dossier (p.95) Sclérose en plaques Coordonné par Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen l exemple de la cohorte Bionat - David Brassat
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- Danièle Larose
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1 R e v u e p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n n e u r o l o g i e Dialogue Douleur Entretien avec Michel Lantéri-Minet, Président de la SFETD (Société Française d Etude et de Traitement de la douleur) p. 88 d Savoir y penser Les symptômes cognitivoformes Quelle place dans la pratique neurologique? p. 92 Catherine Thomas-Antérion et Frédéric Dubas Mise au point Imagerie et traitement chirurgical de l épilepsie partielle pharmacorésistante La place de l IRM et des nouvelles techniques d imagerie p. 123 Charles Mellerio dossier (p.95) Sclérose en plaques 2 e partie - la biologie Coordonné par Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen 1 Les anticorps neutralisant l interféron-bêta : quelle signification? Faut-il les doser? - Emmanuelle Le Page, Catherine Massart et Gilles Edan 2 Les anticorps NMO-IgG : un marqueur de la neuromyélite optique - Nicolas Collongues 3 Place des biomarqueurs dans la sclérose en plaques : marqueurs actuels et perspectives - Laure Michel 4 Biomarqueurs et traitements de la sclérose en plaques : pharmacogénétique, l exemple de la cohorte Bionat - David Brassat Mars 2012 Volume 15 n E
2 R e v u e p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n n e u r o l o g i e Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu Rédactrice : Violaine Colmet Daâge Secrétaire de Rédaction : Annaïg Bévan Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani Assistante de Production : Cécile Jeannin Chef de Studio : Laurent Flin Chef de publicité : Emmanuelle Annasse Service Abonnements : Claire Lesaint Impression : Imprimerie de Compiègne Compiègne Pr Franck Semah (Lille). Rédacteur en chef Comité de rédaction Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris). Comité de lecture Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), Dr Florent Borgel (Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy), Comité scientifique Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-François Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), Pr Olivier Lyon-Caen (Paris), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr Jean- Pierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris) Neurologies est une publication Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai Paris - Tél. : Fax : neurologies@expressions-sante.fr RCS Paris B N de Commission paritaire : 0112 T ISSN : Mensuel : 10 numéros par an Les articles de Neurologies sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. sommaire Mars 2012 Vol. 15 N n ActualitÉs p. 87 n dialogue Douleur : entretien avec Michel Lantéri-Minet, président de la SFETD (Société Française d Etude et de Traitement de la Douleur) p. 88 n Savoir y penser Les symptômes cognitivoformes : quelle place dans la pratique neurologique? p. 92 Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne) et Frédéric Dubas (Angers) n Dossier p. 95 Sclérose en plaques 2 e partie - la biologie Dossier coordonné par Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen Quelle place pour la biologie dans le futur de la sclérose en plaques?.. p. 95 Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen (Nice) 1 n Les anticorps neutralisant l interféron-bêta : quelle signification? Faut-il les doser? p. 96 Emmanuelle Le Page, Catherine Massart et Gilles Edan (Rennes) 2 n Les anticorps NMO-IgG : un marqueur de la neuromyélite optique p. 103 Nicoles Collongues (Strasbourg) 3 n Place des biomarqueurs dans la sclérose en plaques : marqueurs actuels et perspectives p. 110 Laure Michel (Nantes) 4 n Biomarqueurs et traitements de la sclérose en plaques : pharmacogénétique, l exemple de la cohorte Bionat p. 117 David Brassat (Toulouse) n mise au point Traitement chirurgical de l épilepsie : place de la neuroimagerie IRM p. 123 Charles Mellerio (Paris) n Bulletin d abonnement p. 116 n Petites annonces p. 122 n Rendez-vous de l industrie p. 132 n Congrès : quand Soumettre vos abstracts?..... p. 132 n NeuroAgenda p. 133 Assemblés à cette publication : 2 bulletins d abonnement (2 pages et 4 pages). Cette publication comporte une surcouverture Novartis de 2 pages Encart Lancia jeté (12 pages). Photos de couverture : JPC-PROD - Fotolia
3 actualités Alzheimer : nouveau taux de remboursement A compter du 15 mars 2012, le taux de remboursement d Aricept, Ebixa, Exelon et générique (Rivastigmine Elan), et Reminyl passe de 65 % à 15 %. Le taux de participation de l assuré est donc désormais de 85 %. Cette mesure fait suite à la réévaluation par la HAS du Service Médical Rendu de ces spécialités. Pour en savoir plus : EN BREF Rupture de stock de Di-Hydan En raison d une rupture d approvisionnement de Di-Hydan 100 mg, compr sécable (phénytoïne) pour une durée indéterminée, l Afssaps met à disposition une spécialité comparable disponible en Belgique : Diphantoine 100 mg, comprimé quadrisécable (phénytoïne sodique), du laboratoire Kela Pharma, qui ne sera distribuée qu auprès des pharmacies hospitalières, pouvant néanmoins la délivrer aux patients ambulatoires. Stablon réévalué La Commission d AMM indique que le rapport bénéfice/risque de Stablon (tianeptine, Servier, épisodes dépressifs majeurs), reste favorable sous réserve de mesures destinées à limiter le risque d abus et pharmacodépendance (notamment renforcement et sécurisation des conditions de prescription et délivrance), et d information des professionnels de santé et patients. L impact de ces mesures sera évalué à un an. Parkinson Plan Parkinson Suite au lancement du programme d actions Parkinson en juillet 2011, un Comité de pilotage interministériel réunissant les représentants des ministères de la Santé, de la Recherche, des Solidarités et de la Cohésion sociale, de l AP-HP, de la CNAMTS, de la HAS, de France Parkinson et de la Fédération française des groupements