Département de Parasitologie et Maladies Parasitaires. Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, BP. 6202, Rabat-Instituts, Maroc.
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- Beatrice Lambert
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1 Vaccin vivant contre la theilériose bovine constitué par des macroschizontes de Theileria annulata : innocuité, durée de l immunité et absence de portage M. KACHANI 1, N. EL HAJ 2 *, KAHOUACHE 1 et H. OUHELLI 1 1 Département de Parasitologie et Maladies Parasitaires. Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, BP. 6202, Rabat-Instituts, Maroc. 2 Département de Biologie, Université Ibn TOFAIL, B.P. 133, Kénitra, Maroc. * Auteur chargée de la correspondance : najyf@yahoo.fr RÉSUMÉ Pour étudier l innocuité du vaccin vivant contre l infection par Theileria annulata, 2 lots de 5 veaux chacun, de races sensibles Frisonne pie noire (Lot 1) et Holstein (Lot 2) ont été immunisés par 10 4 lymphocytes infectés par T. annulata. Comme des réactions cliniques faibles sans différence significative entre les deux lots ont été obtenues, ce vaccin s est avéré d une bonne innocuité spécifique. Sur 2 lots de 5 veaux Holstein vaccinés, un lot (Lot 3) a reçu en plus un rappel vaccinal 7 mois après la primo-vaccination. Tous les animaux vaccinés ont été soumis à une épreuve de virulence létale, six mois après la primo vaccination (Lot 2) ou un mois après le rappel vaccinal (Lot 3). Lorsque les animaux n ont pas eu de rappel, une forte mortalité (80%) a été observée, ce qui montre que la durée de l immunité dans ces conditions est inférieure à 6 mois. En revanche, un rappel vaccinal permet de restaurer l immunité acquise. Par ailleurs, des nymphes Hyalomma dromedarii mises en contact avec les animaux vaccinés n ont pas pu s infecter, ce qui démontre que les animaux vaccinés ne constituent pas un réservoir parasitaire pour les tiques vectrices. En conclusion, cette étude révèle qu un rappel vaccinal au mois de Mars permettrait de renforcer l immunité chez les animaux et de les protéger pendant la saison de theilériose, qui s étend au Maroc du mois d Avril au mois de Septembre. Mots-clés : Bovins - theilériose - Theileria annulata - vaccination - durée d immunité - innocuité. SUMMARY Live vaccine with macroschizontes of Theileria annulata : safety, duration of immunity and absence of portage. By M. KACHANI; N. EL HAJ N, KAHOUACHE and H. OUHELLI. In order to investigate the safety of a live vaccine against Theileria annulata infection, 2 groups of 5 animals each, Friesian (group 1) and Holstein (group 2) were vaccinated using T. annulata infected cells. The vaccine was safe for both breeds causing a mild clinical reaction. There were no significant differences between the 2 breeds. The duration of immunity generated by this vaccine was also investigated. Two groups of 5 Friesian animals each were immunized, and animals of group 3 received a second immunization 7 months after the first vaccination. All the vaccinated animals were subjected to a lethal challenge six months after the first vaccination for group 2, one month after the second vaccination for group 3. In group 2, four animals died of an acute theileriosis. This showed that the duration of immunity is less than 6 months. By contrast, the second immunization partially allowed the recovery of the acquired immunity against theileriosis. On the other hand, Hyalomma dromedarii nymphs fed on vaccinated animals were not infected, showing that vaccinated calves cannot transmit infections to ticks. In conclusion this study showed that in Morocco, vaccination against theileriosis must be undertaken during the month of March, in order to enable protection of the animals during the theileriosis season which occurs from April to September. Keywords : Cattle - theileriosis - Theileria