Observations Séminaires Paris-Bucarest (septembre 2003-janvier 2004) Questionnement et perspectives d études
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- Léonie Louise Gervais
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1 Observations Séminaires Paris-Bucarest (septembre 2003-janvier 2004) Questionnement et perspectives d études Angélina Etiemble Sociologue et ethnologue Nous pouvons résumer la teneur des échanges du séminaire aux questions suivantes 1 : Pourquoi les mineurs roumains partent de Roumanie? Pourquoi fuguent-ils des foyers dans lesquels ils sont placés? Quelles sont les conditions d un rapatriement respectueux de la Protection de l Enfance? Quelles sont les voies d insertion dans le pays de destination? Chacune de ces questions, plus ou moins développée, a été l occasion d'énoncer les constats, les interrogations et les perspectives des différents participants. Après une phase de cadrage général dans le premier séminaire de Paris, le séminaire de Bucarest a permis de mieux cerner les contextes du départ des enfants de Roumanie et de leur rapatriement. Les échanges de pratiques, de savoir-faire ont paru nécessaires à l ensemble des participants, en explorant les possibilités offertes par la coopération décentralisée. Nous reprenons schématiquement les thèmes développés, les interrogations et proposons quelques pistes d études pour mieux connaître la population des mineurs roumains en France : ses trajectoires du pays d origine au pays arrivée, sur le territoire français et, le cas échéant, le retour en Roumanie. 1. Le départ du pays d origine Quelques faits ont été plus particulièrement exposés pour rendre compte de raisons possibles au départ du pays d origine. Fragilisation des familles, déstructuration familiale en raison de la pauvreté, de l alcoolisme, de la déresponsabilisation des parents à l égard de leurs enfants. Abandon scolaire précoce dû au coût de la scolarité et au désenchantement de l école. Tradition migratoire ( migrations pendulaires, notamment) à l étranger dans des régions telles que celle du Satu Mare. Des exemples de réussite alimentent le rêve migratoire. Bien que la majorité légale soit à 18 ans, les jeunes sont considérés comme des adultes dès l âge de ans et donc aptes au départ à l étranger. Traite des enfants. Effet pervers de l entrée dans l Union Européenne. L une des conditions de cette entrée dans l Union Européenne est la fermeture des grands centres de placement dans lesquels se trouvent des centaines d enfants et leur retour dans les familles. La pression, combinée aux lacunes du champ social et judiciaire en matière de Protection 1 Malgré la présence, très enrichissante, de participants italiens, la présence majoritaire de représentants français ont souvent donné aux échanges un caractère franco-français et franco-roumain.
2 2 de l Enfance, ne garantit pas des réintégrations de qualité dans des familles précarisées. Face à ces constats, diverses interrogations ont été soulevées : - Quel accompagnement est, ou peut-être, proposé aux familles, notamment dans l exercice de la parentalité - Quel soutien peut-être mis en place dans la poursuite de la scolarité de l enfant? - Quel projet alternatif peut-on proposer à des enfants à des enfants qui expriment le souhait d aller en France, en Italie ou en Espagne, dès l âge de ans? - Quel rôle peut jouer la coopération décentralisée dans la prévention des départs? - Quels moyens ont la police et la justice roumaines pour identifier les responsables de la traite? Des idées et des expériences ont été examinées pour prévenir les départs : - La mise en place d un programme de prévention scolaire, en proposant des formations qualifiantes pour les plus de 16 ans et pourquoi pas certaines réalisées en France ou ailleurs à partir de conventions bilatérales? - L accompagnement éducatif et le soutien économique des familles (en exemple, Terre des Hommes a évoqué un programme de ce genre en Albanie). - L information des jeunes sur les réalités des pays de destination afin de briser le mythe migratoire. Trouver les arguments et les bons canaux d information : des jeunes ayant euxmêmes vécu l expérience pour nuancer les exemples de réussite qu ils ont sous les yeux. - L enquête policière sur les phénomènes de traite (certaines seraient en cours selon les interlocuteurs roumains ; pour le moment, les informations sont surtout celles établies par les ONG) et la protection des victimes et de leurs familles. Les interlocuteurs roumains disent le manque de formation à cette problématique tant chez les travailleurs sociaux, les policiers et les magistrats. 2. Le retour dans le pays d origine Les conditions et les obstacles au retour des enfants dans leur pays et dans leur famille ont été présentés. De manière générale, les faits qui sont à l origine des départs de Roumanie sont aussi ceux qui font obstacle au rapatriement des enfants. Les conditions de l enquête sociale Les magistrats français ont évoqué les longueurs de l enquête sociale et son contenu insuffisant concernant l évaluation sociale du milieu familial et le projet éducatif. Ils ont souligné le fait que certains enfants sont demandeurs de retour mais le délai d attente risque de les démotiver. Par ailleurs, cette demande de retour doit aussi être assurée d une réelle protection dans le pays d origine. Dans quelle mesure des équipes sociales françaises peuvent-elles être diligentées pour accompagner les équipes roumaines dans ces enquêtes sociales? La coopération décentralisée et le secteur associatif permettent-ils d assurer un cadre politique légitime? L association Jeunes Errants a commencé à expérimenter cette voie au Maroc et l envisage en Roumanie. Les conditions du suivi éducatif en milieu ouvert Les échanges sur les pratiques ont souligné la difficulté à mettre en œuvre, actuellement, ce suivi éducatif en Roumanie en cas de rapatriement des mineurs. La Protection de l enfance se
