Interview de Marshall ROSENBERG avant sa conférence à L UNESCO, le 7 Mars 2002

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1 Interview de Marshall ROSENBERG avant sa cnférence à L UNESCO, le 7 Mars 2002 Marshall Rsenberg, dcteur en psychlgie clinique, a mis au pint le prcessus de Cmmunicatin Nn Vilente (CNV) au début des années 60, prpsant une alternative à tute frme de vilence. C est une cmmunicatin au service de la vie, un art de vivre avec si même et avec les autres. Il a fndé le Centre pur la cmmunicatin nn vilente, un rganisme internatinal à but nn lucratif dnt il est le directeur. Cette méthde a été présentée à des publics variés (parents, milieux sclaires, étudiants, prfessinnels de la santé, militaires, prisnniers, dirigeants d entreprises, ecclésiastiques ).Le travail de Marshall est sutenu et relayé par envirn 17O frmateurs, il s est dévelppée dans le mnde, y cmpris dans certains pays tuchés par de graves cnflits (ex Yugslavie, Myen Orient, Afrique, Amérique Latine). J ai persnnellement décuvert la CNV en janvier 2000, en même temps que j intégrais la Sangha Parisienne pur pratiquer les enseignements de Thich Nhat Hanh. Depuis, ces deux pratiques balisent mn chemin, m aidant à me cnnecter de plus en plus à cet espace de clarté et d authenticité, de cmpréhensin et d amur, de paix et de jie, espace qui est en mi, et d ù je peux également mieux rencntrer l autre. Les mts emplyés par Thich Nhat Hanh et Rsenberg snt parfis différents, mais ils expriment le même message. Une pratique du qutidien et nn des théries : Vivre l instant présent en nus reliant à ce qu il a de vivant en chacun de nus ; Srtir des attitudes d accusateur u de victime et dévelpper l écute du cœur, de la bienveillance pur décuvrir l rigine des suffrances, les siennes et celles des autres ; Pratiquer la parle aimante et l écute prfnde, débarrassées de tus jugements et perceptins errnées ; Arrser ns bnnes graines et celles des autres, ntamment celles de bnheur, pur Thây et célébrer la vie en nus, vir le beau en si et chez l autre, repérer chaque ccasin d exprimer u de recevir de la gratitude pur Marshall ; Ne rien faire si ce n est par chix cnscient et avec jie résnne avec «l effrt juste» fndé sur la cmpréhensin, qui se nurrit par la jie et le plaisir ; Pratiquer le nn attachement au résultat pur le buddhisme, et privilégier la qualité de cnnexin entre les persnnes à la prpsitin de slutins pur Marshall ; Cmmencer par créer un mnde nn vilent en si pur vivre des relatins harmnieuses et nurrissantes et, pur nus sutenir dans la pratique, créer des structures au service de la vie, une sangha. Particulièrement intéressée par la pratique pur la transfrmatin individuelle en relatin avec «le changement scial» pur Marshall et «le Buddhisme engagé» pur Thây, j ai rienté mes questins dans ce sens. J ai beaucup de jie à cntribuer à la cnnaissance mutuelle de ces deux pratiques, et j espère que cet interview vus fera partager mn élan et mn intérêt.. E.R. : Puvez vus nus parler du prcessus de la cmmunicatin nn vilente pur les lecteurs de la revue Ici et Maintenant? M.R. : Je pense qu une des manières d abrder la démarche que j enseigne et qui purrait aider les lecteurs de cette revue, c est de cnsidérer la cmmunicatin nn vilente cmme une carte. En général, n utilise une carte quand n suhaite atteindre une destinatin. La Cmmunicatin Nn Vilente est une carte qui va nus permettre d atteindre la destinatin dnt parle le pète Rumi quand il dit : «Il existe un lieu au delà du bien et du mal. Je vus y retruverai». Les persnnes qui s intéressent à la cmmunicatin nn vilente nt envie d atteindre ce lieu. Mais en fait, elles en snt suvent décnnectées, et la CNV va leur servir de carte pur leur permettre de se suvenir cmment rejindre ce lieu. Quel est ce lieu ù elles nt envie de se rendre? C est un lieu ù les besins de chacun peuvent être satisfaits, à partir d une manière de dnner fndée sur la cmpassin. Vilà en résumé ce qu est le prcessus de la CNV : une carte permettant d atteindre une destinatin. E.R. : J imagine qu il faut apprendre à la lire? M.R. : Oui. Cette carte cntient des indicatins, des directins. Mais elle n indique pas seulement le chemin, elle dnne aussi du sutien à ceux qui suhaitent s y retruver. Et pur atteindre ce lieu 1/7