annulata vaccination - duration of immunity - safety. Introduction La theilériose tropicale engendrée par le protozoaire T. annulata entraine des pertes importantes dans l élevage bovin dans différentes régions du monde à travers le Sud de l Europe, l Afrique du Nord, le Proche et Moyen Orient, le continent Indien et le Centre de l Asie [7, 29]. Dans plusieurs pays où la theilériose tropicale est endémique, l immunisation sur le terrain au moyen de vaccins vivants à base de lymphocytes infectés par T. annulata a été entreprise avec succès [2, 10, 13, 14, 19, 23, 27, 31, 33]. Au Maroc, un vaccin à base de lymphocytes infectés par les schizontes de la souche T. annulata Doukkala, atténués par 256 passages à la dose de 10 4 cellules s est avéré efficace et d une bonne innocuité spécifique. En effet, ce vaccin a permis la protection de 99% des animaux vaccinés, dans une région endémique (Doukkala), contre des infections d épreuve naturelle et expérimentale [18, 21]. Les objectifs de cette étude sont : 1) d analyser l innocuité de la vaccination chez 2 races sensibles, Holstein et Frisonne pie noire, 2) de déterminer la durée de l immunité conférée par le vaccin et les effets d un rappel vaccinal dans la protection de veaux contre une infection d épreuve létale, et 3) d étudier l existence d un état de porteur chez des veaux immunisés et la possibilité de transmettre l infection aux tiques. Matériel et Méthodes ANIMAUX Dix veaux de race Holstein, âgés de 6 à 15 mois et dix autres de race Frisonne pie noire, âgés de 11 à 12 mois maintenus dans des conditions ne permettant pas d infestation par les tiques ont été utilisés dans trois expérimentations différentes. Il a été vérifié que les animaux étaient indemnes d in-
2 VACCIN VIVANT CONTRE LA THEILÉRIOSE BOVINE 625 fection par T. annulata par un test sérologique d immunofluorescence indirecte (IFI) développé selon la méthode rapportée par KACHANI et al., [17] CELLULES VACCINALES La souche Theileria annulata utilisée pour la vaccination, le rappel vaccinal et l infection d épreuve des animaux a été isolée dans la région de Doukkala par Ouhelli en Cette souche a été conservée au département de parasitologie et maladies parasitaires (Institut agronomique et vétérinaire, Hassan II, Rabat) soit sous forme de sporozoïtes ou de schizontes dans l azote liquide ou en culture cellulaire. Le pouvoir pathogène de la lignée cellulaire, utilisée dans la vaccination a été atténué par 256 passages successifs en culture sur lymphoblastes. Cette culture a été réalisée selon la méthode décrite par BROWN [3]. L infection d épreuve a été réalisée au moyen d un stabilat de sporozoïtes, à la dose létale 4 équivalents-tiques, préparé selon la technique rapportée par WALKER et al., [35]. Le stabilat a été préparé à partir de tiques Hyalomma a. anatolicum infectées par la souche de T. annulata Gharb selon la méthode décrite par CUNNIGHAM et al., [5]. Il a été cryopréservé et stocké dans l azote liquide sous forme de surnageant de tiques broyées dont la concentration est exprimée en nombre d équivalents tiques par ml. TIQUES Afin d étudier l état de porteur chez des animaux vaccinés contre T. annulata, des nymphes Hyalomma dromedarii qui transmettent expérimentalement la theilériose à T. annulata [20] ont été implantées sur ces animaux. