Dossier. Figure I Pourcentage de dentistes selon le taux de satisfaction à l exercice de la profession. J.P. Lussier, DDS, PhD et M.

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1 J.P. Lussier, DDS, PhD et M. Benigeri, PhD Les dentistes du Québec portent jugement sur la situation actuelle et sur les difficultés à prévoir dans un proche avenir Résultats du sondage de l ODQ de 2006 Troisième partie Les quelques années écoulées depuis le début de ce siècle ont connu un taux de croissance économique qui a largement favorisé le marché des services dont les soins dentaires font partie. Elles ont aussi été marquées par des changements dans la demande des divers services tout comme dans les attitudes que les professionnels responsables de ces services peuvent développer. Des questions pertinentes en vue d illustrer cette situation ont été posées pour déterminer si dans l ensemble on se montre satisfait et si, sur des points particuliers, de nouvelles tendances apparaissent. Ces indicateurs de tendances seraient-ils en voie de montrer des courants nouveaux au point d inquiéter les praticiens en cours d exercice à ce jour? Les réponses reçues témoignent d une sensibilité assez généralement exprimée dans l ensemble de la profession dentaire. 1- La satisfaction des dentistes À la question : Quel taux de satisfaction accordezvous actuellement à la pratique de votre profession? Les réponses obtenues montrent une amélioration marquée par rapport à celles de 2001 comme l indique la figure I. Figure I Pourcentage de dentistes selon le taux de satisfaction à l exercice de la profession Niveau 2001 Niveau % 54 % 37 % ASSEZ TRÈS 48 % 6 % PEU 46 % En général les hommes se montrent plus satisfaits que les femmes dans la proportion de 51 % versus 39 % et le niveau s élève progressivement avec le nombre d années de pratique. Les anglophones et les spécialistes affichent des taux de satisfaction supérieurs à 60 %. Quant au type de pratique, il ne comporte rien de particulier, les taux observés s éloignent peu de la moyenne générale. 2- L attitude de la profession face à la demande de soins cosmétiques en croissance La demande des soins cosmétiques chez le généraliste se poursuit en parallèle avec d autres soins, mais vu sa proportion croissante serait-elle en voie de distraire ce dentiste de ses fonctions traditionnelles et, par là, introduire une déviation importante à sa mission essentielle envers la population? Les réponses obtenues montrent que 27 % des répondants prennent cette situation au sérieux et ceci indépendamment du sexe et de l âge. Parmi les variables où on semble s inquiéter davantage de cette situation se trouvent les anglophones et les spécialistes avec des taux excédant 30 %. 3- Aux frontières de l éthique dans la pratique de la profession dentaire Au cours des dernières années, le public a été témoin, sinon victime, des écarts que se sont permis des professionnels de certains milieux. Fort heureusement la profession dentaire n a pas été affligée par de telles constatations mais le fait demeure qu elle n est pas à l abri de déviations individuelles même si l observance des règles qu elle impose à ses membres dans leur pratique semble rigoureusement suivie. Les exigences d ordre financier d une entreprise peuvent parfois entraîner 375 Journal de l Ordre des dentistes du Québec Volume 45 Septembre 2008

2 des conflits d intérêts. Interpellés directement sur ce sujet, les répondants se partagent entre des taux de beaucoup, 24 %; d assez, 47 %; de peu important, 25 % et de sans importance, 4 %. Dans ce dernier sous-groupe se situent principalement des hommes d âge moyen, des anglophones et des spécialistes dont la moyenne est un peu plus accusée ; par contre, c est dans ces mêmes variables que se trouvent les plus sensibles à ce sujet avec un taux légèrement supérieur à la moyenne soit 28 % chez les très important. En général, ces résultats laissent entendre que trois dentistes sur quatre sont alertés aux problèmes qui peuvent surgir à ce sujet. 