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1 Dissertation Depuis plusieurs décennies, l'implantation de machines dans les usines de production permet un rendement beaucoup plus efficace: économie de main-d'œuvre, de temps et donc d'argent. Le robot a cet avantage de pouvoir remplacer un ouvrier dans l'exécution d'un travail simple et répétitif. Jusqu'où ce dernier peut-il cependant substituer l'homme: la machine mécanique, le robot, peut-elle remplacer efficacement la machine biologique, le vivant, dans l'exécution de tâches complexes? La réponse qui vient naturellement à l'esprit est non, affirmant et consolidant ainsi la suprématie de l'homme sur ses créations. On peut cependant objecter que la machine possède plusieurs qualités que ces derniers ne possèdent pas et qu'elle semble plus qualifiée que lui pour certaines tâches. Or, ces deux réponses sont insuffisantes et en amènent une troisième qui demande une réflexion sur un travail de coopération entre les deux. Gotthard Günther, en indiquant que toutes les fonctions sont mécaniquement reproductibles, mais que la création d'une conscience qui les reproduit toutes est impossible, car elles travailleraient toutes indépendamment l'une de l'autre 1, répond précisément à la question. Il est à noter cependant que cet auteur, ayant rédigé ces paroles en 1957, n'a pu observer le développement des machines au cours des décennies qui suivirent. Avec l'arrivée des satellites et de la technologie sans-fil, la pensée qui persiste à croire qu'une conscience ne réside que dans un seul élément est dépassée. Les différentes fonctions reproductibles seraient parfaitement capables de travailler les unes avec les autres si plusieurs programmes se chargeaient de les relier entres elles. Prenons l'exemple, datant du début d'internet, se basant sur un tel système: le programme SETI 2. Les chercheurs ne pouvant se permettre d'avoir suffisamment d'ordinateurs pour analyser toutes les données, ils conçurent un programme téléchargeable par n'importe quel utilisateur d'internet qui effectuerait les calculs à partir de leur 1 GÜNTHER, 1957, p [Search for Extra-Terrestrial Intelligence: Programme se chargeant de scruter les étoiles afin d'y trouver la vie]

2 ordinateur pour les renvoyer après au centre du SETI. Un tel exemple montre bien que chaque fonction est coordonnée par une conscience centrale, SETI, qui s'occupe, tel un cerveau, de les organiser. Dans le même ordre d'idée, une croyance persiste à dire qu'«il est moralement impossible pour qu'il y en [fonctions et organes] ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie, de la même façon que notre raison nous fait agir» 3. Là encore, on ne tient pas compte de plusieurs avancées technologiques. Le procédé de rétroaction effectue précisément cette fonction dans la majorité des problèmes qui se présentent. Ce processus amène à rétablir la situation si un problème survient dans l'exécution d'une tâche ou si cette dernière n'arrive pas à être effectuée. La rétroaction négative amène la machine à refaire une tâche, mais d'une manière opposée (tout au moins, pas de la même manière) si cette dernière a été mal effectuée 4. Un robot qui effectue une tâche particulière et qui n'arrive pas à l'exécuter visualisera à l'aide de systèmes rétroactifs comment effectuer celle-ci correctement. Ce à quoi Robinet pourrait vainement répliquer: «Jamais ces machines ne pourraient "user de parole, ni d'autres signes en les composant comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées"» 5. Encore une fois, l'avancée technologique détruit cet argument: on peut aujourd'hui répondre que des logiciels sont capables d'entretenir un dialogue 6 ou même d'offrir des traductions de texte (dans une certaine limite certes) et que ce n'est qu'une question de temps et d'argent pour qu'un programme suffisamment puissant puisse être créé afin de répondre par lui-même à cette affirmation. Une autre école de pensée tend à raisonner autrement: pour celle-ci, les robots remplaceront les hommes dans leurs tâches quotidiennes et leur métier. En effet, dès «avril 1949, le Boston Traveler lui [Wiener] offre l'occasion, [...] de mettre en garde ses contemporains contre "[...] le remplacement du 3 ROBINET, 1973, p [L'exemple d'un climatiseur peut être le meilleur: si la température est de 19 C et qu'on veut l'amener à 21 C, le climatiseur chauffera la maison. Cependant la température atteint 23 C ; le climatiseur, par rétroaction négative, tentera de corriger le problème en refroidissant la maison jusqu'à l'obtention de la température désirée.] 5 ROBINET, Idem, p Voir, un des multiples projets sur le genre, l'androïde PKD (

