Apprendre à mener une recherche-action pendant sa formation, c est investir sa pratique et revisiter les savoirs dits «universitaires»
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- Ghislain Jean-Philippe Gaudet
- il y a 8 ans
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1 Marie-R. Verspieren Apprendre à mener une recherche-action pendant sa formation, c est investir sa pratique et revisiter les savoirs dits «universitaires» C est à la rentrée que s est ouvert, dans le cadre de la maîtrise des sciences de l éducation de Lille i un atelier consacré à la recherche-action. Associée dès le départ à cette création, j y enseignais à la fois ce que ma pratique m apprenait de la méthode (je menais et je mène encore des R-A) et à la fois la théorie s y référent, puisque j écrivais alors ma thèse sur le sujet. ii La communication proposée poursuit deux objectifs : d une part, montrer ce que l enseignement supérieur, et plus particulièrement l Université, peut apporter à la pratique de la recherche-action. D autre part, montrer l intérêt qu un tel atelier ouvre comme perspective pour les étudiants de maîtrise iii (enseignants comme éducateurs, formateurs d adulte etc...), du point de vue de l acquisition et/ou du développement de compétences transférables dans leurs situations de travail habituelles. Ceci se produit, notamment, par la transformation de leurs rapports aux savoirs dits «universitaires» et par un investissement différent de leur pratique professionnelle. Première partie : Ce que l université peut apporter à la pratique de la recherche-action A l annonce de mon sujet de thèse, un professeur d université m a mise en garde «c est mode», a-t-il lâché. Il parlait bien évidemment de la recherche-action. C est de sa situation au sein de l université dont il sera question ici. Puisqu elle y est enseignée, c est qu elle y a trouvé une certaine forme de reconnaissance, malgré les réticences dont certains font preuve à son égard. Les griefs les plus souvent retenus contre cette démarche de recherche sont ceux de sa non-scientificité, de l improbabilité que ses résultats soient fiables, du manque de titre universitaire de ceux qui en mènent, et de son caractère «fourre-tout». Cependant, elle est enseignée au sein de l université ce qui, en soi, lui donne une certaine légitimité, une forme de reconnaissance et une validation des acquis expérientiels des praticiens, à condition que ces acquis soient réinvestis par et pour la recherche. Reprenons ces points tour à tour.
2 L opportunité qu existe, au sein de l université, une pratique rigoureuse de recherche-action. Le problème de la reconnaissance de la démarche de recherche-action au sein de l université est qu il existe plusieurs types de recherches-actions, et il est vrai qu un universitaire, non-spécialiste de cette démarche, peut ne voir dans la relation de certaines d entre elles ni plus ni moins que des relations d expérience. Il peut, en conséquence, se demander à juste titre si ce qu il lit relève de la recherche ou de l analyse d activités. Il arrive en effet que la recherche-action serve de transcription de pratiques, au mieux de réflexion sur cette pratique, ce qu elle n est pas, tout au moins pas seulement. Il existe aussi une forme de recherche-action où le chercheur se rapproche des acteurs pour obtenir d eux des informations de première main, au plus près de la source. Ce chercheur, acteur «masqué», ne mène pas non plus une véritable recherche-action dans le sens où nous l entendons, puisqu il se sert des praticiens comme l on se sert d informateurs dans d autres lieux... Il n est pas, à proprement parlé, acteur-chercheur sur une pratique à laquelle il est mêlé, ou à laquelle il se mêle. La véritable recherche-action est celle qui poursuit conjointement deux objectifs : production de connaissances et changement de la réalité par l action. Cet enjeu double conduit à diminuer autant que faire se peut la place laissée au hasard, et vise à ce que chaque acteur-chercheur ou praticien acquière une réelle capacité à anticiper l avenir. C est pourquoi nous avons nommé cette démarche «recherche-action de type stratégique». Elle dialectise les deux concepts «recherche» et «action», n en privilégie aucun et mène les deux simultanément. Elle se fonde, comme son nom l indique, sur l analyse stratégique, parce que la stratégie permet aux acteurs de mener à bien une action consciente et réfléchie. Même si elle n est pas garante de réussite, elle donne cependant des moyens supplémentaires de la briguer. Le premier apport que l enseignement supérieur offre à la recherche-action, c est l opportunité d exister : dans le monde universitaire actuel, enseigner et pratiquer cette démarche est un enjeu fort dont nous sommes tout à fait conscients. Ce qui nous amène au point suivant : La reconnaissance de la scientificité de la démarche La science présente des garanties de rigueur, de généralisation, de réfutabilité qui sont autant de garanties d une pensée libre. J. Hedoux iv montre bien que les sciences humaines sont des sciences qui suivent les critères de l épistémologie classique cumulativité, réfutabilité, 2
3 opérationnalité, mais qui sortent effectivement affaiblies d une comparaison avec les sciences «dures» et ceci, selon lui, pour trois raisons : elles relèvent de réalités très spécifiques qui dépendent étroitement d un contexte particulier et d une évolution rapide. Les modèles d intelligibilité qu elles produisent ont donc une durée de vie raccourcie par rapport aux autres sciences ; elles sont élaborées par des chercheurs qui sont des personnes ne reniant pas leur idéologie, leur croyance, leurs convictions philosophiques et morales. Les connaissances produites sont donc imprégnées par les individus qui les ont construites ; elles s attachent à des problèmes de société éminemment politiques, conflictuels et culturels, ce qui rend la fiabilité de leurs modèles extrêmement périlleux. Cependant, dit l auteur, ce n est pas parce qu elles répondent moins durablement aux critères habituels de la scientificité qu elles ne sont pour autant ni moins fiables ni moins scientifiques. Elles sont, par contre, appelées à être plus souvent remises en question. Dès leur diffusion, leurs résultats sont assimilés plus ou moins correctement par des acteurs eux aussi pris dans leur propre système idéologique, et, par voie de conséquence, ils sont appelés à être réinterprétés, réexpliqués, voire dévoyés de leur signification première. C est alors au chercheur de remettre de l ordre dans cette appropriation, abusive ou non, des résultats de ses études, analyses et expérimentations. Les savoirs produits par la recherche-action de type stratégique sont des savoirs scientifiques, même s il n échappe à personne que ce sont des savoirs liés à une situation particulière dans un contexte donné. Ainsi donc, des savoirs sont obtenus par le biais de la démarche utilisée. Ces savoirs sont des produits sociaux, puisqu ils sont l œuvre d un «acteur collectif», constitué d individus coopérant à mener à bien un changement du réel. Ces connaissances ne sont pas figées, elles ne cessent de s étendre et de se modifier à mesure que l action avance. Pour les acteurs, le savoir se découvre en agissant directement sur le terrain pour le transformer. Comme le dit Hall : «il n existe pas d autre moyen de découvrir le savoir que d entrer en rapport concret avec les objets et les processus réels, de s efforcer de les maîtriser et de les modifier, d élaborer des concepts à partir de l expérience acquise et de mettre les conclusions une fois de plus à l épreuve des faits. Le savoir n existe pas en dehors de la pratique. Les hommes n acquièrent pas la connaissance des choses au sujet desquelles ils n ont pas ressenti le besoin, ou eu l occasion, d apprendre quoi que ce soit dans la pratique». v 3
