L émission de factures électroniques

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1 Bruxelles, 27 avril 2012 L émission de factures électroniques Etienne Wery Avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris Chargé d enseignement à l Université

2 Partie I : De quoi parle-t-on? De la dématérialisation à la dématérialisation fiscale

3 La dématérialisation Fonction probatoire (mode de preuve) Fonction contraignante (affirmer une créance) Fonction économique (ex. : contrôle du prix) Fonction de crédit

4 La dématérialisation fiscale Fonction probatoire (mode de preuve) Fonction contraignante (affirmer une créance) Fonction économique (ex. : contrôle du prix) Fonction de crédit + Fonctions comptable et fiscale (pour les tiers et pour l administration)

5 Partie II : Un constat de semi-échec

6 Sables mouvants Directive de 2001 Directive de 2006 (coordination) EU e-billing expert group Proposition de nouvelle directive : 28 janvier 2009 Directive du 13 juillet 2010 à transposer avant le 31/12/2012

7 Pourquoi cela n a pas mieux marché? Harmonisation insuffisante (auto-facturation, signature électronique, certificat numérique, basculement d un monde à l autre, etc.). Les fiscalistes et l administration ont fait main basse sur le dossier : approche inutilement sécuritaire. Les sociétés IT ont réalisé un lobby efficace : approche inutilement technologique et oubli de la neutralité technologique. Absence de joueur/standard paneuropéen. Keep it simple! Orienté utilisateur. Solution conviviale.

8 Pourquoi cela n a pas mieux marché? Pas d intégration au circuit de paiement (SEPA). Où était le monde du paiement? Devant tant de difficultés, la «troisième voie» est souvent préférée mais elle reste purement nationale. Rôle insuffisant des pouvoirs publics. Opposition de diverses natures (consommateurs, TPE, etc.). Changer les habitudes. Le business model : coût supplémentaire ou économie? Naïveté de trop insister sur de mauvais arguments (ex. : écologie).

9 Partie III : Les grands enjeux sur le plan juridique

10 Les grands enjeux comprennent notamment : 1. Consentement 2. Fiabilité 3. Langue 4. Durée du stockage : voy. exposé suivant 5. Forme du stockage : voy. exposé suivant 6. Délivrance 7. Contrôle contrôle en ligne

11 To consentir or not to consentir? Projet de 2001 : «sous réserve de l information du destinataire» Directive de 2001 : «sous réserve de l acceptation du destinataire» Projet de la Commission : «Explicit consent shall no longer required. Normal commercial practice of tacit approval will apply. Toute référence au consentement disparait. Le parlement européen était d accord. Le Conseil s y est opposé : «retour à l acceptation du destinataire»

12 La «fiabilité» : nœud gordien Le droit européen ne reconnait la facture électronique qu à condition de garantir : 1. L authenticité de l origine : On entend par authenticité de l'origine l'assurance de l'identité du fournisseur ou de l'émetteur de la facture. (art. 233 nv. directive) 2. L intégrité du contenu : On entend par intégrité du contenu le fait que le contenu prescrit par la présente directive n'a pas été modifié. (art. 233 nv. directive) Comment faire pratiquement

13 La solution trouvée en 2001 Soit, au moyen d une signature électronique avancée. Les Etats peuvent toutefois imposer un certificat qualifié. Soit, au moyen d un système d échange de données informatisées (EDI). Sous réserve que l accord EDI l accepte et qu il règle les moyens de respecter le principe de fiabilité. Soit, selon d autres méthodes. Sous réserve de leur acceptation par le ou les Etats membres concernés.

14 Le rêve de la Commission : égalité avec le papier Businesses will be free to send electronic invoices under the same conditions as they would send paper invoices. By creating equal treatment between paper and electronic invoices ( ) obstacles that hamper the use of electronic invoicing will be removed. Il s agit d éliminer les différences de traitement entre les factures envoyées par voie électronique et celles qui sont envoyées sur papier, ce qui permet de garantir la neutralité du mode de transmission. Prop. Comm. : «( ) des règles identiques pour la transmission de toutes les factures, que ce soit sur support papier ou par voie électronique. Les exigences applicables aux factures électroniques en matière de signature avancée et d EDI sont donc supprimées. D où une proposition d article 232 : «Les factures émises ( ) peuvent être transmises sur support papier ou transmises ou mises à disposition par voie électronique.» CES : «( ) l égalité entre la facture électronique et la facture papier mérite d être mentionnée. Le CESE marque son accord avec les mesures proposées».

15 La réalité politique de la nouvelle directive Art. 233 final : «Chaque assujetti détermine la manière dont l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité de la facture sont assurées. Cela peut être réalisé par des contrôles de gestion qui établiraient une piste d'audit fiable entre une facture et une livraison de biens ou de services. ( ) les méthodes suivants constituent des exemples de technologies permettant ( ) : - Signature électronique avancée fondée sur un certificat qualifié et créée par un dispositif sécurisé de création de signature au sens de ( ) - EDI ( ) L'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité d'une facture, que celle-ci se présente sur papier ou sous forme électronique, sont assurées à compter du moment de son émission et jusqu'à la fin de sa période de conservation. On entend par authenticité de l'origine l'assurance de l'identité du fournisseur ou de l'émetteur de la facture. On entend par intégrité du contenu le fait que le contenu prescrit par la présente directive n'a pas été modifié.»