2 magnifique ù les besins de chacun peuvent être satisfaits par l intermédiaire d intentins fndées sur la cmpassin, il est nécessaire de se cnnecter à ce qui est vivant en nus et chez les autres. C est une des étapes sur le chemin menant à ce lieu. Il est également nécessaire que vus sachiez cmment aider l autre persnne à se relier à ce qu il y a de vivant en elle et en vus. Parce que, lrsque vus arrivez à entrer en relatin de cette manière, lrsque chacun sait ce qu il y a de vivant chez l autre, la visin n est pas bscurcie par des jugements mralisateurs (qui impliquent qu il y a quelque chse qui ne va pas, quelque chse de mauvais chez l autre), alrs tut à cup, vus vus retruvez dans ce lieu. Mais le prblème, c est que la plupart d entre nus nt reçu d autres cartes qui indiquent cmment atteindre une destinatin ù en fait, un petit nmbre de persnnes en dminent un grand nmbre, et elles nt passé tellement de temps à étudier ces cartes qu il ne leur est pas facile d en lire d autres! Ntre carte nus indique la directin à suivre pur nus relier à ce qu il y a de plus vivant en chacun. Mais par cntre, celle qui permet d atteindre cmme destinatin le mnde de dminatin apprend à analyser en termes de ce qui ne va pas chez l autre. Si vus avez passé tute vtre vie à étudier cette autre carte en apprenant à juger les défauts des autres, ce sera sans dute un réel défi de changer cmplètement d attitude et de vus mettre à étudier l autre carte. E.R. :Puvez vus expliquer ce que vulez dire par «ce qu il y de vivant en nus»? M.R. : En premier lieu, je parle des besins, c est ce qu il y a de plus vivant en nus. Tus les phénmènes vivants nt des besins. Quels snt ces besins? Ce snt des chses qui se passent à l intérieur de nus. La fnctin d un besin est de créer la vie, de cntribuer à rendre la vie plus merveilleuse. Un des besins dnt la plupart des gens snt cnscients, c est celui de nurriture et ils savent que, lrsqu n prend sin de ce besin, la vie est plus belle. Elle est plus belle dans le sens ù la nurriture va nus dnner la frce d agir et de faire un certain nmbre de chses que, sans elle, n n aurait pas la frce d accmplir. Remarquez qu un besin prend de l énergie venant de l extérieur et la transfrme en quelque chse d autre (dans le cas de la nurriture, en énergie qui va permettre au crps de fnctinner). Le cœur de ce qu il y a en nus, ce snt dnc ns besins. Il est imprtant d arriver à exprimer clairement aux autres ce qui cntribue u nn à la satisfactin de ns besins. Dans ns frmatins, c est ce qu n appelle «faire des bservatins». Par exemple, si vus êtes en train de faire la cuisine et que je vus vis verser de l essence et nn de l eau dans la supe, c est peut être parce que vus êtes préccupé par autre chse. Je vais attirer vtre attentin sur le fait que ce que je vus vis faire ne va prbablement pas cntribuer à la satisfactin de vs besins. Je vais dire : «Hé! t es en train de verser de l essence dans la supe!» Je veux être sûr de ne pas mêler mn bservatin à un autre style de cmmunicatin qui sus entendrait qu il y a quelque chse qui ne va pas chez l autre. Je ne vais pas dire par exemple : «Hé! t es cmplètement cinglé, t as vu ce que t es en