De la crise à la reprise les défis à venir en matière de réglementation
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- Simon Bonneau
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1 De la crise à la reprise les défis à venir en matière de réglementation Allocution de Ted Price, surintendant auxiliaire Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) dans le cadre du Latin American Economic Forum 2011 de l Institut de finances internationales (IFI) Calgary (Alberta) Le 27 mars 2011 LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI Pour de plus amples renseignements : Brock Kruger Communications et consultations brock.kruger@osfi-bsif.gc.ca
2 Allocution de Ted Price, surintendant auxiliaire Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) dans le cadre du Latin American Economic Forum 2011 de l Institut de finances internationales Calgary (Alberta) Le 27 mars 2011 De la crise à la reprise les défis à venir en matière de réglementation Je vous remercie de m avoir invité à me joindre à vous aujourd hui. Comme je représente un organisme de réglementation, ce n est pas tous les jours qu on m invite à prendre la parole. Il arrive que ce que j ai à dire ne soit pas très apprécié. Je suis persuadé que chacun d entre nous a une vision différente de la crise financière mondiale et de la force de la reprise que nous connaissons actuellement, et je suis heureux d avoir l occasion de vous faire part du point de vue de l organisme de réglementation fédéral du Canada. Partout dans le monde, les économies ont tourné une page. Depuis les jours sombres de la crise financière, les risques du système financier se sont considérablement amoindris. La reprise demeure toutefois fragile, et la menace des risques continue de planer. Aujourd hui, j aimerais aborder brièvement quelques points : pourquoi je pense que la reprise actuelle sera probablement différente; pourquoi les organismes de réglementation des quatre coins de la planète réagissent différemment cette fois-ci; pourquoi je crois que les années qui viennent seront plus difficiles pour les organismes de réglementation. Pourquoi la reprise pourrait être différente Les gouvernements ont réagi à la crise financière mondiale en appliquant à grande échelle les remèdes habituels soit des politiques fiscales et monétaires souples. Tous les pays ont fait des pieds et des mains pour relancer leur économie et, aujourd hui enfin, les indicateurs économiques annoncent un avenir plus prometteur. Il reste à voir si la reprise sera aussi robuste et viable que prévu. La reprise n a pas la même ampleur dans tous les pays et dans tous les secteurs. Alors qu elles s efforcent de se relever, les économies doivent affronter des vents contraires. Bien sûr, le Japon en est témoin, il est toujours possible que se produise une catastrophe qui nuira à la reprise d une économie. Outre cette éventualité, on constate deux tendances importantes qui risquent de ralentir la croissance des pays du G-7 au cours des années à venir, soit le désendettement soutenu des principales économies, et la transition de la richesse des pays développés vers les économies émergentes. 1
3 Les données démographiques enregistrées au Japon, en Europe de l Ouest et en Amérique du Nord révèlent une transformation importante d une société de consommation axée sur le crédit en une société axée sur l épargne, stimulée par le vieillissement de la population et l approche de la retraite. La grande explosion du crédit à la consommation et de l endettement des gouvernements se résorbe lentement. La croissance économique est généralement alimentée par l expansion du crédit au secteur privé c est ce que font les banques, et ce que les mesures de stimulation gouvernementales visaient en partie à favoriser. Les économies développées sont confrontées à une baisse de la demande de crédit, et il faudra contrer le courant pour stimuler la croissance. Il ne s agit pas là d une bonne nouvelle pour les économies fondées sur l expansion du crédit. Pour ces économies, la reprise a donc été plus timide qu à l habitude et on y parle de «reprise sans emploi» et d «économie du temps partiel». Je pense que c est plutôt un autre phénomène qui se produit. De fait, l économie mondiale connaît une transition à long terme des pays développés vers les pays en développement sur le plan économique. Comme vous le savez, les économies en développement se sont beaucoup mieux tirées de la crise financière, et se trouvent dans une meilleure