BBC : retours d expérience sur des désordres qui impactent les performances. Les résultats d une enquête terrain de l AQC

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1 Socabat Infos n 36 - Encart technique (4 pages) BBC : retours d expérience sur des désordres qui impactent les performances Les résultats d une enquête terrain de l AQC Suite aux évolutions rapides que connait la construction et qui bouleversent les pratiques (BBC - bâtiment basse consommation, RT 2012 ), l AQC (Agence Qualité Construction) a réalisé l 'étude «REX Bâtiments performants & Risques» (*). Son but : identifier les non-qualités qui impactent les bâtiments conçus avec un niveau BBC ou au-delà. Cette étude vise également à développer l'apprentissage par l'erreur, pour que la filière construction définisse, à partir des retours d'expérience, une stratégie orientée vers la promotion de l'amélioration de la qualité tout en identifiant les risques principaux. Un rapport compile tous les résultats de cette enquête. En voici les principaux enseignements. Cette étude aborde la performance énergétique du bâtiment à travers quatre grandes thématiques : l enveloppe et les ouvertures ; les équipements ; les réseaux ; l usage et la maintenance du BBC. Enveloppe et ouvertures : respecter l étanchéité et les apports solaires Pour l enveloppe, l enquête constate qu il arrive que les isolants thermiques sont humidifiés. Cette humidité peut être le résultat d un mauvais stockage chez les négociants et/ou sur le chantier ou s être accumulée lors de la mise en œuvre (produits exposés à la pluie). Il arrive que des isolants de près de 20 cm d épaisseur soient gorgés d eau et perdent une part de leurs performances thermiques. Il faudrait les assécher afin de ne pas impacter la résistance thermique prévue à la conception. Autre exemple pointé par l étude : les «variantes sauvages» constatées pendant le chantier, c'est-à-dire la mise en œuvre de produits et de matériaux non conformes à ceux prévus ou souhaités lors de la conception. Ainsi, l isolant ou les vitrages installés ne sont pas ceux modélisés dans l étude thermique. D où une différence de performance de l enveloppe et donc un impact potentiel sur les consommations. L étude fait remonter également de nombreuses informations sur des désordres liés à l étanchéité à l air. Ils concernent surtout les traversées de l enveloppe mais aussi toutes les interfaces entre les produits et entre les corps d état. Il est donc important de bien concevoir le plan d étanchéité à l air et d avoir une organisation de chantier permettant de respecter la conception ainsi

2 qu une prise en compte de toutes les traversées. Doivent être particulièrement bien traités : les réseaux aérauliques, les conduits d évacuation des produits de combustion et les ascenseurs, l obligation de ventilation de la gaine étant responsable de déperditions importantes. De plus, l étanchéité à l air de l enveloppe du bâtiment peut être mise à mal par des installations faites par les usagers après la livraison : paraboles, prises électriques, luminaires, robinets d eau Autant de traversées qui risquent d amoindrir l étanchéité de l enveloppe même si elle a été bien conçue et réalisée. Enfin, dans les BBC, les concepteurs essaient d optimiser et de capter au maximum les apports solaires par le biais des ouvertures. Mais si l usager opacifie les surfaces de vitrage par des palissades ou des canisses ajoutées après la livraison, il diminue ces apports solaires et augmente la part des consommations d énergie (le chauffage venant compenser cette perte). Equipements : attention aux surdimensionnements Exemple significatif de désordres constatés par l étude : les VMC double flux très souvent situées à l extérieur des bâtiments, notamment sur les toituresterrasses. Dans ce cas, si le moteur, l échangeur ou les gaines sont peu ou mal isolés, il y aura de fortes déperditions thermiques et l efficacité de l équipement ne sera pas celle prévue. Le calorifugeage du caisson et des réseaux est indispensable. Mais la meilleure solution, si elle est possible, reste d avoir des locaux techniques situés à l intérieur des bâtiments. Autre problème récurrent dans l étude : celui du surdimensionnement des équipements dans le neuf comme dans la rénovation. En conséquence, le rendement s'en trouve immédiatement dégradé et l'équipement peut subir un encrassement prématuré et/ou des phénomènes de court cycle créant de l'inconfort et impactant la durabilité, la performance et la consommation énergétique. Dans le neuf, c est souvent «culturel» et accentué par le fait que des équipements de faibles puissances sont difficiles à trouver sur le marché Dans la rénovation, la tentation est de conserver la chaudière en place pour des raisons financières. Mais comme les besoins en chaleur sont très fortement réduits, l usager dispose d une très forte surpuissance et d une consommation beaucoup plus élevée que celle attendue (sur des chaudières conservées, des rendements de seulement 54% ont été mesurés). Pour la maison individuelle, il faut changer la chaudière quand on réalise une rénovation thermique, la difficulté étant d en trouver au bon niveau de puissance. De même, pour le collectif, les bureaux d études ou les entreprises installent des générateurs qui vont souvent bien au-delà des besoins. Il faut donc veiller à ne jamais surdimensionner les équipements de génération de chaleur.