de parkinsoniens a été créé. Il permet de mobiliser l ensemble des acteurs concernés et de préciser les modalités opérationnelles d atteinte des 20 mesures issues des propositions du Livre blanc élaboré par les associations. Le Plan national d actions Parkinson est officiellement Pharmacovigilance Le point sur Tysabri LAfssaps a fait le point au 18 février sur les cas de LEMP sous Tysabri : 20 en France, dont 4 fatals (sur environ patients traités depuis la mise sur le marché). Les facteurs de risque : traitement antérieur par immunosuppresseur, quelle que soit la durée du traitement par Tysabri, présence d Ac antivirus JC, durée du traitement par Tysabri (risque majoré si > 24 mois). L Afssaps rappelle que les patients doivent être informés de ce risque avant le début du traitement et après 2 ans si le traitement est poursuivi. Une IRM doit être réalisée dans les 3 mois précédant l instauration, puis annuellement. Il faut être attentifs à l apparition ou l aggravation de symptômes évocateurs de LEMP : Epidémiologie Etat des lieux des AVC en France Le rapport de la DREES 2011 L état de santé de la population française publie un chapitre sur les AVC, 1 re cause de handicap moteur de l adulte, 2 e cause de démence, 3 e cause de mortalité (env décès en 2008, 22,1 % des décès par maladie de l appareil circulatoire), et l une des causes d hospitalisation en urgence mobilisant le plus de ressources. Selon le Registre français des AVC, les taux standardisés d incidence n ont pas diminué entre 1985 et 2009, en partie en raison de la plus grande sensibilité des moyens diagnostiques et, pour les dernières années, de l élargissement de la définition des AVC. On observe une diminution des taux standardisés d hospitalisation pour AVC entre 2000 et 2007 (-5,8 %). Pour les causes médicales mis en place. Dans ce cadre, les actions prioritaires sont focalisées sur une structuration de l offre hospitalière à deux niveaux d intervention : un niveau interrégional de coordination des acteurs, reposant sur 7 centres interrégionaux de coordination et un niveau régional de mobilisation et de coordination de la filière de soins au plus près des malades pour assurer la continuité des soins entre l hôpital et le domicile. Il s agira aussi de mobiliser les ARS et les acteurs du secteur médicosocial, pour compléter le dispositif de prise en charge, ou encore élaborer et diffuser une mallette d information sur la maladie. ß troubles cognitifs, psychiatriques ou visuels. Les 1 ers symptômes peuvent être difficiles à différencier d une poussée. Or, le pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de sa prise en charge. En cas de suspicion, le traitement doit être immédiatement suspendu. En cas de LEMP, des séances d échange plasmatique ou d immunoadsorption accélèrent l élimination du natalizumab (mais sans efficacité établie à ce jour). De façon quasi constante, un syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire (IRIS), pouvant aggraver l état du patient, est observé quelques jours ou semaines après arrêt du traitement et réalisation des échanges plasmatiques, avant amélioration. ß de décès, on observe une diminution continue (et ancienne) des taux standardises de décès pour maladies cérébrovasculaires (-50 % entre 1990 et 2008 et -28 % entre 2000 et 2008), et des disparités géographiques importantes : taux de décès élevés en Réunion, Guyane, Nord-Pas-de Calais, Bretagne, Picardie et Haute-Normandie. Le BEH du 6 mars montre une augmentation alarmante chez les plus jeunes : pour les hommes, +15,7% chez les ans, +18,5% ans, +13,1% ans, +5,8% ans ; pour les femmes : +20,8% chez les ans,+23,4% ans, +27,9% ans, +17,7% ans. Plus de personnes ont été hospitalisées : pour AVC et pour AIT. ß Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro
4 Dialogue Douleur : entretien avec Michel Lantéri-Minet Les missions de la SFETD n Le point avec Michel Lantéri-Minet, président de la Société Française d Etude et de Traitement de la Douleur, à l issue de son dernier congrès (Paris, 19 novembre 2011) sur les objectifs, les actions et les perspectives de la SFETD. Neurologies : Lors du précédent congrès de la SFETD qui s était tenu à Marseille, vous avez été élu Président de cette société. Pouvez-vous nous faire un bref bilan de ce qui s est passé depuis cette date? Michel Lantéri-Minet : La Société, qui a fêté l an dernier ses 10 ans d âge, est donc aujourd hui bien organisée, performante et efficace. Depuis un an, date du renouvellement du conseil d administration et de son bureau, nous avons toutefois organisé deux séminaires de réflexion afin de définir les orientations futures que nous souhaitions lui donner. Il nous a paru en effet nécessaire de renforcer certains objectifs déjà existants, et d en créer de nouveaux. Parmi les premiers, je citerai le référencement nécessaire de la Société comme seul interlocuteur reconnu par les pouvoirs publics pour la prise en charge de la douleur chronique : ainsi a-t-il été accepté par la DGOS que les correspondants régionaux de la SFETD, mis en place au prix d un énorme travail depuis 6 ans sous l impulsion d Alain Serrie, ancien Président, soient considérés comme référents pour les différentes ARS. Un autre élément positif de la représentativité institutionnelle est le fait que, pour le futur programme douleur de l action ministérielle, notre société ait été très rapidement contactée, afin que nous puissions intégrer officiellement le groupe projet auprès des responsables de la DGOS. Il existe indéniablement un gros effort à fournir pour le développement des recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Notre rôle est en effet de fournir des standards utiles à la communauté des praticiens français, en établissant des textes précis qui ne soient pas des traductions de guidelines d origine américaine ou autre. Nous avons ainsi commencé un programme d actualisation, en partenariat avec la Société Française d Etude des Migraines et des Céphalées ainsi qu avec l Association des Neurologues de Langue Française, dans le