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1 L Encéphale (2007) 33, journal homepage: PSYCHOPATHOLOGIE Recherche de sensations dans une population française de joueurs de courses de chevaux : comparaison entre des joueurs pathologiques et réguliers Sensation seeking in a French population of horse betting gamblers: Comparison between pathological and regular C. Bonnaire, I. Varescon, C. Bungener Université Paris-Descartes, Paris cedex, France Reçu le 24 janvier 2006 ; accepté le31août 2006 Disponible sur Internet le 31 août 2007 MOTS CLÉS Jeu pathologique ; Recherche de sensations ; Jeux passifs ; Jeux actifs Résumé Objectif. Le but de cette recherche est d étudier le trait de personnalité «recherche de sensations» dans un échantillon de joueurs français de courses de chevaux. Nous pourrons ainsi discuter les divergences de la littérature concernant le jeu pathologique et la recherche de sensations. Hypothèse. Les joueurs pathologiques allant sur les hippodromes ont des niveaux de recherche de sensations significativement supérieures aux joueurs réguliers. Méthode. Deux groupes de joueurs sont constitués : un groupe de joueurs réguliers (n = 72), parmi lesquels sont extraits les joueurs pathologiques (n = 42). Le South Oaks Gambling Screen (SOGS) et les critères du DSM-IV sont utilisés pour mesurer l intensité de la conduite de jeu ; la recherche de sensations est évaluée par la sensation seeking scale (SSS) forme V. Résultats. Les joueurs pathologiques obtiennent des scores de recherche de sensations significativement supérieurs aux joueurs réguliers. Ces résultats sont significatifs pour le score total ainsi que pour les facteurs désinhibition et susceptibilité à l ennui. Discussion. Le trait de personnalité «recherche de sensations» apparaît pertinent pour discriminer les joueurs pathologiques des joueurs réguliers fréquentant les hippodromes. Les données de la littérature sur les joueurs de courses de chevaux et la recherche de sensations Auteur correspondant. 21, rue de Seine, Boulogne-Billancourt, France. Adresse celinebonnaire@chez.com (C. Bonnaire) /$ see front matter L Encéphale, Paris, doi: /j.encep

2 Recherche de sensations dans une population française de joueurs de courses de chevaux 799 n ont porté que sur les joueurs en dehors des champs de courses. Ces joueurs pathologiques étaient des bas chercheurs de sensations tandis que les joueurs pathologiques de champs de courses sont des hauts chercheurs de sensations. Il semble donc exister une différence dans le niveau de recherche de sensations entre les joueurs pathologiques qui ne se rendent pas sur les champs de courses et ceux qui fréquentent les hippodromes. L existence de sous-groupes spécifiques de joueurs est ainsi discutée. L Encéphale, Paris, KEYWORDS Pathological gambling; Sensation seeking; Passive games; Active games Summary Aim. A theoretical position on the role of arousal in gambling comes in the form of Zuckerman s theory of sensation seeking. Zuckerman originally suggested a relationship between sensation seeking and gambling in which individuals entertain the risk of monetary loss for the positive reinforcement produced by states of high arousal during the periods of uncertainty, as well as the positive arousal produced by winning. However, this hypothesis has received inconsistent support. Results of the literature support the view that there is a difference between gambling form selection and use, suggesting that gambling cannot be viewed as an homogeneous activity. The aim of this study was to examine the personality trait sensation seeking in a French population of gamblers who bet on horses at the racetrack. Our results will discuss the disparities of the literature between pathological gambling and sensation seeking. Hypotheses. Pathological gamblers who go to the racetrack are higher sensation seekers than regular gamblers. Gamblers betting on many different forms scored higher on sensation seeking. Method. Two groups of gamblers were formed and recruited in five different hippodromes. One group of regular gamblers (n = 72), from which pathological gamblers were extracted (n = 42). The South