Compte rendu de la Conférence de Philippe BOISSEAU Le 17/03/10 au CCVA Villeurbanne «Comment aider les enfants à construire leur langage?

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1 Compte rendu de la Conférence de Philippe BOISSEAU Le 17/03/10 au CCVA Villeurbanne «Comment aider les enfants à construire leur langage?» 1. Construction du langage des enfants La construction du langage chez les élèves va s appuyer sur les INTERACTIONS enseignant/élève. Les interactions élève/élève, bien que très importantes, ne seront pas traitées dans cette conférence car l entrée choisie est celle de la pédagogie volontaire : programmée et mise en œuvre par l enseignant. L interaction enseignant/élève a deux caractéristiques : Décisive dans le développement de la langue orale Volontaire et dirigée par l enseignant Cette interaction se distingue des techniques d animation du grand groupe. Dans l interaction prime le souci de la QUALITE tandis que dans l animation du grand groupe prime le souci de la QUANTITE. Ces deux soucis se justifient mais ne se gèrent pas dans les mêmes dispositifs. Concernant l interaction, le grand groupe n est pas le lieu idéal pour interagir car, par définition, il réduit le temps de parole des enfants. Néanmoins, pour favoriser la quantité de parole de chacun, on peut, en grand groupe, «éteindre» les leaders et interagir au maximum avec les petits parleurs. Rapide historique Depuis longtemps, Laurence LENTIN prône l interaction individuelle avec les élèves. Il faut consacrer du temps en interindividuel. Ce peut être sur le temps d accueil, les temps d ateliers. Même si ce temps est bref et fugace, c est une interaction sur mesure donc opérationnelle. Plus tard, Denise DURIF, puis Agnès FLORIN, développe la nécessité du travail en petit groupe. L idée vient du fait que les interactions en grand groupe et celles en interindividuel restent insuffisantes et qu il faut les accompagner par des travaux organisés en petits groupes. Il faut que l équipe pense des organisations permettant le petit groupe : Décloisonnement sur l école avec les adultes surnuméraires Décloisonnement sur deux classes : 1 petit groupe avec 1 enseignante tandis que tous les autres enfants sont avec la deuxième enseignante, les 2 ATSEM voire des parents d élèves Mettre à profit le dispositif Aide Personnalisée.

2 Interaction en syntaxe montante pour les 3, 4 et 5 ans CHOMSKY développait l idée que le langage soit pré programmé dans le cerveau et que la seule fréquentation de la langue permettait de débloquer des compétences langagières pré programmées. Cette théorie pourrait être appuyée par le fait que les premières syntaxes à deux mots, caractéristiques des 2 ans sont communes quel que soit le langage maternel. Syntaxe des 2 ans CV CV CV CV 2 mots à 2 syllabes : consonne/voyelle Ceci étant, pour faire évoluer cette syntaxe et acquérir celles plus propres à sa langue, il s avère nécessaire de développer les INTERACTIONS. Exemples d interactions: INTERACTION POUR LES 2 ANS PHRASE ENFANT Casser (v)oitu(re) Syntaxe caractéristique des 2 ans, sur une phrase simple. Elle est cassée ta voiture Feedback sur la qualité à la portée de l enfant RELANCE Et pourquoi elle est cassée? Relance pour la quantité, pour l entretien de la conversation PHRASE ENFANT INTERACTION POUR LES 3 ANS Moi il a fait une voiture au carton Moi, j ai fait une voiture dans le carton Présence du pronom mais pas de «je» et préposition à revoir. Nous sommes encore sur une phrase simple Feedback sur la qualité à la portée de l enfant, reprise du moi qui arrive avant le «je» et injection du «je» Deuxième feedback proposé mais avec le tu car le «je» est un peu «loin» Bon, tu as fait une voiture avec le carton RELANCE C est interessant Et après? Relance pour la quantité, pour l entretien de la conversation PHRASE ENFANT INTERACTION POUR LES 4 ANS Elle fermait bien sa porte pour pour qu i pour. Comme ça, i pouvait pas rentrer le renard Elle fermait bien sa porte pour qu i rentre pas le renard. Phrase avec tentative de complexification et présence des pronoms et de l imparfait. Déjà très élaboré Feedback sur la qualité à la portée de l enfant, en conservant le pronom «i» et «le renard» en fin de phrase. Il s agit de concentrer l effort sur la complexification RELANCE Et alors? Relance pour la quantité, pour l entretien de la conversation