train de faire!» Parce que, si la persnne entend ce type de cmmunicatin, qui implique qu il y a quelque chse qui ne va pas chez elle, cela nus éligne de la cible. Cela nus éligne de ce qu il y a de vivant en nus et cela cmmence à nus placer sur la vie de la vilence. L bservatin est dnc le premier des éléments qui permet de dire ce qu il y a de vivant en nus, c est la capacité de dire clairement aux autres ce qui satisfait ns besins u pas, en évitant tut mt u tute frme de cmmunicatin qui impliquerait une critique. Le deuxième élément qui est lié à ns besins, ce snt ns sentiments. Quand ns besins snt satisfaits, n ressent des sentiments de l rdre du plaisir, et quand ils ne le snt pas, n ressent des sentiments dulureux. Expliquer clairement ce que nus ressentns et les besins qui snt liés à ces sentiments. C est cela qu il y a de vivant en nus. Les sentiments et les besins snt vivants en nus 24 heures sur 24, parce que la vie est prcessus.1 Qu bservns nus? 2 Que ressentns nus? 3 De qui avns nus besin? et le dernier élément : 4 Quelle est ma demande? (ce peut être sit une refrmulatin de ce qui vient d être dit,u ce que la persnne ressent, u une actin précise et cncrète. Ce n est pas le genre de chses qu n nus a appris à cmmuniquer. On nus a appris à être des persnnes gentilles et dénuées de vie, de façn à permettre à des structures, à des systèmes de dminatin de perdurer. Une persnne cnsidérée cmme une autrité a pur missin de cntrôler les autres. L éducatin mise en place dans ce type de mnde, pur que le système perdure, est très différente de celle dnt je parle, qui nus mène à une destinatin qui est au delà du bien et du mal. E.R. : Je peux avir des besins, et une autre persnne peut avir aussi à ce mment là des besins cntraires. Chacun va vulir satisfaire ses prpres besins et nus abutissns alrs à la cmmunicatin vilente? 2/7

3 M.R. : On n a jamais de besins différents. Tus les êtres humains nt les mêmes besins. Le vrai prblème est un prblème de stratégie. Prenns un exemple. Ti et mi, n est visins. J ai besin de nurriture et je vis qu il y a un terrain entre ns deux maisns. J aimerais utiliser ce terrain mityen pur satisfaire mes besins en nurriture, et ti tu as plutôt besin de t amuser, de te détendre, et tu as utilisé ce terrain pur tes activités familiales. Le terrain n est pas le besin. C est la stratégie que je vudrais utiliser pur satisfaire mn besin de nurriture qui est en cnflit avec la stratégie que tu utilises pur satisfaire tes besins de récréatin, de détente avec ta famille. Alrs cmment va t n résudre cela? C est facile à partir du mment ù tu as cnfiance et que tu sais que je suis autant cncerné par tes besins que par les miens, parce que dans ce cas là, tu vas te préccuper autant de tes besins que des miens. Quand n en est arrivé à ce lieu, ù chacun cnstate qu il ne peut pas satisfaire ses besins aux dépens de ceux de l autre, et se mntre tut aussi désireux de satisfaire les besins de l autre que les siens, alrs n truve facilement une manière de satisfaire les deux parties. Mais nus avns été éduqués d une manière cmpétitive, qui nus a rendus aveugles à cela. E.R. : Nus smmes habitués à penser : «C est mi OU ti», et vus, vus dites : «C est ti ET mi». M.R. : Oui. Je ne peux pas bénéficier de qui que ce sit à tes dépens. Nus avns été créés à partir de la même énergie, l énergie de la planète. Et puisque nus faisns tus partie du même tut, ce qui est dulureux pur l un d entre nus est dulureux pur nus tus. E.R. : Marshall, j aimerais que vus nus parliez de ce sentiment d impuissance que l n retruve suvent : la clère qui nus aveugle et nus mène à la vilence. Dans ces mments là, nus réagissns très vite. Cmment puvns nus alrs arriver à nus dire que les