Oaks Gambling Screen (SOGS) and the DSM-IV criteria for pathological gambling were used to assess the intensity of the gambling behavior, and sensation seeking was measured by Zuckerman s sensation seeking scale. Results. The results showed that pathological gamblers obtained significantly higher scores of sensation seeking than regular gamblers. These results were significant for the global score of sensation seeking as well as for the factors of disinhibition, and boredom susceptibility. No correlation was found between the sensation-seeking scale total score and the number of regular games played. Discussion. The sensation-seeking personality trait permits the discrimination of pathological from regular gamblers who go to the racetrack. In the literature, data came from gamblers who practice off-course betting. Nevertheless, pathological gamblers who go to the racetrack seemed to differ from those who practice off-course betting in terms of sensation seeking. The former are high sensation seekers whereas the latter are low sensation seekers. Racetrack gamblers are likely to be more involved in staking plans than off-course gamblers. One way of conceiving the distribution of sensation seekers within gambling forms might be to combine the relationships depicted with the dichotomy made between skills and luck games, or with the serious-recreational, casino non-casino distinctions. There is a need to identify clinically distinct subgroups of gamblers who exhibit common, cardinal symptoms but, at the same time, who differ significantly with respect to key variables that are of etiological relevance and can be used in treatment and prognosis. To establish different subtypes, it is important to take into account the venue and the type of games as well as the sensation-seeking scores and the motivation of the gambler. These subtypes of gamblers are discussed. L Encéphale, Paris, Le jeu pathologique est défini comme un comportement répété et persistant de jeu (d argent) entraînant des conséquences sociales, professionnelles et personnelles négatives [3]. Le sujet, incapable de s arrêter de jouer, entre dans une spirale infernale où il joue pour payer ses dettes et «se refaire». S il tente d arrêter, des symptômes de sevrage psychiques (ex. : irritabilité...) et physiques (ex. : céphalées...) se font ressentir. Dans les cas extrêmes, le joueur commet des actes illégaux pour se procurer de l argent ou se ruine complètement. Plusieurs dimensions ont été étudiées dans le jeu, notamment la recherche de sensations, perçue d ailleurs pour certains auteurs, comme l une des dimensions commune à l ensemble des comportements addictifs [1]. La recherche de sensation représente un concept bio-psycho-comportemental introduit par Zuckerman et al. [35]. Cette dimension de la personnalité est définie par l auteur comme un «besoin de sensations et d expériences complexes nouvelles et variées, et par la volonté de prendre des risques physiques et sociaux pour avoir de telles expériences» [30]. Ces sujets, avides de sensations fortes, seraient moins sensibles que d autres et moins aptes à ressentir des éprouvés liés à des stimulations banales [33]. Selon Zuckerman [31], la théorie des sensations suggère que le risque et l incertitude, associés aux paris, peuvent être fortement excitants. Aussi, le joueur pathologique est-il considéré comme un sujet qui a besoin

3 800 C. Bonnaire et al. de stimulation et d excitation, aimant le risque, le challenge et l aventure. Cette description est «l essence» de la recherche de sensations, ce qui fait du joueur une sorte de prototype d un haut chercheur de sensations [32]. Les différences individuelles dans la prise de risque, en tant que trait de personnalité, peuvent agir comme un déterminant important dans la participation accrue au jeu lié au besoin de maintenir des niveaux élevés de sensation et d excitation [31]. Cependant, les résultats publiés dans la littérature sont très contrastés. En effet, plusieurs auteurs montrent à l instar de Zuckerman que les joueurs pathologiques ont des scores de recherche de sensations élevés [26,11,13]. À l inverse, plusieurs études avancent