n 30 EN MATIÈRE DE PRÉVENTION DE LA CRIMINALITÉ : LA QUESTION DE L ETHNICITÉ ET DE L IMMIGRATION Juin 2009

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1 n 30 Juin 2009 LES NOUVEAUX CADRES POLITIQUES ET INSTITUTIONNELS EUROPÉENS EN MATIÈRE DE PRÉVENTION DE LA CRIMINALITÉ : LA QUESTION DE L ETHNICITÉ ET DE L IMMIGRATION Dario Melossi - Ester Massa L atelier de Bologne avait pour objet, à partir de l analyse des récents changements dans les cadres politiques et institutionnels européens, d examiner et d évaluer la prévention de la criminalité autour de deux domaines particulièrement sensibles : l ethnicité et, plus particulièrement, l immigration. Plusieurs points ont été abordés au cours de cet atelier qui a duré deux jours. La première journée, consacrée à l analyse de la déviance des migrants, a débuté par un panorama général des aspects méthodologiques et s est achevée sur une série d interventions portant sur les relations entre déviance et migrations, et plus particulièrement la déviance chez les jeunes. C est Marian Fitzgerald Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. CRIMPREV Project. Coordination Action of the 6 th PCRD, financed by the European Commission. Contract n Starting date : 1 st July Duration : 6 months. Project coordinating by CNRS Centre National de la Recherche Scientifique. Website : contact@crimprev.eu

2 (University of Kent) qui a ouvert le débat avec The Use and Abuse of Ethnic Statistics in a Criminal Justice Context: Some Lessons from the British Experience (L usage et l abus des statistiques ethniques dans le contexte de la justice pénale : les leçons à tirer de l expérience britannique 1 ), un article consacré à la surreprésentation systématique des minorités ethniques dans le système de justice pénale britannique, selon les statistiques. D après Marian Fitzgerald, ces statistiques ethniques ne parviennent pas à refléter le tissu multiracial de la société britannique dans un contexte d immigration croissante et de diversité culturelle, et ne font qu alimenter ce que l auteur appelle le racisme statistique, à savoir ces classifications ethniques simplifiées à l excès (par ex. la notion de blanc contre noir ) qui, à leur tour, sont susceptibles d inspirer des politiques discriminatoires et peu adaptées en matière de lutte contre la criminalité. L ethnicité ne doit pas être considérée comme un objet a-t-elle affirmé, mais plutôt comme un processus. En conclusion, elle a souligné que le défi que doivent relever les criminologistes aujourd hui consiste à développer un schéma de pensée constructif qui leur permettra de tirer des leçons générales de la situation particulière des minorités en Grande-Bretagne. Après cette introduction axée sur la méthodologie, a été abordée la question du comportement déviant des migrants, et plus particulièrement chez les jeunes. Dans son article intitulé Ethnicity, migration and violent youth gangs in London (Ethnicité, immigration et gangs de jeunes violents à Londres), John Pitts (University of Bedfordshire) dresse un bilan de l émergence, de la nature et de l impact des gangs de jeunes gens armés dans les quartiers de l Est londonien. Son intervention, qui présentait le thème traité dans son ouvrage Reluctant Gangsters (2008), s est centrée sur une présentation détaillée de la structure des gangs, leur répartition dans les quartiers de l Est londonien, ainsi que leurs activités licites et illicites et leur impact dans cette zone. Il a également évoqué quelques-unes des interventions menées avec succès par les services sociaux, les écoles et la police afin d appréhender et de prévenir ce phénomène. Puis, avec Second Generations, Stigmatisation and Italian schools: First Results of a Self-Report Study in Emilia-Romagna (Secondes générations, stigmatisation et écoles italiennes : Premiers résultats d une étude d auto-évaluation en Émilie-Romagne), Ester Massa (Université de Bologne) s est intéressée aux immigrés de la seconde génération, une catégorie qui apparaît dans la plupart de la littérature criminologique comme la plus exposée à la criminalisation. Cette intervention a permis de découvrir les premiers résultats d une étude d auto-évaluation menée dans vingt-sept écoles d Émilie-Romagne, la région d Italie qui connaît actuellement la plus forte concentration d enfants immigrés dans les écoles publiques. Cette étude visait à déterminer si l environnement scolaire et la manière dont les écoles sont structurées et gérées peuvent entraîner une dépréciation de l estime de 1 La traduction des énoncés des articles est donnée purement à titre d information. 2