4- Les défis à prévoir et les milieux d où ils proviennent Il est de bon usage de s enquérir auprès des membres de la profession pour connaître leur anticipation des difficultés dans un avenir prochain. La question posée dans le sondage portait sur des sujets liés de près aux activités courantes d une clinique dentaire comme les rapports avec les agences d assurance privée et les fournisseurs de services et d équipements, la perception des honoraires et la recherche d une main d œuvre qualifiée. Les réponses obtenues sur ces sujets confirment bien leur importance et soulignent la gravité des problèmes auxquels ils sont associés. 23 % Main d œuvre qualifiée 75 % 35 % Agences d assurance privée Paiement des honoraires 50 % Fournisseurs de services et d équipements Malgré les déceptions parfois exprimées dans ces évaluations, les dentistes ont profité des conditions favorables qui se sont maintenues au cours des cinq dernières années et en général le degré de satisfaction manifesté reste prononcé dans l ensemble de la profession. Les dentistes du Québec réagissent avec une conscience éveillée aux tendances annonciatrices d orientation inquiétante quant à leur progression future. On peut retenir des opinions émises qu ils surveillent de près ce qui évolue autour d eux et qu ils se tiennent prêts à réagir. 5- Les dentistes qui prennent de l âge se mettent en évidence Même si les dentistes ont toute la liberté voulue pour mettre un terme à leur carrière professionnelle, la proportion de ceux et celles qui comptent de nombreuses années de service prennent, en vue de l approche de ce moment, des dispositions qui vont le mieux leur assurer les avantages anticipés. A la question posée directement à savoir si le répondant considère prendre une décision prochaine au sujet de la retraite, une sur sept des réponses reçues indiquait un réel intérêt. Il va de soi que, pour le moment, il s agit de réponses en provenance surtout d hommes (80 %), vu l écart qui existe dans les moyennes d âge des hommes, 46,7 ans et celle des femmes, 37,2 ans. Pour plus de la moitié des répondants, il s écoulera de trois à cinq ans avant d arriver au terme de la carrière et leurs activités professionnelles dans cet intervalle seront en décroissance; un gros tiers d entre eux auront par contre une échéance plus précoce. Ces indications sont fort valables en ce qu elles précisent à quel rythme l effectif de la profession s amenuise par le sommet de sa pyramide et à quel niveau de renfort il doit s adresser pour maintenir sa croissance. 6- La situation dans les régions du Québec Montréal et Québec On peut en premier porter l attention sur les deux principales régions du Québec du point de vue démographique : celles de la Capitale et de Montréal. Elles présentent toutes deux une situation avantageuse du fait qu elles sont le siège d institutions d enseignement et de recherches, ce qui entraîne une concentration élevée de praticiens et une variété plus élaborée de services spécialisés. C est dans la ville de Québec qu on trouve le plus fort 376 Journal de l Ordre des dentistes du Québec Volume 45 Septembre 2008

3 ratio de spécialistes dans les pratiques de groupe, lesquelles sont à la hausse à 74 %. Elles profitent également chacune du voisinage des cégeps où sont formés des hygiénistes dentaires, un atout de premier plan dans l expansion de la productivité. Dans la Capitale, le taux d activités y est le plus élevé; seulement 4 % des répondants se disent être en décroissance. On remarque cependant que le nombre de patients traités dans l année a baissé, ce qui va de pair là où les séances de traitements sont parmi les plus prolongées. Comme le niveau d industrialisation est faible en cette région, il en résulte que le taux de patients avec assurance dentaire reste encore à un bas niveau. À Montréal, en raison de son rôle de métropole et de la diversité de sa population, la situation présente des différences notables. C est ici que l âge moyen des dentistes, 46 ans, est le plus élevé. Quatre-vingt pour cent de la population anglophone s y trouve; 40 % des dentistes du Québec y pratiquent en incluant la moitié de tous les spécialistes. L accès aux soins y est nécessairement plus ouvert et on se prête à une plus grande variété de traitements. Toutefois le taux de croissance reste faible. La clientèle courante comporte le plus fort taux de personnes âgées, 15 %, ce qui s allie au fait que la clientèle des anglophones en compte 17 %. C est à Montréal que le pourcentage des patients avec assurance dentaire est le plus élevé, soit plus de 50%. De ces constatations se dégage un mode de pratique