que les joueurs pathologiques ne présenteraient pas nécessairement des scores élevés de recherche de sensations [7,4,14,25]. Ce qui semble se dégager de toutes ces études, c est l hétérogénéité des joueurs en ce qui concerne le niveau de recherche de sensations. Celui-ci diffère selon le type de jeu. Il est manifestement faux de présumer que le jeu est une activité psychologiquement homogène [17]. Des données empiriques ont confirmé le besoin de distinguer avec soin la forme de jeu étudiée [7,16]. Concernant les courses de chevaux, les données de la littérature sont également hétérogènes. Alors que Coventry et Norman [13] observent des niveaux élevés d excitation autonome chez ce type de joueurs en dehors des champs de courses, Dickerson et al. [16,17], obtiennent des scores de recherche de sensations inférieurs à la population générale dans plusieurs échantillons de joueurs pariant en dehors des champs de courses. De même, Coventry et Brown [11] recueillent des scores de recherche de sensations plus bas chez les joueurs pariant en dehors des champs de courses que dans la population générale. Après avoir séparé les joueurs de courses en dehors des champs de courses en plusieurs groupes (en fonction des différentes activités de jeu et de leur nature), ces mêmes auteurs mettent en avant des différences significatives de niveau de recherche de sensations en fonction du type de jeu et du nombre de jeux auxquels ces joueurs s adonnent. Les joueurs pariant en dehors des champs de courses seraient plutôt des bas chercheurs de sensations, alors que les sujets hauts chercheurs de sensations s adonneraient plus facilement à de nombreuses activités sportives et sociales plutôt qu à des paris dans des agences spécialisées proches de chez eux (hors champs de courses) [11,16]. Cependant, une seule étude canadienne datant de 1973 s est proposée, jusqu à présent, d étudier les joueurs pariant sur les champs de course [20]. Depuis, ce terrain d étude est resté inexploré. En effet, l ensemble des recherches a porté sur les joueurs pariant en dehors des hippodromes. Hormis l étude de Romo et al. [27] réalisée auprès de personnes présentes dans plusieurs cafés PMU de Paris, aucune recherche française n a été effectuée sur les joueurs pathologiques dans la population générale. L objectif de cette recherche est d étudier la dimension recherche de sensations chez des joueurs fréquentant les hippodromes. Nous faisons l hypothèse que les joueurs pathologiques pariant sur les champs de course ont des niveaux de recherche de sensations significativement supérieurs aux joueurs réguliers. Si cette hypothèse est confirmée, la recherche de sensations pourrait permettre de discriminer les joueurs pathologiques des joueurs réguliers. De plus, nous envisageons que plus les joueurs s adonnent à différents types de jeu et plus leur niveau de recherche de sensations est élevé. Méthode Procédure Cette étude a été menée entre octobre 2003 et avril 2005 dans cinq hippodromes parisiens et de proche banlieue (Auteuil, Enghien, Longchamp, St-Cloud et Vincennes). Nous nous sommes rendues sur ces hippodromes la semaine, le week-end, en journée mais aussi le soir afin de recruter au mieux les sujets. Tous les participants inclus restaient au moins une heure sur les hippodromes. Les joueurs n ont jamais été abordés pendant les paris, ni lors des courses, mais avant ou après celles-ci. Pour assurer la confidentialité et l anonymat, aucune donnée permettant d identifier le participant n a été recueillie. Un consentement écrit, libre et éclairé, a été obtenu pour chaque participant. Sujets Tout sujet présent sur l hippodrome, âgés de 18 à 45 ans, était invité à participer à cette étude. Nous avons exclu de la recherche les participants de plus de 45 ans car la recherche de sensations est négativement corrélée à l âge [34] ainsi que les femmes, peu présentes sur les champs de course [18]. La fréquence de jeu des sujets rencontrés nous a permis de distinguer les joueurs réguliers (définis comme jouant au moins une fois par semaine) des joueurs occasionnels (définis comme jouant moins d une fois par semaine). Les joueurs pathologiques ont été