besins de l autre snt aussi imprtants que les nôtres? C est tut un parcurs! M.R. : En utilisant ntre clère d une manière qui sit au service de la vie. La clère est précieuse. Imagine que quelqu un te vle quelque chse, mais que tu n en es pas cnsciente. Tu ne peux rien faire. Tu es en quelque srte aveugle par rapprt au fait qu n t a vlé. La clère nus dit que, quelque part, quelqu un nus vle, et qu n n en est pas cnscient. Elle nus dit que ce qu n nus vle, c est ntre relatin à la vie. Au lieu d être relié à la vie, n est en train de penser d une manière qui a été prgrammée pur dminer. On est dans une psitin difficile. Et précisément à ce mment là, n a de la chance, mais en fait ntre fnctinnement mental habituel nus vle cette ccasin de nus relier à la vie. La clère est dnc très précieuse. C est une alarme de sécurité cntre les vleurs. Quand cette alarme se déclenche, je suis très heureux de l entendre se déclencher. Je me dis que grâce à cela, j ai une ccasin de me relier à la vie. Un de mes besins n est pas satisfait, et n me dnne une ccasin de le satisfaire! Au lieu d être cnscient à ce mment précis de la nature de mes besins, ma cnscience est cnditinnée à punir, je jue à un jeu auquel n jue depuis des milliers d années. En résumé, quand je suis en clère, je jue le jeu du juge : «si quelqu un se cmprte d une certaine manière, il mérite de suffrir!» C est extrêmement dangereux. Une grande partie de la ppulatin de la planète a été éduquée à penser, à fnctinner cmme cela. Je ne suis dnc pas du tut surpris par l ampleur de la vilence. Tant qu n sera éduqué cmme cela, la vilence sera inévitable! E.R. : Cncrètement, quand je sens ma clère, qu est ce que je dis faire? M.R. : D abrd, apprécie ta clère! La pire chse à faire, c est de penser que ce n est pas bien d être en clère. La pire chse à faire, c est aussi de se débarrasser de la clère. D abrd célébrer la clère, c est génial qu il y ait une telle alarme qui vienne me réveiller parce que, juste à ce mment là, j étais en train de penser d une façn qui prvque la vilence, alrs que je purrais être en train de penser d une manière susceptible d enrichir ma vie. Je célèbre l existence de cette alarme. C est la première chse à faire. En même temps, il faut en faire une deuxième : se taire! ne pas agir! car qui qu n fasse quand n est animé, mû par cette énergie de la clère, n va le payer. Faire silence, essayer de clarifier ce qu n se dit à l intérieur de si et qui nus fait ressentir tant de clère. Pur cela, il faut être cnscient d une chse : Ce n est jamais ce que fnt les autres qui est à l rigine de ntre clère, c est ntre manière de penser qui est aliénée. Les autres persnnes snt des stimulis pur ns sentiments ; elles ne snt jamais la cause de ns sentiments. Quand n se rend cmpte que c est ntre manière de penser qui est à l rigine de ntre clère, nus puvns passer à l étape suivante : prendre cnscience que cette manière de pensée est l expressin tragique et suicidaire de ns besins. C est purqui la clère est quelque chse de si précieux. Si mes pensées snt suicidaires, je veux le savir! Je veux être capable de transfrmer ce 3/7

4 type de pensée en un type de pensée qui sit au service de la vie. La clère est là, elle m indique que j ai un besin nn satisfait, mais elle me dit aussi que je ne suis pas relié à ce besin. Je suis en train de penser à ce qui ne va pas chez les autres! L étape suivante, c est d inverser cmplètement ce mde de pensée. Au lieu de me cncentrer sur ce qui ne va pas chez les autres, je me cncentre sur celui de mes besins n est pas satisfait, sur ce qu il y a de vivant en mi. Je saurai que je suis en cntact avec mn besin quand mn crps me l indiquera. Je ne serai plus être en clère et ce sera un autre type