3 3 met progressivement en place mais elle est encore malmenée comme le montre la question de l intégration dans l Union Européenne) ; des métiers du social éducateur, par exemple n existent pas ou nécessitent assistant social une ouverture et une formation à cette problématique. L échange des pratiques et des savoir-faire L une des conclusions du séminaire est d accompagner les Roumains, eux-mêmes demandeurs, dans la construction de ce champ social et judiciaire de la Protection de l Enfance. Les magistrats français ont commencé à le faire. Des propositions d invitations et d échanges pour des formations (Ville de Paris, Association Jeunes Errants) ont été faites. Le cadre de la coopération décentralisée paraît là encore pertinent. L autre conclusion est que les conditions concrètes et protectrices du rapatriement sont en phase de construction en Roumanie. L exemple révélateur est le Centre Gavroche (30 places, délai de 30 jours pour l évaluation et orientation) pour les enfants rapatriés dont l ouverture n était pas encore déterminée en janvier 2004 et, bien que le projet fut déjà bien avancé, des questions très pratiques restaient en suspens. 3. La présence dans le pays de destination Les participants ont évoqué des faits qui suscitent questionnement, voire inquiétude, sur la présence des mineurs roumains. - des mineurs de plus en plus déférés devant la justice (Paris notamment). - des mineurs en errance et des conduites à risque (drogue, prostitution ). - des mineurs encadrés par de jeunes adultes. - des mineurs non désireux de placement dans les foyers. La mise en œuvre d un travail de rue Les diverses interventions montrent les difficultés d approche et d accroche de la population. Elles interrogent l existence d un dispositif de rue et son financement. La prévention des fugues passe, de l avis général, par une démarche particulière qui passe par le travail de rue. Des discussions ont été engagées sur les compétences nécessaires et la coordination de l existant (quelles associations, notamment à Paris, sont en mesure d effectuer ce travail de rue?). Le contact avec la famille dans la prise en charge du mineur et l approche pluridisciplinaire Les participants italiens, de même que les représentants de l association Jeunes Errants, ont insisté sur la nécessité d entrer en relation avec la famille, de travailler sur la problématique familiale pour assurer l accroche de ces jeunes. Parler avec l enfant dans sa langue paraît être une condition minimale pour établir un véritable contact avec lui. La pluridisciplinarité des équipes en est une autre qui permet d assurer la continuité du placement et le retour éventuel dans la famille. Conclusion : rapatriement versus insertion
4 4 A propos des mineurs roumains, nous avons pu voir les difficultés à articuler l alternative rapatriement dans le pays d origine / insertion dans le pays d arrivée. D une part, les conditions d un rapatriement réussi (Protection de l Enfance, stabilité dans le pays d origine) supposent de penser et d accompagner également l insertion dans le pays d origine. D autre part, l insertion en France est un leurre en l absence d un statut juridique du mineur isolé et d un titre de séjour qui autorisent la scolarisation et la formation du mineur isolé étranger, quelle que soit sa nationalité. L exemple italien est intéressant car il est le seul pays européen à avoir défini le statut du mineur isolé. Les participants italiens ont pointé les problèmes restant sur les modalités d établissement de ce statut (notamment les conditions d enquête pour décider du rapatriement ou de l installation en Italie) et son aspect définitif ( abandon et donc en état d adoption). Jusqu à présent en France, l acquisition de la nationalité française et l obtention du statut de réfugié sont les voies envisageables pour assurer un séjour légal en France à ces mineurs, notamment lorsqu ils deviendront majeurs. Quand ces voies sont impossibles (délai de 3 ans désormais pour demander la nationalité, avec déjà un rajeunissement observé des mineurs arrivants) ou refusées (la demande d asile mineure est traitée de la même façon que la demande d asile adulte), la régularisation du séjour est la seule perspective, laissée à l appréciation discrétionnaire du préfet. Cette situation est en elle-même génératrice d une plus grande mobilité des mineurs (la réputation d un département, d une préfecture est vite connue) et d un plus grand désarroi, voire un rejet, à leur égard.
