LA VALORISATION DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE PAR LE TOURISME. Évolution et tendances du tourisme scientifique et technique au Québec

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1 LA VALORISATION DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE PAR LE TOURISME Évolution et tendances du tourisme scientifique et technique au Québec François Bédard M.B.A., professeur en tourisme à l Université du Québec à Montréal et chargé de cours en innovation technologique à l Université Concordia, Montréal LE TANDEM SCIENCE/TECHNOLOGIE: LE 5 «S» DU TOURISME On a souvent associé le tourisme aux quatre «S» pour «Sea/Sun/Sand/Sex». En fait, la réalité est bien plus complexe et plus diversifiée. Le présent essai explore une autre facette de la pratique touristique, celle du cinquième «S» en référence au tandem Science/Technologie. Dans leur ouvrage intitulé Le Visitor, Philippe Gouault, Valérie Held et Gérard Marie de Ficquelmont (Paris, 1992) identifient et définissent plusieurs vocables rattachés à la pratique touristique: tourisme technique; tourisme industriel; tourisme scientifique, technique et industriel; tourisme économique; tourisme de la découverte économique; tourisme d affaires. Il est utile, d entrée de jeu, de rappeler la définition de chacun de ces vocables. Tourisme technique: «Le tourisme technique a pour cadre une entreprise ou un site à vocation économique en activité. Il exclut, de ce fait, la visite des musées scientifiques, techniques et industriels ou des centres de culture scientifique, technique et industrielle.» Tourisme industriel: «C est le terme originel qui a servi pour désigner les formes premières de découverte économique réduites au patrimoine industriel. Il regroupe aujourd hui les visites d entreprises et autres lieux d exposition à vocation technique et industrielle.»

2 2 Tourisme scientifique, technique et industriel: «Utilisé en décalque de l expression musée scientifique, technique et industriel.» Tourisme économique: «Beaucoup plus large que les termes précédents, il se justifie par l actuelle variété des secteurs ouverts au public: sites agricoles, industriels ou tertiaires. Il comprend, d une part, les visites d entreprises en activité et, d autre part, celles des musées scientifiques, techniques et industriels.» Tourisme de la découverte économique: «Une demande du public de plus en plus forte en matière de connaissance du patrimoine économique dans son ensemble et non plus dans les seuls secteurs industriels et agro-alimentaires.» Tourisme d affaires: «Fréquemment confondu avec les notions des vocables que nous venons d évoquer il correspond, en fait, au domaine bien particulier des outils de stimulation commerciale des entreprises de secteurs fortement concurrentiels. Il regroupe les différentes formes de voyages, le plus souvent destinés au réseau commercial, à vocation de stimulation ou d incentive, selon le terme américain.» Le tourisme scientifique et technique, vocable que nous utiliserons dans le présent texte, n est ni un phénomène nouveau, ni un phénomène localisé. Ses origines, ses manifestations et son importance varient d une région du monde à l autre. Ces différences s expliquent entre autre par l évolution de la culture scientifique et technique propre à chacune des régions. Les musées des sciences et des techniques sont l une des principales manifestations de cette forme de tourisme. Chaque année, des millions de visiteurs, résidents et touristes, franchissent les tourniquets de ces musées présents dans les pays