de sentiment que je ressentirai. On ne peut plus être en clère quand n est vraiment relié à la vie. Quand le changement de tensin me fait savir que je suis vraiment relié à mn besin, alrs là, ui, je peux m exprimer. Je vais dire à l autre persnne lequel de mes besins n est pas satisfait, et la duleur que je ressens à cause de cela. Puis je frmule une demande claire. Je ne dis rien qui puisse laisser entendre que ce que l autre a fait était mal. E.R. : Merci. Vir que les jugements étaient l expressin tragique de mes besins m a persnnellement beaucup aidée à clarifier ce qui se passe prfndément en mi. M.R. : Ntez bien dans l article, que ce ne snt pas les jugements en si qui snt un prblème, ce snt les jugements de type mralisateur. Quand je dis : «Ce besin là n est pas satisfait par telle actin», c est aussi un jugement. J évalue si les besins snt u nn satisfaits. C est imprtant, parce que si les gens m entendent dire qu il faut se débarrasser des jugements, ils finissent alrs par crire qu en CNV, n peut faire n imprte qui! Il vaut dnc mieux traduire les jugements mralisateurs en jugements qui snt au service de la vie. E.R. : Un autre aspect des jugements, ce snt les étiquettes que l n attribue. On arrive ainsi à l aspect du changement scial. J ai rencntré beaucup de gens décuragés. Ils fnt des effrts, travaillent sur euxmêmes, mais ils snt par exemple dans une entreprise, dans un envirnnement difficile. Ou bien au niveau du pays, il y a des persnnes qui recherchent un dialgue fndé sur la cmpréhensin, et il y a le pids des plitiques qui fnt autre chse. J aimerais savir, Marshall, cmment situez vus la trajectire persnnelle par rapprt au changement scial? M.R. : Il n y a pas que les rganismes extérieurs qui sapent les effrts. La structure familiale aussi peut être très destructrice. Les structures, que ce sient la famille, les entreprises, les rganismes guvernementaux, les guvernements eux mêmes, nt été frmées pur sutenir un certain type de «spiritualité» tutes les cultures nt leur spiritualité. Il y a une spiritualité qui a pris le dessus, c est :celle de la réussite, de l béissance à l autrité, autrité qui a le drit d utiliser les punitins et les récmpenses, les justifiant cmme étant nécessaires parce que les gens nt une nature diablique, mauvaise, les hmmes snt égïstes et si n ne fait rien, ils ne vnt s ccuper que de leurs prpres besins! On éduque ainsi les gens, n les infrme de façn à ce qu ils s adaptent à la sciété, aux structures. Et n met certaines persnnes qu n estime être meilleures en psitin de cntrôler celles qu n cnsidère cmme étant mauvaises, u mins bnnes. C est une frme de structure qui est très simple et très claire : repérer qui snt les bns et faire en srte qu ils cntrôlent les mauvais. Mais cela présente un prblème : Qui snt les bns? Mi je pense en faire partie!(rires) Mi, je pense que les Rsenberg snt plus prches de Dieu, j ai dnc drit à la ryauté! C est un raisnnement assez simple, l histire nus laisse entrevir qu il y a eu plus d un prblème lié à la questin de savir qui est le plus prche de Dieu, dnc qui mérite d être au smmet. Le vrai changement scial, celui dnt n a besin, crrespnd à une nuvelle manière de regarder le mnde. En fait les structures ne snt que l émanatin de ces cryances cncernant la nature de l hmme. Je cris que nus avns besin d une rééducatin massive et très rapide pur revenir à une «spiritualité» différente avec des structures, des rganisatins qui sient à sn service E.R. : Puvez vus nus dnner un exemple d une actin qui a pu être menée dans cette ptique là? M.R. : Si n puvait seulement arriver à ce que tus êtres humains aient de qui manger sur cette planète. C est une tâche qui paraît gigantesque. On a la nurriture, c est un fait e t purtant, chaque jur, persnnes meurent de faim. Il faut évidemment créer des structures permettant de répartir les ressurces de façn à ce que les besins de chacun sient satisfaits. Que faut il apprendre pur puvir créer de telles structures? Un exemple simple, au niveau de la famille, pur permettre d imaginer ce qui purrait se prduire au niveau internatinal.je travaille avec des familles. Cmment le travail est il distribué au sein de la famille? Cmment les ressurces snt elles distribuées? Qui, 4/7

