Atelier CRÉER DES SUPPORTS D ENSEIGNEMENT À PARTIR DE DOCUMENTS AUTHENTIQUES. Carlos TABERNERO

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1 Atelier CRÉER DES SUPPORTS D ENSEIGNEMENT À PARTIR DE DOCUMENTS AUTHENTIQUES. Carlos TABERNERO Centre de Linguistique Appliquée de l Université de Franche-Comté Carlos.tabernero@univ-fcomte.fr I- Qu est-ce qu un document authentique? Notre questionnement partira de la définition communément utilisée du document authentique, que l on trouve dans le Dictionnaire de Didactique du Français de Jean-Pierre CUQ : [Le terme de document authentique] «s applique à tout message élaboré par des francophones pour des francophones à des fins de communication réelle ( ) tout ce qui n est pas conçu à l origine pour la classe.» Un peu plus loin, nous trouvons la définition d un terme qui est souvent associé à celui de document authentique, il s agit de la didactisation : «Le document authentique n a de sens qu inséré dans la cadre d un programme méthodologique précis et cohérent (niveau, progression, besoins, objectifs)» Ces définitions laissent en suspens un certain nombre de problèmes théoriques, que nous n aurons pas le temps de traiter dans le cadre d un atelier de méthodologie, mais qui méritent d être mentionnés : - Quid du document qui a été remanié, corrigé? Réenregistré avec un débit plus lent, découpé/monté, dont on a supprimé des expressions trop difficiles ou bien des bruits parasites? Peut-on encore parler dans ce cas de document semi-authentique? - Un document reste-t-il authentique lorsqu il entre dans la classe (c est-à-dire s il est coupé du contexte de réception originel)? Quel statut donner à ce discours reconstitué? C est la question de l authenticité des productions discursives dans la classe de FLE qui est ici posée. 1

2 - Quid, du texte littéraire, du poème, de la photographie «brute», qui sont des formes particulières de document authentiques? Les objets de la vie quotidienne (un verre, une cravate) sont-ils des documents authentiques? C est ici la question de l extension du terme qui se pose. Une typologie ordonnée des documents authentiques est disponible ici : Quelques exemples : Des publicités. Des documents juridiques et administratifs. Des archives télévisées. Des journaux et des émissions de télévision. Des petites annonces. Des sondages et des statistiques Des guides et modes d emploi Des factures Une lettre, une carte postale Des chansons Des catalogues Des CV, des lettres de motivations, des guides liés à l emploi. Des critiques de livres, de cinéma. Des Bandes annonces Des émissions de radio Des cartes et des guides touristiques Des recettes et des menus. Des romans, poèmes et bandes-dessinées? Des photos? Des tableaux et des sculptures? Des sites internet Le format très resserré de cet atelier ne permet pas de traiter une grande variété de DA. Nous avons choisi de concentrer notre travail sur la didactisation de deux documents : un podcast audio et un article de journal. Par didactisation, nous entendons à la fois la réalisation d un document-support (questionnaire) et l insertion du document dans une séquence d enseignement. L atelier inclut une présentation théorique de 20 minutes, sous la forme d un diaporama powerpoint et deux activités d une durée totale de 160 minutes, qui sont décrites ci-après : 2

3 Activité n 1 : didactiser un document audio Durée : 1h30 Objectifs : - Produire des séances d enseignement à partir d un document audio - Imaginer les supports complémentaires - Rédiger une grille d écoute - Calibrer les exercices en fonction des niveaux du CECR. - Justifier ses choix Support et matériel : - Documents au format mp3 fourni par le formateur. - Descripteurs du CECR (échelle globale) - Un lecteur de cd audio ou un ordinateur+haut-parleur Modalités : - Travail en groupe unique, confrontation des points de vue, remue-méninges. - Rédaction en commun d un déroulé et d une grille de questions correspondant aux niveaux B1-B2 Activité n 2 : didactiser un article de presse Durée : 1h20 Objectifs : - Sélectionner un texte en fonction d objectifs linguistiques et communicationnels - Rédiger un questionnaire de compréhension écrite - Concevoir une séance d enseignement autour d un article de presse. - Rendre compte de ses choix pédagogiques et les justifier. Support et matériel : - Corpus de textes proposés par le formateur - Descripteurs du CECR (échelle globale) Modalités : - Travail en groupe petits groupes de 3 ou 4 participants. - Chaque groupe dispose de 30 minutes pour élaborer une activité à partir du texte - Les groupes peuvent produire un ou deux documents iconographiques complémentaires. - Chaque groupe désigne un porte-parole qui présentera l activité : objectifs linguistiques, objectifs de communication, niveau des apprenants, insertion dans une séquence pédagogique, déroulé de la séance et prolongements. - Les autres groupes commentent la proposition. 3