3 3 industrialisés. En fonction de leur mission et de leur orientation, ces musées présentent l évolution et les tendances d un éventail de connaissances scientifiques et techniques, et servent, dans la plupart des cas, de vitrines au développement technologique et industriel de la région où ils sont implantés. Les visites d entreprises technologiques, de complexes industriels, de grands ouvrages d ingénierie, de sites naturels aménagés et d expositions à caractère scientifique et technique constituent d autres exemples de manifestations du tourisme scientifique et technique. L EXPERIENCE QUEBECOISE Les premières manifestations du tourisme scientifique et technique au Québec remontent à la première moitié du XX e siècle. Déjà on y dénombrait quelques musées de sciences naturelles et des centres d interprétation sur des sites historiques et des installations industrielles, dont les barrages hydro-électriques, qui accueillaient non seulement les résidants mais également des touristes. Le Jardin botanique de Montréal, considéré aujourd hui comme l un des plus importants du monde, représente un exemple marquant de cette époque. L exposition universelle et internationale de Montréal en 1967 a constitué un événement majeur pour l expression et la croissance du tourisme scientifique et technique non seulement au Québec mais pour l ensemble du Canada. Entre les mois de mai à octobre 1967, quelque cinquante millions de personnes ont visité les différents pavillons thématiques présentant chacun un aspect particulier du thème central «Terre des Hommes», thème inspiré d un ouvrage d Antoine de Saint- Exupéry. Les sous-thèmes étaient: l Homme interroge l Univers, l Homme à l œuvre, le Génie créateur de l Homme, l Homme dans la Cité, et l Homme et l Agriculture. L opération estivale de certains pavillons a été prolongée sur une période d une dizaine d années permettant ainsi d accueillir plusieurs millions des visiteurs additionnels. Cet événement a permis au tourisme scientifique et technique de gagner ses lettres de noblesse au Québec et au Canada.

4 4 Les Jeux olympiques de Montréal en 1976, les festivités de Québec en 1984, marquant le 450 e anniversaire de la découverte du Canada par Jacques Cartier, et le 350 e anniversaire de la fondation de Montréal en 1992 ont été d autres événements qui ont favorisé le développement de nouvelles installations touristiques ayant des vocations à caractère scientifique et technique. C est à l occasion de ces événements qu ont été réalisés, entre autres, les installations du Parc olympique, le réaménagement des vieux ports de Québec et de Montréal pour des fins récréo-touristiques, le Musée d archéologie et d histoire de Pointe-à- Callière et le Biodôme de Montréal. Le magazine Québec Science publiait dans son édition de juin 1993 le premier guide québécois de vacances dites scientifiques et techniques. Cette initiative a permis de répertorier plus de 180 activités offertes aux visiteurs à travers les 13 régions du Québec. Les activités ont été classées par région puis regroupées dans les huit secteurs suivants: agriculture (agronomie, pêcheries, alimentation), archéologie, paléontologie et ethnologie, énergie, industrie et technologie, nature et écologie, sciences de la terre (géologie, sismologie, spéléologie, minéralogie), sciences physiques (physique, électricité, astronomie), zoologie (zoos, centres d interprétation et sites d observation de la faune). Cette classification reflète les principaux secteurs d intérêts scientifiques, techniques et industriels du Québec.

5 5 Pour illustrer l importance de la pratique du tourisme scientifique et technique, prenons quelques exemples dans les trois secteurs suivants: la nature/l écologie, les sciences physiques et l énergie. Entre janvier et octobre 1993, le Jardin botanique, l Insectarium et le Biodôme de Montréal ont reçu respectivement quelque et visiteurs. Les expositions Images du Futur et Expotec au Vieux-Port de Montréal ont reçu conjointement en 1993 quelque visiteurs. Le Québec est reconnu mondialement pour son énergie hydro-électrique; il est intéressant de souligner que plus de visiteurs nationaux et internationaux ont visité l une ou l autre des installations d Hydro-Québec entre 1988 et De nouveaux projets sont présentement en phase de réalisation. À titre d exemples, mentionnons le Cosmodôme, à Laval dans la banlieue nord de Montréal, le Centre d interprétation du Saint-Laurent, dans la Biosphère située à l île Sainte-Hélène (ancien pavillon des États-Unis lors d Expo 67), et le Centre d interprétation industriel à Shawinigan, ville située au nord de Trois-Rivières. Soulignons que ce dernier Centre mettra l accent sur les trois principales industries de cette région: l aluminium, l électricité et le papier. La transition vers une «économie du savoir» observée dans tous les pays industrialisés ne peut que favoriser la croissance, au Québec comme ailleurs, du tourisme scientifique et technique. Le projet d un Musée des sciences et des techniques à Montréal suscite toujours l intérêt des milieux spécialisés. Dans le bilan de l activité scientifique et technologique de la région de Montréal rendu public à la fin décembre 1992, le Conseil de la science et de la technologie, organisme conseil du gouvernement du Québec, recommandait de «mettre sur pied, dans les plus brefs délais, une vitrine permanente, sous la forme d un musée ou d une maison, pour tout ce qui touche aux sciences physiques et mathématiques, et de faire de cette installation un lieu de rassemblement et de sensibilisation aux grands enjeux de la science et de la technologie». Des études de faisabilité ont déjà été réalisées. Il semble exister un consensus quant aux thématiques à développer. Il y a encore des discussions quant au choix du site et au financement du projet. À notre avis, la réalisation d un tel projet n est plus qu une question de temps, autrement dit les autorités concernées attendent un contexte politico-économique favorable pour en faire l annonce.