domaine de la céphalée chronique quotidienne et débuté la rédaction de recommandations concernant l anesthésie locorégionale dans la douleur chronique en partenariat avec la Société Française d Anesthésie et Réanimation. D autres projets sont actuellement examinés. Il n est pas toujours facile de les mettre en œuvre, dans la mesure où nous souhaitons travailler en partenariat avec d autres sociétés savantes, ce qui implique en général une étape préalable de préparation. Neurologies : Toutes les spécialités considèrent effectivement l établissement de recommandations comme un élément essentiel de la pratique médicale. Il semble bien néanmoins que la finalisation de celles-ci passe désormais plus souvent par les sociétés savantes que par les instances officielles MLM : Les recommandations de bonnes pratiques professionnelles nous posent problème : souhaitonsnous obtenir un aval de la HAS? Personnellement, cela me semble important, mais il devient de plus en plus difficile de développer un projet et d obtenir a posteriori un label de la HAS. Le cahier des charges est par- 88 Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro 146
5 douleur : Entretien avec Michel Lantéri-Minet ticulièrement développé, et d une telle lourdeur qui le rend particulièrement difficile à mettre en œuvre. Par ailleurs émerge aujourd hui de manière cruciale le problème des conflits d intérêts, sur lequel la HAS est particulièrement vigilante ; sa rigueur est telle qu il va devenir difficile de trouver des experts qu elle puisse agréer. De ce fait, on tente de plus en plus de créer des recommandations en accord avec les experts des sociétés savantes intéressées. Neurologies : Quelles autres impulsions ont été données depuis un an? MLM. : Le temps me manque pour citer les actions que nous avons entreprises dans différents domaines. Nous avons par exemple décidé de privilégier l interface avec les associations d usagers, et d accorder une priorité à la thématique de l éducation thérapeutique, qui nous paraît essentielle. Nous avons aussi initié un programme d aide aux nouveaux jeunes collègues engagés dans le DESC Médecine de la douleur - Médecine palliative. Notre politique est basée sur une volonté d ouverture : nous nous sommes ainsi rapprochés du réseau recherche national de l INSERM sur la douleur et le programme des Journées Thématiques Douleur sera désormais élaboré en tenant compte des souhaits d autres sociétés savantes. Par ailleurs, nous restons en contact permanent avec les autorités de santé : comme je l ai dit, nous avons été conviés comme partenaire à part entière à l évaluation du plan douleur et à l élaboration du futur programme national d actions douleur , qui devrait être finalisé au printemps de cette année. Et la liste n est pas exhaustive. Neurologies : Pouvons-nous évoquer les orientations du dernier congrès de la SFETD? Et quelles sont les perspectives? MLM : En premier lieu, nous avons décidé d en changer le format, en abandonnant l idée d un thème unique. Ainsi, pour cette année, 4 axes de réflexion ont été retenus par le Comité scientifique présidé par Serge PERROT : 1. Placebo et empathie : comment la douleur parle à l esprit ; 2. Quelle place pour les opioïdes dans le traitement de la douleur? ; 3. Peut-on prévenir la douleur? ; 4. Douleur de la personne vulnérable. Nous avons par ailleurs privilégié l ouverture à des orateurs internationaux, en instaurant un service de traduction en temps réel, afin de faciliter échanges et discussions. La deuxième nouveauté est la mise en place d un forum de discussion sur l évolution des structures de prise en charge de la douleur chronique, en s appuyant sur le rapport d évaluation du 3 e Plan douleur du gouvernement ( ). La troisième nouveauté de ce congrès a été la mise en place d une session spécifiquement dédiée à la recherche translationnelle dans le domaine de la douleur. La SFETD met en effet en place un partenariat avec le réseau INSERM-Douleur, les instances dirigeantes de cette institution estimant comme indispensable de faciliter les échanges entre les cliniciens et les fondamentalistes. A l évidence, jusqu à ce jour, le monde de la recherche médicale en France, dans le domaine de la douleur comme dans les autres, apparaît aux yeux des étrangers comme particulièrement cloisonné. A l évidence, la recherche est encore aujourd hui trop dominée essentiellement par les molécularistes, dont les axes de recherche sont souvent orientés de manière trop restreinte, parfois sur un seul des systèmes de régulation de la douleur ou même sur un seul canal ionique. Face à ceux-ci, les cliniciens se sont rapprochés des physiologistes et ont largement ouvert le domaine de recherche en essayant d apprécier les voies de modulation dans leur globalité. Des physiologistes eux-mêmes commencent à s intéresser, chez l animal, aux interactions avec l anxiété, qui sont analogues à celles que nous rencontrons en clinique. Pour cette raison, nous avons organisé au sein de ce congrès des ateliers, ou workshops permettant une rencontre des uns et des autres, et des échanges fructueux à plus ou moins long terme. Le succès de ces sessions nous incite vivement à les reconduire l an prochain. Dans le même esprit, nous avons lancé un appel d offres pour stimuler les travaux de recherche dans le domaine de la douleur. La dotation n est pas négligeable, puisque le montant de la bourse proposée est de Mais nous serons intransigeants sur la qualité du travail présenté : il devra s agir de projets originaux, menées selon les bonnes pratiques, axés aussi bien sur des thématiques cliniques que fondamentales avec des perspectives cliniques. Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro
6 Dialogue Cette orientation vers la recherche translationnelle doit servir à étayer la qualité de notre congrès, qui a désormais atteint sa phase de maturité et représente un événement national annuel. Nous devons rester sur le standard d un vrai congrès scientifique, tout en respectant sa dimension pluriprofessionnelle : psychologues et infirmiers, par exemple, sont à l évidence intéressés par des problématiques spécifiques Je pense que, pour l avenir, nous aurions intérêt à faire venir des professionnels non médecins, souvent très impliqués dans le traitement de la douleur, particulièrement à l étranger. C est le cas, pour ne citer qu elles, des nurses nord-américaines ou canadiennes ; les kinésithérapeutes aussi ont également beaucoup à dire sur le sujet : cette pratique pourrait être une formidable motivation pour un meilleur partage interdisciplinaire Neurologies : Compte tenu de toutes ces orientations nouvelles, quel est le bilan du dernier congrès de la SFETD? MLM. : Cela a été un grand succès. Une courbe de fré- quentation en constante augmentation fait que nous approchons des participants, ce qui constitue une dynamique stimulante. L audience dans les sessions plénières a été telle que nous avons été techniquement débordés : nous avons été obligés de louer en urgence 200 appareils supplémentaires de traduction simultanée. Je crois que nous avons réussi à garder un équilibre entre les sessions plénières, où tout le monde se réunit, essentiellement consacrées à l évocation des thèmes généraux de haut niveau scientifique, et les espaces plus restreints où chacun peut avoir la chance de se consacrer davantage aux sujets plus spécifiques. Nous allons tenter pour 2012 d accentuer cette tendance, en mettant en place les sessions plénières de manière systématique le matin, les après-midi étant réservés aux activités plus focalisées. Par ailleurs existent déjà un forum infirmier, un forum sciences humaines, un forum sur les structures organisationnelles Nous aimerions étendre cette formule à d autres thématiques : par exemple, mettre en place en 2012 un forum dédié à la pédiatrie et un forum douleur en rhumatologie, dans le cadre du CEDR (Cercle d Etude de la Douleur en Rhumatologie). n Propos recueillis par Michel Bodin Neurologies et les revues du Groupe Expression sur le web d d d d d d d d les derniers numéros feuilletables en ligne, les archives des revues (articles en pdf, revues en version numérique), les numéros spéciaux dédiés aux congrès français et internationaux, et les suppléments, les actualités, régulièrement mises à jour, les agendas des congrès, en France et dans le monde, les petites annonces, consultation et multidiffusion des annonces sur les sites des revues et sur offres-sante.fr, les newsletters mensuelles, et bien d autres rubriques Abonnez-vous à l une des revues et accédez aux archives de tous les magazines et feuilletez les numéros en ligne *L abonnement à l une des revues du Groupe Expression vous permet de bénéficier d un accès illimité et gratuit à l intégralité des sites du Groupe Expression : *Accès gratuit réservé aux abonnés Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro 146
7 Savoir y penser Les symptômes cognitivoformes Quelle place dans la pratique neurologique? n Le symptôme cognitivoforme (SCF), formation de l inconscient (comme le rêve) à partir des éléments de l histoire du sujet, repose, de la même façon que le symptôme somatomorphe (SSM), sur deux éléments principaux : les incohérences ou discordances sémiologiques et la disproportion entre la plainte (ou le déficit cognitif) et son retentissement. Une pratique clinique de la neurologie, de la médecine en général, peut être sous-tendue et par la médecine scientifique et par certains concepts psychanalytiques. Il n y a là aucune incompatibilité. Bien au contraire, il y a complémentarité entre deux canaux d écoute, l un pour la sémiologie neurologique et l autre pour le discours du sujet de l inconscient. Catherine Thomas-Antérion* et Frédéric Dubas** La classification du DSM IV- TR a abandonné le terme d hystérie et distingue les troubles somatoformes (conversion et somatisation), l amnésie dissociative et la personnalité histrionique (1). Le terme de symptôme somatomorphe (SSM) peut être préféré à celui de trouble somatoforme : somatoforme est une chimère gréco-latine et trouble méconnaît la dimension du sens. Un certain nombre d articles neurologiques anglosaxons a récemment souligné leur fréquence dans l exercice neurologique (de 10 à 30 %), l enjeu médico-économique et le pronostic défavorable dans le temps, ce d autant que le diagnostic a été tardif (2-6). Or le diagnostic de SSM doit pouvoir être un diagnostic positif et non plus seulement un diagnostic d élimination (6, 7). * CM2R-Unité de Neuropsychologie, CHU de Saint-Etienne. ** Département de Neurologie, CHU d Angers. Le cerveau est certes du soma, mais un soma suffisamment singulier pour que nous proposions de dénommer les symptômes somatomorphes à expression cognitive (langage, mémoire, attention, etc.) d un néologisme : symptôme cognitivoforme (7). Le cas de Madame Soulier 1 Madame Soulier, 56 ans, aide-soignante, consulte pour «2 plaintes de mémoire». Elle oublie «tout ce qui est survenu avec (ses) enfants : le premier cela va encore mais celui qui a 19 ans, (elle) ne se souvient de rien et c est triste». Depuis «quelque temps», elle oublie «au travail et avec (sa) mère. (Elle) n est pas triste et n a pas de souci». L examen neuropsychologique étant normal, le médecin lui pose quelques questions. 1 Le patronyme a été modifié en restant proche du patronyme du sujet. Voit-elle souvent sa mère? «Tous les jours ; la pauvre est très isolée». Alors qu elle avait 15 ans et encore 2 frères très jeunes, sa mère est partie «sans explication, disparue» : alors (elle) «a été habiter chez le père et a servi de maman». Il y a 20 ans, enceinte de son 2 e fils, elle a recherché sa mère et l a «retrouvée».mais sa mère est «une personne exigeante et personne n a voulu la voir! Moi, j ai pu parce que je ne lui ai jamais demandé pourquoi elle était partie! Moi, je ne cherche pas à savoir. Je ne pose pas de questions». Le médecin l interroge sur son travail. Elle a un poste aménagé de nuit après «plus de deux ans d arrêt de travail, pour des talalgies : les deux pieds horribles ne me tenaient plus. Cela me broyait et (sa) mère, la pauvre, elle ne tenait plus debout aussi : elle avait les ulcères variqueux 92 Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro 146