5 dans une famille, répartit la quantité d argent, la quantité de nurriture etc. En général, ce snt les parents. Je cnnais une famille qui a créé une structure différente : Chacun prend part au prcessus de prise de décisin. Chacun discute de la manière dnt les décisins vnt être prises. Cela paraît être un changement si radical pur les parents qui nt peur et disent : «Mais, c est nus qui allns finir par faire tut le travail! Les enfants vnt aller s acheter des bnbns si n les laisse prendre eux mêmes les décisins!» Attentin, je n ai pas dit de les laisser prendre les décisins. J ai dit que chacun sit impliqué dans les prises de décisin. Quelles décisins vnt être prises et par qui? Ils me regardent alrs d un air cmplètement stupéfait et me disent : «Nn, mais attends, dis dnc, c est pas cmme ça que ça se passe dans le mnde!» Les parents fnt eux mêmes partie de familles fnctinnant seln une structure de dminatin, ils nt fréquenté des écles fndées aussi sur une structure de dminatin, ils vivent dans des pays guvernés par des structures de dminatin. Bien que certaines de ces structures de dminatin se cachent derrière un masque démcratique, ce snt néanmins des structures dans lesquelles un petit nmbre de persnnes dminent l ensemble des autres. On vit bien que c est un changement assez radical pur les parents d arriver à élabrer une structure familiale ù les besins de chacun vnt puvir être satisfaits et ù le puvir de décisin sera partagé par chacun. Et à la grande surprise et à la jie de ces parents, les enfants n nt pas chisi de ne rien faire : ils nt au cntraire fait des chses auxquelles ils résistaient auparavant. Dnc, un grupe de persnnes se rassemble pur se demander : «Cmment allns nus faire pur que les besins de chacun sient satisfaits et qui va faire qui (Les besins de chacun snt bien plus susceptibles d être satisfaits s il y a un petit nmbre de persnnes plutôt qu un grand nmbre) et dans un cntexte ù chacun puisse exprimer clairement ses besins, enfin de cmmuniquer de telle façn que les autres sient assurés qu n n essaie pas de les dminer.) C est déjà une étape pur arriver à créer des structures différentes à un niveau ù n établit le cntact avec les persnnes. On va cmmencer à apprendre à créer des structures au service de la vie. Ensuite n étendra cela au lieu de travail, puis aux natins qui guvernent le mnde. La fnctin de ces structures étant de s assurer que les besins de chacun snt satisfaits. E.R. : Je veux bien crire à cette méthde au niveau de la famille, bien que ce sit déjà difficile à cause de l énergie d habitude, du cnditinnement, mais quand n arrive au niveau de l entreprise, au niveau des plitiques, il y a de tels enjeux, l enjeu financier par exemple M.R. : Oui, bien sûr, il y a tus ces autres enjeux, tus ces autres facteurs. En fait, n a été éduqués à penser qu n a besin d argent, que l argent est un besin. C est assez cmmde d avir de l argent, mais ce ne n est pas un besin. Quand n aide les gens à être très clairs sur ce qu est un besin, tut à cup, ils se rendent cmpte que ce n est pas imprtant de savir qui a le plus d argent. Tant que je peux satisfaire ce besin, ce n est pas l argent qui cmpte. Quel est ce besin? C est un besin très frt : le besin de sens. Ce n est pas quelque chse que vus avez besin de gagner, u d apprendre à l écle. Chacun d entre nus dispse déjà d un énrme puvir : celui de rendre la vie plus belle. Et quand n cmprend cela, rien ne vus paraît supérieur. Quand vus fndez vtre changement scial sur ce besin en recnnaissant que, ui cela fait peur de laisser tmber tutes ces cnsidératins (avir plus d argent, tu en as plus u mins que mi et je terminerai peut être ma vie dans la rue ). Mais lrsque vus cmmencez à saisir ce besin et que vus vus rendez cmpte que vus puvez le satisfaire en cntribuant au bien être des autres hmmes, il est pssible de transfrmer radicalement le mnde. Il suffit de réunir un certain nmbre de persnnes, et de les cnnecter à ce niveau là. Quand n est seul, il y a tant à faire pur transfrmer cette structure mais quand n est deux, cela génère un puvir qui est tellement plus imprtant que celui que chacun aurait indépendamment C est un phénmène de synergie. Regardez ce qui se passe. Au tut début, cela suffit de me préccuper de savir cmment je vais nurrir ma famille. Cmment est ce que je peux m ccuper de tut le mnde? Mais quand deux persnnes peuvent s écuter et parler de leur préccupatin à prps de la nurriture, puis écuter leurs sentiments, alrs ils ne se sentent plus submergés. Ils agissent, cmme d autres E.R. : Thich Nhat Hanh enseigne que la paix cmmence en si même et que, à cause du phénmène d interdépendance, elle s étend aux autres et à la planète. M.R. : Oui, lrsque je travaille sur mi, je me relie aux autres. Michael Lerner, Rger S. Gttlieb nus mettent en garde cntre une spiritualité qui cntribue à l ppressin. Il faut d abrd s ccuper de nus, car il faut regarder les chses clairement. Dans cette incarnatin, vu l état du mnde, nus n allns jamais être cmplètement «purifiés» intérieurement. Et dnc, quand chacun d entre nus est en train 5/7

6 de se libérer, ainsi que sa famille et sn enturage immédiat, c est une étape qui cntribue à une transfrmatin plus large. Quand n se libère de ce type de cnscience, la structure cmmence à s effndrer. Celle ci ne peut subsister que si les gens nt la cnscience qui permet de s y adapter. Certaines traditins spirituelles interprètent cela de la manière suivante : Si n arrive à vivre cnfrtablement à l intérieur de cette structure, n ne peut faire que cela, et n cntribue à maintenir cette structure. C est imprtant de bien expliquer qu en aidant les gens à se libérer, n ne va pas les aider à vivre plus cnfrtablement dans cette structure. Chaque prgrès qui est fait pur se libérer de la cnscience qui permet de s adapter à la structure est aussi une manière de l aider à s effndrer. Quand n se libère de cette cnscience, n entre en relatin avec d autres et n met ensuite en place des étapes pur transfrmer les structures. On ne fait pas cela en disant : «C est lamentable! il faut que ça change!», mais en se reliant à la visin d un mnde différent et cmbien plus beau, et quand n est animé par cette énergie, par cette visin, n entreprend de changer les structures. Au début, quand n cherche à se relier à si même et aux autres, cela semble être une tâche écrasante. Mais quand n cmmence à entrer en relatin, quand les chses cmmencent à se faire, n a alrs la réactin ppsée et n se dit : «Les chses peuvent aller plus vite!» E.R. : Face à «l urgence» de la tâche, cela ne dit pas être facile de rester calme et clair? M.R. : Si je permets à certaines énergies de circuler en mi, cette énergie peut tut faire. Je n ai jamais cmpris purqui cette énergie a chisi de fnctinner à travers mi, mais si je la laisse se cnnecter à l énergie qui vient des autres, les résultats qu elle prduit snt étnnants! Mais j ai tendance à ublier cela et à crire qu il «faut» que