Une maison, 3 labels!

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2 L heureux propriétaire avec Vincent Kempf de K.M.O. Une maison, 3 labels! Texte : Gwenola Doaré Photos : KMO Elle est 7 fois plus étanche qu une maison RT2012 et elle dispose de trois labels : Passivhaus (Allemagne), Minergie-P (Suisse) et BBC-Effinergie (France). C est la première maison Europassive qui a été construite près de Strasbourg, en Alsace, par 8 entreprises locales. Un beau défi relevé par l agence K.M.O après un an d étude et 6 mois de chantier. 66

3 La maison en chiffres Surface de référence énergétique (SRE) : 141,05 m 2 Surface Habitable (BBC- Effinergie) : 130,82 m 2 Besoin de chauffage (PHPP) : 12 kwh/m 2.an Consommations totales (PHPP) : 94 kwhep/m 2.an Consommations BBC-Effinergie : Cep : 56,4 kwh/m 2.an Coût : TTC/m 2, travaux, ingénieries et honoraires inclus. Les produits OSB : Kronopan et Kronoply OSB4 de Krono France Poutre en I : Steico Joist SJ Ouate de cellulose : Homatherm Finefloc Fibre de bois : Energie Plus Comfort en mur et HDP-Q11 Standard en toiture (Homatherm) Vitrage : Interpane Menuiseries : Kleinhans Adhésifs : Airstop d Isocell Compribande : Flexband Aktiv de Würth VMC : Novus 300 de Paul Ventilation 1 La maison est montée sur 16 platines métalliques posées elles-mêmes sur 16 pilotis béton de 400 x 400 mm isolés en laine de chanvre et polystyrène extrudé. 2 Détail d un angle : on aperçoit une poutre en I, prévue pour accueillir l isolation par l extérieur. En accord avec le cahier des charges du propriétaire, très exigeant en termes de performance, le but de Vincent Kempf de l agence KMO était de montrer que malgré des différences réglementaires de taille entre les pays, il est possible de cumuler les labels européens lorsque l on atteint l excellence thermique. Afin de satisfaire tous les critères des trois labels visés, le maître d œuvre a réalisé des études thermiques préalables approfondies : PHPP pour le passif et LESOSAÏ pour Minergie-P et BBC-Effinergie. Des besoins réduits Selon les fondements de la construction passive, la maison Europassive voit ses besoins en chauffage réduits au minimum. L essentiel de la chaleur est apporté par les rayons du soleil. Une isolation performante, une étanchéité à l air rigoureuse ainsi qu un système de ventilation étudié permettent d optimiser ces apports naturels. Sa forme simple avec une toiture à deux pans apporte une bonne compacité. Les façades nord et ouest sont aveugles, la façade sud particulièrement vitrée, mais protégée par de larges brise-soleil, conformément aux 3 Insufflation de ouate de cellulose côté extérieur : les caissons sont fermés en fibre de bois. 4 Insufflation de ouate de cellulose côté intérieur, entre les montants de la première ossature bois. principes bioclimatiques. L étude thermique PHPP a estimé les besoins de chauffage à 12 kwh/m 2.an et les consommations totales en énergies primaires à 94 kwh/m 2.an. De fait, les apports solaires passifs sont évalués à kwh/an alors que l ensemble des déperditions de l enveloppe est de kwh/ m 2.an. Le rez-de-chaussée de 90,15 m 2 de surface de référence énergétique (SRE), accueille un salon salle à manger ouvert sur la cuisine, un cellier et un local technique. L étage, de 50,9 m 2 de SRE, est occupé par une chambre avec dressing, un bureau/chambre d amis et une salle de bain. Les chambres ont été disposées en retrait de la façade sud pour éviter toute surchauffe en été. Dans cette région, le label français fixe une consommation maximale en énergie primaire pour les 5 usages de 65 kwh/m 2.an, elle est ici de Cep : 56,4 kwh/ m 2.an (Chauffage = 32,1 ; ECS = 10,8 ; ventilation = 7,3 ; éclairage = 4,7 ; auxiliaires = 1,5 en kwh/m².an). Pour obtenir ce label sans système de chauffage, une dérogation a été demandée (titre V sur l opération). 67