8 Les symptômes cognitivoformes et des jambes horribles». Cela «a fini par passer» : au bout de deux ans, «il fallait que je travaille sinon je perdais tout». Le médecin l interroge sur sa mémoire et lui demande incidemment comment va celle de sa mère. Depuis quelque temps, «justement elle se répète beaucoup» et Mme S. demande alors si on peut «lui expliquer ce qu elle a» (sa mère!). Le neurologue se contente de l informer des services d aide à la personne et Mme S. ne s en froisse pas, bien au contraire, posant beaucoup de questions pratiques. Savoir que ces aides existent est un premier pas et une réponse à sa question. Les symptômes cognitivoformes Les symptômes cognitivoformes, comme les symptômes somatomorphes, reposent sur deux éléments principaux, bien connus, que sont : d une part, les incohérences ou discordances sémiologiques ; et, d autre part, la disproportion entre la plainte (ou le déficit cognitif ou le signe) et son retentissement. La situation présente est caractéristique : une plainte suffisamment insolite pour être entendue contraste avec un examen neuropsychologique normal. Parfois, celui-ci peut être perturbé et, comme dans la situation d un symptôme moteur ou sensitif, il est alors généralement incohérent, voire exagérément perturbé. S il est parfois difficile d exclure un élément d amplification, les sujets sont très différents des simulateurs dont la plainte est revendicatrice et les bilans très hétérogènes. L association des SCF et des SSM est extrêmement fréquente. L entretien doit les rechercher. Mme S. a dans son passé un SSM douloureux qui a duré 2 ans. La résolution des symptômes SM ou CF survient parfois après un temps long pendant lequel le symptôme peut fluctuer, ce qui conduit alors à revoir les sujets et à prescrire éventuellement de nouveaux examens. Concernant la douleur des talons, la patiente précise que «cela a fini par passer». La situation la plus difficile à distinguer des SCF est celle de l anxiété. Les sujets anxieux se «plaignent beaucoup» et ont le plus souvent un examen neuropsychologique normal. Ils n ont pas une plainte intrigante, bizarre, insolite. Par ailleurs ils ont des symptômes anxieux ; les comorbidités étant fréquentes, cela ne suffit pas toutefois pour affirmer le diagnostic. Surtout, leur plainte est prolixe et détaillée et les sujets évoquent notamment avoir du mal à se concentrer, à faire deux choses à la fois et vivre des trous de mémoire très inquiétants (1). Les SSM et les SCF, formation de l inconscient (comme le rêve), ne révélant pas (ou pas seulement) une lésion somatique avec laquelle ils peuvent entretenir des liens complexes, se forment surtout à partir des éléments de l histoire du sujet (8). A partir de soubassements liés notamment à l histoire de vie, les SSM et SCF saisissent toute occasion pour se manifester. Le fait que le sujet énonce un événement personnel douloureux ne conduit pas pour autant à porter le diagnostic de SSM ou un SCF. Une décompensation anxieuse entraînant la survenue de troubles cognitifs au décours d une difficulté personnelle est loin d être rare. Par contre, l association d un symptôme insolite et d un réseau de signifiant repéré dans le discours permet d évoquer le diagnostic de SSM ou de SCF. L écoute du réseau de signifiants Il nous semble possible, sans être psychanalystes et en exerçant dans le dispositif scénique et dans les coordonnées tout à fait habituelles de la médecine dite somaticienne (avec la sémiologie médicale comme référentiel d interprétation des symptômes somatiques et cognitifs), de montrer que la psychanalyse constitue le cadre d écoute le plus fécond pour l approche, en médecine, des symptômes somatomorphes et cognitivoformes (9). Nous pensons qu il est possible de repérer - au moins dans un certain nombre de cas - un réseau de signifiants, permettant d affirmer le diagnostic sans méconnaître que le symptôme peut entretenir des liens avec une lésion/occasion somatique (7). Le recueil de ces données permet de limiter les examens, d inviter le sujet à construire sa propre lecture (en se gardant bien de le faire à sa place) et en le rassurant, en parlant de levée possible du trouble fonctionnel (terme ordinairement bien compris par les sujets qui l évoquent souvent d eux-mêmes) ou au moins d amélioration. Mme S. raconte - comme il est fréquent de le constater - que les talalgies et la boiterie qui y étaient associées se sont résolues spontanément. L écoute de la situation La clinique Le symptôme est très rapidement exposé : oubli au travail et avec la Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro
9 Savoir y penser mère qui justement oublie aussi, sans l abondance de détails qu aurait marqué le discours d un sujet anxieux. On note un récit d amnésie rétrograde dont le caractère disproportionné et bizarre (oublie ses enfants et surtout le deuxième) suggère d emblée un SCF. L entretien met en évidence un antécédent de SSM. Il est impossible en si peu de temps de connaître la personnalité de la patiente. Dans le temps de la consultation, elle n est pas indifférente (10), théâtrale ou anxieuse ; tout au plus se qualifie-t-elle de rigoureuse dans son travail. Le réseau de signifiants Il est aisé de repérer la place que la mère occupe dans le discours. La mère a disparu puis a été retrouvée, en ne voulant rien savoir de son histoire, la mère avec qui elle oublie. Mme S. a 2 enfants dont elle n a pas de souvenirs, surtout son deuxième enfant, dont elle était enceinte lorsqu elle a retrouvé sa mère. Elle a servi à 15 ans de petite maman au père. Le chiffre 2 scande son discours : 2 plaintes de mémoire, 2 frères, 2 fils, enceinte de son deuxième fils, 2 ans de talalgies. Aide-soignante (figure maternelle), elle est reclassée de nuit, ce qui lui permet de soigner la journée sa mère. Elle va jusqu à épouser les symptômes de sa mère : jambes et pieds horribles. De plus, Mme S. demande des explications sur la mémoire