4 L une des conséquences de ce savoir acquis par la pratique, confronté aux concepts et théories scientifiques de son champ, c est l aspect formatif qu il revêt pour tous les participants de l acteur collectif, quel que soit leur statut. Par voie de conséquence, l aspect de validation des acquis de l expérience, acquis revisité par la recherche, est valorisé par cette démarche. L aspect validation des acquis des praticiens, acquis «revisités» par la recherche D une part, cette méthode de recherche est un processus éducatif pour tous ceux qui s y engagent. La recherche-action de type stratégique implique la participation de ceux qui souhaitent le même changement de leur réalité : ne peuvent travailler ensemble que des personnes poursuivant un but identique. L analyse stratégique est là pour que les participants se mettent d accord sur leurs objectifs et projets de transformation, et sur les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Mais là n est pas notre propos. D autre part, cette méthode sensibilise les acteurs de terrain au fait qu ils ont des ressources dont la recherche tiendra compte. Rappelons qu en recherche-action de type stratégique, l implication forte du chercheur dans l action comme dans la recherche est visée, ainsi que celle des acteurs, forte dans la recherche comme dans l action. Rappelons aussi qu en rechercheaction, ce n est pas toujours le cas... vi Il s agit ici, en maîtrise des Sciences de l Education, de praticiens qui posent des actes de recherche, c est-à-dire qui formulent des hypothèses, relèvent des indices de vérification, recueillent des données, les traitent et mènent une analyse. De fait, ils vont plus loin dans leur formation et leur réflexion que ceux qui réfléchissent sur une pratique le plus souvent en voie d achèvement, dans le but de l améliorer. Il est vraisemblable également que ceux qui se sont frottés, confrontés et formés à cette méthode éprouvent l envie de la renouveler, avec d autres partenaires, pour d autres objets. Et ce n est pas pour autant qu en écrivant ceci je pense que jusqu alors, ils n avaient pas réfléchi à leurs pratiques et aux moyens de l améliorer. Simplement, ils auront éprouvé l avantage qu un dispositif de recherche rigoureux apporte à l action, et surtout, ils l auront vécu. Savoir, dans l absolu, qu une recherche est contraignante mais utile n est en rien comparable au fait de se coltiner avec la réalité de la démarche elle-même. Lire sur la recherche-action et en mener une reviendrait à comparer l histoire de l art et l art lui-même...ou le joueur de loto sportif avec le sportif! En faisant les comptes des mémoires soutenus en maîtrise, on s aperçoit que les travaux de recherche portent souvent soit sur une innovation que la R-A accompagne et évalue au fur et à mesure de son implantation sur le terrain choisi, soit, plus directement, sur l évaluation d un dispositif particulier, bien cerné. 4
5 Ces liens entre évaluation et R-A apparaissent de plus en plus évidents. A l heure actuelle, on peut dire que l évaluation implique la mise en œuvre d une R-A de type stratégique et que cette dernière intègre logiquement l évaluation à sa propre démarche. Attention, il s agit bien d évaluation et de non de contrôle. vii Autrement dit, «la RATS serait un processus de recherche, un processus d intervention et un processus d évaluation intégré» viii, ce qui nous amène logiquement au second point de cette communication, à savoir les effets de la méthode utilisée, sur les praticiens, sur leurs pratiques et sur leurs savoirs. Seconde partie : L intérêt, pour les praticiens, d obtenir leur maîtrise en rechercheaction, et les difficultés rencontrées L'intérêt de former des professionnels (enseignants, CPE, instituteurs, formateurs, ingénieurs de formation, travailleurs sociaux, éducateurs, syndicalistes, infirmières...) à la R-A est principalement de leur faire trouver par eux-mêmes des réponses aux problèmes visant à sortir 1 institution dans laquelle ils travaillent, à émerger, de ses difficultés, en terme de démarche et de réalisation. Mais il ne s'arrête pas là. Il y a une formation sur le site des usagers, individuellement et collectivement : il y a création d'acteurs. Avoir fait partie d'un collectif de R-A marque les participants : le jeu subtil des hypothèses de recherche et d'action, la vérification par l'évaluation est un rempart pratique et utile contre les convictions toutes faites. Il nous soumet au verdict de l expérimentation ". ix Les intérêts Mener à bien une action et la mettre à distance par une appropriation théorique et un travail d écriture entraînent quatre types d intérêts que l on retrouve et dans les mémoires de maîtrise et dans les entretiens passés avec les étudiants : Une R-A est un