extraits du groupe des joueurs réguliers à partir de deux outils : le South Oaks Gambling Screen (SOGS) et les critères diagnostiques de jeu pathologique du DSM-IV. Mesures Outre les données sociodémographiques (âge, sexe, situation familiale, statut professionnel, catégorie socioprofessionnelle) recueillies lors d un entretien, nous avons proposé aux sujets les échelles suivantes : Le South Oaks Gambling Screen de Lesieur et Blume [23], traduit par Lejoyeux en 1999 [21]. Les questions (20 items) concernent les comportements identifiés par l A.P.A. [2] comme critères diagnostiques du jeu pathologique du DSM III. Ce questionnaire nous a permis d apprécier les différentes formes de jeu auxquels le sujet s adonne et l intensité de la conduite de jeu. Un score supérieur ou égal à 5 désigne la catégorie des joueurs pathologiques probables (le terme de probable est utilisé pour distinguer cette méthode d évaluation d un diagnostic basé sur une évaluation clinique). Les critères diagnostiques du DSM IV [3] ont été transformés sous forme de questions et ainsi directement posés aux joueurs après la passation des autoquestionnaires. Ces critères viennent confirmer ou non le caractère «probable» défini par le SOGS. Il a été avancé que le South Oaks Gam-

4 Recherche de sensations dans une population française de joueurs de courses de chevaux 801 Tableau 1 Variables sociodémographiques. JP JR t Student n =42 n =30 P Âge moy (ET) 29,07 (7,9) 28,03 (5,9) n.s. n (%) n (%) n.s. Marié 8 (19) 6 (20) n.s. Divorcé, séparé, célibataire 34 (81) 24 (80) En activité 33 (79) 25 (83) n.s. Chômeurs, retraités 9 (21) 5 (17) n.s. Artisans, commerçants, chefs d entreprise 8 (19) 3 (10) n.s. Cadres et professions intellectuelles supérieures 4 (10) 2 (7) n.s. Professions intermédiaires 5 (12) 6 (20) n.s. Employés 9 (21) 6 (20) n.s. Ouvriers 7 (17) 8 (26) n.s. bling Screen tendait à surestimer le nombre de joueurs pathologiques dans la population générale, comparé aux critères diagnostiques du DSM-IV [29]. De ce fait, l utilisation d un second instrument évaluant l addiction au jeu nous a permis de contrôler les réponses faussement positives du SOGS. L échelle de recherche de sensations (SSS) de Zuckerman et al., forme V à 40 items [34], traduite par Carton et al. [9,10]. Elle se compose de quatre facteurs (dix items chacun), définissant les quatre composantes de la recherche de sensations : la recherche de danger et d aventure, la recherche d expériences nouvelles, la désinhibition et la susceptibilité à l ennui. Analyse des données Deux groupes sont comparés : les joueurs pathologiques et les joueurs réguliers. Les comparaisons des variables continues (âge, SOGS, score total et sous-scores de la recherche de sensations) ont été réalisées grâce au test t de Student. Pour les données catégorielles (situation familiale, statut professionnel, catégorie socioprofessionnelle, nombre de jeux réguliers), les différences de proportions ont été comparées avec le test du khi-2. Les corrélations entre les différentes variables ont été réalisées avec le coefficient de corrélation de Bravais Pearson. La significativité statistique a été établie au seuil de confiance 0,05 avec un ajustement de Bonferroni pour les comparaisons multiples. Résultats Parmi les 94 joueurs sollicités, 14 ont refusé de participer à la recherche évoquant pour la plupart d entre eux un manque de temps. Parmi les 80 joueurs qui ont accepté de participer à l étude, se trouvaient 72 joueurs réguliers et huit joueurs occasionnels. À partir du groupe des joueurs réguliers, 42 sont considérés comme des joueurs pathologiques (score 5 au SOGS et au DSM-IV). Étant donné le faible échantillon des joueurs occasionnels, nous n avons réalisé les comparaisons qu entre les 42 joueurs pathologiques (JP) et les 30 joueurs réguliers non dépendants (JR) (score < 5 au SOGS et au DSM-IV). Tableau 2 Les différents types de jeux réguliers. JP JR Khi-2 n =42 n =30 n (%) n (%) Course chevaux uniquement 16 (38) 19 (63) <0,01 Plusieurs jeux ( 2) dont : 26 (62) 11 (37) <0,01 Course chevaux 26(100) 11(100) n.s. Jeux grattage 0 2(18) n.s. Résultats sportifs 14(54) 6(54) n.s. Loterie 5(19) 