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL : Détermination de l innocuité de la vaccination Deux lots de 5 veaux chacun de race Frisonne pie noire (Lot 1) et de race Holstein (Lot 2) ont été immunisés par 10 4 lymphocytes infectés par T. annulata, atténués par 256 passages en culture cellulaire. La réaction de tous les veaux à ce vaccin a été évaluée par des paramètres cliniques, parasitologiques, hématologiques et sérologiques. Détermination de la durée de l immunite Dans cette expérimentation, nous avons étudié la durée de l immunité conférée par la vaccination et l effet du rappel vaccinal sur la protection de veaux immunisés contre une épreuve de virulence. Deux lots de 5 veaux chacun de race Holstein ont été constitués et ont subi une vaccination par 10 4 lymphoblastes infectés au passage 256. Le lot 2 n a subi que la vaccination tandis que les animaux du lot 3 ont bénéficié d un rappel vaccinal (10 6 cellules de la lignée vaccinale au passage 256) 7 mois après la vaccination. Tous les animaux des 2 lots ont été soumis à une épreuve de virulence létale de 4 équivalents-tiques, six mois après la primo-vaccination chez les veaux du lot 2 et un mois après le rappel chez ceux du lot 3. Etude de l existence d un portage chez les veaux vaccinés L objectif de cette expérimentation a été de vérifier si les animaux immunisés par le vaccin vivant de T. annulata peuvent transmettre l infection aux tiques H. dromedarii. Cinq veaux de race Frisonne pie noire (lot 4) ont été vaccinés par injection de 10 4 lymphoblastes infectés par T. annulata Doukkala attenués au passage 256. L évolution de l infection en particulier l apparition des mérozoïtes a été suivie chez les animaux vaccinés de la même manière que dans les expérimentations précédentes. Des nymphes H. dromedarii au nombre de 160 ont été mises en contact avec les veaux à partir du 29 ème jour après la vaccination. Après engorgement et mue, elles ont été placées pendant 4 jours sur les oreilles de lapins pour stimuler le développement des sporoblastes s il y a lieu dans les glandes salivaires selon la méthode rapportée par WALKER et al., [34]. Ces dernières ont été disséquées, colorées et examinées pour rechercher T. annulata selon la technique rapportée par WALKER et al., [34]. Suivis cliniques, parasitologiques, hématologiques et sérologiques - Paramètres cliniques : La température rectale a été enregistrée quotidiennement afin de détecter une hyperthermie (T 39.5 C). Les ganglions lymphatiques drainant la zone d inoculation du parasite ont été examinés quotidiennement pour apprécier le degré d hypertrophie. Les animaux ayant succombé à une theilériose ont été systématiquement autopsiés. - Paramètres parasitologiques : Des frottis colorés au Giemsa (5%) réalisés quotidiennement à partir des biopsies des ganglions lymphatiques dès le début de l hypertrophie ganglionnaire ont été examinés afin de rechercher la présence des schizontes dans les lymphocytes. Des frottis sanguins colorés au Giemsa (5%) ont été préparés deux fois par semaine avant l apparition des mérozoïtes et quotidiennement dès leur détection dans les hématies afin d estimer la parasitémie (pourcentage d érythrocytes parasités par les mérozoïtes). Ces frottis ont été préparés selon les techniques rapportées par FLACH et OUHELLI [11]. - Paramètres hématologiques : L hématocrite a été déterminé une fois tous les deux jours pour suivre l évolution de l anémie. - Paramètres sérologiques : Après la primo vaccination, des prélèvements sanguins hebdomadaires ont été réalisés chez tous les animaux afin de suivre l évolution des titres sériques d anticorps anti-theileria au moyen d un test IFI utilisant un antigène mérozoïte selon le protocole rapporté par KACHANI et al., [18]. Les sérums témoins ont été constitués à partir d un mélange de sérums prélevés sur des animaux vaccinés puis infectés par un stabilat de sporozoïtes de T. annulata au 30 ème jour post-infection (J30). Des témoins négatifs ont été constitués par un mélange de sérums prélevés sur les mêmes animaux avant l infection par T. annulata (J0). Un résultat était considéré positif lorsque le titre d anticorps était 1/160. Analyses statistiques : Les comparaisons entre lots ont été effectuées par un test non paramétrique (test U de Mann et Whitney) et les différences ont été considérées significatives lorsque p 0.05.