16 Conclusion : une révolution copernicienne On maintient les notions d intégrité du contenu et d authenticité de l origine. On y ajoute la lisibilité. Toutefois, on inverse le processus : c est l assujetti qui détermine la manière dont l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité de la facture sont assurées. Ce qui était valable avant, parce que reposant sur une signature électronique avancée ou l EDI, reste valable. Ce qui était valable avant, parce que reposant sur une troisième voie nationale, devrait, selon toute vraisemblance, rester valable. La piste est grande ouverte pour la normalisation et les fournisseurs de solution et éditeurs de logiciel. Fedisa, Afnor, CEN, etc. : tous les organismes ont un groupe de travail. Les nouvelles définitions de l authenticité de l'origine et de l intégrité du contenu devraient également faire couler beaucoup d encre car elles renforcent l évolution constatée vers une redéfinition de l original. Disparition des 3 et 4 de l article 1 de l AR n 1 depuis le 1 er janvier 2010

17 Le droit belge à l heure d aujourd hui Disparition des 3 et 4 de l article 1 de l AR n 1 depuis le 1 er janvier On y traitait de la signature électronique et de l EDI. Pas de quoi crier victoire pour autant. Le code TVA prévoit toujours que «Le Roi règle les modalités d'application des articles 53 à 53septies» et qu il «peut autoriser, aux conditions et aux modalités qu'il fixe, ( )» les factures électroniques. Bref, la loi donne une mission au Roi, mais celui-ci a entre-temps retiré l AR par lequel il exécutait sa mission, afin d anticiper la nouvelle loi que l on attend toujours. Le changement de 2010 a-t-il fait plus de tort que de bien? L AWT a consulté la TVA et signale sur son site que : «Le SPF Finances a toutefois précisé fin janvier 2010 que, face à un document ne présentant pas toutes ces caractéristiques, il se basera sur un ensemble d'éléments, notamment : (1) un virement ou autre paiement bancaire (ces garanties ne peuvent être démontrées en cas de paiement cash de la facture); (2) un contrat; (3) un bon de commande ou de livraison. L'administration ajoute une obligation en cas de facturation intra-groupe: l'horodatage ("timestamp") des factures. Par contre, elle tolère qu'une note de crédit soit au format papier, même si la facture est électronique (si l'accord le prévoit).»

18 Langue utilisée Volonté politique Member States will still be able to request invoices to be translated into their national languages. However, any Member State requesting a translation must state which "particular invoices" the request relates to, thereby removing the different approaches of Member States. Nouvelle directive Ancien article 231 est supprimé. Il stipulait ceci : «À des fins de contrôle, les États membres peuvent exiger une traduction dans leur langue nationale des factures relatives à des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées sur leur territoire, ainsi que de celles reçues par les assujettis établis sur leur territoire». Ajout d un 248bis : «À des fins de contrôle, et en ce qui concerne les factures portant sur des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées sur leur territoire et les factures reçues par des assujettis établis sur leur territoire, les États membres peuvent, pour certains assujettis ou dans certains cas, exiger une traduction dans leur(s) langue(s) officielle(s). Les États membres ne peuvent toutefois pas imposer l'obligation générale de traduire les factures.»

19 La délivrance Article 53, 2, CTVA : «L'assujetti ( ) est tenu de délivrer une facture ( ) ou de s'assurer qu'une telle facture est délivrée en son nom et pour son compte ( )» Délivrer sous forme électronique = envoyer ou mettre à disposition? Pratique administrative : tolérance pour la mise à disposition s il y a un téléchargement effectif et, à défaut, envoi. Pas simple à prouver.

20 Contrôle en ligne Noir : ancien texte Rouge : changements «Lorsqu'un assujetti stocke les factures qu'il émet ou qu'il reçoit par une voie électronique garantissant un accès en ligne aux données et que le lieu de stockage est situé dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, les autorités compétentes de l'état membre dans lequel il est établi et, lorsque la TVA est due dans un autre Etat membre, les autorités compétentes de cet autre Etat membre ont, aux fins de la présente directive, le droit d'accéder à ces factures par voie électronique, de les télécharger et de les utiliser, dans les limites fixées par la réglementation de l'état membre d'établissement de l'assujetti et dans la mesure où cela leur est nécessaire aux fins de contrôle.»

21 Conclusion générale La facture électronique peut enfin quitter le monde réservé aux «grands comptes», si l innovation et la convivialité suivent. L'équivalence totale entre les 2 formes de facturation n'existe toujours pas. Notamment: La réglementation impose aux factures électroniques de présenter des garanties d'authenticité et d'intégrité, alors qu en pratique on n en demande pas autant à la facture papier ; Les factures électroniques doivent être obligatoirement archivées électroniquement ; on a le choix pour les factures papier ; La lisibilité reste un problème (mal résolu) spécifique au monde électronique. Le business model de la facture électronique peine à émerger. C est pourtant une condition sine qua non de son succès, à tout le moins dans le B2C. La définition de l intégrité du contenu constitue un pas de plus vers la redéfinition de la notion même «d original» Au niveau européen, on regrette encore : L absence d harmonisation des règles de stockage/conservation; L absence d un principe équivalent au principe du pays d origine.

22 Merci de votre écoute