3 La complexification Pour être efficace à l oral, il faut être à l aise avec les phrases complexes ; La conquête de l oral passe par l élément décisif des phrases complexes dont l acquisition débute dès la petite section. Cette construction de la complexification est la même quel que soit le mot de complexité : parce que, quand, où Bien sûr, les pronoms sont des éléments facilitant dans l acquisition des phrases complexes. Derrière le mot de complexité, un pronom. Jean HEBRARD développait l idée que pour faciliter cette conquête il fallait en plus : Articuler excessivement pour faire entendre les 13 voyelles de la langue française Théâtraliser : exagération des intonations pour une aide au verbal Proposer une forme un peu au-delà de ce dont l enfant est capable Enfant Feedback meilleure phrase possible (peu opérationnel) Ceci étant, il y a une forte avance des capacités de réception sur les capacités de production. La meilleure phrase possible, par son éloignement de l enfant peut manquer totalement de pertinence. PHRASE ENFANT Illustration de la proximité nécessaire Elle fermait bien sa porte pour pour qu i pour. Comme ça, i pouvait pas rentrer le renard Elle fermait bien sa porte pour qu i rentre pas le renard. Elle fermait bien sa porte pour qu il ne rentre pas le renard Elle fermait bien sa porte pour que le renard ne rentre pas. Elle fermait bien sa porte pour que le renard ne rentrât pas. Phrase d un enfant de 4 ans Feedback pour un enfant de 4 ans Phrase d un conteur Pour un enfant de cycle 2 Phrase écrite Pour un enfant de cycle 2 Phrase feedback pour un étudiant d hypokhâgne

4 Comparaison d énoncés de 5 ans Voici un exemple de deux énoncés produits pour décrire un même évènement, un message laissé par des correspondants sur une bande audio pour l accueil de la classe. Elève très avancée dans la construction Elève en difficulté du langage Moi j veux dire que quand on va aller Moi i faire vu vélo. chez les correspondants j vais pouvoir I dire ça faire du vélo parce qu è m dit sur la bande qu è va m préter le sien ma correspondante Les pronoms Le premier objectif dans la conquête de l oral est de travailler à la diversification des pronoms. En effet, les pronoms ont une très forte fréquence dans la phrase. Les plus difficiles à acquérir étant les nous et les vous. Le «je» et le «on» est d accès difficile en zone populaire. possède : je, on, elle possède : i Le temps Le second objectif est de construire le système des temps. Chez les petits, les 3 temps sont construits : passé composé/présent/futur aller. L imparfait arrive après. Le travail sur les temps peut s appuyer sur un planning en photographies de la journée : photos annotées avec une phrase au présent. Des références fréquentes, dans la journée, au planning, permettent de revenir sur des actions passées ou à venir. A partir des moyens où se construit l imparfait, on peut s appuyer sur des photos plus anciennes. possède : présent, futur aller, passé composé probablement puisque antécédent au futur aller infinitif La complexification Il faut «souffler sur les braises» pour encourager toutes tentatives de complexification. Le «pour que» étant un mot de complexité compliqué. possède : que, quand, parce que uniquement phrases simples Les 3 objectifs principaux dans la conquête de la langue orale Dans la construction de la langue orale, 3 objectifs sont à courir prioritairement : Diversification des pronoms Construction des systèmes des temps Complexification des phrases Le «quand» est très favorable à la mise en place du futur antérieur ; Ces 3 objectifs ne se travaillent pas successivement mais bien simultanément. Ils s étayent aussi par un travail sur : Les prépositions Le lexique

5 Les phrases complexes représentent chez les : petits : 1 phrase sur 10 moyens : 1 phrase sur 5 grands : 1 phrase sur 4 CM2 : 1 phrase sur 2 enseignants : toutes les phrases Concernant la concentration des phrases : remplacement du pronom derrière le mot de complexité par le GN correspondant, nous sommes sur cette fréquence : maternelle : 2% CM2 : 4% enseignants : 25% Il ne faut pas viser la concentration trop tôt. La conquête de l oral dans le temps : Les pronoms Les temps La complexification Petits Moyens Grands 2. proposition d outils Outre les dispositifs à mettre en œuvre, on peut aussi s appuyer sur des outils spécifiques pour la conquête de l oral. Les albums échos Les albums échos sont de deux natures : les albums à la première personne et les albums à la troisième personne. Ils se composent de photos prises dans le cadre d activités porteuses pour les enfants et autour de thèmes qui leur sont chers : grande motricité (attention, on ne parle pas pendant l activité) les animaux la nourriture (favorable à un travail autour de la chronologie) les jeux d eau Les photos doivent être cadrées serré pour permettre un vocabulaire précis autour d une action ou d une situation ciblée. Pour les petits, de 6 à 8 photos. Pour les moyens de 8 à 10 photos. Pour les grands, de 10 à 12 photos. Les photos doivent proposer une bonne variété de situations. Durant l année, on envisage 3 temps de travail autour des albums échos.