je fasse des chses. Il est dnc imprtant de permettre à tut ce que je fais d être en harmnie avec cette énergie. En tut cas, je peux faire de mn mieux pur que «ça» se prduise. Même l acte le plus simple y cntribue. Cmme ça, je me relie à d autres persnnes qui laissent cette énergie les traverser. Vus verrez alrs, c est incryable de cnstater à quelle vitesse les chses peuvent se prduire! E.R. :Puvez vus nus dnner un exemple, Marshall, de ce que vus avez vu se prduire? M.R. : En 1968, je vyageais en viture dans l état du Kansas. Je rencntrais dans différentes villes des persnnes qui suivaient ntre frmatin et je leur rendais aussi visite dans leurs familles pur les aider à régler leurs prblèmes de discriminatin raciale. Dans leur cmmunauté, il y avait dnc un petit nmbre de persnnes qui en avaient bénéficié. Je cnduisais et je passais beaucup de temps sur la rute et à chaque fis je me demandais si j allais avir assez d argent pur faire le plein et arriver à la ville suivante. Un sir, tut en cnduisant, je me disais : «Mais nm d un chien, purqui est ce que je fais ça? Il y a un petit nmbre de chses que j ai apprises auprès de persnnes dans certains endrits, et pendant ce temps là, mn guvernement balance des bmbes au Vietnam, des gens crèvent de faim dans le mnde» et j ai fait un très jli rêve : Je rencntre des gens au fur à mesure que je circule. Ce que j enseigne a l air de se diffuser, et qui sait, peut être que 20 ans après ma mrt, il y aura des gens dans le mnde qui aurnt appris la CNV et sernt en train de l enseigner, et peut être que cela cntribuera un petit peu à ce que le mnde évlue de la manière dnt j aimerais le vir évluer! Je rêve dnc que, 20 ans après ma mrt, ce que j aurai enseigné aura cntribué à faire évluer le mnde. Maintenant, n est 17 ans plus tard : je revenais d Extrême Orient. J avais été en Inde, à Singapur, en Malaisie et en Indnésie, le dernier cntinent que nus n avins pas encre tuché. J étais juste en train de penser aux chses merveilleuses que j avais vu se prduire dans ces quatre pays, et je suis dans l avin, de retur aux États Unis, et sudain, ce rêve que j avais fait dans ma viture 17 ans auparavant, ce rêve qui me semblait à l épque démesuré et fu, ce rêve que la CNV puisse vraiment se prpager et que, n imprte ù sur la terre, les gens puissent y avir accès, tut à cup je réalise : «Mais, c est ce qui se passe C est bien mieux que la visin que j avais dans mn rêve, et je ne suis pas encre mrt!» Vus vyez à quelle vitesse ça va! Pendant ces 17 ans, beaucup de chses m nt semblé lentes, mais dans la mesure ù je permettais à cette énergie de circuler, et ù je me cnnectais avec d autres persnnes qui permettaient à cette énergie de circuler à travers eux, les chses avançaient. À un certain niveau, cela paraissait tellement difficile, lent, inefficace, et quand j avais une visin plus large, cela paraissait si peu! Et purtant! J avais chez mi un tableau peint par des religieuses. Malheureusement, n me l a vlé!. Tute la partie gauche du tableau était nire, et à drite, il y avait de l herbe et des fleurs magnifiques, et en haut il était écrit : «Rien ne se passe jusqu au jur ù» 6/7

7 E.R. : Merci beaucup, Marshall. M.R. : Merci de l intérêt que tu prtes à la CNV. C est bien le genre de cnnexin dnt je parle. Interview réalisé par Eliane Régis, avec la cllabratin de Pascale Mlh pur la traductin. Bibligraphie : Marshall ROSENBERG, Les mts snt des fenêtres u bien ils snt des murs, Initiatin à la cmmunicatin nn vilente, Éditins La Décuverte Thmas D ANSEMBOURG (frmateur CNV),Cessez d être gentil, syez vrai!, Éditins de l Hmme, Rger S. GOTTLIEB, A spirituality f resistance, Crssrad publishing, Michael LERNER, Spirit Matters, Hamptn Rad Editins 7/7