ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE. Allocution prononcée par M. Federico Mayor

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1 DG/97/6 Original anglais ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE Allocution prononcée par M. Federico Mayor Directeur général de l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) devant la huitième session du Comité scientifique et technique de la Décennie internationale de la prévention les catastrophes naturelles UNESCO, 20 janvier 1997

2 DG/97/6 Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, C'est avec grand plaisir que je vous souhaite à tous la bienvenue ici à l'unesco. Nous sommes particulièrement heureux d'avoir été choisis pour accueillir la première session annuelle de votre Comité qui se tient au siège d'une institution spécialisée des Nations Unies. Votre choix est - je le crois - judicieux. Car l'unesco a été mêlée de près à la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles depuis les origines de celle-ci il y a près de dix ans, et nous avons en ce qui concerne la Décennie de nouvelles ambitions et aspirations, que j'évoquerai plus tard. Les risques ont toujours fait partie du lot commun de l'humanité. Pour survivre, nos ancêtres ont dû affronter les forces d'une nature qui n'était pas toujours bienveillante, et s'adapter à leur environnement. Une catastrophe est toujours imminente, suspendue au-dessus de nos têtes comme l'épée de Damoclès. La science et la technique nous ont permis de mieux anticiper les catastrophes, en atténuer les risques ou y faire face, mais elles ont aussi multiplié le nombre et accru l'ampleur des accidents toujours possibles. Outre les catastrophes naturelles - séismes, inondations, feux de friches et incendies de forêts, etc. - il nous faut à présent parer à toute une série de risques technologiques (changement climatique planétaire, destruction d'écosystèmes, contamination par des produits chimiques toxiques, "marées noires", accidents nucléaires, etc.) et à des épidémies nouvelles (sida, maladies dues aux prions, nouvelles formes de paludisme, fièvres d'ebola, asbestose, etc.). Il nous faut bien comprendre que, par suite de l'accroissement et de la concentration démographiques, nos sociétés sont devenues à certains égards plus vulnérables et nos systèmes protecteurs peut-être moins en mesure de s'adapter aux situations nouvelles. Il nous faut privilégier bien davantage la prévention dans toute la 'chaîne du risque' qui menace l'humanité et qui va des catastrophes naturelles à celles provoquées par les humains, en passant par les menaces à la paix civile et internationale. La réaction première, instinctive, est de privilégier la solution des problèmes immédiats sur l'anticipation des problèmes potentiels. Les hommes politiques, en particulier, ne sont pas très enclins à consacrer des ressources devenues rares à la prévention de choses qui risquent de ne pas se produire pendant leur mandat et qui resteront en tout état de cause invisibles si le travail de prévention réussit. Il nous faut améliorer nos mécanismes de surveillance, en gardant à l'esprit qu'il vaut mieux prévoir que subir. Nous devons agir plutôt que réagir, et prodiguer le remède qui convient pendant qu'il est encore temps. Face à des événements dont les effets risquent d'être irréversibles, le temps acquiert une dimension éthique. Il importe dans ces conditions que les hommes et les femmes de science fassent entendre leur voix et que les décisions concernant les problèmes de l'environnement mondial soient fondées sur des avis scientifiques rigoureux.