4 II- Pourquoi travailler avec des documents authentiques? - Parce qu il est souvent nécessaire de «sortir» du manuel. - Pour mettre les apprenants face à des situations de discours authentiques, à des actes de communication «en contexte»: les contenus linguistiques y apparaissent pour ce qu ils sont, c est-à-dire des outils au service d actes de communication. - Pour se confronter à la diversités des voix, des débits, des rythmes, etc. - Parce que le meilleur moyen d avoir des supports didactiques appropriés à son public, c est de les créer soi-même. - Pour faire plaisir et se faire plaisir. - Tout simplement parce que fabriquer des documents pédagogiques fait partie du travail d un enseignant. J insisterai particulièrement sur le dernier point : en méthodologie, les pratiques ne sont pas neutres, mais véhiculent implicitement une conception du rôle et de la mission que nous nous attribuons. Travailler à partir de DA, c est considérer son rôle d enseignant comme celui d un concepteur de matériel et de parcours pédagogiques, c est revendiquer et assumer une expertise et une liberté d action qui se construisent en référence aux spécificités des publics auxquels on s adresse. Quelles sont les contraintes? - Les programmes à respecter imposent souvent de rester dans le cadre du manuel. - Les documents sont souvent difficiles d accès, y compris pour des enseignants. - Des freins matériels multiples peuvent contrarier l exploitation des documents : absence d équipements audio ou vidéo, dysfonctionnements, accès aux ressources. - Travailler à partir de DA demande du temps. - Ces documents sont souvent «périssables» et devront être réactualisés. IV- Comment choisir les documents authentiques? Les critères du choix : - Adaptation à l âge 4

5 - Adaptation au niveau linguistique - Adaptation aux besoins langagiers - Adaptation aux centres d intérêt. - Adaptation aux programmes. - Adaptation aux contraintes culturelles. - Fiabilité du document (surtout s agissant d un document d information trouvé sur internet) Quelques règles importantes - Proposer des documents lisibles et audibles (qualité des photocopies et des enregistrements) - Toujours indiquer la source : l origine, la date, l auteur du document - Proposer des documents complémentaires, qui faciliteront l entrée dans l activité. - Penser à l explication du lexique difficile. - Proposer des consignes claires, les reformuler à l oral. - Laisser le temps de lire les consignes. - Planifier et minuter les phases du cours. Annoncer très précisément le déroulement de l activité. - Constituer une base documentaire. Numériser ce qui peut l être. Faire un classement thématique et par niveau. Ex : travailler / étudier / s informer / voyager / les institutions / etc. V- Comment didactiser un document audio? Quatre principes doivent guider la conception des activités: 1- Valoriser les efforts de l apprenant. 2- Guider l apprenant 3- Convaincre l apprenant qu il n y a pas de documents difficiles. 4- Valoriser l intelligence collective. 5

6 1- Valoriser les efforts de l apprenant. L écoute d un document authentique crée un sentiment d insécurité psychologique, surtout lorsqu il n y a pas de support visuel. L apprenant est vite submergé par la masse d informations qu il reçoit et ne sait pas où fixer son attention. Il perd vite le fil et se décourage. Il peut acquérir rapidement une mauvaise image de lui-même et de ses capacités à maîtriser une langue étrangère. Pour éviter cela, il est nécessaire de bien faire comprendre à l apprenant : - que la compétence de compréhension orale se construit très progressivement. - que les activités visent des objectifs de compréhension précis et non une compréhension exhaustive. Il revient donc à l enseignant de fixer des objectifs limités, précis permettant à l apprenant d être valorisé dans son effort de compréhension. Il peut s agit simplement pour commencer de noter des mots épars qu on a reconnu dans le document. 2- Guider l apprenant Une grille de lecture ne sert pas à piéger l apprenant mais à le guider. Elle détermine un parcours devant mener à des objectifs de compréhension fixés par le professeur. On ne vise jamais une compréhension exhaustive. L objectif du parcours doit être clairement défini et présenté aux apprenants : extraire le thème général du document, apprendre à relever des informations, à prendre des notes, acquérir du vocabulaire nouveau, travailler certaines formes syntaxiques ou bien préparer un débat. 3- Il n y a pas de documents difficiles. Les extraits audio des documents authentiques sont des situations de discours, des simples reflets de l actualisation de la langue sous la forme d énoncés. Ils constituent en quelque sorte le langage à l état naturel. Ces énoncés, sauf ceux qui s adressent à un public spécialisé, ne sont pas intrinsèquement faciles ou difficiles. Conséquence du point précédent (la grille d écoute conçue comme un parcours), c est en grande partie la nature et la conduite des activités qui font la difficulté du document. Les consignes aident l apprenant à filtrer, dans la masse des informations qu il perçoit, celles qui 6