position pour assurer leur croissance. La plupart des marchés émergents ont déjà subi leurs propres chocs financiers dans les années 1990, qui les ont forcés à la restructuration de l endettement à laquelle les économies développées sont confrontées aujourd hui. Ils bénéficient également d une démographie plus favorable. Leurs populations sont jeunes et plus enclines à augmenter leur consommation, l amélioration de la qualité de vie et la retraite étant plus loin dans le temps. Le Canada s est relativement bien tiré d affaire ces dernières années, et la situation semble s améliorer. Il semble que nous ayons trouvé un bon équilibre entre la gestion efficace du risque des institutions financières, une réglementation solide et des règles rigoureuses. Au début de la crise, on a reproché aux banques et aux organismes de réglementation canadiens d adopter une attitude rétrograde et guindée en matière de finances. Pourtant, à l issue de la crise, nombreux sont ceux qui soulignent que cette attitude prudente a permis au Canada d éviter bon nombre des produits toxiques et des écueils qui ont séduit d autres pays. En ce qui concerne l avenir, le Canada a eu la chance de pouvoir profiter du regain des secteurs de l énergie et des métaux pour se sortir de la crise, mais la cyclicité de ces industries est bien connue. Il faut aussi se préoccuper du niveau de la dette à la consommation au Canada, notamment de la dette hypothécaire, qui laisse ce secteur sans protection. Comme vous le savez probablement, le gouvernement canadien a récemment annoncé des mesures visant à freiner l endettement hypothécaire. Les déséquilibres fiscaux entre les paliers fédéral et provinciaux demeurent élevés, ce qui pourrait restreindre le degré de liberté des décideurs au cas où les choses tourneraient mal. 2
4 Pourquoi les organismes de réglementation réagissent différemment La reprise est fragile, et je crois qu elle est différente des autres reprises que nous avons déjà connues. En outre, les organismes de réglementation ne réagissent pas de la même manière que par le passé. Après les ralentissements des années 1990 et 2000, les organismes de réglementation de certains marchés financiers se sont engagés dans ce que j appelle la «grande course vers le fond de la réglementation» et ont assoupli les normes de réglementation pour stimuler la concurrence. Selon certains, cette déréglementation a ouvert la voie à l expansion du crédit et à l effondrement qui a suivi. Avant la crise, nous vivions tous dans un monde idyllique; nous croyions que la croissance et la montée des prix des actifs allaient se poursuivre indéfiniment, et que le crédit et les liquidités seraient toujours disponibles. Nous savions que tout cela était trop beau pour être vrai, mais nous refusions tous de l admettre. Tous les intervenants des marchés comprennent maintenant mieux les risques associés à l intermondialisation d aujourd hui. Des problèmes locaux relativement mineurs mais qui ne peuvent être contenus se répandent à une vitesse folle partout dans le monde. Les sources de capitaux et de liquidités se montrent plus prudents, tout comme les organismes de réglementation. Aujourd hui, on dirait presque que les organismes de réglementation font la course vers le sommet : on impose de nouvelles exigences internationales obligeant les sociétés à constituer des fonds propres assortis de coussins prévoyant eux-mêmes des mesures d amortissement, on met en place des exigences nationales encore plus élevées, on instaure des normes locales en matière de liquidités, on limite les activités commerciales, et ainsi de suite. Je ne vous apprends rien. Compte tenu de l ampleur de la crise mondiale et de la nécessité d une intervention, une réaction rapide et énergique de la part des organismes de réglementation ne devrait surprendre personne. À de nombreux égards, les organismes de réglementation rattrapent le temps perdu. Ils resserrent leurs exigences après les avoir relâchées durant 20 ans, et acquièrent une nouvelle appréciation des risques qui existent. Cette nouvelle sensibilisation au risque, accompagnée d une volonté d agir, a mené à des changements draconiens. On instaure donc un nouveau niveau de réglementation à travers le monde, et on impose un fardeau accru au secteur. Je sais que le resserrement de la réglementation ne fait pas le bonheur du secteur, mais c est la «nouvelle normalité». Les banques et les assureurs doivent se faire à l idée d exigences accrues en matière de fonds propres et de capital, d attentes supérieures à l égard des fonctions de supervision et de demandes plus insistantes concernant la mise à niveau de l infrastructure. Les coûts associés à l exercice des activités augmentent. À mon avis, ce resserrement de la réglementation tombe à pic. J estime que la portion aisée du cycle est derrière nous, et qu il est temps pour les organismes de réglementation de faire preuve de plus de fermeté. Encore une fois, je ne m attends pas à ce que la nouvelle soit bien accueillie, mais parfois, les nouvelles les plus dures sont les plus importantes. 3