3 travail humain par les machines sur la chaîne d'assemblage" et le risque que "les travailleurs non qualifiés ne deviennent obsolètes" 7». Ce changement aura lieu, mais se retrouvera exemplifié exclusivement sur une chaîne de montage. On parle ici de remplacer l'humain qui, sur une chaîne de montage, aurait posé un clou ou vissé une pièce sur une automobile ; l'évolution de la robotique est encore loin d'être capable de rédiger une dissertation sur un sujet ou de faire la vaisselle 8. Lafontaine pense nous montrer la supériorité de l'homme sur la machine en affirmant qu'un des traits de l'homme est qu'il n'apprend pas, refaisant «toujours les mêmes absurdités, querelles ou échecs professionnels» 9. En s'attaquant aux défauts de l'homme, il ne mentionne pas que le robot aussi en possède de similaires, sinon identiques: un robot, comme l'homme, peut commettre des erreurs, il n'apprendra de ses erreurs que si sa programmation lui demande d'enregistrer celles-ci. L'espace mémoire étant toujours très limité, surtout si on parle d'une action complexe 10, le robot ne pourra pas se permettre d'enregistrer toutes ses erreurs, corrigeant ainsi celles-ci en l'enregistrant sur sa mémoire RAM 11, mais sitôt qu'un autre problème survient, il devra effacer cette dernière pour pouvoir compiler les informations de l'autre. Les cybernéticiens, qui tendent à penser que la machine est l'égal de l'homme sinon un être supérieur à lui, ont même tendance à humaniser les robots: selon Couffignal, l'étude de ces derniers revient à étudier l'être humain lui-même dans ses actions sur l'environnement 12. Certes, on peut observer des similitudes entre les deux, mais étudier les mécanismes utiles à effectuer une tâche d'un robot n'est qu'un mince aperçu des systèmes beaucoup plus complexes de l'être vivant ; enregistrer une série de données en leur attribuant une valeur de 0 ou de 1 n'équivaut pas à la complexité d'un système neuronal et mémoriel. 7 TRICLOT, 2008, p [L'exemple du plongeur est un exemple de travailleur moyennement qualifiée. Théoriquement ce dernier devrait être au courant des règles d'hygiène et salubrité.] 9 LAFONTAINE, 2004, p [l'espace mémoire coûte cher et se rempli très rapidement, des actions complexes (par exemple lever une boîte et la transporter dans un camion) peut prendre une place équivalente à un ordinateur car plusieurs facteurs doivent être pris en compte (distance à parcourir, poids et taille de la boîte, position initiale et finale de la boîte,...)] 11 [ou mémoire vive, mémoire qui peut être modifiée et éventuellement effacée] 12 COUFFIGNAL, 1980, p.80

4 Cependant, si ni la machine, ni l'homme ne semblent être en fonction d'effectuer le mieux une tâche, qui l'est? Une voie que peu de cybernéticiens ouvrent est celle du robot assisté par l'homme, soit le rôle qu'a la machine présentement dans notre société. Qu'elle effectue une tâche répétitive ou s'occupe de régulariser la production, en cas de problème dépassant le programme, l'humain est toujours derrière pour intervenir. L'homme augmenté, le cyborg, pourrait aussi être une piste de solution ; ce dernier fut imaginé avant même la naissance officielle de la cybernétique 13 et ne semble pas avoir trouvé de développement autre que dans quelques applications militaires 14. Pourtant, l'homme et son diable est un parfait exemple de cyborg réduit à sa plus simple expression. Plusieurs métiers, pensons à la construction, l'ingénierie, etc., pourraient bénéficier d'un tel apport, la machine guidant les mouvements de l'homme, évaluant les charges, donnant un coup de main pour la poussée 15 ; de l'autre côté, l'homme pourrait guider la disposition finale des poids, classer ces derniers et minimiser les risques d'erreurs. D'autres applications de ces augmentations mécaniques se retrouvent en médecine ou astronomie ; dans les soins infirmiers, on retrouve les prothèses, qui remplacent des bras ou des jambes perdus, des cœurs artificiels, des appareils auditifs et maintenant aussi visuels, qui permettent de retrouver un sens perdu ou trop endommagé. Dans l'astronomie, on s'en sert pour guider les robots afin de recueillir des échantillons ou pour équiper un astronaute dans une sortie dans l'espace pour réparer sa navette ou encore marcher sur la Lune. Finalement, la machine peut agir consciemment sur son environnement avec suffisamment de précision pour exercer son action à plusieurs niveaux sur ce dernier sans commettre d'erreurs qu'elle ne peut corriger par la suite. Cependant, elle ne pourra jamais remplacer parfaitement l'humain dans une tâche beaucoup plus complexe, dû notamment à un manque de mémoire qui le rendra insuffisant pour 13 LAFONTAINE, 2004, p [Multiplicateurs de force, boucliers, précision de visée,... J'expliquerais plus loin qu'il y a d'autres applications, mais celles-ci ne sont jamais, ou très rarement, développées dans un cadre de recherche cybernétique.] 15 [Terme spécialisé de physique: PHYS. Pression exercée par un corps pesant sur un autre et tendant à le déplacer. Poussée horizontale, verticale (Nouveau petit Le Robert, 1993). À ne pas confondre avec les autres sens.]

5 la tâche. La tâche complexe s'effectue donc le mieux en combinant les efforts les plus rentables des deux parties en cause. Le cyborg, qui trouve déjà plusieurs applications dans notre société actuelle, est promu à un plus brillant avenir, car il combine l'imagination et la mémoire du vivant avec la logique et la force du robot. Il serait peut-être temps de laisser tomber l'avenir des robots de Wiener et la création de systèmes tellement complexes qu'une vie de cybernéticien suffit tout juste à concevoir pour se concentrer sur l'aide que la machine peut fournir à l'homme en tant qu'unité 16. Bibliographie Uniquement les ouvrages cités dans cette dissertation (1963), COUFFIGNAL, Louis, la Cybernétique, Vendôme (France), Presses Universitaires de France, 1972, 125 pages. (1957), GÜNTHER, Gotthard, la Conscience des machines ; une métaphysique de la cybernétique suivi de «Cognition et Volition», France, L'Harmattan, 2008, 279 pages. (?), HEYLIGHEN, Francis, «Web dictionary of cybernetics and systems» [En ligne], (page consultée le 29 janvier 2010). (2004), LAFONTAINE, Céline, l'empire cybernétique ; des machines à penser à la pensée machine, France, Seuil, 2004, 236 pages. (1973), ROBINET, André, le Défi cybernétique, France, Gallimard, 1973, 232 pages. (2008), TRICLOT, Mathieu, le Moment cybernétique, Lonrai (France), Champ vallon, 2008, 422 pages. 16 [Ici jeu de mot sur le mot unité qui signifie aussi en cybernétique: l'état unique nécessaire pour l'existence dans un domaine donné (HEYLIGHEN, date inconnue, [en ligne]). Je crois qu'un jeu de mot est permis dans une dissertation dans son envoi...]