6 Proposition de déroulement : A. A l occasion de l accueil, les photos prises récemment sont étalées et les élèves concernés sont sollicités pour s exprimer dessus. L enseignant les sollicite, les fait parler et les relance B. Avec un autre adulte, choisir le feedback le plus approprié et rédiger la phrase commentaire. Cette phrase est le feedback choisi en fonction des propositions faites par l élève concerné. C. L élève concerné est invité à raconter son album écho. Il faut attendre que l élève soit prêt à aller vers une présentation autonome. On peut inviter des élèves d autres classes pour raconter son album. L album écho 3 ème personne arrive après l album écho 1 ère personne. Pour cet album, l histoire peut être proposée par l enseignant, chaque élève étant invité à le raconter. Pour les élèves sujets des photos, ils peuvent raconter avec le «je». On peut envisager des albums de difficulté croissante en cours d année mais également trois albums simultanés de difficulté différente. Remarques : Les progrès des mutiques et de ceux en grande difficulté sont souvent brutaux et plus spectaculaires que les progrès des «speed» qui avancent par petites touches. Les albums en syntaxe adaptée Evelyne CHARMEUX privilégiait l utilisation d albums propédeutiques à l écrit. On charge dans les compétences de réception avec l attente d un effet différé. Laurence LENTIN est plus en faveur des albums qui cultivent les structures de l oral. A l oral, les pronoms et les phrases complexes sont en nombre très supérieur qu à l écrit. L outil mis en place avec Philippe BOISSEAU est l Oralbum. Cet outil est rédigé en trois séquences par illustration, chaque séquence proposant un texte de l oral adapté à une section. Il s utilise en petit groupe avec l enseignante qui lit la séquence adaptée à son groupe en montrant l illustration. A terme, l élève est invité à raconter lui-même l histoire, de préférence à un auditoire qui ne la connaît pas. Des jeux peuvent être mis en place autour de cet outil : l enseignant raconte une illustration que les élèves doivent retrouver sur leur album individuel. (Cet album individuel n a aucun texte). Utiliser les images de l album pour travailler en images séquentielles Utiliser les illustrations de l album dans un jeu de loto, dans un jeu de kim Lorsque la série complète des Oralbums sera éditée, l ensemble du lexique à travailler à la maternelle sera couvert.

7 3. Le vocabulaire Même si la syntaxe est la priorité à travailler dans la conquête de l oral comme le prône Laurence LENTIN, le lexique est bien sûr également important. Le lexique à travailler à la maternelle présente une progression : 750 mots pour les petits 1750 mots pour les moyens 2500 mots pour les 5 ans Ce travail sur le lexique est simultané au travail sur la syntaxe. Ce vocabulaire peut être travaillé à partir de différents vecteurs pédagogiques : Les albums échos : ils font apparaître tout un lexique de mots outils, de verbes Il y a appropriation du vocabulaire de son propre album écho ainsi que de ceux des copains Les situations elles-mêmes : tous les feedbacks par exemple lors du récit des exploits en fin de séances ou lors de la mise en projet pour les fois suivantes lors des différents bilans Les imagiers : ils sont favorables au lexiques des noms, faciles à illustrer. Des imagiers d une trentaine de photos. Les noms ont une fréquence inférieure aux mots outils et l imagier est favorable à leur appropriation. Tous les jeux dérivés de l utilisation des illustrations d imagiers : jeux de loto, jeux de Kim (privilégier en amont le jeu de Kim en 3D), jeux de Mémory (bien faire nommer) Il existe des illustrations de qualité dans des outils comme : - «1500 mots illustrés» du Père Castor - «2500 mots pour les 5 ans : mon premier Larousse» - «Le Larousse des maternelles»