Pannecé II : un trésor enrichit les collections du musée départemental Dobrée

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1 Pannecé II : un trésor enrichit les collections du musée départemental Dobrée Table des matières : Sa découverte... 2 Un «trésor» gallo-romain dix-huit fois centenaire... 2 Sa restauration... 2 Son contexte archéologique... 3 Son contexte historique... 4 Témoin de l Histoire... 4 de «l Empire gallo-romain»... 4 locale... 4 Sa composition : études et enseignements... 4

2 Sa découverte Un très important dépôt monétaire gallo-romain de plus de pièces de cuivre datées du IIIe siècle, soit plus d une centaine de kilos de métal, a été découvert à Pannecé (Loire- Atlantique) en novembre Ce monument majeur de l archéologie départementale et régionale a été préservé de la dispersion grâce à son acquisition par le Conseil général de Loire-Atlantique pour le musée départemental Dobrée. Un «trésor» gallo-romain dix-huit fois centenaire Vase A Jean-Gabriel Aubert, laboratoire Arc'Antique, Nantes A l automne 2002, deux promeneurs longeant la rivière du Donneau sur la commune de Pannecé aperçoivent une vingtaine de rondelles vertes, des monnaies de cuivre, à la surface d un champ de maïs fraîchement coupé, délavé par les pluies. Ils creusent le sol et trouvent une céramique brisée remplie de pièces, puis, ils découvrent encore une autre jarre presque intacte et un amas de monnaies, vaguement rectangulaire, faisant penser au contenu d un coffret ou, plutôt, d un sac de toile ou de cuir. Les «inventeurs» du trésor, après avoir prévenu les propriétaires du terrain, s informent des démarches à accomplir en cas de découverte de trésors. Ils appellent alors le musée départemental Dobrée, à Nantes. Aussitôt, le musée prend en charge cet ensemble de monnaies et de poteries et le confie au laboratoire de restauration Arc Antique pour lui assurer les meilleures conditions de conservation et de sécurité possible. Parallèlement, le musée fait faire par les inventeurs les démarches de déclaration officielle de cette découverte auprès du Service Régional de l Archéologie des Pays de la Loire, à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, à Nantes. Au-delà du volume impressionnant de cette découverte, qui en fait le plus important dépôt monétaire jamais découvert en Loire-Atlantique et dans les Pays de la Loire, l originalité et le grand intérêt de ce trésor résident dans la documentation archéologique et numismatique qu il représente et par la méthode mise en œuvre pour son étude avec, en particulier, la microfouille de la jarre remplie de monnaies pour préciser le mode de constitution de cet ensemble, une première internationale! Sa restauration L ensemble monétaire de Pannecé II est numériquement le plus important découvert dans le département, toutes époques confondues. C est l un des plus considérables du Grand Ouest, le troisième ou quatrième plus imposant trésor français et l un des rares de cette importance entièrement conservé et disponible à l étude puisqu il n a subi aucune dispersion. Jean-Gabriel Aubert, Jeanlaboratoire Arc'Antique, Nantes Cet ensemble a pu être conservé et protégé pratiquement dès sa découverte, et les services de l État (DRAC des Pays de la Loire) et le Département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France ont tout mis en œuvre, dans les délais prévus par la loi, pour permettre son étude avec une méthode innovante : la documentation ainsi patiemment constituée en cinq années d études approfondies en fait déjà l un des mieux documentés en Europe pour cette époque charnière qui marque la fin de «l Empire gallo-romain». - 2