3 soi chez les jeunes immigrés, à son tour susceptible de provoquer des actes déviants chez ces derniers. Monia Giovannetti (Université de Bologne) a ensuite présenté, en français, Parcours d inclusion et exclusion des mineurs immigrés non accompagnés en Italie. Pour la première fois en Italie, cette étude tentait d analyser les processus d exclusion sociale et d appropriation de comportements déviants par les mineurs étrangers non accompagnés. S appuyant sur l expérience personnelle de soixante-dix jeunes mineurs étrangers rencontrés dans des centres de détention pour mineurs et dans les communautés d accueil de trois villes italiennes (Bologne, Milan et Rome), l auteur a tenté de reconstituer, à partir de leurs témoignages, le parcours migratoire de ces jeunes et les circonstances ayant conduit à leur criminalisation ou à leur entrée dans des communautés d accueil (et donc à une certaine forme d intégration en Italie). Le bilan de cette étude montre que, dans l ensemble, le choix de participer ou non à des activités déviantes (et donc de se retrouver exposé à la criminalisation) ou, au contraire, de s intégrer à la vie dans les communautés d accueil, n est pas délibéré mais repose plutôt sur un réseau de micro-opportunités intimement liées au caractère aléatoire des rencontres que ces jeunes font dès leur arrivée dans la ville, et non pas sur une prédétermination biographique. Ainsi Giovannetti conclut en indiquant que la malchance n est pas une fatalité et qu il est possible de mettre en place un solide réseau de possibilités favorisant les bonnes rencontres, en particulier dans les grandes villes (dans les gares, etc.), susceptible d offrir à ces jeunes non accompagnés une chance de s en sortir. Dans l après-midi, le débat s est porté sur une étude comparative entre deux régions européennes : l Émilie-Romagne, dont Bologne est la capitale, et le territoire francophone belge. Abraham Franssen et Ural Manço (Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles) ont présenté un article intitulé Public treatment of young immigrants living in Brussels, stigmatisation of Islam versus integration through a political clientele (Traitement public des jeunes immigrés résidant à Bruxelles, stigmatisation de l Islam et intégration via le clientélisme politique) qui, en analysant le contexte historique et l approche politique de Bruxelles en matière d immigration depuis les années 70, a tenté de dresser le bilan des réussites et des échecs de cette intégration made in Brussels. Ils ont ainsi évoqué la participation et la représentation politique des immigrés, le déclin des discours racistes réactionnaires et du radicalisme, la réhabilitation sociale et urbaine des quartiers déshérités à forte concentration de populations immigrées, la ségrégation scolaire, les discriminations ethniques sur le marché de l emploi et l ethnicisation de la vie politique. Pour finir, ils ont insisté sur la nécessité absolue des processus de naturalisation pour l intégration des migrants. Plus tard, dans un registre différent et plus personnel, Giovanni Sacchini (Région de l Émilie- Romagne) a, avec Ten Years of Research on Public opinion About Immigrants and Immigration in Emilia-Romagna (Dix années de 3

4 recherche sur la perception par l opinion publique des immigrés et de l immigration en Émilie-Romagne effectué une comparaison entre les résultats des statistiques officielles conjuguées de l Italie et de l UE et les réponses fournies par les citoyens d Émilie-Romagne dans une étude effectuée à l initiative de la région. Ceux-ci étaient invités à réagir sur un certain nombre de déclarations concernant la criminalité et l immigration. L auteur a ensuite mis en évidence des corrélations importantes entre les résultats et certains facteurs sociodémographiques déterminants, avant de souligner la confiance que les personnes interrogées plaçaient dans les différentes institutions sociales et les médias. Cette première journée s est achevée sur la présentation de Sacchini. C est sur le thème What Works and What Does Not in Emilia-Romagna (Bilan des actions efficaces et inefficaces en Émilie-Romagne) qu a débuté la seconde journée, avec une analyse des interventions réalisées dans la région et des politiques locales menées en matière d immigration et d intégration. Les intervenants étaient tous des représentants du gouvernement régional, dotés d une expérience et de compétences en matière de sécurité urbaine. Samanta Arsani a présenté un article intitulé Migrants in Sassuolo. A case study: the service network dedicated to immigration and the repatriation experience (Migrants de Sassuolo. Une étude de cas : le réseau de services consacré à l immigration et le rapatriement), qui a examiné l impact du rapatriement de migrants sans papiers sur la communauté de Sassuolo (une ville d environ habitants dans la région de Modène) et sur les migrants eux-mêmes, majoritairement d origine marocaine. Rossella Selmini et Marzio Barbieri ont, quant à eux, présenté un article intitulé Immigrants in Emilia-Romagna Between Social Integration and Criminalisation (Immigrés d Émilie-Romagne : entre intégration et criminalisation). Ils ont passé en revue les politiques locales et nationales relatives à la sécurité urbaine, en particulier en matière de politiques migratoires. Selon eux, deux choses sont à retenir. D une part, l opposition entre les politiques inclusives traditionnellement développées par les administrations locales et les politiques nationales toutes axées sur des formes de contrôles administratif et pénal. Ainsi, on constate que les priorités des politiques de sécurité locales sont décidées de manière centralisée alors que ces politiques doivent être appliquées au niveau local. D autre part, le caractère restrictif des dernières politiques nationales s oppose radicalement à la volonté d intégration des politiques locales qui s appuient sur des concepts de services et de création d opportunités. Il en résulte une situation extrêmement conflictuelle. Pour la dernière intervention de la journée, Stefania Crocitti (Université de Bologne) a abordé dans son article Foreign Detainees: A Challenge for the Italian Prison Administration (Détenus étrangers : un défi pour l administration pénitentiaire italienne) la question de la réhabilitation des détenus, en particulier celle des prisonniers immigrés. Elle y a développé trois points : la période avant l emprisonnement (dissuasion), la période 4