3(27) n.s. Bourse 4(15) 2(18) n.s. Machine à sous 7(27) 2(18) <0,05 Cartes 0 3(27) n.s. Casino 4(15) 3(27) n.s. En ce qui concerne les variables sociodémographiques, aucune différence ne s est révélée statistiquement significative entre ces deux groupes de joueurs (Tableau 1). De manière significative, il y a plus de joueurs pathologiques qui jouent régulièrement à plusieurs jeux (62 %) que de joueurs réguliers (37 %). Ces derniers jouent préférentiellement aux courses de chevaux (Tableau 2). Cependant, aucune corrélation positive et significative n est observée entre le score de recherche de sensations et le nombre de jeux. L étude du score total de recherche de sensations montre que les joueurs pathologiques ont obtenu des scores significativement supérieurs à ceux des joueurs réguliers (Tableau 3). Concernant les sous-scores de recherche de sensations : les joueurs pathologiques ont obtenu des scores significativement supérieurs à ceux des joueurs réguliers uniquement pour les facteurs «désinhibition» et «susceptibilité à l ennui». Discussion On peut d emblée remarquer que la prévalence des joueurs pathologiques parmi les joueurs réguliers de champs de courses est élevée. En effet, la majorité d entre eux (58 %) présentent les critères diagnostiques de joueurs pathologiques. Néanmoins, certains joueurs peuvent s adonner de

5 802 C. Bonnaire et al. Tableau 3 SOGS. Scores de recherche de sensations et scores au JP JR t Student n =42 n =30 p moyenne (ET) moyenne (ET) SSS total 24,9 (4,6) 21,4 (5,5) <0,05 TAS 7,5 (2,4) 7,1 (2,4) n.s. DIS 5,9 (1,9) 4,6 (1,8) <0,01 ES 6,8 (1,5) 6,0 (2,2) n.s. BS 4,6 (1,7) 3,6 (1,7) <0,05 SOGS 8,1 (2,3) 2,7 (1,3) <0,001 SSS total : score total de recherche de sensations ; TAS : score de recherche de danger et d aventure ; DIS : score de désinhibition ; ES :score de recherche d expériences ; BS : score de susceptibilité à l ennui ; SOGS : score au South Oaks Gambling Screen. façon régulière à ce type de jeu sans être dépendants, sans qu on assiste à un envahissement du jeu dans leur vie. Comme le soulignait Dickerson et Hinchy [15], il semble que la fréquence de jeu ne soit pas un critère pertinent pour définir le caractère pathologique ou non des joueurs. Dans cette recherche, les joueurs pathologiques ont obtenu un score global de recherche de sensations significativement supérieur à ceux des joueurs réguliers. Le trait de personnalité «recherche de sensations» apparaît donc pertinent pour discriminer les joueurs pathologiques des joueurs réguliers fréquentant les hippodromes. Ce constat nous permet de valider, en partie, notre hypothèse de recherche. En d autres termes, les joueurs pathologiques de notre étude ont besoin d expériences complexes, nouvelles et variées. Les courses semblent leur permettre d atteindre un niveau d excitation optimale. Contrairement aux données de la littérature [11,13] et à l hypothèse émise, cette étude ne confirme pas que l implication dans différentes formes de jeux soit associée à une forte recherche de sensations. Il a été avancé que les hauts chercheurs de sensations sont plus enclins à participer à différentes formes de jeux. Cependant, les joueurs pathologiques de cette étude recherchent des sensations essentiellement sur les hippodromes. Parmi les joueurs pathologiques qui s adonnent à plusieurs formes de jeux on retrouve : les loteries (loto, loto sportif...), les jeux de grattage et les machines à sous. Or ces types de jeux sont des jeux plus «automatiques» qui excitent peu les joueurs. Cela pourrait expliquer l absence de corrélation entre le nombre de jeux réguliers et le score total de recherche de sensations. Les données de la littérature sur les joueurs de courses de chevaux et la recherche de sensations n ont porté que sur les joueurs en dehors des champs de courses. Ces joueurs pathologiques étaient des bas chercheurs de sensations [4,7,14,25]. Il semble donc exister une différence dans le niveau de recherche de sensations entre les joueurs pathologiques qui ne se rendent pas sur les champs de courses et ceux qui fréquentent les hippodromes. Dans la même perspective, une étude [17] a montré que presque 40 % des joueurs