de sa mère alors qu elle consulte pour sa propre mémoire. Tous ces éléments suggèrent une identification imaginaire. Le même adjectif horrible est utilisé pour qualifier les ulcères variqueux de sa mère et ses talalgies. Une proposition d interprétation Dans le discours, nous notons la place du départ (la confusion des rôles), l impossibilité d envisager tout ce qui pourrait l écarter une deuxième fois de sa mère : s envisager à son tour comme mère (symboliquement elle oublie les souvenirs des enfants), avoir un compagnon (elle est «tout à fait seule depuis 13 ans» précisera-t-elle), exercer un travail de jour (est reclassée la nuit), et au point d avoir pendant 2 ans un symptôme qui limite les déplacements et la maintient donc auprès de sa mère. La seule résolution possible de la difficulté psychologique semble être la fusion. Encore petite fille dévouée à sa maman, il est possible qu elle puisse ainsi vouloir oublier cette période qui a marqué la fin de son enfance. L expression «servi de maman» est énoncée sans que le médecin ne la relève. L accompagnement thérapeutique L objectif n est pas la disparition à tout prix de la plainte mnésique mais on peut encourager Mme S. à récupérer. Le terme de symptômes fonctionnels cognitifs, plus compréhensible que celui de SCF, est énoncé. La patiente d ellemême, traduit : «C est comme les pieds!». Lorsque Mme S. interroge le médecin sur sa mère, celui-ci suggère la possibilité (mais pas l obligation) de s autoriser une mise à distance en évoquant «les services d aide à la personne». A aucun moment Mme S. ne posera de questions quant au devenir de sa propre mémoire ou ne fera explicitement de lien entre sa mémoire et celle de se mère. Le médecin ne le fait pas à sa place et juge inopportun la proposition d une psychothérapie. Aucun examen complémentaire n est prescrit. En conclusion Une approche clinique issue de la psychanalyse peut conforter le diagnostic de symptôme somatomorphe (et de SCF) et, surtout, permettre un type d écoute et d accompagnement thérapeutique nourris de sens et pas seulement guidés par une interprétation de bon sens et par un objectif de disparition ou de soulagement du symptôme à tout prix (11-13). Une pratique clinique de la neurologie, de la médecine en général, peut être sous-tendue et par la médecine scientifique et par certains concepts psychanalytiques. Il n y a là aucune incompatibilité. Bien au contraire, il y complémentarité entre deux canaux d écoute, l un pour la sémiologie neurologique et l autre pour le discours du sujet de l inconscient (7). n Mots-clés : Symptôme cognitivoforme, Troubles somatomorphes, Inconscient, psychanalyse, Cognition, Anxiété Bibliographie 1. APA. Diagnostic and statistical manual of mental disorder, 4th eds. du symptôme somatomorphe. Paris : Les Belles Lettres, Washington, DC : American Psychiatric Association, Freud S, Breuer J. Etudes sur l Hystérie (1895). Paris : PUF, Aybek S, Kanaan RE, David AS. The neuropsychiatry of conversion disorder. 9. Freud S. Conseils aux médecins. La technique psychanalytique (1912). Curr Opin Psychiatry 2008 ; 2 : Paris : PUF, Fink P, Steen Hansen M, Sondergaard L. Somatoform disorders among 10. Stone J, Smyth R, Carson A. La belle indifference in conversion symptoms first-time referrals to a neurology service. Psychosomatics 2005 ; 46 : and hysteria: systematic review. Br J Psychiatry 2006 ; 188 : Kanaan R, Armstrong D, Barnes P, Wessely S. In the psychiatrist s chair: 11. Stone J, Sharpe M, Rothwell PM, Warlow CP. The 12 year prognosis of how neurologists understand conversion disorder. Brain 2009 ; 132 : unilateral functional weakness and sensory disturbance. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2003 ; 74 : Stone J, Carson R, Duncan R et al. Symptoms unexplained by organic 12. Kroenke K. Efficacy of treatment for somatoform disorders: a review of disease in 1144 new neurology out-patients. Brain 2009 ; 132 : randomized controlled trials. Psychosom Med 2007 ; 69 : Friedman JH, La France WC. Psychogenic disorders. Arch Neurol 2010 ; 13. McKeon A, Ahlskog JE, Bower JH et al. Psychogenic tremor: long-term : prognosis in patients with electrophysiologically Neurologies Mars 2012 confirmed vol. 15 disease. numéro Mov Dubas F, Thomas-Antérion C. Le sujet, son symptôme, son histoire. Etude Disord 2009 ; 24 : 72-6.
10 Sclérose en plaques 2 e partie La biologie Dossier coordonné par Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen Quelle place pour la biologie dans le futur de la sclérose en plaques? Diagnostiquer une sclérose en plaques dès (ou avant?) les premières manifestations cliniques à l aide d un prélèvement sanguin, prédire l évolution de la maladie ou la réponse aux traitements avant même leur instauration? Aujourd hui, cette phrase ressemble au scénario d un film de science-fiction! Et pourtant, le domaine des biomarqueurs demeure un domaine passionnant, actuellement en plein essor, et qui pourrait permettre de faciliter notre travail au quotidien. Dans ce dossier, nous vous présenterons les biomarqueurs actuellement utilisés en pratique quotidienne, à savoir les anticorps anti-médicaments (Emmanuelle Le Page) et les anticorps anti-nmo (Nicolas Collongues), qui permettent maintenant de définir un nouveau spectre de pathologies démyélinisantes du système nerveux central, les aquaporinopathies, dont les mécanismes physiopathologiques, le pronostic et la prise en charge thérapeutique sont radicalement différents de ceux de la sclérose en plaques. Enfin, deux articles nous feront voyager dans le futur. Laure Michel nous donnera un aperçu des biomarqueurs les plus prometteurs actuellement en cours de développement ou d utilisation dans le domaine de la recherche. David Brassat fera le point sur les avancées en terme de pharmacogénomique. Fiction ou réalité de ce que sera la prise en charge de nos malades dans le futur? Nous espérons que ce dossier vous permettra de susciter votre curiosité et vous donnons rendezvous d ici quelques années! n Christine Lebrun-Frénay et Mikael Cohen (CHU de Nice, Réseau PACASEP, Centre de Recours régional de prise en charge de la SEP) 1 les anticorps neutralisant l interféron bêta : quelle signification? Faut-il les doser? p. 96 Emmanuelle Le Page, Catherine Massart et Gilles Edan (Rennes) 2 les anticorps NMO-IgG : un marqueur de la neuromyélite optique p. 103 Nicolas Collongues (Strasbourg) 3 place des biomarqueurs dans la sclérose en plaques : marqueurs actuels et perspectives p. 110 Laure Michel (Nantes) 4 Biomarqueurs et traitements de la sclérose en plaques : pharmacogénétique, l exemple de la cohorte Bionat p. 117 David Brassat (Toulouse)