5 d emprisonnement (réhabilitation) et la période suivant la sortie de prison (récidive et ordres d expulsion entraînant l expulsion d Italie de certains étrangers ayant fait l objet d une condamnation). Pour étayer ces recherches, l auteur s est appuyé sur des données officielles recueillies auprès de la population carcérale italienne et sur les résultats d études effectuées précédemment. Elle a également analysé les résultats d une étude sur les relations entre intégration et criminalité des immigrés qu elle a réalisée dans les institutions pénitentiaires de deux régions d Italie (la Calabre et l Émilie-Romagne), sur un échantillon de deux cents étrangers incarcérés. 5

6 Intervenants : ARSANI Samanta, Regional Government of Emilia-Romagna, Migrants in Sassuolo. A case study: the service network dedicated to immigration and the repatriation experience (SArsani@regione. emilia-romagna.it) BARBIERI Marzio, Regional Government of Emilia-Romagna, Immigrants in Emilia-Romagna Between Social Integration and Criminalisation (MBarbieri@regione.emilia-romagna.it) CROCITTI Stefania, University of Bologna, Foreign Detainees: A Challenge for the Italian Prison Administration (stefania.crocitti@ unibo.it) FITZGERALD Marian, University of Kent, The Use and Abuse of Ethnic Statistics in a Criminal Justice Context: Some Lessons from the British Experience (marianfitzgerald@dsl.pipex.com) FRANSSEN Abraham, Facultés universitaires Saint-Louis, Public treatment of young immigrants living in Brussels, stigmatisation of Islam versus integration through a political clientele (franssen@fusl. ac.be) GIOVANETTI Monia, University of Bologna, Parcours d inclusion et exclusion des mineurs immigrés non accompagnés en Italie MANÇO Ural, Facultés universitaires Saint-Louis, Public treatment of young immigrants living in Brussels, stigmatisation of Islam versus integration through a political clientele (manco@fusl.ac.be) MASSA Ester, University of Bologna, Second Generations, Stigmatisation and Italian schools: First Results of a Self-Report Study in Emilia-Romagna (ester.massa@unibo.it) MELOSSI Dario, University of Bologna (melossi@unibo.it) PITTS John, University of Bedfordshire, Ethnicity, migration and violent youth gangs in London (john.pitts4@btopenworld.com) REINKE Herbert, Bergischen Universität Wuppertal (reinke@uniwuppertal.de) SACCHINI Giovanni, Regional Government of Emilia-Romagna, Ten Years of Research on Public opinion About Immigrants and Immigration in Emilia-Romagna (GSacchini@regione.emilia-romagna.it) SELMINI Rossella, Regional Government of Emilia-Romagna, Immigrants in Emilia-Romagna Between Social Integration and Criminalisation (RSelmini@regione.emilia-romagna.it). Prof. Dr. Dario MELOSSI - Ester MASSA - Facoltà di Giurisprudenza - Università di Bologna - Via de Griffoni, 4 - I BOLOGNE melossi@unibo.it / ester.massa@unibo.it Crimprev info n 30 - Juin 2009 Traduit par Dina FIGUEIREDO Legal information: Director : René LEVY Legal deposit : in process - ISBN N Dissemination : this text may be reproduced under condition of mentioning its original reference and sending a copy to the publisher - Design : CampingDesign 6