3 Pour les panneaux solaires, l étude révèle que le risque principalement relevé est lié au surdimensionnement, les surfaces des panneaux étant trop importantes par rapport aux besoins. Poussés par des méthodes de calcul, les bureaux d études ont tendance à surestimer les besoins d eau chaude sanitaire (ECS). Résultat : l usager a à sa disposition une quantité d ECS inutile. D où des phénomènes de surchauffe en été qui vont impacter le bon fonctionnement du système, parfois le dégrader et diminuer à terme la productivité. Réseaux : le calorifugeage devient essentiel Puisque dans les BBC les besoins de chauffage sont réduits, la part de déperdition due aux réseaux devient plus importante qu auparavant. Ainsi, pour l ECS, il arrive que seulement 20% de l énergie soit livré au robinet, le reste étant perdu dans la production et la distribution. Les réseaux (conduits, échangeurs, vannes ) doivent faire l objet d un calorifugeage très soigné avec des épaisseurs d isolants plus importantes qu auparavant (30 mm minimum). Il faut également veiller à ce que les écartements des conduits entre eux et avec les murs soient suffisants. De même, les carottages dans les différents murs (porteurs, semi-porteurs, de refends ) doivent permettre un calorifugeage sans rupture des conduits. Il a été constaté que les réservations n étaient pas toujours prévues pour une isolation suffisante des conduits. Usage et maintenance : il faut un pilote dans l avion L étude montre que certains BBC sont très bien conçus et réalisés mais qu ils ne sont pas «pilotés». Le fonctionnement du bâtiment n étant pas optimisé, les performances sont moindres. Idem lorsque le pilotage est si complexe que les utilisateurs livrés à eux-mêmes sont démunis. Enfin l étude est très claire : peu de contrats de maintenance sont passés par les propriétaires alors que les systèmes se complexifient de plus en plus avec notamment l utilisation des EnR (énergies renouvelables). L utilisation de la VMC double flux nécessite également une maintenance plus régulière. Les équipements doivent être sous contrats de maintenance et situés dans des locaux accessibles et adaptés pour permettre une maintenance aisée et régulière. Ainsi, l'étude «REX Bâtiments performants & Risques» montre clairement que de très nombreux facteurs peuvent impacter la performance énergétique des bâtiments. Et que tout au long de la chaine, depuis la conception jusqu à l utilisation, il faut veiller à la qualité des bâtiments, de leur mise en œuvre, des choix de conception si on veut garantir une bonne performance énergétique. Et des bâtiments réellement BBC. (*) L'étude porte sur 311 constructions représentatives de l'ensemble des typologies de BBC et/ou à haute qualité environnementale (tertiaire, collectif, maison individuelle). Ces bâtiments sont implantés en zones rurales et urbaines. Cet échantillon concerne pour 38% des opérations de rénovation et couvre les huit zones géographiques concernées par la RT 2012.

4 (encadré) BBC et conséquences sur le confort L étude «REX Bâtiment performants & Risques» montre que certaines fonctions de service du bâti peuvent être impactées, notamment les conforts hygrothermique, acoustique, visuel, la qualité de l air intérieur et la qualité d usage des bâtiments. Confort hygrothermique. L étude pointe de nombreux cas concernant les surchauffes d été et d intersaison. Il arrive par exemple que le calorifugeage des ballons d eau chaude solaire soit insuffisant et génère en été des surchauffes importantes dans les locaux, d autant plus si le puisage est partiel (certains habitants étant en vacances). De même, le couplage des apports solaires avec l inertie des planchers chauffants peut générer de l inconfort thermique en intersaison. Il est préférable de privilégier des sources de chauffage réactives pour exploiter au maximum les apports solaires. Exemples de bonnes pratiques pour éviter les surchauffes : l utilisation de la ventilation naturelle traversante ou la surventilation nocturne. Confort acoustique. Dans les BBC très isolés, la perception des bruits internes est plus importante qu avant, les bruits extérieurs ne couvrant plus ceux intérieurs. D où une gêne par rapport aux équipements mais aussi entre logements (problèmes de voisinage ). Pour les équipements d ECS, les compresseurs des PAC (pompes à chaleur) génèrent un inconfort acoustique tant à l extérieur qu à l intérieur. Il faut installer ces équipements dans des locaux adaptés et isolés phoniquement. Dans les logements avec une VMC double flux, du bruit peut être entendu dans les chambres en raison du sifflement des bouches ou du bruit de moteur qui remonte par les réseaux aérauliques. Il est nécessaire de bien dimensionner l installation de ventilation et les réseaux, de bien équilibrer l ensemble et de régler correctement les débits au moment de la mise en route du système. Confort visuel. Dans certains cas, les occupants peuvent souffrir d éblouissement. Ainsi une façade peut être recouverte de treillis métalliques qui devaient servir de brise soleil lorsque la végétation aurait poussé. Mais elle n a pas poussé et la protection solaire n existe pas. D où un problème d éblouissement (et d inconfort thermique avec une surchauffe en été ). Autre exemple : la rénovation des façades de Monuments historiques avec interdiction de modifier les ouvertures. Conséquences : quand elles sont très grandes, il est difficile de limiter les apports solaires (impossible d installer des brises soleil) ; quand elles sont très petites, l éclairage naturel sera insuffisant pour être confortable. Qualité de l air intérieur. L étude souligne l importance de l encapuchonnage des gaines VMC sur les chantiers. Quand le réseau aéraulique est stocké à