plus particulier influencé par la disponibilité de spécialistes et des conditions économiques avantageuses, d où l invitation plus grande au choix des implants. Les régions au sud de Montréal On considèrera ici deux régions bien distinctes, la Montérégie et l Estrie. La Montérégie regroupe trois sous régions, celles de Yamaska, du Haut-St-Laurent et de la Vallée du Richelieu, lesquelles présentent des caractéristiques souvent à l opposé. On y retrouve dans l ensemble environ 600 dentistes (ce qui assure un ratio Dentiste/Population de 4,3/10000) dont plus de la moitié se trouve dans la Vallée du Richelieu. En Yamaska, on remarque que la pratique solo reste encore en avance sur la pratique de groupe même si la présence des femmes y est à 42 % et c est là où la croissance est la plus marquée. Les traitements prédominants révèlent l affluence d une jeune clientèle où les mesures de prévention sont mises en évidence. Les dentistes de cette région peuvent compter sur un apport assuré de main d œuvre en provenance du cégep de St-Hyacinthe. Aussi, le taux des très satisfaits s exprime-t-il chez les dentistes de Yamaska qui est à son maximum de 52 %. Les praticiens de la sous région du Haut-St-Laurent se distinguent par leur moyenne d âge, la plus élevée (44,5 ans) et par la forte proportion d anglophones (13 %). Le rythme de croissance est au plus bas vu que, ici, les répondants s inscrivent à 19 % au compte de la décroissance et annoncent des réductions de services de 29 %, ce qui tient au fait que plusieurs prendront leur retraite prochainement. Aussi, le taux des peu satisfaits atteint-il 10,6 %, ce qui est le double de la moyenne générale. Dans la sous région de la Vallée du Richelieu, la profession a pris énormément d expansion pour répondre à la très forte croissance de la clientèle. La pratique de groupe y est implantée à 68 %. Les services ont été rendus à plus de 1600 patients par dentiste, ce qui dépasse la moyenne. En fait, 80 % de ces praticiens ont accueilli plus de 2000 patients dans l année. Le taux de satisfaction devient ici positif à 95 %. L Estrie dont le D/P est 4,0/10000 n attire pas aussi facilement les jeunes dentistes comme l a fait la Vallée du Richelieu à en juger par la moyenne d âge de ses dentistes. Les femmes dont la moyenne d âge est de 36 ans n y sont en proportion que pour 28 %, alors que les hommes avec une moyenne de 49 ans occupent une bien grande place dans le contingent 377 Journal de l Ordre des dentistes du Québec Volume 45 Septembre 2008

4 de cette région. Cette situation sans être problématique pour le moment donne lieu à réfléchir en ce qu un répondant sur cinq a signifié clairement son intention de prendre sa retraite bientôt. Les caractéristiques de la pratique ne s écartent de la moyenne que légèrement en raison de son modèle conservateur comme le témoignent les proportions relativement élevées de certains traitements de restauration (les inlays et les prothèses fixes) et le recours plus fréquent à l anesthésie générale. Quant au niveau de satisfaction exprimé dans l ensemble, il s identifie à celui de la moyenne générale. Au centre du Québec Les régions comprises entre les deux pôles socioéconomiques que sont Montréal et Québec, Chaudière-Appalaches et Mauricie-Bois-Francs, ont beaucoup d analogie dans les caractéristiques de leurs praticiens comme, par exemple, les proportions entre sexes (deux tiers, un tiers) et l âge moyen avec un fort pourcentage de moins de 35 ans, soit 28 et 29 % respectivement. L achalandage y est élevé d où une faible augmentation d activités prévue. Le volume de traitements est nettement orienté vers la prévention, même si en Mauricie les Cerec y sont populaires. Un point de différence apparaît dans le mode de pratique où, dans la région 4, la pratique de groupe est très élevée contrairement en Mauricie où les solos sont encore à 45 %. L emploi des hygiénistes dentaires y est plus répandu en raison de la présence du programme du cégep de Trois-Rivières comme le témoignent les indices de 2,34 et 2,01 Les taux de satisfaction au niveau de 95 et 96 % sont au niveau de la moyenne générale. Les régions au nord de Montréal : Laval, Lanaudière-Laurentides et l Outaouais À Laval le D/P est à 3,7/10000 et la proportion des spécialistes parmi les 215 dentistes y atteint 15 %. Rien de