Le 23 février PAR COURRIEL À : enev@sen.parl.gc.ca. Objet : Loi sur le parc urbain national de la Rouge

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1 Le 23 février 2015 Membres du Comité sénatorial de l énergie, de l environnement et des ressources naturelles Le Sénat du Canada Ottawa (Ontario) K1A 0A4 PAR COURRIEL À : enev@sen.parl.gc.ca Objet : Loi sur le parc urbain national de la Rouge Mesdames et Messieurs les membres du Comité, Je vous écris aujourd hui pour vous faire part des vives inquiétudes de la Fondation David Suzuki concernant le projet de loi C-40, Loi sur le parc urbain national de la Rouge. Nous vous exhortons à amender ce projet de loi à l étape de l étude en comité afin que le premier parc urbain national du Canada protège adéquatement la Rouge, un magnifique trésor naturel, pour les générations actuelles et futures. Vous trouverez ci-joint le mémoire que M. Faisal Moola, directeur général de la Fondation David Suzuki pour les régions de l Ontario et du Nord du Canada, a présenté au Comité de l environnement et du développement durable de la Chambre des communes. Malheureusement, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-40 sans l amender, donc sans régler les problèmes que M. Moola soulevait dans son mémoire. Nous désirons donc vous faire part de ces problèmes, alors qu un comité sénatorial s apprête à examiner le projet de loi. Nous attirons en particulier votre attention sur le fait que le projet de loi C-40 n accorde pas la priorité à la conservation de la nature dans la gestion du parc, facteur critique qui pourrait miner la raison d être de la création du parc urbain national de la Rouge et créer un précédent non souhaitable pour la gestion et le développement de tout nouveau parc au pays. Nous tenons à ce que vous sachiez que la Fondation David Suzuki est en faveur de pratiques agricoles durables dans le parc. Il y a quelques années, nous avons publié une importante étude montrant les avantages que ces pratiques agricoles, lorsqu elles sont bien gérées, peuvent apporter sur le plan tant commercial que non commercial (voir le sommaire ci-joint). Nombreux sont les exemples d autres administrations où un cadre politique et législatif solide facilite les activités agricoles durables, ainsi que la protection et la restauration de la nature comme activités coordonnées et complémentaires. Telle est notre vision pour le parc urbain national de la Rouge.

2 Nous demandons au comité sénatorial de réfléchir sérieusement à ces importantes questions et d améliorer le projet de loi C-40. Nous sommes disposés à discuter de ce dossier avec vous ou à répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet du mémoire présenté par M. Moola au Comité de la Chambre. Voici mes coordonnées : ; lguedavidsuziki.org Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les membres du Comité, mes meilleures salutations. Lisa Gue Chercheuse principale et analyste Fondation David Suzuki c.c. L hon. Tobias C. Enverga Jr. L hon. Art Eggleton

3 Le parc urbain national de la Rouge, richesse de capital naturel du Canada Résumé d un rapport publié par la Fondation David Suzuki sur les avantages économiques non marchands de la création du parc urbain national de la Rouge. Faisal Moola, Ph.D. Directeur général, Ontario et Nord du Canada Fondation David Suzuki Professeur auxiliaire, Faculté de foresterie de l Université de Toronto Membre du Comité consultatif de la statistique de l environnement, Statistique Canada 1. Sommaire Le secteur de la Rouge possède un riche patrimoine naturel, agricole et culturel. Il abrite une remarquable forêt carolinienne, plus de espèces sauvages connues, deux sites nationaux historiques et certaines des meilleures terres agricoles qui subsistent dans la région du Grand Toronto. On y trouve également un corridor naturel adjacent allant de la Moraine d Oak Ridges jusqu aux berges du lac Ontario. En 2012, le gouvernement fédéral s est engagé à protéger de façon permanente la majeure partie du secteur en créant à la Rouge le premier parc national urbain du Canada. Non seulement le parc national de la Rouge permettrait de protéger l immense capital naturel de la Rouge (espaces verts et terres agricoles), mais il permettrait aussi à des millions de résidants de la région, dont diverses communautés de néo-canadiens, d explorer un joyau de nature sauvage à proximité de leur lieu de vie. La présente étude vise à évaluer la valeur économique des services et des avantages écosystémiques qu offrent les différents types d écosystèmes et d utilisation des sols dans la région. L étude se penche sur la valeur des services écosystémiques que procurent : 1) les hectares du parc de la Rouge; 2) les hectares du projet du parc national de la Rouge; 3) les trois grands bassins hydrographiques qui entourent le secteur (surface totale de hectares) de la région du Grand Toronto. L étude porte sur les bassins hydrographiques suivants : la rivière Rouge, le ruisseau Petticoat et le ruisseau Duffins. Ce secteur comprend des terres cultivées, des pâturages et des terres improductives (54,4 %); des zones et des infrastructures urbaines (20,4 %); des couverts naturels, comme des forêts, des terres humides, des plans d eau, des haies champêtres et des plantations d arbres (22 %) ainsi que des espaces verts urbains, comme des terrains de golf et de jeu (4 %). Le parc de la Rouge existant comprend des couverts naturels (22 %), des terres cultivées, des pâturages et des terres improductives (70 %) et des terres utilisées à d autres fins comme des terres rétablies, des stationnements et des routes (7 %).