7 vont lui être utiles. Une grande rigueur est donc nécessaire pour planifier et mener les activités : - toujours fixer à l avance le nombre d écoutes, annoncer ce nombre aux élèves, et faire correspondre chaque écoute avec une consigne précise. - Eviter les questions très générales (de quoi parle le texte? Qu en pense le locuteur?) et préférer des formulations fermées, prenant directement appui sur des éléments discursifs du document (parmi ces propositions, laquelle exprime le mieux l opinion du locuteur? Citez quelques adjectifs utilisés ans la description de la maison) - Les activités doivent être ordonnées : aller de la caractérisation du document, vers la compréhension globale et de la compréhension globale vers la compréhension analytique. - En compréhension analytique, les questions doivent porter sur des éléments qui se suivent chronologiquement. - Laisser un temps aux élèves pour lire la consigne et les questions avant l écoute. - La compréhension orale nécessite beaucoup d efforts de concentration -> Le document support doit être très court afin que les multiples écoutes ne fatiguent pas les élèves. Il faut alterner les phases d écoute et les phases d échange avec la classe. Il faut limiter la durée totale de l exercice. - Si l écoute doit déboucher sur une activité d expression orale, il peut être utile d autoriser les élèves à prendre des notes dans leur langue maternelle. - La prise de notes pendant un document audio est une compétence très difficile à acquérir (niveau C1) : il faut donc limiter au maximum les questions ouvertes et toujours laisser du temps entre deux écoutes si une question requiert une réponse rédigée. 4- Valoriser l intelligence collective. La restitution du sens d un document, notamment son sens analytique, peut être le résultat d un effort collectif, au travers d un remue-méninges, par exemple, ou bien de consignes différenciées données à différents groupes d élèves. On peut se contenter de demander aux élèves de donner quatre mots qu ils ont reconnus dans le document, de tout noter au tableau, puis de relier les mots obtenus pour en déduire à la fois le thème général du document et les idées qu il exprime. Le travail de groupe est un moyen d aider à construire la compétence d écoute, qui est in fine une compétence individuelle. 7

8 VI- Les phases de l exploitation du document authentique L exploitation du DA, surtout s il s agit d un document audio, demande une planification rigoureuse. L objectif principal est de créer des stratégies d écoute chez les apprenants, afin qu ils ne se sentent pas perdus dans le document. 1 Exposition 3 Comp globale 5 acquisition 2 anticipation 4 Comp analytique 6 réemploi 1- La phase d exposition / sensibilisation. Il s agit de susciter l intérêt des apprenants par des activités très simples de questionnement, repérage et remue-méninges. Dans cette phase, on peut recourir à un document complémentaire (carte, photo, petit article), destiné à poser le contexte très général. 2- La phase d anticipation. Il s agit d amener les étudiants à formuler des hypothèses autour du document qui n est pas, à ce stade, visionné/écouté, entièrement. On se contente de le présenter (par exemple écoute des premières secondes, visionnement d une ou plusieurs images arrêtées, ou bien d un générique, visionnement du début du document sans le son). Au terme de cette phase, l écoute du document ne sera plus une totale découverte, mais un exercice réfléchi au cours duquel l apprenant confronte ce qu il voit/entend aux hypothèses 8

9 qui ont été formulées. Cette première phase permet donc de finaliser (au sens de «donner un objectif») la première écoute du document. Formuler des hypothèses, c est répondre à des questions très générales : qui parle à qui? Pourquoi? Où? Quand? de quel type de document s agit-il? etc. A ce stade, on peut aussi introduire un document partiellement redondant avec le document authentique qui sera étudié. 3- La phase de compréhension globale (une écoute) Elle consiste simplement à vérifier par une écoute les hypothèses globales qui ont été formulées. On relève des éléments linguistiques (mots, phrases) pour confirmer/infirmer ces hypothèses. Grâce à la phase d anticipation, l apprenant sait où fixer son attention, il n est jamais laissé sans repères. Quelques questions sont posées pour favoriser ce relevé d indices. Exemples d activités: Noter des mots qui ont été perçus. Cocher, dans une liste, les mots ou les phrases qui ont été reconnus. Exercices de discrimination auditive (QCM), visant à extraire une liste de mots-clefs. Texte lacunaire visant à Remettre dans l ordre un résumé du document. Trouver un titre au document, dans une liste fermée. Trouver le thème général, dans une liste fermée. Caractériser le document (liste fermée) Tableau d identification des locuteurs. 4- La phase de compréhension détaillée. A travers des activités en nombre limité (une série de questions, un tableau à remplir, des éléments à ordonner, des textes à compléter), on aborde les idées principales et secondaires du document. 9