3 626 KACHANI (M.) ET COLLABORATEURS Résultats INNOCUITÉ DE LA VACCINATION Aucune différence significative de la température rectale n a été mise en évidence entre les veaux de race Frisonne pie noire (Lot 1) et les veaux Holstein (Lot 2) à l issue de la vaccination (Tableau I). Trois veaux du lot 1 ont développé une hyperthermie (39.66 C ± 0.06) entre le 19 ème et le 26 ème jour d une durée moyenne de 1.33 jours. Dans le lot 2, 3 veaux Holstein ont présenté une hyperthermie (39.83 C ± 0.32) plus précoce (entre le 28 ème et 21 ème jour) d une durée moyenne de 1.66 jours. Aucune hypertrophie ganglionnaire n a été observée chez les veaux du lot 1 alors que dans le lot 2, les animaux hyperthermiques ont simultanément présenté une hypertrophie (entre le 17 ème et 20 ème jour) d une durée moyenne de 2.33 jours. Après la vaccination, l hématocrite est resté stable dans les 2 lots. Sur le plan parasitaire, des schizontes ont été détectés dans les ganglions lymphatiques chez 2 animaux dans chacun des deux lots à partir du 19 ème et 20 ème jours pendant une durée moyenne de 1.5 jours chez ceux du lot 1 et de 2 jours chez ceux du lot 2. Par ailleurs, des mérozoïtes ont été détectés à partir du 22 ème - 28 ème jours chez les veaux Frisonne Pie Noire pendant en moyenne 6.4 jours. Leur apparition a été plus tardive (à partir du 22 ème - 35 ème jour) dans le lot 2 et les mérozoïtes ont persisté 4.4 jours en moyenne. La parasitémie maximale n a pas été statistiquement différente entre les 2 lots. L analyse sérologique a révélé l apparition de titres importants d anticorps anti-theileria dès la 3 ème semaine après la vaccination. Les valeurs maximales des titres en anticorps ont été observées pendant la 8 ème semaine post-vaccination chez les animaux de race Frisonne Pie Noire et pendant la 6 ème semaine chez ceux de race Holstein (Figures 1.1, 1.2 et 1.3). TABLEAU I. Variations des paramètres cliniques, parasitologiques et hématologiques après la primovaccination (10 4 lymphoblastes au passage 256 infectés par T. annulata) chez les veaux des lots Frisonne Pie Noire (Lot 1) et Holstein (Lots 2 et 3) et après le rappel vaccinal 10 6 lymphoblastes) chez ceux du lot 3. JHT : 1 er jour d hyperthermie (en jour : j), DHT : Durée de l hyperthermie (en jour : j), T.mx : température maximale JHG : 1 er jour d hypertrophie ganglionnaire (en jour : j), DHG : Durée de l hypertrophie ganglionnaire (en jour : j), AS : jour d apparition des schizontes (en jour : j), DS : Durée des schizontes (en jour : j), AM : : jour d apparition des mérozoïtes (en jour : j), DM : Durée des mérozoïttes (en jour : j), P.mx : parasitémie maximale m ± SD : moyenne ± écart-type.
4 VACCIN VIVANT CONTRE LA THEILÉRIOSE BOVINE 627 FIGURE 1.1. Suivi des titres moyens d anticorps chez les veaux du lot 1 après la primovaccination (PV : 10 4 lymphoblastes infectés). FIGURE 1.2. Suivi des titres moyens d anticorps chez les veaux du lot 2 après la primovaccination (PV : 10 4 lymphoblastes infectés) et l épreuve de virulence (EV : 4 équivalents - tiques). FIGURE 1.3. Suivi des titres moyens d anticorps chez les veaux du lot 3 après la primovaccination (PV : 10 4 lymphoblastes infectés), le rappel vaccinal (RV : 10 6 lymphoblastes infectés) et l épreuve de virulence (EV : 4 équivalents - tiques). DURÉE DE L IMMUNITÉ Dans chacun des 2 lots (Lots 2 et 3), 3 veaux sur 5 ont présenté une réaction clinique à la vaccination caractérisée par une hyperthermie (39.83 ± 0.32 C pendant 1.66 jours en moyenne apparue vers le 20 ème jour dans le lot 2, 40.2± 0.61 C pendant 4 jours en moyenne apparue vers le 23 ème jour dans le lot 3) associée à une hypertrophie ganglionnaire (Tableau I). Des schizontes ont été détectés à partir des 19 ème - 24 ème jours post-vaccination sur 4 animaux au total (2 dans chaque lot). Sur tous les animaux, les mérozoïtes ont été mis en évidence entre le 22 ème et le 35 ème jour et ont persisté en moyenne 4.4 jours dans le lot 2 et 7 jours dans le lot 3. La parasitémie maximale est néanmoins restée faible (entre 0.006% et 0.026%). Dès la 3 ème semaine, les anticorps anti Theileria annulata ont été