4 Figure 1. Carte de l aire totale à l étude Selon les résultats du rapport, les avantages économiques non marchands de la Rouge et de ses bassins hydrographiques avoisinants pour les résidants de la région du Grand Toronto s élèveraient chaque année à 115,6 millions de dollars (soit $ par hectare). Le futur parc national de la Rouge, qui englobe les terres du parc de la Rouge, est le moteur écologique de la région et procure à lui seul au moins 12,5 millions de dollars (2 239 $) en avantages annuels. Dans la nouvelle aire du parc national de la Rouge, les forêts offrent la meilleure valeur avec des gains de 4,5 millions de dollars par année (5 149 $ par hectare), les terres humides offrent une valeur de 4,3 millions de dollars par année (9 642 $ par hectare), tandis que les terres cultivées fournissent la valeur non marchande la plus faible avec 1,0 million de dollars par année (378 $ par hectare). Les services écosystémiques qui contribuent le plus à l actif du capital naturel du parc urbain national de la Rouge sont les services de pollinisation d une valeur de 2,7 millions

5 de dollars par année, le carbone emmagasiné d une valeur de 1,9 million de dollars par année et l habitat humide d une valeur de 2,1 millions de dollars par année. Ces résultats démontrent que, malgré des décennies d étalement urbain dans la région du Grand Toronto, la Rouge et ses bassins hydrographiques avoisinants demeurent une ressource écologique et économique vitale qui procure chaque année de grands avantages à des millions de résidants de la région du Grand Toronto. Ce stock de capital naturel nettoie l air, filtre l eau, rafraîchit les communautés avoisinantes et offre un corridor naturel essentiel allant de la Moraine d Oak Ridges aux berges du lac Ontario. En créant le parc national de la Rouge, le gouvernement fédéral et les nombreux intervenants et défenseurs locaux de la Rouge protège efficacement un bassin de capital naturel qui profitera aux communautés aujourd hui et pour des années à venir. Bien que cette évaluation soit une première étape importante dans la détermination de la valeur du secteur de la Rouge, il reste beaucoup de travail à accomplir. En vue d assurer le maintien à long terme de la santé écologique et de la valeur économique de la Rouge, le rapport présente des recommandations concernant les efforts d ordre législatif, stratégique et de la conservation qui devraient être entrepris. Parmi ces recommandations, on compte l établissement de comptes de capital naturel pour le nouveau parc national de la Rouge et ses bassins hydrographiques avoisinants, la gestion rigoureuse des activités de développement à l intérieur du parc et dans ses alentours qui pourraient compromettre les écosystèmes (p. ex. les infrastructures), ainsi que la promotion de politiques et de programmes de restauration et d amélioration de l approvisionnement en services écosystémiques dans la région, en particulier pour les terres agricoles en activité. 2. L importance du capital naturel et des services écosystémiques pour les Canadiens 2.1. Définitions On entend par capital naturel la terre, l eau, l atmosphère et les ressources de la planète Terre. Ce capital est organisé et groupé dans les écosystèmes naturels de la Terre, qui fournissent les ressources et les flux des services écosystémiques. Les avantages que procurent les écosystèmes, comme les biens et services écosystémiques, sont essentiels au bien-être économique et social des humains. Même si les Canadiens reconnaissent l importance et la valeur de l environnement sur leur bien-être, il n y a pas de mesure cohérente des valeurs non marchandes que fournissent les écosystèmes. En conséquence, aucune évaluation complète du capital naturel du Canada n a encore été réalisée. Ces avantages ne sont donc généralement pas comptabilités dans les prises de décisions économiques et la planification de l utilisation des terres.