3 En effet, alors que bien souvent de tels trésors ne donnent lieu qu à une étude partielle par échantillonnage, une identification de l ensemble du trésor a été réalisée (à l exception d un lot de monnaies agglomérées, qui n ont pu être dissociées). En outre, une micro-fouille de la grande céramique initialement complète a été réalisée au sein du laboratoire Arc Antique, à Nantes, par Christian Cécillon, spécialiste à l Inrap, de la fouille des sépultures à incinération en urne. Pour permettre la fouille stratigraphique (par couches successives) de la cruche et identifier le mode remplissage (présence de «sacs», de lots de monnaies successivement déposés dans le vase, de paille ou de balle de céréale protectrice), la grande jarre à deux anses a été progressivement découpée. Elle a été restaurée en maintenant délibérément le souvenir du sciage de sa paroi, nécessaire pour mettre en œuvre la méthode adoptée. C est une première en Europe et probablement au niveau mondial. Cette nouvelle méthode d investigation apportera désormais des informations sur le mode de constitution (accumulation progressive, insertion de sacs dans le contenant, vrac, etc.) lors de la découverte future de dépôts monétaires (sur l exemple de Pannecé II, une nouvelle micro-fouille est envisagée pour un trésor médiéval angevin). Généralement, les trésors sont classés en trois catégories : Les pertes fortuites (monnaies isolées, bourses, voire «caisse» perdue par des marchands, des fonctionnaires ou des militaires lors de naufrages, etc.), Les dépôts enfouis en vue d être récupérés, comprenant d une part, les enfouissements d urgence pour insécurité, jamais récupérés : «caisse» de la paie d un détachement militaire, cagnotte de marchands, d artisans, caisse d un grand domaine agricole, d un établissement minier ou sidérurgique (ce qui pourrait être le cas des deux ensembles monétaires de Pannecé), etc. D autre part, les trésors d épargne ou thésaurisation (la terre a toujours été la meilleure des banques! Monnaies rassemblées pour être fondues et pour émettre de nouvelles espèces dans un contexte d inflation rapide, par exemple), Les «trésors» ou dépôts votifs liés à un rite (offrandes de pèlerins dans un temple ou à un gué, dépôts funéraires, etc.) Son contexte archéologique Vase B Jean-Gabriel Aubert, laboratoire Arc'Antique, Nantes L étude numismatique globale de ce dépôt monétaire est menée, sous la direction de Gérard Aubin, conservateur général du patrimoine, inspecteur général de l archéologie et par ailleurs spécialisé en numismatique antique, par une équipe de chercheurs attachés au département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Le trésor de Pannecé II constitue donc, à la fois un témoignage archéologique de première grandeur et une ressource documentaire inégalée par la qualité de son traitement scientifique et la connaissance que l on en a aujourd hui. En dépit des conditions de sa découvertes et de la perte des informations sur les conditions d enfouissement, la connaissance relative de son environnement archéologique proche, la méthode originale ayant permis l analyse minutieuse de son mode d accumulation dans les contenants (vrac, sacs?), l étude des contenants et l inventaire patiemment et très précisément détaillé permettront une publication globale qui apportera des informations nouvelles sur l histoire du territoire où il a été trouvé. - 3

4 Son contexte historique Témoin de l Histoire Cet ensemble monétaire est emblématique de deux phénomènes marquants de la seconde moitié du IIIe siècle. de «l Empire gallo-romain» Il témoigne de la crise politique, militaire et économique de la fin du IIIe siècle. En effet, comme les trésors de la Chapelle-Launay et des Cléons en Basse-Goulaine (1 500 monnaies seulement!), le dépôt monétaire de Pannecé II fait partie de ces nombreux enfouissements de la seconde moitié du IIIe siècle. locale Les études détaillées des coins ont permis la mise en évidence de productions locales de monnaies «non officielles» mais émises par nécessité au dernier tiers de ce IIIe siècle. Avec ceux repérés aux environs de Béré (Châteaubriant) et de Besné, il s agit du troisième centre de production monétaire décelé dans notre département. C est également le plus précoce. Ces frappes monétaires locales étaient le fait de domaines aristocratiques ou de centres urbains secondaires désireux de maintenir une activité économique et commerciale malgré l affaiblissement des principales cités et la désorganisation de la Diane vie économique à la faveur de la crise qui conduisit des «empereurs gallo-romain» à usurper le pouvoir pour se substituer à Rome défaillante et maintenir l Empire dans la Paix romaine (Pax Romana), en particulier contre les Barbares germains. D un point de vue historique, le trésor de Pannecé se rattache au contexte de la crise politique, militaire et économique de la fin de IIIe siècle. Comme le trésor de la Chapelle- Launay, qui comportait de l argenterie et des bijoux, ou celui des Cléons, à Basse-Goulaine, partiellement conservés au musée départemental Dobrée, le dépôt monétaire de Pannecé II fait partie de ces enfouissements hâtifs réalisés dans un contexte d insécurité, soit en raison de révoltes locales, soit sous la peur des premières incursions barbares en Gaule ou de «pirates» saxons ou germaniques le long des côtes et des voies navigables armoricaines en particulier, soit pour de toutes autres raisons militaire, économique ou fiscale. L étude de ce dépôt donnera une image plus précise de la circulation locale des grandes masses de monnaies et permettra de proposer un modèle de circulation monétaire dans cette extrémité de la province romaine de la Lyonnaise. La présence de nombreuses imitations locales laisse supposer l existence, sur le territoire de la Loire-Atlantique notamment, d ateliers monétaires œuvrant en marge des ateliers officiels pour répondre au manque d espèces dans ce contexte de crise du pouvoir impérial romain. Sa composition : études et enseignements Les pièces qui constituent le dépôt monétaire dit trésor de Pannecé II, parce qu un autre «trésor» de 80 kg de monnaies de la même époque, soit plus de pièces, a déjà été trouvé sur le même site de Pannecé en 1841 sont toutes du IIIe siècle, frappées au profil de différents empereurs romains : Valérien, Gallien, Quintille, Aurélien, Claude II le Gothique, et «gallo-romains» (Postume, Victorin, Tétricus). Les pièces proviennent de différents ateliers monétaires : Rome, Milan, Trêves et Cologne, Antioche et l Ouest de la Gaule La - 4