distinctif à relever parmi les activités en cours de pratique si ce n est que chez une cinquantaine d entre eux, on veut les réduire d un quart, y compris ceux qui songent déjà à la retraite. Le taux de satisfaction est parmi les plus faibles du fait que celui des peu satisfaits se démarque à 8,1 %. Dans la région 10, Lanaudière-Laurentides, où le D/P est aussi à 3,7/10000, l on trouve très peu d écarts à la moyenne dans les diverses variables. Il semblerait que le rythme des activités dans les pratiques soit plus détendu comme l indique le nombre des visites par semaine (à son plus bas) sans pour autant faire allusion à un fléchissement dans la croissance de la clientèle. Le taux de satisfaction tout en se maintenant élevé à 96 %, comporte une minorité de très satisfaits avec 41 %. La région 12, l Outaouais, même avec un D/P de 3,6/10000 serait avantagée du fait de sa proximité à l Ontario. On constate que la fréquentation des cabinets dentaires y est plus soutenue si l on considère les 1948 patients traités annuellement en comparaison de la moyenne générale de La participation des hygiénistes compte pour une part substantielle à ce résultat si l on tient en considération le coefficient d embauche des hygiénistes dentaires à 2,0 en comparaison de la moyenne générale de 1,3. Les difficultés de recrutement en dentistes qui persistent dans cette région entraînent une telle surcharge de clientèle au point que trois praticiens sur quatre déclarent ne plus avoir de temps disponible. L effectif comprend 40 % de femmes et la pratique de groupe atteint 64 %. Le taux de satisfaction de 93 % est près de la moyenne et se distingue avec 50 % de très satisfaits mais aussi avec 7 % de peu satisfaits. Les trois régions considérées ici sont favorisées en ce qu elles sont intimement intégrées au développement de Montréal et d Ottawa et à leurs conditions socio-économiques avantageuses. 378 Journal de l Ordre des dentistes du Québec Volume 45 Septembre 2008

5 Les régions périphériques La région 1 (Bas-St-Laurent, Côte Nord et Gaspésie), la région 2 (Saguenay, Lac St-Jean) et la région 12 (Abitibi-Témiscamingue et Nord du Québec) en quête de moyens pour neutraliser l exode de leurs jeunes vers le centre arrivent quand même à maintenir des D/P qui ne se distinguent pas trop de ces régions qui sont à l exclusion des grands centres et dont la moyenne est 3,6. Leurs valeurs respectives sont 3,2, 4,2 et 3,4. Leurs besoins en soins buccodentaires requièrent les mêmes traitements qu ailleurs si bien que le rôle du praticien ici ne diffère en rien de celui de ses confrères d ailleurs. On peut noter cependant quelques points où ces régions se mettent en évidence. La pratique solo est encore à l honneur à 60 % dans la région 2 et se met en contraste frappant avec la région 12 où la pratique de groupe est là à son sommet avec 79 %. Dans le premier cas, on attribuera ce fait à la moyenne d âge avancée des praticiens alors que dans le second cas, la proportion des jeunes femmes y est très élevée. L emploi de personnel auxiliaire en région 12 se maintient à un taux de 1,6, ce qui est fort supérieur à la moyenne de 1,3. Ce facteur entraîne vraisemblablement le pourcentage des très satisfaits à 55 % tandis que dans les autres régions ils ne comptent que pour 41 et 37 %. En plus, la région 2 affiche 9 % chez les peu satisfaits. Conclusion Dans l ensemble de la profession, là où des différences d opinion se sont exprimées, on remarque qu elles se regroupent souvent en fonction de l âge des répondants donc du niveau d expérience acquise dans un milieu particulier. Par ailleurs la progression en cours de l élément féminin dans l effectif de la profession reflète des changements de comportements dans l approche à la prestation des soins qui, sans qu on puisse les définir clairement, impriment de nouvelles tendances par leur présence. Les futurs sondages devront porter plus d attention à ces tendances et tenter d en cerner le plus possible les causes. En ce qui a trait à l expression du niveau de satisfaction exprimé par l ensemble des répondants, le facteur sexe devient déterminant si on en juge par le taux des très satisfaits à 51 % chez les hommes et celui des femmes à 39 %. Cet écart demande d être expliqué. 379 Journal de l Ordre des dentistes du Québec Volume 45 Septembre 2008