décelés dans le sérum des veaux vaccinés. Les titres maximaux ont été obtenus lors de la 6 ème semaine pour le lot 2 et de la 8 ème semaine pour le lot 3 (Figures 1.2 et 1.3). Lors du rappel vaccinal effectué sur les veaux du lot 3, 7 mois après la primo vaccination, 3 animaux ont présenté une hyperthermie (39.9 ± 0.15 C) entre le 14 ème et le 17 ème jour d une durée moyenne de 2.33 jours associée à une hyperthermie ganglionnaire d une durée de 4.5 jours. L hématocrite des veaux du lot 3 est resté stable à l issue du rappel vaccinal. Sur ces mêmes animaux, des schizontes ont été simultanement observés pendant 2.33 jours. En revanche, aucun développement en mérozoïte n a été obtenu (Tableau I). Les titres sérologiques maximaux en anticorps anti Theileria annulata ont été obtenus 3 semaines après le rappel vaccinal. L épreuve de virulence a induit une hyperthermie élevée (40.98 ± 0.16 C) chez les veaux du lot 2, d apparition précoce (entre le 7 ème et le 9 ème jour post-épreuve) qui a duré en moyenne 11.4 jours (tableau II). Une hypertrophie ganglionnaire qui a débuté vers le 6 ème -7 ème jour et qui a persisté 12.6 jours a également été observée sur tous les veaux de ce lot. Trois des veaux sont morts d une theilériose aiguë entre le 18 ème et 20 ème jours tandis qu un 4 ème a succombé 60 jours après l épreuve de virulence. Les schizontes détectés chez tous les veaux entre le 6 ème et le 9 ème jour ont persisté en moyenne 10.8 jours et les mérozoïtes mis en évidence le 10 ème jour ont engendré une parasitémie maximale de 21.3%. Ce paramètre a été particulièrement élevé chez les veaux qui sont morts d une theilériose aiguë (24.6 à 35.6%). En parallèle, une chute importante de l hématocrite (13 à 16%) a été constatée. De plus, des titres élevés en anticorps ont été obtenus chez ces animaux alors que ceux atteints d une theilériose chronique n ont présenté que de faibles titres (Figure 1.2). En revanche, dans le lot 3, l hyperthermie obtenue entre le 8 ème et 9 ème jour sur 4 animaux a été moins importante (40.4 ± 0.6 C) et a duré en moyenne 7 jours. L hypertrophie ganglionnaire associée obtenue à partir du 7 ème - 8 ème jour a duré moins longtemps (7.3 jours, p< 0.05). Parmi ces veaux, 2 (H6 et H10) ont réagi plus sévèrement, présentant une hyperthermie élevée et une hypertrophie ganglionnaire persistante (plus de 10 jours) et un animal (H6) est mort d une forme aiguë de la maladie à J20 (Tableau II). Parallèlement, l hématocrite de cet animal avait nettement chuté. Dans ce groupe, les schizontes sont apparus entre le 7 ème - 9 ème jour et ont persisté environ 7 jours. Les mérozoïtes ont été observés à partir du 10 ème jour chez les 2 veaux les plus atteints et plus tardivement (12 ème -16 ème jour) chez les autres veaux. A l échelle du groupe, la parasitémie maximale a atteint 16.22%, mais une valeur de 66.6% a été observée chez un des veaux cliniquement malades (H6). Par ailleurs, les 2 veaux cliniquement atteints n avaient pas réagi au rappel vaccinal (ni hyperthermie, ni hypertrophie ganglionnaire, ni
5 628 KACHANI (M.) ET COLLABORATEURS TABLEAU II. Variations des paramètres cliniques, parasitologiques et hématologiques chez les veaux Holstein des deux lots 2 et 3 après l épreuve de virulence (4équivalents tiques) réalisée 6 mois après la primovaccination (10 4 lymphoblastes infectés), (lot2) et 8 mois après la primovaccination et 1 mois après le rappel vaccinal (10 6 lymphoblastes infectés) (lot 3). JHT : 1 er jour d hyperthermie (en jour : j), DHT : Durée de l hyperthermie (en jour : j), T.mx : température maximale JHG : 1 er jour d hypertrophie ganglionnaire (en jour : j), DHG : Durée de l hypertrophie ganglionnaire (en jour : j), AS : jour d apparition des schizontes (en jour : j), DS : Durée des schizontes (en jour : j), AM : jour d apparition des mérozoïtes (en jour : j), P.mx : parasitémie maximale m ± SD : moyenne ± écart-type. TABLEAU III. Variations des paramètres cliniques et parasitologiques chez les veaux Frisonne Pie Noire du lot 4 après la vaccination (10 4 lymphoblastes infectés). JHT : 1 er jour d hyperthermie (en jour : j), DHT : Durée de l hyperthermie (en jour : j), T.mx : température maximale AS : jour d apparition des schizontes (en jour : j), DS : Durée des schizontes (en jour : j), AM : jour d apparition des mérozoïtes (en jour : j), DM : Durée des mérozoïttes (en jour : j), P.mx : parasitémie maximale m ± SD : moyenne ± écart-type. présence de schizontes). Parallèlement, des titres importants en anticorps anti Theileria annulata ont été obtenus chez les animaux ayant reçu le rappel vaccinal (Figures 1.2 et 1.3). ETUDE DE L EXISTENCE D UN PORTAGE CHEZ LES VEAUX VACCINÉS Pour vérifier la possibilité de transmission de l infection des animaux vaccinés aux tiques vectrices, des nymphes ont été mises en contact avec les veaux vaccinés (Lot 4). Après la vaccination, une faible réaction clinique a été enregistrée chez deux animaux ayant développé une faible hyperthermie de courte durée, apparue tardivement (tableau III). Les schizontes ont été détectés au niveau des ganglions lymphatiques pendant 3 jours. Une parasitémie de moins de 0.1% a été observée dès le 30 ème jour après l immunisation et était inférieure à 0.1%. L hématocrite est resté normal (tableau III). La durée d engorgement des nymphes était de 11 jours entre le 34 ème et le 45 ème jour après la vaccination. La parasitémie chez les bovins a été inférieure à 0.1% pendant cet intervalle. Parmi les nymphes gorgées récupérées, 201 ont été nourries sur les oreilles de lapins pour stimuler la maturation des sporoblastes s il y a lieu. L examen des glandes salivaires disséquées a révélé l absence de parasites. Ceci révèle que l infection n a pas été transmise des bovins vaccinés aux tiques vectrices.
6 VACCIN VIVANT CONTRE LA THEILÉRIOSE BOVINE 629 Discussion La vaccination des bovins des deux races sensibles Holstein et Frisonne Pie Noire, par des lymphocytes infectés par des schizontes de T. annulata Doukkala, atténués par 256 passages à la dose de 10 4, n a entraîné qu une faible réaction clinique: faible hyperthermie de courte durée et faible parasitémie. En outre, les veaux Frisonne Pie Noire et les veaux Holstein ont développé une réaction clinique d intensité égale. Ce résultat confirme ceux d une expérimentation précédente dans laquelle, parmi trois préparations vaccinales testées à des doses et passages différents, celle utilisée à la dose de 10 4 et au passage 256 a été d une bonne innocuité spécifique [7, 21]. L immunisation d animaux au moyen des lignées cellulaires, atténuées en culture cellulaire, n engendre généralement que de faibles réactions cliniques et dans certains cas, les animaux immunisés ne manifestent aucune réaction fébrile, ni développement parasitaire [13, 14, 26, 27, 33]. La multiplication parasitaire et l hyperthermie peuvent être évités par des passages supplémentaires du parasite en cultures cellulaires [25]. Un rappel vaccinal effectué à la dose de 106 cellules 7 mois après la primo vaccination n a entraîné qu une faible réaction fébrile et n a pas permis le développement parasitaire intra- érythrocytaire jusqu au stade mérozoïte. Que ce soit après une primo vaccination ou un rappel vaccinal, les titres en anticorps anti Theileria annulata ont augmenté dès la 3 ème semaine post infection pour atteindre des valeurs maximales à la 6 ème -8 ème semaine. Par conséquent, l administration d une lignée lymphoblastique infectée par T. annulata constitue un vaccin vivant d une bonne innocuité. L épreuve de virulence a été réalisée en utilisant un stabilat de sporozoïtes à la dose de 4 équivalents-tiques. Dans cette étude, la dose utilisée a provoqué une forte mortalité (3 animaux sur 5) sur des animaux vaccinés 6 mois auparavant. L intensité de la réaction clinique varie avec la dose de sporozoïtes reçue [6]. Dans une expérience précédente, il a été montré que 10% d une dose de ce stabilat entraînait une theilériose aiguë, avec la mortalité de 33% [1]. Normalement, la dose de stabilat utilisée dans les épreuves de virulence est celle qui correspond à la dose qui engendre la mortalité chez la moitié des animaux infectés (dose létale 50). Il apparaît par conséquent que la virulence du stabilat