3 DG/97/6 - page 2 La prévention doit au bout du compte s'enraciner dans la culture - qui elle-même finit par irriguer tous les gestes de notre vie quotidienne. Je me réjouis à cet égard de voir que les participants à la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles qui s'est tenue à Yokohama en 1994 ont appelé à édifier une "culture de la prévention". Dans un contexte démocratique, l'éducation peut apporter beaucoup à l'édification de cette culture, en faisant en sorte qu'entre les décideurs et les communautés menacées, l'information circule dans les deux sens. Lorsque, il y a dix ans de cela, le Dr Frank Press a lancé l'initiative qui a finalement abouti à la proclamation de la Décennie, je lui ai immédiatement apporté mon soutien. J'ai eu aussi le privilège, avec M. Javier Pérez de Cuéllar (alors secrétaire général de l'organisation des Nations Unies) et le professeur Obasi, secrétaire général de l'omm, de prendre la parole au cours de la séance d'ouverture des travaux du groupe d'experts qui, sous la présidence du Dr Press, a effectué le travail préparatoire de la Décennie, groupe qui était d'une certaine manière le prédécesseur de votre Comité. Quelle est essentiellement la raison d'être de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles? La Décennie est nécessaire en premier lieu parce que la vulnérabilité à des événements naturels extrêmes tend à se développer. En deuxième lieu, il faut privilégier davantage les méthodes anticipatrices des risques naturels par opposition aux simples interventions d'urgence. En troisième lieu, la collaboration internationale entre chercheurs et ingénieurs représente un outil très puissant et une stratégie rentable en période de vaches maigres. En quatrième et dernier lieu, la science de la prévention des catastrophes naturelles a beaucoup progressé au cours des trois dernières décennies et son application peut être très avantageuse. En dernière analyse, la finalité de la Décennie est de faire en sorte que les responsables appliquent comme il se doit les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour atténuer les risques de catastrophe. Cet objectif est à mon sens essentiel pour parvenir à la bonne gouvernance dans le siècle à venir - élément important dans ce que j'ai l'habitude d'appeler la "scientification" de la prise des décisions. J'estime aussi que, dans la mesure où la ligne de partage entre les catastrophes naturelles et celles produites par les humains est de moins en moins nette, notre capacité à faire face aux risques naturels mesure aussi notre aptitude à réagir à tous les types de risques. Pas plus qu'aucune autre action des Nations Unies à vocation mondiale, la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles n'a atteint tous ses objectifs, mais ses réalisations compensent largement ses carences. Son principal succès a été de réussir à inciter les gouvernements, les groupes privés et les particuliers à apporter des améliorations aux activités de gestion des risques et de prévention des catastrophes. Une bonne part de la créativité, tant théorique que pratique, qui s'est manifestée ces derniers temps dans ce domaine aurait été impossible sans la Décennie. La Décennie a été remarquable aussi du point de vue de son rapport coût-avantages. Sa proclamation et sa mise en oeuvre n'ont aucunement nécessité des structures et mécanismes onéreux. La Décennie, votre Comité et le Secrétariat compris, peut servir de modèle à tous ceux qui veulent faire de grandes choses avec de modertes moyens.