processus qui vise à la fois une transformation et à la fois une production de connaissances. De ce fait, elle est le produit (ici, dans le cadre de cet atelier méthodologique) d'un chercheur-praticien et d'un certain nombre de ses collègues. Pour autant, les uns et les autres conçoivent conjointement l'action et la mettent en œuvre. La réflexion «institutionnalisée» par la démarche lors des séances d'analyse et d'évaluation permet aux praticiens de se saisir d'une intelligibilité de l'action qu'ils ont peu l'occasion de formaliser lors de toute autre action les concernant. Cette opportunité peut dès lors leur donner des capacités à modifier les conditions d'exercice de leurs activités professionnelles. Un étudiant montre ainsi «le lent et difficile cheminement des différents acteurs 5
6 de ce groupe de recherche pour élaborer un langage commun, se donner des outils d'analyse et pour aboutir à un consensus quant à la problématique de cette recherche, aux objectifs qu'elle se donne et à la méthode de travail la plus appropriée pour les atteindre». La construction commune d'une première généralité permet de réussir ce travail. De ce fait, les étudiants de maîtrise mais également les membres de l'acteur collectif acquièrent non seulement une méthode, des techniques et connaissances en sc. humaines mais aussi une méthode et des connaissances pour questionner leur terrain professionnel et modifier leurs pratiques. Par le travail fourni pour constituer et rendre viable l'acteur collectif, ils acquièrent également des savoir-faire de l'ordre de la relation et de la communication. «L'activité collective contribue à gérer au mieux les relations dans le groupe»7, reconnaît une étudiante, «l objet de la recherche renforce l'équipe et incite à une organisation méthodique du travail» x apprécie une autre. Ainsi faisant, ils maîtrisent (le mot est juste) l'ensemble d'un processus (de la conception à l'évaluation), ce qui n'est pas sans effet. Ces acquis leur permettent de mieux se situer et de savoir non seulement répondre à la question «pourquoi est-ce que je fais ceci plutôt que cela», mais, ce qui est nettement moins fréquent, de répondre également à la question : «pourquoi les collègues, eux, font ceci plutôt que cela?» Cet effet augmente la professionnalisation des praticiens-chercheurs, puisqu'ils luttent contre la division du travail. «Les expériences des uns et des autres en matière de formation pour adultes sont fort différentes, et plus encore en ce qui concerne les représentations individuelles de la mission de formateur en APP : dans les expressions des uns et des autres apparaissent plus de questionnements que de certitudes» xi Les capacités ainsi acquises contribuent à mettre à distance, à questionner les processus, situations et rapports sociaux existants. Les professionnels ainsi formés sont mieux informés et peuvent questionner non seulement les orientations de leurs collègues de travail, mais encore celles d'une institution, voire de la société. Les objectifs de la RA. par exemple, ne sont jamais donnés : ils sont construits ; ils sont le produit d'un processus d'élaboration au sein duquel se joue un rapport de forces entre agents sociaux aux intérêts divergents, voire contradictoires. 6
7 Les difficultés rencontrées. Le 1 er constat est que les mémoires présentent toutes les caractéristiques d'un mémoire de recherche «classique» plus les conditions requises pour mener une action contrôlée. Il y a toujours une question de départ, puis intervient une phase qui n'existe pas en recherche traditionnelle, qui est celle de la constitution d'un collectif avec tous les problèmes que cela pose : un collectif peut être conflictuel, fluctuant voire... impossible à trouver! La problématisation de la question est faite généralement par le praticien-chercheur lui-même, ce qui pose un problème méthodologique : étudiant la «littérature scientifique» du sujet qui est celui qu'il a choisi, seul généralement, parfois (mais plus rarement) en équipe, il «prend de l'avance» théorique et ne peut plus, dès lors, pour ses collègues immédiats, être considérés comme un praticien comme un autre. La délimitation du champ de recherche est la même qu'en