11 1 Les anticorps neutralisant l interféron-bêta Quelle signification? Faut-il les doser? n Si à l échelle d un groupe de patients les NAB ont un effet sur l efficacité du traitement, à l échelle de l individu il s agit d un outil complémentaire aux données cliniques et IRM habituellement utilisées pour déterminer l efficacité ou non du traitement. Emmanuelle Le Page*, Catherine Massart**, Gilles Edan* 10 ans de controverses Le thème des anticorps neutralisant l interféron (NAB pour Neutralizing AntiBodies) est une véritable saga qui s est déroulée au cours de la dernière décennie. Une longue controverse a opposé les sceptiques nord-américains aux Européens du Nord convaincus de la perte d efficacité des interférons (IFN) induite par le développement de NAB. Des premières recommandations européennes ont été publiées en 2005 par l EFNS Task Force (1) composée d experts européens particulièrement impliqués dans le domaine des NAB, après revue des données publiées jusqu en septembre A l époque, ces recommandations ont été plus ou moins appliquées en pratique courante en Europe, surtout suivies au Danemark et en Scandinavie où l arrêt d un traitement par IFN était obligatoire ou fortement recommandé devant un taux élevé de NAB. Deux ans plus tard, le Comité Thérapeutique et Technologique * Service de Neurologie, Hôpital Pontchaillou, Rennes. ** Laboratoire d Hormonologie, CHU Pontchaillou, Rennes de l AAN (2) publiait un rapport remettant en question la signification des NAB, concluant à l absence de preuve suffisante pour éditer des recommandations. En juin 2009, un consortium international (NABINMS Consortium), financé dans le cadre d un projet de recherche européen, regroupant des experts européens et nord-américains s est réuni à Amsterdam pour faire une synthèse des données publiées après 2005 sur le sujet (3). Ensuite, les données présentées à l ECTRIMS en 2009 ont été intégrées aux discussions. Le consortium a conclu que si à l échelle d un groupe de patients les NAB ont un effet sur l efficacité du traitement par IFN-bêta, à l échelle de l individu, il s agit d un outil complémentaire aux données cliniques et IRM habituellement utilisées pour apprécier la réponse au traitement. Il en est ressorti des nouvelles recommandations publiées en juillet 2010 (3), intégrant des informations sur le statut clinique et radiologique des patients (Tab. 1). Le dosage des NAB La plupart des patients ( jusqu à 78 %) développent des anticorps liants (BAB pour Binding AntiBodies) dont environ la moitié développe des NAB, or seuls les NAB peuvent entraîner une diminution de la bioactivité de l IFNbêta (4). Au début des années 2000, les méthodes de détection utilisées par les différentes équipes étaient très variées et en 2005 l EFNS Task Force recommandait de tout d abord screener les patients ayant développé des BAB (par méthode Elisa ou Western Blot ou radioimmunoprécipitation) puis de tester leurs sérums par méthode CPE (le gold standard) ou par test d induction du MxA, les prélèvements devant être analysés dans des laboratoires spécialisés pour ce dosage (1). Le principe de la détection des NAB repose sur le fait que l IFNbêta a des propriétés antivirales démontrées par sa capacité à induire la synthèse de protéines antivirales. La technique consiste à incuber le sérum d un patient donné en présence du type d IFN- 96 Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro 146
12 bêta qu il reçoit, puis à ajouter des dilutions sériques à des lignées de cellules en culture (des cellules A549) puis à les exposer au virus de l encéphalomyocardite (EMC). La présence de NAB est démontrée soit indirectement lorsque les lignées cellulaires sont détruites car soumises à l effet cytotoxique du virus EMC (technique de CPE), soit directement lorsque la synthèse du MxA (protéine antivirale spécifique de l IFN-bêta) ou de l ARN messager du MxA n est pas induite, témoignant de la perte de la bioactivité de l IFN-bêta. Néanmoins, l application pratique de la méthode MxA est restreinte en raison de ses contraintes : le prélèvement doit être effectué entre 3 et 12 h après une injection d IFNbêta et il est coûteux. Dans les recommandations 2010 de l EFNS Task Force (3), il était souligné la nécessité de standardiser les procédures de détection et d interprétation de la positivité des NAB selon les recommandations de l EMA (European Medicine Agency) : les cut-off déterminant le seuil de positivité et le taux de NAB diffèrent selon le type d IFN-bêta reçu par le patient (Tab. 1A), le résultat doit être exprimé en TRU/ml (Tenfold Reduction Unit), enfin le test utilisé doit être préparé uniquement avec de l IFN-bêta-1a quel que soit le traitement du patient. En France, le docteur C. Massart a validé une technique de détection des NAB selon la méthode CPE utilisant des lignées cellulaires Wish et le virus de la stomatite vésiculaire (VSV). Elle a montré une corrélation hautement significative à la méthode de référence par lignée cellulaire A549/virus EMC, le résultat étant exprimé en TRU/ ml (5, 6). Tableau 1 - Recommandations 2010 de l EFNS (3). Conséquences pratiques des NAB entre 1 et 2 ans de traitement par IFN-bêta. A. Cut-offs à utiliser en pratique clinique IFN-bêta-1a IFN-bêta-1b NAB- < 20 < 20 NAB+ Taux faible ou intermédiaire NAB+ Taux élevé > 100 > 400 Taux exprimé en TRU/ml (Tenfold Reduction Unit). B. Situation clinique et radiologique du patient Va bien Pas de poussée ; peu ou pas