utilisé et la sensibilité de la race Holstein vis à vis des maladies en général sont à l origine de cette importante mortalité d une part, et que d autre part, la durée de l immunité est inférieure à six mois en absence d un rappel vaccinal. Il a été montré que la protection des veaux immunisés ne dépend pas seulement de la dose de stabilat de sporozoïtes utilisés mais aussi de la durée entre la vaccination et l infection d épreuve. Des études ont révélé des durées d immunité relativement variables, induites par le vaccin vivant de T. annulata, comprises entre 6 mois et 3 ans [2, 30, 31]. Les animaux ayant fait l objet d un rappel vaccinal ont réagi moins sévèrement à l épreuve de virulence que les autres. En effet, parmi les 5 animaux de ce lot, trois se sont avérés complètement protégés contre une ré-infection létale. Ces derniers ont présenté quelques jours d hyperthermie, témoignant ainsi de la multiplication du parasite et de la consolidation de l immunité. Les deux autres animaux ont développé une theilériose dont un a succombé à l infection d épreuve létale. Le rappel vaccinal a donc permis de renforcer l immunité chez les veaux vaccinés. Un résultat similaire a été mis en évidence dans d autres études : BENIWAL et al., [2] ont démontré qu un vaccin à base de schizontes de T. annulata (Hissar), atténué en culture engendre une immunité chez les animaux vaccinés pendant au moins 6 mois en absence d infections d épreuves sur le terrain. Cependant, il y a une baisse de l immunité après 6 mois, si les animaux ne sont pas exposés aux tiques pendant cette période. RAY et BANSAL [30] ont également rapporté que l immunité a duré une année chez des animaux exposés à l infestation par les tiques ou revaccinés annuellement alors qu elle a baissé dans des conditions indemnes de tiques. La durée de l immunité dépendrait de la dose vaccinale et de l intervention d un ou plusieurs rappels, et serait renforcée par des infestations par les tiques dans les zones endémiques. Parmi les animaux ayant reçu un rappel vaccinal, 2 d entre eux (H6 et H10) ont développé une theilériose aiguë à l issue de l épreuve de virulence. L analyse détaillée des suivis réactionnels montre que ces 2 veaux ont effectivement réagi à la primo vaccination mais pas au rappel vaccinal (absence de réaction clinique et absence de production d anticorps anti mérozoïtes). Ces 2 animaux n ont donc pas bénéficié d un renouvellement de l immunité envers Theileria annulata lors du rappel mais ils auraient pu en revanche développé une réaction immune envers les cellules lymphoblastiques infectantes. Lors du rappel, les cellules véhiculant les parasites auraient été directement détruites par le système immunitaire empêchant ainsi une réactivation de l immunité envers T. annulata. En étudiant, la réaction de l organisme aux antigènes lymphocytaires lors d une infection par T. parva, EMERY et al., [8] ont montré que des populations lymphocytaires cytotoxiques pouvaient apparaître et détruire la lignée cellulaire autologue (self) infectée par T. parva mais pas des lignées allogéniques (non self). Par ailleurs, SPOO- NER [31] a identifié les antigènes lymphocytaires des bovins (BOLA) afin de définir le mécanisme d intervention du CMH. INNES et al., [4], ont montré que contrairement à la theilériose de la côte orientale, il n existe pas de barrière nette d histocompatibilité dans le cas de T. annulata. En effet, KACHANI et al., [16] ont rapporté que des bovins vaccinés se sont avérés être protégés contre une dose létale d une souche hétérologue, malgré le type de BOLA différent entre les receveurs et les cellules vaccinales. Pour évaluer la réponse humorale dirigée contre les cellules utilisées comme support de T. annulata, KACHANI et SPOONER, [17] ont démontré au moyen du test de cytotoxicité par la médiation du complément que les animaux immunisés par les cellules infectées allogéniques produisent des anticorps anti-lymphocytes. Ces derniers n ont pas été détectés chez les animaux vaccinés par les cellules autologues ou par les sporozoïtes. Dans notre cas, les échecs de revaccination observés chez les deux veaux du lot 3 ne peuvent être expliqués que par des problèmes d antigènes lymphocytaires, en relation avec le complexe majeur d histocompatibilité. L échec du rappel vaccinal pourrait résulter de l apparition de lymphocytes cytotoxiques envers les lymphoblastes vecteurs. Par consé-