recherche classique. Simplement elle tient compte, de plus, des actions qui seront menées dans le cadre de la recherche-action. Lorsqu'il s'agit de choisir la technique de recherche la plus pertinente pour traiter la question posée, on s'aperçoit d'un autre type de difficultés auquel les étudiants de maîtrise ne sont habituellement pas confrontés. Les praticiens-chercheurs ont du mal à se limiter à une seule technique et se servent, pour vérifier leurs sous-hypothèses, de techniques différentes. Cette abondance d'outils pose un problème de temps qu il reste à résoudre Le 2 nd constat émane de la forme du mémoire en soi. En R-A, il ne peut s'agir simplement de mettre en corrélation les résultats obtenus avec les hypothèses de départ. Pourquoi? Parce que chaque hypothèse a fait l'objet d'une évaluation et évolution constante. Il n'y a pas, en R-A, une hypothèse, une action, un résultat mais : une hypothèse, une action, une évaluation, une rectification éventuelle, un résultat... Tout ceci est plus difficile à rédiger... Le 3 ème et dernier constat est que l'étudiant se heurte à une double sanction : celle de l'aspect «recherche» (Qu'a-t-on appris de nouveau concernant le sujet? Que valent les connaissances produites?) et celle de l'aspect «action» (Qu'est-il advenu des actions mises en œuvre? Ont-elles été socialement efficaces?) En ce qui concerne les difficultés rencontrées par les étudiants, outre celles liées à la recherche (commune à tous les étudiants de maîtrise), on peut relever celles liées à la place particulière qu'occupe le praticien-chercheur et au fait qu'il occupe simultanément plusieurs rôles. «Quelle était ma place? Déléguée de l'institution? Conseillère pédagogique? Étudiante? Formatrice? En fait, je cherchais, moi aussi... Je devais servir au quotidien 7
8 en tant que membre de l institution, mais j étais là aussi parce que je présentais un mémoire de maîtrise en recherche-action. Cette confusion des rôles, c est quelque chose de difficile à assumer» xii C'est bien la raison pour laquelle la R-A de type stratégique est si exigeante sur l'application des règles de méthode et encourage les praticiens à acquérir les outils de la recherche. Dans la mesure où ils y parviennent et les mémoires soutenus sont là pour en attester, leur double statut constitue alors un avantage irremplaçable puisqu'il leur permet de démasquer les discours de légitimation, les procédures d'évitement, les opinions trop hâtivement émises, les erreurs éventuelles de jugement et d'appréciation. Le double statut conduit alors à l'élaboration d'un corpus de savoir plus solide et plus scientifique. Conclusion Reconnaître que la recherche-action est un concept «mode» qui englobe tout et n importe quoi relève du simple bon sens. La condamner pour autant, c est lui faire un procès d intention. Ce qui est aussi certain, c est que cette démarche dérange, car elle va à l encontre d habitudes et de certitudes peu souvent remises en question : celle de la séparation du chercheur avec son objet de recherche, celle de la division du travail au sein du monde scientifique entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, celle de la sacro-sainte objectivité on ne peut être juge et parti, ainsi que celle de l épistémologie classique. Mais est-ce que c est parce qu elle bouscule le monde scientifique qu elle ne vaut rien pour autant? Non, puisqu elle trouve ici et là une place au sein de l Université, place qu elle peut revendiquer malgré ses difficultés. Cette communication insiste sur une difficulté-clé de la recherche-action, et sur l un de ses avantages majeurs. La difficulté-clé, c est de rendre la démarche la plus rigoureuse possible pour que les savoirs et connaissances qu elle permet de découvrir puissent être tout d abord reconnus par d autres meneurs de recherches-actions, puis réutilisables, puis, éventuellement, réfutables. Il n est pas impossible que le monde scientifique se penche alors sur la démarche, elle est encore jeune et fait ses premiers pas. Ce n est pas pour autant qu elle n ira pas jouer dans la cour des grands... La rigueur de ceux qui sont décidés à mener des recherches-actions est un enjeu important pour que cette bataille puisse, au moins, s engager. De ce point de vue, la reconnaissance universitaire est un enjeu majeur : enseigner et mener des recherches-actions rigoureuses dans un atelier de maîtrise est un apport notoire de l enseignement supérieur à cette méthode de recherche. 8
