêcheurs respectaient la mer, cette mer généreuse. Ils lui adressaient souvent de longues prières avant chaque embarquement, avant chaque moment de pêche et au retour au port. Ils voulaient la remercier de les avoir gardés en vie. Pendant les très mauvaises périodes de tempête, des messes et des processions étaient organisées en son honneur et des souhaits lui étaient spécialement demandés : «Oh mer généreuse, merci pour ta bonté. Calme ta colère, laisse nous pêcher». Quand les Dieux de la mer et du vent étaient en colère, les pêcheurs restaient à terre. Ils réparaient les blessures de leurs bateaux, étoupaient et calfataient les coques rongées par le sel, ravaudaient les voiles, épissaient les élingues de chanvre. 17

14 Puis, lorsque les finances permettaient quelques frais supplémentaires, ils repeignaient le bateau, toujours de deux couleurs, le bleu comme le ciel pour la coque et rouge comme le sang des morues pour le plat-bord et le pont. Les travaux terminés, les pêcheurs se préparaient à reprendre la mer. Lorsqu ils étaient à terre, chaque dimanche, ils allaient prier ensemble dans la petite chapelle Notre Dame des Flots. On y retrouvait tout le village. Dans ce saint lieu, les places étaient toujours réservées pour les mêmes familles. Les femmes en noir avec voilette sur la tête se tenaient à gauche, les hommes en pantalon de velours côtelé gris, gilet gris à rayures noires et veste de gros drap noir étaient à droite. Les enfants prenaient place aux premiers rangs en respectant également le même protocole. La vie était rude, sans excès, sans richesse, sans histoire. Les habitants étaient heureux dans leur petit port d Étretat, isolé des grandes routes fréquentées par les brigands et bien protégé par les hautes falaises. Tout allait tranquillement pour le mieux dans ce petit coin perdu, jusqu au jour ou un incident peu ordinaire vint troubler la communauté et chambouler la paix. 18