5 l extérieur, de la terre et/ou des poussières peuvent venir à l intérieur des gaines. Au moment de la mise en route, ces éléments vont pénétrer dans le logement, peuvent développer des micro-organismes et polluer l air intérieur circulant dans les réseaux. Il faut donc encapuchonner tous ces réseaux aérauliques jusqu à leurs installations. Les BBC étant plus étanches à l air que par le passé, l enquête révèle que dans certains cas des phénomènes de condensation sont observés lors du chantier. Ainsi, au moment du coulage des chapes, l humidité met davantage de temps à évacuer le bâtiment et dans certains va condenser ce qui va générer des dégradations sur les matériaux (plâtre, boiseries ) et permettre le développement de moisissures. A la livraison du bâtiment, ces moisissures peuvent impacter la qualité de l air intérieur. C est pourquoi, l AQC recommande la mise en œuvre de ventilation provisoire de chantier ou de déshumidificateur pour permettre l évacuation de l eau en phase chantier et éviter les problèmes de condensation. Enfin, l enquête souligne que la présence concomitante d un poêle à foyer ouvert, d une bonne étanchéité à l air et d une VMC double flux peut être dangereuse en termes de qualité de l air et de sécurité (fumées et gaz de combustion aspirés dans le logement en cas de légère sous pression de la VMC). Il faut veiller à avoir un système de chauffage autonome et étanche à l air. Qualité d usage. Deux exemples pour illustrer comment la qualité d usage peut être impactée. D abord faire attention au poids du triple vitrage. Quand des vantaux oscillobattant de grande taille sont installés, les occupants ont du mal à bien les refermer en raison du poids. Lors de la conception, il convient de veiller à limiter la taille de ce type d ouverture. Autre exemple : les brises soleil fixes installés sur les façades. Pour nettoyer les vitres, il faut souvent les démonter. Une opération lourde surtout dans les copropriétés. D où la tentation de ne pas les remettre en place et la survenance de problèmes d inconfort visuel, voire d inconfort thermique. Conclusion L étude menée par l AQC montre que les évolutions techniques liées à la recherche de bâtiments performants ont des impacts divers et bousculent les habitudes. Les objectifs de consommation en énergie primaire des labels énergétiques et ceux de la RT 2012 induisent des modifications de conception des enveloppes des bâtiments, ainsi que la mise en œuvre d équipements innovants. Habituellement, tout changement de méthode de travail, ou toute innovation introduit de nouveaux risques sur les fonctions de service attendues par les

6 utilisateurs de ces bâtiments. Par exemple, en cherchant à sur isoler et à rendre étanches les enveloppes, les températures intérieures de confort risquent d atteindre des valeurs trop élevées par rapport aux attentes des occupants. Donc l occupant qui désire que la fonction de service «être confortable en été» du bâtiment soit respectée risque de ne pas être satisfait. Ainsi, les assureurs vont très certainement faire face à des déclarations, importantes en nombre, qui seront liées à des besoins non exprimés explicitement par les occupants mais qui «vont de soi», comme tout ce qui a trait au confort. De même que pour leurs attentes vis-à-vis du confort, les occupants s attendent à ce que le bâtiment soit économe en énergie. Cette attente n étant pas chiffrée ou cadrée, tous les éléments, relatifs à la consommation énergétique, relevés dans l étude de l AQC peuvent concourir à de nouvelles demandes de prise en charge de la part des assureurs. C est pourquoi la FFSA participe aux travaux du plan bâtiment durable. Elle est force de proposition pour qu un cadrage de ce qu est ou doit être la performance énergétique soit écrit dans un texte spécifique. (cf Socabat info n 35) Références : - Retours d'expériences dans les Bâtiments performants & Risques, - Plan bâtiment durable, -