6 6 D autres projets sont à l état de gestation. Pour en donner deux exemples, mentionnons: Un parc à thème sur le patrimoine industriel de Montréal. Ce parc vise la revalorisation de la zone urbaine longeant le canal Lachine qui fut le berceau de l industrialisation du Canada au 19 e siècle. Un musée sur le patrimoine aéronautique du Québec situé à Saint-Hubert dans la banlieue sud de Montréal. Le futur Musée de l air et de l espace interprétera tous les aspects de l histoire de l aviation ainsi que l évolution de l industrie aéronautique au Québec depuis ses débuts jusqu à l ère spatiale. En plus de projets d implantation de nouvelles installations, le tourisme scientifique et technique fait l objet d une attention particulière dans les milieux de formation. Par exemple, cette forme de tourisme est enseignée à l intérieur du baccalauréat en gestion et intervention touristiques à l École des sciences de la gestion de l Université du Québec à Montréal. Autre exemple, la Société québécoise pour la promotion de la science et de la technologie crée des forfaits touristiques visant à promouvoir les visites industrielles auprès de clientèles scolaires et familiales. En terminant nous formulons deux souhaits. Il n existe pas présentement de statistiques gouvernementales permettant de mesurer la fréquentation globale de la pratique du tourisme scientifique et technique au Québec. Il serait intéressant que le ministère du Tourisme collige et diffuse de telles statistiques de manière à faire ressortir l importance de plus en plus grande de cette forme de tourisme. Par ailleurs, les efforts de promotion du tourisme scientifique et technique devraient être accrus de la part tant du secteur public que du secteur privé. À cet égard, les actes du colloque «Quand la science se fait culture» seront sans aucun doute une excellente source d inspiration et de référence pour l élaboration de futures campagnes promotionnelles. Bibliographie

7 7 CARRIERE, Gina, Le tourisme industriel: une stratégie de développement pour les entreprises, École internationale en France/Stage de l Office franco-québécois pour la jeunesse, Université du Québec à Montréal, Bilan de l activité scientifique et technologique de la région de Montréal, Conseil de la science et de la technologie, «Plein feux sur les musées», Forces, Revue de documentation économique, sociale et culturelle, Québec, n o 98, été GOUAULT, Philippe, Valérie HELD et Gérard Marie de FICQUELMONT, Le visitor, Guide de la visite d entreprise, Dunod, Paris, Visites Statistiques, Hydro-Québec, Direction des Relations publiques, Guide officiel d Expo 67, La Compagnie canadienne de l Exposition universelle de 1967, Les éditions Maclean-Hunter Ltée, L indicateur touristique, Office des Congrès et du Tourisme du Grand Montréal, vol. 3, n o 1, mars Programme muséal, Musée des sciences et des techniques à Montréal, Métamorphoses Claude Benoît inc., «Le guide des vacances. Un été de découvertes», Québec Science, Supplément au magazine Québec Science, juin Plan de stage en gestion et intervention touristiques, Société pour la promotion de la science et de la technologie, Montréal, 1994.