5 Pourquoi les prochaines années seront plus difficiles pour les organismes de réglementation Permettez-moi une petite digression. Vous connaissez tous le cycle du rendement du capital, qui veut que le rendement augmente et diminue au fil du temps. Sur ce graphique, j ai superposé au cycle du rendement une courbe illustrant ce que je crois être le cycle de la propension des institutions financières à prendre des risques. Bien que ce petit exercice n ait rien de scientifique, je pense que les preuves à l appui d un décalage des hauts et des bas de la propension à prendre des risques par rapport à la courbe du rendement du capital sont nombreuses. Il s agit simplement de la loi de Murphy appliquée à la finance toute chose qui peut mal tourner, tourne mal, au plus mauvais moment. Vous pouvez constater que la propension à prendre des risques est à son plus faible juste avant que le rendement commence à s améliorer (point A), et qu elle est à son plus fort juste avant que le rendement commence à diminuer (point B). C est la nature humaine à l œuvre. Lorsque les marchés sont dans un creux, tout le monde veut abandonner, et quand ils atteignent des sommets, nous voulons tous nous joindre à la fête. La loi de Murphy et la propension à prendre des risques Rendement du capital B Propension à prendre des risques temps A I II III IV I Vous vous demandez ce que cela a à voir avec la réglementation? Eh bien, on peut constater qu il y a quatre phases, définies par différentes combinaisons de rendement et de propension à prendre des risques à la hausse ou à la baisse. Je nomme ces phases la «peur», le «choc», le «soulagement» et le «déni». 4
6 I La peur : Les rendements sont en chute libre, et la propension à prendre des risques diminue rapidement. À mesure que la situation s aggrave, les chefs d entreprise tentent tardivement de restreindre le risque et sabrent leurs activités pour essayer de réduire les dommages. II Le choc : Les rendements sont faibles mais s améliorent; la propension à prendre des risques continue de diminuer. À la suite de l effondrement, les entreprises, encore sous le choc, mettent du temps à reconnaître que les choses s améliorent, et la propension à prendre des risques continue de diminuer. Ironiquement, juste comme la situation s embellit, les entreprises croient que les beaux jours sont terminés. La concurrence devient de plus en plus étroite, les joueurs marginaux finissant par abandonner certaines activités. C est le meilleur moment pour les organismes de réglementation, pour qui il est alors relativement facile de faire leur travail. Ce que je veux dire, c est que durant cette période la situation s améliore, mais les institutions financières ont encore peur de prendre des risques. III Le soulagement : Les rendements sont solides, la propension à prendre des risques commence à croître. Enfin, les conditions des marchés s améliorent et les gestionnaires commencent à accroître leurs activités pour en profiter. Comme une partie de la concurrence a été éliminée durant les temps difficiles, les rendements associés à des produits et activités à risque relativement faible sont bons. Les prêteurs sont en mesure de resserrer les conventions et d élargir leurs marges. IV Le déni : Les rendements diminuent, alors que la propension à prendre des risques s accélère. Bien sûr, tout le monde finit par vouloir reprendre ses activités, la concurrence s intensifie et les rendements diminuent. Les chefs d entreprise ne reconnaissent pas qu il n est plus possible d obtenir des rendements élevés comme ceux des dernières années sans prendre davantage de risques. Au lieu de restreindre leurs activités, ils cherchent à les accroître et à offrir des produits nouveaux et plus complexes, et ils prêtent selon des conventions moins rigoureuses. C est le pire moment pour les organismes de réglementation, parce que toute tentative de réglementation, de restriction de la prise de risques ou de resserrement des contrôles est mal accueillie par les chefs d entreprise. C est à ce moment que les organismes de réglementation baissent parfois leur garde. J ai dit tout à l heure que je pensais que nous arrivions dans la partie la plus dangereuse du cycle, du point de vue des organismes de réglementation. Je veux dire par là que je 5