5 5 Perspectives d étude Projet n 1 De manière générale, la connaissance de la population des mineurs roumains est à approfondir en termes de trajectoires afin de saisir leur mobilité, voire leur errance, comme un processus qui se construit dans le pays d origine et se développe dans le pays d arrivée. Dans quelle mesure l alternative rapatriement/insertion met un terme à cette trajectoire ou, au contraire, la dynamise? Pour répondre à cette question, il nous faut davantage rendre compte des motifs de départ, des modalités d existence en France de ces mineurs et des expériences d orientation et de prise en charge. En reprenant les volets préventif et curatif du séminaire, des axes d enquête, complémentaires, pourraient être ainsi envisagés. Dans quelle mesure la typologie proposée (notamment mineurs mandatés, exploités, errants ) rend-elle compte des trajectoires des mineurs roumains? Les faits exposés dans le cadre du séminaire sont-ils perceptibles chez les mineurs roumains présents en France? Quels sont les critères des différents acteurs (ASE, PJJ, police, secteur associatif) pour déterminer à qui ils ont affaire? Quelles pratiques sont mises en place? Quelle démarche d approche et d accroche est accomplie (maraude, accueil de jour )? Quelles sont les conditions d un placement réussi? Les difficultés dans l accueil et la prise en charge des mineurs isolés ont été largement décrites. A ces difficultés s ajoutent les fugues, notamment dans le cas des mineurs roumains. Nous proposons d éclairer ces difficultés en partant non plus de l échec mais de la réussite du placement de jeunes roumains. Cette réussite peut être définie a priori par : - la durée du placement (absence de fugue). - la relation de confiance (et non plus le mensonge). - le contact avec la famille, éventuellement le retour dans la famille. - le projet éducatif. Ce placement réussi interroge également la sortie du dispositif : comment se fait-elle? A quelles conditions le projet éducatif se pérennise? L investigation (enquête + analyse des données) par site (villes à déterminer selon la présence de mineurs roumains et en fonction de la demande) peut se faire sur une période de deux mois, comprenant une phase observation et une phase entretiens. Projet n 2 De l exil à l errance La question des Roms a été peu abordée dans le séminaire. Des observations en France et en Italie montrent que des familles Roms de Bosnie et de Roumanie sont présentes sur le
6 6 territoire. Des pratiques d errance et de conduites associées (mendicité, voire prostitution), dans lesquelles les enfants se construisent, sont particulièrement visibles dans les villes, suscitant des réactions d hostilité. Pour nombre de familles, c est l exil (certaines demandent l asile ou sont réfugiées statutaires) qui entraîne l errance, alimentée par les représentations des pays d arrivée sur le nomadisme des Tziganes. En enquêtant dans des sites déterminés (Marseille, Lyon, région parisienne?), comment peuton rendre compte du risque d errance dans lequel sont placés des adultes et leurs enfants? Quelles réponses sont apportées pour prévenir ce risque?
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