4 Poutre en I sur toutes les faces! «La maison est montée sur 16 platines métalliques posées elles-mêmes sur 16 pilotis béton de 400 x 400 mm isolés en laine de chanvre et polystyrène extrudé, explique le concepteur, Vincent Kempf. Ce système de pilotis garantit une structure stable tout en réduisant considérablement les ponts thermiques : comparé à une dalle en béton de 116 m 2, les 16 pilotis permettent de réduire la surface de contact à 0,64 m 2 et donc de diviser par 180 le pont thermique associé. Le vide créé entre le terrain et le sol est utilisé comme vide technique. Les pilotis sont surmontés d une dalle en bois très isolée, matériau beaucoup moins conducteur que le béton.» La dalle basse est en effet constituée d un panneau Fermacell H2O de 12,5 mm, surmonté d une plaque d OSB de 15 mm, puis entre des poutres en I, 360 mm de ouate de cellulose sont insufflés (45 à 55 kg/m 3 ). Une autre plaque d OSB accueille ensuite une chape anhydrite de 40 mm, recouverte de carrelage. Le système constructif choisi est une ossature bois, avec préfabrication en atelier. Côté intérieur, 120 mm de ouate de cellulose ont été insufflés entre montants d ossature, entre le panneau OSB de contreventement et la plaque de plâtre. À l extérieur, 300 mm de ouate de cellulose sont insufflées entre des poutres en I, dans l espace constitué par l OSB d une part et un panneau de fibre de bois de 120 mm de l autre. Un enduit à la chaux a été ensuite appliqué sur la fibre de bois. «Les poutres en I de Steico sont en lamellé-collé préisolées en fibre de bois, explique Vincent Kempf. Elles participent à la structure du bâtiment et permettent de réduire considérablement les ponts thermiques par rapport à une structure bois massif de 120 mm (la surface de contact est réduite de 30 mm à chaque poutre). En outre, elles sont beaucoup plus légères, ce qui se traduit par un confort sur le chantier et moins de descentes de charges à porter par les pilotis. Le surcoût est ainsi largement compensé par le gain de performance.» En toiture, 360 mm de ouate de cellulose ont été insufflés entre les poutres en I, dans l espace ménagé par l OSB et un panneau de fibre de bois de 140 mm. Dessus, un lattage et un contre-lattage en bois accueillent un écran de sous-toiture HPV et une couverture terre cuite. Le choix des matériaux permet d apporter de l inertie à l enveloppe et donc un déphasage de température de 12 à 14 h. «La combinaison ossature bois, ouate de cellulose et fibre de bois permet d obtenir un mur de 52 cm d épaisseur, ce qui est beaucoup moins épais qu un mur en béton ou en brique associé à de l isolant, à performances égales. Au final, c est un gain de mètres carrés habitables, un confort accru et une valorisation de matériaux biosourcés.» «Chauffer est la compensation des erreurs de construction» Rigueur dans l exécution du chantier Afin de réduire encore les déperditions, les fenêtres sont très isolantes, avec un coefficient thermique de Uw 0,78 W/m 2.K. Plusieurs châssis fixes ont permis de réduire les risques de fuites, ainsi que les coûts. Les 43,55 m 2 de triples vitrages argon (4/18/4/18/4) sont portés par des menuiseries bois/alu. Leur facteur solaire est de 60 % et leur coefficient de transmission thermique Ug est de 0,6 W/m 2.K. Les menuiseries intègrent des coffres de brise-soleil orientables, motorisés. Toutes les zones critiques sont parfaitement étanchéifiées avec des adhésifs et du joint compribande. Les ponts thermiques restants ont été soigneusement traités dès l amont grâce à un carnet de détails approfondi. Au final le test d étanchéité donne pour le passif (50 pa) un résultat de n50= 0,35 vol/h et pour le label BBC-Effinergie un résultat de q4= 0,084 m 3 /h.m 2, l équivalent d un trou de la taille d une pièce d un euro! «Si nous avons réussi ce défi, c est en grande partie grâce à une équipe d entreprises soudées et toutes motivées par la réussite du projet, explique