10 Attention : compréhension détaillée ne veut pas dire compréhension exhaustive. On vise juste le degré de compréhension nécessaire pour remplir les activités. Le principe est de proposer une écoute par activité, de manière à ce que l apprenant sache à tout moment sur quoi il devra fixer son attention. Exemples d activités : - Questionnaires de type vrai/faux - tableau d identification des arguments des locuteurs. - indiquer dans une liste les affirmations qui apparaissent dans le document. - QCM portant sur des points détaillés. - Questions semi-ouvertes ou ouvertes portant sur un élément précis (mot, phrase) 5- La phase d acquisition/appropriation : repérage des connaissances, conceptualisation, systématisation. Ces connaissances nouvelles sont les éléments linguistiques dont on vise la maîtrise : lexique nouveau, temps verbaux, règles grammaticales. La conceptualisation doit faire appel, autant que faire se peux, à une démarche d inférence (c est l apprenant lui-même qui doit être amené progressivement à l énoncé des règles). La systématisation nécessite le recours à des exercices d application. 6- La phase de réemploi. A travers des activités d expression ou de recherche documentaire, on amène les apprenants à réutiliser dans un nouveau contexte les formes prises. Quelques points importants : - ce processus est dynamique. Chaque étape s appuie sur la précédente et vise à préparer la suivante. - Les formes nouvelles (grammaire, lexique) ne sont pas étudiées pour elles-mêmes : elles sont au service d une intention de compréhension. - chaque écoute doit être finalisée, c est-à-dire tournée vers une activité. 10

11 - Compte tenu du nombre d écoutes, les documents doivent être courts (La durée idéale se situe autour de 2 minutes) - La durée d une activité doit être courte (moins de 30 minutes) car c est un exercice très exigeant en termes de concentration. - Dans ce schéma, la langue est à la fois un objet et un outil d analyse. - On veillera, surtout s agissant d un document iconographique, à ordonner les tâches langagières attendues : désigner / décrire / raconter / argumenter Bibliographie Actes du colloque «Des documents authentiques oraux aux corpus : questions d apprentissage en didactique des langues», Nancy, décembre : Busuttil Stéphane, Capture et didactisation de documents audio : Carujo Jérôme, Exploiter un extrait de journal télévisé : 7 Jours sur la Planète, Cornaire C. (1998), La compréhension orale, CLE-International Francparler.org, dossier sur le DA Gachet Yvon, «Didactiser des documents audio», in Actes du colloque Cyber-Langues Perpignan 2007, Lamailloux P., Arnaud M.-H., Jeannard R. (1994), Fabriquer des exercices de français, Hachette - Education Lemeunier Valérie (2006), Élaborer une unité didactique à partir d'un document authentique, 11

12 Annexe : Ressources en ligne proposant des documents authentiques : Ressources non-didactisées Émissions de télévision : Séquences vidéo : Films d archive : Spots publicitaires : Des centaines de publicités de tous les pays, sur tous les thèmes et de toutes les époques. Podcasts audio Chansons : Base de données de paroles de chansons 12

13 Cours universitaires : Vidéos éducatives de collège et lycée : Lectures d œuvre littéraires : Dossiers scientifiques en vidéo : sur le site : Reportages et création sonore : Site de création radiophonique. De très nombreux documents sonores dans des formats très originaux. Ressources didactisées : Le portail de TV5Monde pour les professeurs de français : La page de RFI destinée aux professeurs de français : des exercices d écoute, des méthodes de français, le journal en français facile, etc. Un outil pour apprendre le français à partir des journaux de TV5. Le projet «Cités du Monde» : Annuaire très complet de ressources pour la compréhension orale 13

14 Canal Académie est une webradio dédiée au savoir, qui met en ligne de très nombreuses conférences sur des thèmes divers. A l intérieur du site, une partie est plus particulièrement destinée aux personnes qui apprennent le français. Elle contient des sons d une durée plus brève avec des grilles de compréhension. Site contenant beaucoup d activités pour des niveaux avancés. A faire en ligne, support vidéo. La qualité du son est moyenne. Une mine de documents avec des grilles de questions. Dialogues correspondant à de très nombreuses situations de la vie quotidienne. L apprenant peut regarder la vidéo ou bien télécharger le son. 14