4 DG/97/6 - page 3 Enfin, la Décennie a administré la preuve qu'une idée qui a germé dans l'esprit d'un seul chercheur peut se transformer en une réalité d'ordre international faisant intervenir la coopération de multiples organismes des Nations Unies. Ceci devrait nous encourager tous à oeuvrer à un changement véritable passant par la communauté internationale. Que faut-il faire à présent? Sur quoi devons-nous concentrer notre action au cours des trois dernières années de la Décennie et comment convient-il de préparer la transition vers le XXIe siècle? A notre avis, il conviendrait d'abord de s'attacher à élargir le champ principal de notre action - de reconnaître l'étroite interaction entre les risques naturels et ceux d'origine humaine, les liens réciproques entre les sciences et les techniques nécessaires pour parer aux différents risques et la nécessité d'encourager les responsables à examiner les situations de risque comme un tout et non séparément. Il nous faut plus particulièrement aujourd'hui poser les fondements scientifiques et techniques de l'action nécessaire pour faire face, au cours du XXIe siècle, aux nouveaux risques environnementaux autant que naturels. Une action cohérente à l'échelle mondiale s'impose pour maîtriser les sciences de l'environnement susceptibles de permettre une réduction de la vulnérabilité, afin d'aborder le siècle qui s'annonce avec des habitats humains et un monde plus sûrs. Je pense que l'unesco, parce qu'en elle convergent les sciences naturelles, I'éducation, la culture, la communication, l'information et les sciences sociales et humaines, a une importante contribution à apporter à l'édification de cette "culture de la prévention". La prévention des catastrophes et la réduction de la vulnérabilité devraient constituer un axe central de l'action de l'unesco, au même titre que l'action préventive dans le domaine de l'édification de la paix. Il faut y voir un élément essentiel de la transition d'une culture de la force, de la violence, de l'arbitraire et de la guerre à une culture de la paix. Comme vous le savez, l'oeuvre scientifique de l'unesco dans le domaine de la prévention des catastrophes se déploie essentiellement dans le cadre de son programme sur les sciences de la terre et la gestion des risques naturels, de ses programmes scientifiques intergouvernementaux tels que le Programme international de corrélation géologique (PICG), le Programme hydrologique international (PHI), le programme sur L'homme et la biosphère (MAB) et les programmes de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l'unesco. Nous sommes également partie prenante dans les systèmes d'observation mondiaux, en particulier le Système mondial d'observation de l'océan (GOOS), qui associe la COI, I'OMM et le Conseil international des unions scientifiques (CIUS). Une action est également menée dans les secteurs de l'éducation et de la culture pour protéger les édifices éducatifs et culturels contre les risques naturels. A l'avenir, nous nous attacherons en particulier à assurer une intégration étroite entre ce travail préventif spécifiquement scientifique et le souci plus large de privilégier l'anticipation dans tous les programmes de l'unesco. L'UNESCO est résolue à continuer de collaborer étroitement aux actions menées dans le cadre de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, en vue d'atteindre nos objectifs communs. Nous nous félicitons des activités entreprises par votre Comité et du travail de coordination essentiel accompli par le Secrétariat de la Décennie, à la tête duquel se dévoue sans relâche le Dr Olavi Elo. A ce propos, le mois dernier, j'ai écrit au Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies pour lui demander de renforcer encore plus les moyens mis à la disposition de ce Secrétariat.

5 DG/97/6 - page 4 Nous espérons engager dans les mois à venir un dialogue soutenu avec vous, avec le Secrétariat de la Décennie et avec tous les autres partenaires internationaux de celle-ci en vue de déterminer s'il est possible pour l'unesco d'assumer des responsabilités accrues en matière d'appui scientifique et technique au cours de la phase finale de la Décennie. Pour la suite, mon souhait est que l'organisation joue après la Décennie un rôle important dans la mise sur pied d'une grande initiative scientifique et technique axée sur la réduction de la vulnérabilité et la prévention des catastrophes. L' UNESCO continue d ' attacher une grande importance à la coopération avec ses partenaires de la Décennie, au sein du système des Nations Unies et ailleurs, en particulier l'omm, I'OMS et le CIUS. Je saisis cette occasion pour saluer les représentants des organes et programmes du système des Nations Unies présents parmi nous aujourd'hui ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales. Nous réalisons aussi combien il est nécessaire d'associer de nouveaux partenaires à notre entreprise, de rechercher de nouvelles sources de créativité et de ressources, de trouver de nouveaux moyens de mobiliser le soutien du secteur privé. Pour ce faire, il nous faut prouver que la prévention est un investissement rentable, et faire en sorte que la réduction de la vulnérabilité soit systématiquement intégrée aux objectifs des projets de développement. Le succès de nos organisations dépend en dernière analyse de la qualité du service que nous sommes en mesure de rendre aux Etats membres. A cet égard, je souhaite la bienvenue aux membres des délégations nationales venues participer aux travaux de votre Comité. Permettez-moi pour conclure de redire ce que j'ai dit en juin 1988 à Genève, devant le groupe qui vous a précédé, "en ce qui concerne la Décennie - et, en vérité, toute autre action menée à l'échelle mondiale- les organisations internationales et régionales devraient veiller à ne pas se substituer aux gouvernements des pays, aux communautés intellectuelles ou aux créateurs individuels, mais s'attacher plutôt à inspirer, à rassembler, à rendre possible des activités ou les énergies individuelles peuvent se conjuguer, ainsi qu'à favoriser l'émergence de nouvelles idées forces". Je vous souhaite plein succès dans vos travaux et un agréable séjour à l'unesco et à Paris.