6 Les services écosystémiques sont souvent définis comme les bienfaits que les gens retirent directement ou indirectement des systèmes écologiques 1. Les écosystèmes assurent de nombreux services, notamment le stockage des eaux de crue, le captage et la filtration de l eau par les bassins versants, l absorption de la pollution de l air par les arbres et la régulation du climat par le stockage du carbone dans les arbres, les végétaux et le sol. Ces services et ces bienfaits sont sous-évalués dans les économies de marché, même s ils valent globalement plusieurs billions de dollars chaque année. Tableau 1 : Typologie des services écosystémiques Services d approvisionnement Services de régulation Services d habitat Services culturels Nourriture Eau Matières premières Ressources génétiques Ressources médicinales Ressources ornementales Régulation de la qualité de l air; régulation du climat; modération des phénomènes extrêmes Régulation des débits d eau Traitement des déchets Prévention de l érosion Maintien de la fertilité des sols Pollinisation Maintien des cycles de vie des espèces migratoires Maintien de la diversité génétique Information esthétique Possibilité pour les loisirs et le tourisme Inspiration pour la culture, l art et le design Expérience spirituelle Information pour le développement cognitif Contrôle biologique Une des raisons les plus fréquentes de mesurer le capital naturel et les services écosystémiques est de rendre compte des répercussions financières découlant des décisions relatives à l utilisation des terres et des ressources prises par les communautés, les gouvernements et les entreprises. En général, les coûts totaux des activités humaines et leurs effets sur l environnement n ont pas été comptabilisés, ces coûts ont donc été externalisés. Les sociétés modernes font toutefois désormais face à de graves problèmes environnementaux en raison du déclin des services écosystémiques comme conséquence directe de la non-prise en compte de ces coûts externes imposés à l environnement. 1 Millennium Ecosystem Assessment Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Island Press. Washington, D.C.

7 Figure 2. La répartition spatiale de l occupation et de l utilisation du sol à travers l aire proposée du parc urbain national de la Rouge, ce qui inclut l actuel parc de la Rouge et d autres terres fédérales

8 Tableau 2 : Valeur totale annuelle des services écosystémiques par type de couvert pour l aire proposée du parc urbain national de la Rouge (en 2011). Autres terres du parc national Valeur par hectare en dollars ($/ha/année) Valeur totale des autres terres Valeur totale de l aire proposée du parc national de la Type de couvert (hectares) ($/année) Rouge ($/année) Forêt 71, $ $ $ Plantations 0, $ $ $ Terres humides 36, $* $ $ Terres cultivées $ $ $ Pâturages $ $ $ Haies $ $ $ Terre improductive $ $ $ Espaces verts urbains $ $ $ Plans d eau (rivières) $ $ Rivage (plage) $ $ Total $ $ Valeur $ $ moyenne/hectare Remarque : L aire totale ne comprend que les types de couvert indiqués dans ce tableau (cela exclut les terres utilisées à d autres fins comme les zones bâties, imperméables, d extraction et de transport). Pour l aire à l étude, c est l aire totale qui est utilisée pour calculer la valeur moyenne globale par hectare. *La valeur des terres humides par hectare indiquée dans ce tableau est la valeur des marécages uniquement, car il s agit du seul type de terres humides des autres terres proposées pour le parc national. Toutefois, la valeur totale des terres humides pour l aire totale proposée du parc national rend compte de la valeur totale de tous les types de terres humides dans ce secteur, basée sur la valeur respective par hectare de chaque type de terres humides. 3. Conclusions La Rouge et ses bassins hydrographiques avoisinants fournissent des avantages économiques et des services écosystémiques essentiels aux résidants de la région du Grand Toronto. Le présent rapport estime de manière prudente que ces services ont une valeur économique qui s élève chaque année à au moins 115,6 millions de dollars. Le futur parc national de la Rouge, qui englobe les terres de l actuel parc provincial de la Rouge, est le moteur écologique de la région et procure au moins 12,5 millions de dollars en avantages économiques non marchands annuels à ses résidants. Ces résultats démontrent que, malgré des décennies d étalement urbain dans la région du Grand Toronto, la Rouge et ses bassins hydrographiques avoisinants demeurent de manière remarquable une ressource écologique et économique vitale qui procure chaque année de grands avantages qui contribuent à la santé et au bien-être des communautés de la région. Ce stock de capital naturel nettoie l air, filtre l eau, rafraîchit les communautés avoisinantes et offre un corridor naturel essentiel allant de la Moraine d Oak Ridges aux berges du lac Ontario.

