B... MAIS OÙ EST BABAR?

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1 B.... MAIS OÙ EST BABAR? Babar est un pachyderme cosmopolite, polyglotte et dynamique. Il parle 17 langues, de la Finlande au Brésil, en passant par le Japon. Babar est considéré comme un ambassadeur de la France prônant les valeurs de la famille, de l'amitié et de la joie de vivre. Depuis sa création, Babar vit avec son temps. Nous avons exposé, dans la première partie, les nombreuses adaptations dont il a été l'objet dans les années Notons encore qu'en 1981, Babar a fêté son cinquantième anniversaire au Centre Culturel du Marais. Des centaines de dessins originaux et d'esquisses de Jean et Laurent de Brunhoff y étaient exposées. Cette exposition a voyagé dans les plus beaux musées des Etats-Unis jusqu'en En 1987, le Jardin d'acclimatation en a fait la bête de mode de son Musée en Herbe. Les plus grands créateurs ont

2 donné au roi des éléphants le look des années Cette exposition a pris fin en novembre Pour jouer la star Babar a subi un lifting nécessaire pour la production de la série animée et du long métrage Le Triomphe de Babar. Il est ainsi devenu un papi racontant ses histoires d'enfance à ses propres enfants. I. Le "lifting" de Babar Toutes les personnes de la génération précédente ont constaté un changement physique de Babar. Entre les aquarelles des albums de Jean ou de Laurent de Brunhoff et les dessins actuels apposés sur les produits dérivés du roi des éléphants, il y a non seulement une différence graphique mais également une différence de tons relevées par certains journalistes critiques.

3 1- La presse et ses critiques Dans la majorité des articles, les journalistes ont applaudi la coproduction Ellipse Programme/Nelvana Production. C'est au sein des studios Brizzi, à Montreuil, que s'est effectuée la transformation. Les producteurs ont rencontré Laurent de Brunhoff à Toronto. Ce dernier a accepté en toute sécurité la production du dessin animé : "Il [Laurent de Brunhoff] est très confiant. Il souhaite, bien sûr, que nous restions fidèles à l'esprit donné par son père. Mais lui-même a tenu à faire évoluer le décor en s'adaptant aux techniques de l'époque". Le décor a effectivement changé. Il existe une différence importante entre les aquarelles du père, clin d'œil à ses maîtres, Degas, Manet, et les dessins de Laurent au trait plus moderne, et le graphisme "passepartout", indispensable pour simplifier les techniques de l'animation des personnages de la série animée ou du long métrage. A travers cette simplification, les

4 journalistes ont décelé les techniques des studios d'animation Walt Disney. a. La "disneyisation" Il y a eu une véritable édulcoration du personnage. Babar, en quittant le monde de la littérature d'enfance et de jeunesse, a peut-être gagné le mouvement, mais pour certains journalistes, il a perdu les jolis gris aquarellés qui le modelaient. Il est devenu lisse. Les décors léchés, n'ont plus la naïveté des originaux. Babar a perdu son "dessin trembloté", ses nuances de gris, sa pipe et une partie de son charme. D'autres, au contraire, apprécient ces quelques notes de modernité. Il a heureusement changé et évolué. Il vit, et a toujours vécu, avec son temps. L'animation y est décrite comme merveilleuse, expressive et souple, le mouvement fluide, le dessin arrondi, net, épuré, les formes, les couleurs et les décors précis et francs. Parce qu'ils l'ont jugée d'une très grande qualité, les journalistes ont rapproché la série animée

5 Nelvana/Ellipse de celles des studios Walt Disney. C'est un bon papa rassurant qui raconte Babar enfant. "La mort de la mère est traitée façon Bambi" raconte Stéphane Bernasconi du Studio Ellipse, pour parler de Babar "disneyifié". D'aucuns voient dans cette production une véritable "disneyisation" du roi des éléphants. Bref, le décor a été modernisé, "mais que reste-t-il, dans le film comme dans les dessins animés, du charme de cette bourgeoisie libérale et cultivée?" Ce journaliste s'inquiète et s'est rendu à l'évidence : peu de choses finalement. Les histoires sont plus actuelles et Célesteville s'est transformée en une ville occidentalisée. Faire vivre Babar avec son temps, c'était aussi le "spielbergiser". b. "Indiana Jones" ou "Babar" Chez Ellipse Programme, Stéphane Bernasconi avoue : "On s'est écarté de la naïveté, de la poésie, on a simplifié le trait, on l'a arrondi pour pouvoir le

6 reproduire et l'animer plus facilement, mais on reste fidèle au personnage positif de Babar qui trouve toujours une solution, jamais en colère". Les journalistes ne sont cependant pas tous d'accord sur la fidélité ; néanmoins ils s'accordent tous à reconnaître que ce n'est plus du Babar! C'est Indiana Jones! Et il y a du vrai. Le bon roi ventru semble s'être laissé emporter par le souffle de la grande aventure lancée par Steven Spielberg. D'aucuns s'étonnent : un éléphant ça trompe énormément. Ils le croyaient ringard et pacifique, il se révèle belliqueux et aventurier, tel Indiana Jones! Même Laurent de Brunhoff avoue que le long métrage est un peu trop "Indiana Jones" à son goût : "Ils ont essayé d'élargir l'audience, le public de cinéma étant plus âgé. Je regrette la violence des agressions entre Babar et le rhinocéros, ce n'est pas dans son tempérament". Le public visé n'est pourtant pas celui des adultes à qui on voudrait faire le coup de la nostalgie. C'est celui des enfants qui sont sortis des Bisounours, mais

7 qui ne sont pas encore tout à fait arrivés à Steven Spielberg. Il n'y a aucune scène effrayante dans Le Triomphe de Babar, c'est plein d'humour et de gentillesse à revendre. Comme pour le film, le dessin animé est jugé charmant et l'histoire palpitante. Les questionnaires ont rapporté que les enfants sont 93,3% à regarder Babar à la télévision et seulement 42,9% à posséder des albums de Babar. Ils préféreraient le Babar en mouvement au Babar au "dessin trembloté". Tous les produits dérivés à l'effigie du roi des éléphants reprennent l'illustration "liftée" de la série animée et du long métrage. Nous avons souhaité savoir si les enfants connaissaient réellement l'univers de Babar. 2- L'univers de Babar et les enfants Le "lifting" de Babar découlerait des contraintes de production et de diffusion de masse, mais aussi des

8 exigences de rentabilité. Il faut noter qu'un des chefs d'accusation contre la culture dite de "masse" se rapporte au processus de standardisation qu'elle engendre. La signification et les limites de la notion de culture de masse ne seront pas abordées, ce n'est pas le sujet de cet ouvrage. Nous soulignons seulement que ce terme sous-entend, pour beaucoup de chercheurs, que la culture diffusée par les médias est de moindre valeur et aurait un moindre impact par rapport à une autre culture tenue pour supérieure : la culture académique, la culture de l'écrit! Alphons Silbermann précise pourtant que les notions de culture de masse et de communication de masse sont floues, et qu'il existe une confusion totale autour des problèmes soulevés par ces concepts. Il faudrait consacrer un ouvrage complet à la naissance de ces termes et à leurs diverses acceptions. Dans le cadre de cette étude, seule la transformation d'un personnage de la littérature d'enfance et de jeunesse en héros de dessins animés a été observée. Cette

9 transformation serait due aux exigences techniques de l'animation. Nous nous sommes interrogée sur les conséquences qui pouvaient apparaître sur la connaissance de l'univers de Babar selon le moyen de diffusion utilisé. Nous nous sommes restreinte à la comparaison entre l'écrit et le télévisuel.