5 découverte la plus importante est un denier de Tétricus père, le premier mis au jour dans le Grand Ouest. Pour l essentiel, il s agit de monnaies des empereurs romains, notamment Gallien et Claude II (27 %), des empereurs gallo-romains Victorin, Tétricus père et Tétricus fils en particulier (56 %), et d imitations locales. Le trésor est composé de quatre ensembles distincts : deux vases, A et B, l amas (sacs?) et le vrac provenant notamment de la dispersion des monnaies issues de la céramique écrêtée par les labours et des sacs (?). Pour la meilleure compréhension possible et l étude complète de ce dépôt ces ensembles sont conservés séparément. C est aussi ce qui explique le choix de ne pas présenter l intégralité du trésor en un seul tas de monnaies. Sur le terrain, une fouille de contrôle financée par l État et menée par l Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), détermina que le trésor avait été enfoui dans une fosse, au pied du mur d un bâtiment dont les pierres avaient été récupérées au fil du temps pour de nouvelles constructions. Les monnaies retrouvées sont des antoniniens, espèce en billon (alliage d argent et de cuivre), puis cuivre argenté, puis en cuivre seulement, créée par l empereur romain Caracalla en 215. L antoninien correspond à une dévaluation du denier d argent qu il supplante à partir de 238 : à l origine, cette monnaie pesait 4,35 g, avec 42 % d argent. Sa propre dévaluation constante fait qu à la fin du règne de Gallien, son poids n est plus que de 2,80 g et son aloi, de seulement 2,40 % d argent, même si les monnaies conservaient une fine argenture de surface. L introduction de l antoninien procura temporairement d importantes liquidités à l État impérial. La découverte numismatique la plus importante faite dans cet ensemble de plus de monnaies consiste en un «denier» de Tétricus père. Ces monnaies, dont on ne connait qu une douzaine de spécimens au plus pour ce règne, étaient spécialement frappées en vue d être données en cadeau aux soldats ou aux officiers. Ces contributions d argent à l armée, dénommées donativa, étaient généralement liées à l avènement d un nouvel empereur. Cet exemplaire présente le double intérêt d être d un type unique, inconnu jusqu à présent, mais aussi d être le premier denier de Tétricus mis au jour dans le Grand Ouest. Après la mort de l «empereur gallo-romain» Victorin, Tétricus père, préfet d Aquitaine, est acclamé empereur en décembre 271, à Trêves ou à Cologne, par les légions de l armée romaine qui défendait l Empire sur le Rhin. En «élisant» empereur ce général originaire d Aquitaine, l armée du Rhin se donne un chef pour remédier à l anarchie militaire et à la grave crise politique qui désorganise, à Rome, le pouvoir impérial. Elle entend défendre l Empire et maintenir l ordre du monde romain. Il est toujours délicat de dater l enfouissement d un dépôt monétaire : doit-on se baser seulement sur la date de frappe des monnaies les plus récentes, c est-à-dire des frappes romaines ou milanaises d Aurélien et surtout des pièces des Tétricus émises au début de 274? Ce trésor date du milieu des années 270, ou du début du règne de Probus ( ), même s il ne comporte aucune monnaie de ce règne. - 5