7 pense que nous sommes bien engagés dans la phase III, et que la phase IV, celle du «déni», est peut-être plus proche qu on le croit. Immédiatement après la dernière crise, les institutions financières ont surveillé de près leurs fonds propres. La réglementation était relativement aisée, puisque les institutions financières tenaient autant, sinon plus que les organismes de réglementation à réduire le risque. Quand le souvenir des temps difficiles a commencé à s estomper, les entreprises ont cherché de nouveaux moyens d utiliser leur capital pour générer des rendements élevés. Après deux années de rendement exceptionnel dans les marchés des capitaux traditionnels, les courtiers ont réintégré les salles de marché, embauché des équipes et démarré de nouvelles activités. Les fonctions et systèmes de contrôle ont alors eu du rattrapage à faire. Aujourd hui, on constate sur les marchés du crédit des transactions assorties de conventions souples, et on sent les pressions pour faire augmenter les bilans. Les opérations de fusion et d acquisition, même si elles n ont pas encore atteint un niveau d avant-crise, sont de plus en plus nombreuses. Les courtiers en produits dérivés structurés ont trouvé une nouvelle vie dans le domaine des produits de base. La concurrence accrue, les rendements à la baisse et la propension à prendre des risques à la hausse : c est du déjà-vu, et pourtant nous continuons de penser que cette fois, ce sera différent. Si nous voulons changer le dénouement pour le mieux, les organismes de réglementation et les chefs d entreprise ont intérêt à faire les choses autrement. Cette fois, les choses peuvent être différentes La phase «déni» du cycle est celle où les organismes de réglementation doivent composer avec une forte propension à prendre des risques et des pressions en faveur d une expansion commerciale. Dans d autres allocutions, j ai déjà parlé des types de comportement qui font l efficacité des organismes de réglementation. L un d eux consiste à renoncer à essayer de plaire à tout le monde. La réglementation n est pas un concours de popularité. Quand les chefs d entreprise veulent à tout prix prendre de l expansion et que les institutions financières prennent de plus en plus de risques, il incombe aux organismes de réglementation d intervenir et de réglementer. Cela semble simple, mais c est un peu comme si on retirait le bol de punch alors que la fête ne fait que commencer le geste n est jamais apprécié. Les organismes de surveillance ne sont pas les seuls à devoir freiner la propension croissante des institutions financières à prendre des risques. Les conseils d administration doivent veiller à ce qu une gestion efficace du risque fasse réellement partie de la culture organisationnelle. Les institutions qui améliorent proactivement leurs systèmes de gestion du risque seront mieux préparées à la prochaine phase du cycle, alors que les autres réagiront en se laissant guider par la peur. 6
8 Conclusion La reprise est encore jeune, mais il s est écoulé deux ans depuis que les marchés ont atteint le fond. Les institutions financières, particulièrement au Canada, vivent une époque plutôt enivrante. Il ne faut cependant pas oublier que le bon temps ne peut pas durer toujours, et que les défis auxquels beaucoup d économies sont confrontées pourraient raccourcir le cycle. La prochaine phase du cycle pourrait durer des mois ou des années, mais chose certaine, elle donnera le ton à la crise qui suivra. C est la qualité de la réglementation et de la gestion du risque au sein des institutions d aujourd hui qui déterminera si nous réussirons à éviter la prochaine tempête, ou si nous nous dirigerons droit sur elle. Si les organismes de réglementation et les chefs d entreprise veulent éviter les dommages que l on a connus au dernier cycle, il faudra que nous adoptions tous une stratégie différente cette fois-ci. Je vous remercie de votre attention. 7
Toronto (Ontario) Le vendredi 26 octobre 2007 L ÉNONCÉ FAIT FOI. Pour de plus amples renseignements, s adresser à :
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