de courses en dehors des champs de courses ne sélectionnaient jamais ou rarement leurs paris dans l agence et qu un tiers ne restait jamais ou quasiment jamais dans l agence pour suivre la course. Pour beaucoup de ces joueurs, les courses sont un jeu quasi automatique qui implique peu d analyse des pronostics, peu d intérêt pour la course elle-même et une implication moindre : le joueur adopte un comportement passif. À l inverse, les joueurs allant sur les champs de courses regardent toutes les courses, font les paris sur place et étudient tous les pronostics : le joueur a une impression de participation active dans le jeu. On peut penser que certains joueurs de champs de courses sont des joueurs professionnels. En effet, ces derniers préfèrent les jeux qui font appel à une certaine habileté et donc à un certain contrôle. Néanmoins, ils possèdent une technique qui doit leur procurer, sans risque majeur, un gain assuré et ils maîtrisent leur comportement de jeu [22] ce qui n est pas le cas des joueurs pathologiques. De plus, l étude des pronostics apparaît indépendante du caractère pathologique ou non, étant donné que l ensemble des joueurs d hippodromes étudient les courses, les chevaux et les jockeys. Il semble donc que les courses en dehors des champs de courses et les courses sur les hippodromes ne soient pas investies de la même façon par les joueurs. Cette idée peut être rapprochée de l étude de Coventry et Brown [11] qui proposent de concevoir l intensité de la recherche de sensations en fonction des différentes formes de jeux. Ils suggèrent ainsi de répartir les différents types de chercheurs de sensations selon la dichotomie faite par Starr et Potashner [28] : jeux de chance/connaissance ou sérieux/récréatif ou casino/pas casino. Certains chercheurs ont essayé d identifier des typologies de joueurs [24,19] mais sans prendre la précaution de regrouper les sujets dans des échantillons homogènes, basés sur l étiologie du trouble, la personnalité du sujet et le genre ou le type de jeu. En accord avec Blaszczynski et Nower [6], une approche alternative et plus pertinente serait de reconnaître l existence de sous-types spécifiques de joueurs, chacun étant influencé par différents facteurs bien que présentant des comportements similaires. Un besoin d identifier différents sous-groupes cliniques de joueurs qui présentent des symptômes communs mais se distinguent de façon significative sur des variables étiologiques serait nécessaire. De plus, ces données pourraient être utilisées dans le traitement et le pronostic des joueurs pathologiques. Pour établir ces sous catégories, il est important de prendre en compte le type de jeu auquel le sujet s adonne de façon préférentielle mais aussi le niveau de recherche de sensations. Et comme le soulignent Parke et al. [25], il est important d identifier et d évaluer initialement la motivation première du sujet à jouer avant d affirmer qu un niveau élevé de recherche de sensations serait un facteur de risque pour le jeu pathologique. D après cette recherche et les études précédentes, nous pouvons distinguer deux catégories de joueurs qui demanderaient à être confirmées dans des études ultérieures. La première regrouperait des joueurs pathologiques qui s adonnent à des types de jeux que l on peut qualifier de «passifs». Ils jouent dans les bars ou les points de vente, essentiellement à des jeux de hasard pur ou à des jeux nécessitant peu de connaissances (ex. : le Rapido, le pari mutuel urbain...). Ces joueurs pathologiques sont des bas chercheurs de sensations, ils évitent les formes les plus spectaculaires et extraverties de la recherche de sensations. Ils sont plus àmême de choisir des formes de jeux dans un