7 630 KACHANI (M.) ET COLLABORATEURS quent, la réalisation de rappels vaccinaux annuels devrait utiliser des lignées cellulaires différentes pour éviter un éventuel rejet vaccinal. L analyse des sérums par le test IFI a révélé l apparition d anticorps anti-theileria chez tous les animaux, à partir de la 3 ème semaine après la primo vaccination. Ces anticorps ont été encore détectables six mois plus tard. Toutefois, il n y a pas eu de corrélation entre les titres d anticorps anti- Theileria et la résistance des animaux à la maladie. Un résultat similaire a été rapporté par PIPANO, [24], qui a montré que des animaux présentant des anticorps sériques à une dilution de 1/160, ont succombé après ré-infection, alors que d autres animaux ayant révélé des titres d anticorps beaucoup plus faibles ont pu résister à l infection. Les anticorps anti-theileria ne témoignent que de l infection et non de la protection. L examen des frottis sanguins des veaux du lot 4, infectés par les schizontes de T.annulata à la dose de 10 4 cellules, atténués par 256 passages a révélé de faibles parasitémies (<0.1%). Les nymphes H. dromedarii, nourries sur ces animaux n ont pas été infectées. A la lumière de ce résultat, nous pouvons conclure que les veaux immunisés par ce vaccin ne constituent pas des réservoirs, susceptibles d être une source d infection pour les tiques. En conclusion, il ressort de cette étude que le vaccin utilisé à la dose de 10 4 cellules infectées par Theileria annulata atténué par 256 passages a présenté une bonne innocuité spécifique chez les animaux des deux races sensibles Holstein et Frisonne Pie Noire. Par ailleurs, l épreuve de virulence extrêmement forte de 4 équivalents-tiques, réalisée 6 mois après la vaccination a engendré une importante mortalité (80%) qui révèle que la durée de l immunité est inférieure à 6 mois. Toutefois, des animaux ayant reçu un rappel vaccinal ont pu résister à la même épreuve de virulence, le rappel permettant de renforcer l immunité chez les animaux vaccinés. Parmi ces animaux, deux ont rejeté la greffe vaccinale lors du rappel, ce qui montre l intérêt d utiliser des lignées cellulaires différentes de celles de la primo vaccination lors du rappel. De plus, les animaux vaccinés à la dose de 10 4 cellules, au passage 256 ne constituent pas une source d infection pour les tiques vectrices. Enfin, la faible durée de l immunité montre l intérêt des rappels naturels effectués par les tiques dans les régions endémiques et la nécessité dans le cas du Maroc d entreprendre la vaccination au mois de Mars pour permettre aux animaux d être protégés du mois d Avril au mois de Septembre (période de theilériose au Maroc). Remerciements Nous tenons à remercier vivement les vétérinaires privés Dr. T. Benzaouia et Dr. A. Rahmoun qui nous ont permis de réaliser ces travaux. Nous remercions également Mr. M. El Hasnaoui et Mme R. El Guennouni pour leur assistance technique. Ce travail a été réalisé dans le cadre d un projet financé par l Union Européenne, Direction Science et Technique (INCO DC) Références Bibliographiques 1. ABID M. : Contribution à l étude physiopathologique rénale de la theilériose bovine à Theileria annulata. Thèse de 3ème cycle. Faculté des Sciences, Rabat, 1993, 128 pages. 2. BENIWAL R.K. SHARMA R.D. NICHANI A.K. Determination of duration of immunity of calves vaccinated with the Theileria annulata schizont cell culture vaccine. Vet. Parasitol., 2000, 90 : 1-2, BROWN C.G.D. : Theileria : In vitro Cultivation of Protozoan parasites. Jensen, J.B., (Ed.), CRC Press, Boca Raton, Florida., 1983, BURRIDGE M.J, KIMBER C.D. : The indirect fluorescent antibody test for experimental East Coast fever (Theileria parva infection of cattle). Evaluation of a cell culture schizonte antigen. Res, Vet.. 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