9 L un de ses avantages majeur, c est son aspect formatif et le réinvestissement théorique des savoirs de la pratique : on ne comprend bien que ce que l on transforme... si l on se donne les moyens d évaluer cette transformation, bien sûr. Ce faisant, l on acquiert des compétences nouvelles, que l on soit praticien-chercheur ou chercheur-praticien. L acteur collectif permet ces enrichissements mutuels, même si certaines réunions sont conflictuelles pour arriver à un accord sur le but à atteindre. Il ne faut pas se voiler la face, l action, la recherche et la stratégie ne sont pas synonymes d harmonie consensuelle et d équilibre confortable. Enfin, pas forcément... mais sources d intérêts et d apprentissages, certainement. Les savoirs universitaires sont investis par des acteurs ayant soif d emprunter des itinéraires théoriques dont ils n avaient jusqu alors jamais soupçonné l efficacité, et, mieux encore, sont confrontés à d autres itinéraires possibles. «Celui qui sait n imagine même pas que son savoir puisse ne pas être partagé, tant il est pour lui évident. Aussi ne fait-il l objet d aucun discours». xiii En obligeant les savoirs théoriques et les savoirs pratiques à se confronter, à se mêler pour et par la dialectique de la recherche et de l action, cette démarche prouve le bien-fondé de sa place au sein de l enseignement supérieur. Si «la science moderne ( ) s est construite comme rupture avec un savoir commun qu elle se propose de remplacer» xiv, la recherche-action, elle, entretient un dialogue parfois conflictuel mais le plus souvent fructueux et fécond pour établir une forme de continuité entre ces deux savoirs. i A cette époque, le cursus des Sciences de l Education de Lille était co-habilité Lille I et Lille III ii Soutenue en 91 Recherche-action de type stratégique et science(s) de l éducation Coédition Contradictions/L Harmattan, 396p. iii le cursus licence/maîtrise des sciences de l éducation de l Université de Lille I s adresse plus particulièrement aux étudiants de Formation Continue, bien que des étudiants de formation initiale y trouvent également leur compte et leur intérêt. iv J. Hedoux "Sciences humaines, pratiques de formation et praticiens " des rapports complexes ; les recherches-actions de type stratégique comme orientation féconde, Lille, 1994, Cahier du CUEEP n 25 Recherches-actions et pratiques de formation - Tome I. p v Budd L. Hall le savoir en tant que marchandise et la recherche participative, Perspectives, vol.ix, n 4, vi A ce sujet : MR Verspieren Recherche-action de type stratégique et science(s) de l éducation, op. cit. et particulièrement p où il est question du rapport entre les chercheurs, l objet de recherche et les praticiens. vii Le contrôle, écrivent J. Ardoino et G. Berger, est tout à la fois «un système, un dispositif et une méthodologie, constitués par un ensemble de procédures ayant pour objet (et visée) d établir la conformité (ou la non conformité) si ce n est l identité, entre une norme, un gabarit, un modèle, et les phénomènes ou les objets que l on y compare, ou à défaut de l établissement de cette conformité ou de cette identité, la mesure des écarts». J. Ardoino et G. Berger D une évaluation en miettes à une évaluation en actes, Paris, Matrice Andsha, 1989, p.12 viii P. Demunter Recherche-action de type stratégique et évaluation des actions et dispositifs de formation. Contradictions n 76, Bruxelles, 1994, p , p. 83 ix extrait d un mémoire de maîtrise, 1997 x extrait d un mémoire de maîtrise, 1998 xi F. Haeuw Autonomie de l apprentissage ou apprentissage de l autonomie? La réponse d un Atelier Pédagogique Personnalisé. Mémoire de maîtrise en Sciences de l Education, Lille, doc. Ronéotypé, session d oct. 93, 84p xii entretien avec une étudiante 9
10 xiii B. Collignon Expériences et savoirs géographiques in Sciences humaines n 137, avril 2003, p. 24 xiv ibidem 10
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