Vincent Kempf. Ces entreprises, véritables partenaires de K.M.O., continuent de nous accompagner sur de nouveaux projets, tout aussi exigeants.» Équipements : simples mais performants Été comme hiver, le système de VMC double flux assure la bonne répartition de l air dans toute la maison. Grâce à son plan de distribution étudié, la VMC a pour vocation d harmoniser la température dans toutes les pièces, en prenant la température là où elle est la plus importante pour la redistribuer là où elle est la plus fraîche. Ceci permet de réduire l asymétrie thermique (ressentie à partir de 2,5 C de différence) entre les pièces de la maison. La VMC double flux est une Novus 300 de Paul Ventilation, son rendement est de 93 %, sa consommation de 0,31 à 0,46 Wh/m 3 et sa plage de débit de 300 à 450 m 3 /h. Elle est couplée à un puits canadien dont l eau glycolée circule dans des tubes placés à 2,5 m de profondeur dans la terre, où la température est quasiment constante à 11 C. Son rôle est de préchauffer l air neuf en hiver et de le rafraîchir en été. Les 125 mètres de canalisations intérieures sont en PEHD de 75 mm de diamètre et sont intégrées dans les faux plafonds. Dans les pièces de vie, des bouches à effet «Coanda» évitent toute sensation de mouvement d air grâce à un flux directionnel horizontal. Les portes sont détalonnées pour faciliter les transferts d air neuf. L eau chaude sanitaire est fournie par un chauffe-eau solaire de 300 litres, relié à 5 m 2 de capteurs solaires, dont les tuyaux ont été 68

5 La forme simple de la maison permet une bonne compacité, donc une déperdition réduite par les parois extérieures. 6 L ossature montée, l OSB est placé à l extérieur. La ouate de cellulose sera insufflée entre els montants, derrière les plaques de plâtre. 7 La VMC double flux certifiée par le Passivhaus Institut : seule élément de chauffage pour toute la maison! 8 Installation des réseaux en faux plafond du rez-dechaussée. L étanchéité à l air est soignée. La température intérieure oscille entre 20 et 23 C, sans aucun système de climatisation ou de chauffage! spécialement isolés (tuyau de cuivre 16 mm avec isolant de 20 mm). Il n y a aucun chauffage d appoint. Une démarche globale Militant, le propriétaire souhaitait aller au bout de sa démarche en n utilisant que des produits respectueux de l environnement et de la santé des occupants. Toutes les finitions intérieures, notamment les peintures, ont été choisies pour leur innocuité (pas d émissions de C.O.V.). L utilisation d interrupteurs sans fil a été mise en place, pour réduire toujours plus la facture énergétique : les prises de courant principales ne sont ainsi pas alimentées en électricité en permanence. Le courant est libéré du tableau électrique à la demande pour alimenter la prise souhaitée. Outre la réduction de la consommation résiduelle électrique, cela permet également une économie de câblage. «La construction d une telle réalisation requiert environ 25 % de plus d investissement par rapport à une construction conventionnelle, soit ici TTC/m 2 de surface de plancher, travaux, ingénieries et honoraires inclus, précise Vincent Kempf. Cependant, cette majoration induit un retour sur investissement de 16 ans en moyenne, en tenant compte du prix de l énergie, de ses augmentations annuelles (entre 4 et 5 %), et des consommations personnelles.» De fait, cette maison ne consomme guère plus de 400 par an en énergie! Et le propriétaire de conclure : «Je suis un convaincu de longue date. Je souhaitais non seulement une maison qui soit respectueuse de son environnement, mais aussi être le plus indépendant énergétiquement. Les grosses chaleurs de l été dernier et les premiers jours d automne ont été un véritable test : sur ces deux périodes confondues, la température intérieure a oscillé entre 20 et 23 C, sans aucun système de climatisation ou de chauffage.» n 69