6 Recherche de sensations dans une population française de joueurs de courses de chevaux 803 environnement sûr, contrôlé et proche de chez eux [11,12]. Le jeu représente pour eux une activité automatique, voire mécanique, dans laquelle les sensations seraient émoussées, voire absentes. Deux types de motivations non exclusives sont à la base de leur jeu : une tentative de lutter contre l ennui (se traduisant non pas par un score élevé à ce facteur, ces joueurs étant des bas chercheurs de sensations, mais par une corrélation positive et significative entre le nombre de jeux et le score de susceptibilité à l ennui) et une tentative d échapper à des états émotionnels désagréables (ex. : dépression) provoqués par des difficultés familiales (ex. : divorce), professionnelles (ex. : chômage) ou financières (ex. : dettes) [5,8]. Mais quelle que soit la motivation, le jeu a pour but de réduire ses émotions désagréables. Il agit comme une automédication. La deuxième catégorie regrouperait des joueurs pathologiques qui s adonnent à des types de jeux plus «actifs». Ils jouent sur les hippodromes, dans les casinos ou les cercles de jeux. La plupart de leurs jeux sont des jeux de compétences (ex. : les jeux de cartes ou les courses sur les champs de courses) qui nécessitent des connaissances certaines. Ces joueurs pathologiques sont des hauts chercheurs de sensations. Ils jouent pour les sensations que le jeu leur procure et par anticipation des bénéfices du jeu. Il a d ailleurs été montré que les excitations ou sensations fortes sont des renforçateurs du comportement de jeu [31]. Les joueurs pathologiques de cette catégorie pourraient devenir addict à leurs propres sensations ainsi qu à ses effets physiques et psychologiques. Ces sujets ont des états physiologiques anormaux d hypoexcitation. Avides de sensations, ils tentent, au moyen du jeu, de retirer des émotions et des sensations (positives ou négatives) qu ils n expérimentent pas avec des stimulations banales de la vie courante. Ces sujets veulent ressentir de nouvelles choses et ont une forte susceptibilité à l ennui. Ainsi, considèrent-ils monotone et ennuyeux de passer une après-midi à jouer aux machines à sous ou de jouer au Rapido, ces jeux n étant pas fortement excitants et sont, à leurs yeux, routiniers. Il faut cependant émettre une réserve quant à cette dichotomie. Comme nous l avons précédemment précisé, il semble important avant de confirmer une telle catégorisation, de poursuivre les recherches et de comparer ces joueurs avec, par exemple, des joueurs de cartes allant dans des cercles de jeu ou dans les casinos et des joueurs de machines à sous. Il faut également souligner le faible nombre de joueurs occasionnels recrutés dans cette étude, qui ne nous permet pas de les comparer aux autres joueurs. En effet, en semaine, les courses n attirent que très peu de joueurs occasionnels sur les hippodromes. Ils sont davantage présents le week-end et viennent en famille. D après les réponses, on peut penser que la plupart des refus provenaient des joueurs occasionnels. Ces derniers viennent rarement sur les hippodromes et préfèrent jouer plutôt que participer à une recherche. Conclusion Le jeu n apparaît pas comme étant une activité homogène. Bien que les différents joueurs présentent des caractéristiques communes, le choix du type de jeu semble être d une part, fonction de certains traits de personnalité sous-jacents et d autre part, fonction même du jeu (le jeu est-il fortement excitant ou ne procure-t-il aucune sensation?). Il apparaît, en effet, que les joueurs qui ont un trait élevé de recherche de sensations, jouent pour les sensations, pour «l adrénaline» que le jeu procure. Ils choisissent des jeux dans lesquels le sujet a une implication (ex. : les courses de chevaux sur les hippodromes). Ces joueurs ont alors l impression de pouvoir «agir», d avoir une influence sur le résultat. Dans ce cas, il est donc important d identifier la motivation première du joueur afin de faire des hypothèses sur le niveau de recherche de sensations et sa valeur prédictive. Cependant, il est nécessaire, afin de confirmer ces résultats, de pouvoir comparer, dans une même recherche, différents types de joueurs s adonnant à des jeux différents. Références [1] Ades J. Conduites de dépendance et recherche de sensations. In: Bailly D, Vénisse JL, editors. Dépendance et conduite de dépendance. Paris: Masson; p [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 3rd ed. Washington, DC: APA; [3] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th ed. 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