9 En créant le parc urbain national de la Rouge, le gouvernement fédéral et les nombreux intervenants et défenseurs locaux de la Rouge protège efficacement un bassin de capital naturel qui profitera aux communautés aujourd hui et pour des générations à venir. Même si la préservation, la restauration et la gestion d un tel joyau situé aux abords d une zone urbaine qui connaît une croissance parmi les plus rapides en Amérique du Nord coûteront probablement des dizaines de millions de dollars, ces coûts devraient être évalués en fonction de la valeur des avantages économiques et écologiques mis en évidence dans le présent rapport. Même sans tenir compte du marché du parc et des bienfaits sur la santé, le futur parc urbain national de la Rouge rapportera sans aucun doute d énormes bénéfices. Bien que cette évaluation soit une première étape importante dans la détermination de la valeur du secteur de la Rouge, il reste beaucoup de travail à accomplir. En vue d assurer le maintien à long terme de l intégrité écologique et de la valeur économique de la Rouge en tant que parc national, des efforts d ordre législatif, stratégique et de la conservation doivent être entrepris. 4. Recommandations Gouvernance et gestion 1. Compte tenu des importantes valeurs économiques et écologiques de la Rouge et des bassins hydrographiques qui l entourent, le gouvernement fédéral devrait rapidement travailler à la création du parc urbain national en vertu de la loi. 2. Les plans en matière de lois et de gestion qui régissent le parc urbain national de la Rouge doivent : a) donner la priorité à la protection et au rétablissement de la santé écologique 2 ; b) s assurer que les activités de développement nouvelles et existantes qui ont des répercussions sur le capital naturel, comme les infrastructures (p. ex. pipelines, routes), sont minimisées et gérées conformément aux normes de durabilité les plus élevées; c) déléguer l atteinte d un «gain net» en capital naturel (p. ex. la biodiversité) en conséquence de toute activité qui dégrade la santé écologique du parc 3 ; d) s assurer que l extraction de ressources est interdite dans le parc; et e) s assurer que les Premières Nations sont pleinement associées à la création du nouveau parc national, qu elles sont appuyées et qu elles reçoivent des avantages tangibles. 3. Parcs Canada devrait collaborer avec la province, les Premières Nations, les municipalités et les autorités régionales de conservation afin de protéger le capital naturel à l extérieur du nouveau parc national par la création de zones 2 Parfois aussi appelée l intégrité écologique. 3 Un modèle possible pourrait être la clause sur «l avantage plus que compensatoire» de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l Ontario, art c.i., un permis peut être délivré si, entre autres critères, «les exigences qu imposent les conditions du permis procureront dans un délai raisonnable un avantage plus que compensatoire pour l espèce».

10 de gestion spéciales (à savoir, les zones tampons protégées et les corridors reliés près du parc), d étendre la ceinture verte environnante afin de protéger les terres agricoles vulnérables, ainsi que définir et protéger le patrimoine naturel et écologique qui entoure la rivière Rouge, le ruisseau Petticoat et le ruisseau Duffins. Intendance 4. Les agriculteurs devraient avoir accès à des programmes et à des incitatifs soutenant l intendance agricole et des terres, afin d appuyer la production alimentaire locale et de promouvoir l adoption de pratiques agricoles durables qui restaurent et améliorent les services écosystémiques (p. ex. stockage du carbone, habitat pour les pollinisateurs) dans le nouveau parc urbain national de la Rouge et les terres qui l entourent. Des exemples de programmes novateurs qui pourraient être mis en application à la rivière Rouge (p. ex. le programme ALUS en Ontario) sont présentés dans le rapport complet disponible au 5. Les interdépendances étroites entre les Premières Nations et les terres et les eaux du parc national de la Rouge doivent être reconnues et les Premières Nations doivent participer à titre de gardiennes du savoir traditionnel écologique, ce qui comprend l éducation du public et des programmes d interprétation. Surveillance 6. Des programmes doivent être mis en place afin de cibler, mesurer et surveiller le capital naturel (p. ex. habitat faunique) dans le nouveau parc national de la Rouge et dans les principaux bassins hydrographiques qui l entourent. 7. Les données détaillées sur la couverture terrestre pour le nouveau parc urbain de la Rouge et ses principaux bassins hydrographiques doivent être mises à jour chaque année. 8. Les résultats des programmes de surveillance doivent être communiqués au public et les données de surveillance doivent être rendues publiques. Éducation et sensibilisation du public 9. Il est important que tous les ordres de gouvernement, les autorités régionales de conservation et les organisations non gouvernementales continuent le financement et la prestation de programmes d éducation au public afin de sensibiliser la population sur le capital national et le rôle qu il joue dans la pureté de l air et de l eau, la salubrité des aliments et la protection de la faune.

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