d activité IRM ( CL T2, Gd+) Intermédiaire 1 poussée sous IFN-bêta ; peu ou pas d activité IRM Va mal Plusieurs poussées ou 1 poussée et franche activité IRM CL T2 = charge lésionnelle en T2 ; Gd+ = lésions rehaussées après injection de gadolinium. C. Recommandations vis-à-vis du traitement par IFN-bêta selon le dosage des NAB et le statut du patient Va bien Intermédiaire Va mal NAB-négatifs Détection Retest à 12 mois Retest à 12 mois Pas de retest Traitement Pas de changement Pas de changement Switcher NAB-faibles Détection Traitement Détection Traitement Retest entre 3 et 6 mois Si persiste MxA Si absence d activité MxA switcher pour un non IFN Retest entre 3 et 6 mois Si persiste switcher pour un non IFN Retest entre 3 et 6 mois Si persiste MxA Si absence d activité MxA switcher pour un non IFN NAB-élevés Retest entre 3 et 6 mois Si persiste switcher pour un non IFN Pas de retest MxA peut être utile Switcher Pas de retest Switcher Parallèlement, le screening des patients ayant des BAB par méthode ELISA de recapture a été abandonné compte tenu de son coût élevé. A partir de janvier 2010, elle a remplacé la détection par CPE (technique longue se déroulant sur 3 jours et nécessitant une infrastructure adaptée à la manipulation de virus) par la technique de Luciferase Reporter Gene Assay (7), méthode plus courte et plus simple elle-même corrélée au test d induction du MxA. Elle a également équipé son laboratoire de la technique de détection par méthode MxA. En pratique Depuis 2010, le dosage est coté BHN150 à la nomenclature de Montpellier. Les laboratoires des centres hospitaliers peuvent acheminer leurs prélèvements à Rennes (Tab. 2) en faisant appel à leurs transporteurs habituels (Cerba, Biomnis ). Le test de détection des NAB est facturé actuellement 40,50 euros. Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro
13 Les points clefs de la controverse Impact clinique et radiologique des NAB sur l efficacité des IFN-bêta C est bien la difficulté à mettre en évidence les conséquences cliniques de la présence de NAB chez les patients traités par IFN-bêta qui a été à l origine de la controverse, faute d argument suffisamment convaincant initialement pour établir un lien entre la perte d efficacité du traitement et la présence de NAB. Tableau 2 - Modalités pratiques d envoi des prélèvements en France. Laboratoire d Hormonologie Hôpital Pontchaillou 2 rue Henri Le Guilloux Rennes Cedex 9 Docteur Catherine MASSART (MCU-PH) (Tél. : ; Fax : ) catherine.massart@chu-rennes.fr Modalités de prélèvements 24 à 48 heures après la dernière injection d IFN 3 à 12 heures suivant une injection d IFN pour confirmation par la méthode MxA 1 tube sec sans gel + nom du patient centrifugation (10 minutes à g) par le biologiste, le sérum décanté dans tubes plastiques est conservé à -20 C envoi possible tous les jours ouvrables Renseignements sur le patient Nom et prénom : Date de naissance : Traitement en cours : Date du prélèvement : Nom du prescripteur : L expérience du Danemark (4) a été particulièrement enrichissante et motivante dans le domaine, avec publication en 2003 (Tab. 3) d une grande étude longitudinale prospective : au Danemark, tous les patients ayant débuté un traitement par IFN-bêta ont été inclus prospectivement dans une base de données nationale colligeant données cliniques et prélèvements sanguins effectués tous les 6 mois. Un tirage au sort a permis de sélectionner 541 patients ayant débuté un IFN-bêta entre 1996 et 1999, afin d étudier la fréquence des NAB, leur cinétique et de préciser le seuil au-delà duquel une perte de la bioactivité du traitement par IFN-bêta peut être suspectée. Une positivité était retenue lorsque 20 % de la capacité de l IFN-bêta était neutralisée. Le statut NAB-positif ou NAB-négatif à 1 an de traitement était prédictif du risque d en développer ultérieurement. La survenue de la première poussée sous IFN-bêta était significativement retardée de 244 jours chez les patients NABnégatifs à 1 an par rapport aux patients NAB-positifs à 1 an. De plus, le Taux Annuel de Poussées (TAP) pendant les périodes NABpositives était significativement plus élevé (0,64-0,70) que pendant les périodes NAB-négatives (0,43-0,46 ; p < 0,03). Pour argumenter la justification des recommandations de 2005 (1), L EFNS Task Force s est aussi appuyée sur les résultats des études randomisées ou non, contrôlées, avec détection des NAB en aveugle, ayant duré au moins 3 ans (niveau de preuve de Classe I) (Tab. 3), durée minimale pour espérer mettre en évidence les conséquences de la perte de la bioactivité de l IFN-bêta. En effet, la plupart des résultats à 2 ans n ont pas montré de différence significative sur les paramètres cliniques et IRM de la maladie selon le statut NAB (en dehors de l étude pivot de l IFN-beta MS Study Group (8, 9) où déjà à 2 ans, les patients NAB-positifs avaient un TAP (1,08) similaire au groupe placebo (1,06), résultats confirmés à 3 ans). Dans l étude PRIMS (10, 11), alors qu aucune différence n apparaissait sur les paramètres cliniques à 2 ans et qu une tendance se dévoilait en faveur d une augmentation de l activité de la maladie en IRM chez les NAB-positifs, l impact des NAB à 4 ans de traitement était très significatif sur les critères IRM et significatif sur le TAP avec par ailleurs une tendance à l augmentation du nombre de patients aggravés sur le score EDSS dans le groupe NAB-positif/Rebif 44 mcg. Dans d autres études où le suivi était de 2 ans (12) ou moins (48 semaines seulement dans l étude EVIDENCE) (13), seule une tendance de l impact des NAB sur les paramètres IRM de la Tableau 3 - Impact des NAB dans les études Etude IFN-beta MS Study Group (1993 et 1996) (8, 9) PRISMS Study Group (2001) (11) Polman et al., (2003) (21) Sorensen et al., (2003) (4) Type d IFN-bêta Betaferon Rebif Betaferon Avonex Rebif Betaferon Kappos et al., (2002)(14) Avonex N = nombre de patients ; CL = charge lésionnelle ; NS = non significatif ; 98 Neurologies Mars 2012 vol. 15 numéro 146
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