Quels sont vraiment les inconvénients d une dette publique très élevée?
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- Thibaut Lépine
- il y a 7 ans
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1 1 er avril 1 N 11 Quels sont vraiment les inconvénients d une dette publique très élevée? L opinion la plus répandue est qu une dette publique trop élevée est mauvaise pour l économie. Nous essayons de préciser cette opinion en regardant pourquoi une dette publique trop élevée est mauvaise pour l économie : si l épargne est insuffisante, elle conduit à une éviction du capital privé (l épargne étant partagée entre dette publique et financement des entreprises ou du logement) ; ceci peut se regarder sur une base nationale ou globale ; la stabilisation du taux d endettement public à un niveau élevé implique soit une réduction des dépenses publiques (autres que les intérêts sur la dette) soit une hausse de la pression fiscale. C est pour cela qu on parle du transfert du poids de la dette aux générations futures. Une dette publique très élevée ne peut donc se justifier que si : RECHERCHE ECONOMIQUE Rédacteur : Patrick ARTUS l épargne est tellement importante qu il n y a pas d éviction du capital privé ; ceci est, globalement, le cas aujourd hui ; l écart des situations économiques entre le présent et le futur justifie qu on transfère du revenu des générations futures vers les générations présentes. La situation économique est très dégradée aujourd hui, mais il n est pas certain qu elle sera meilleure dans le futur avec les délocalisations, le vieillissement, la hausse des prix des matières premières.
2 Hausse des taux d endettement publics Les politiques budgétaires mises en place avec la crise conduisent à une très forte hausse des taux d endettement publics dans les pays de l OCDE (graphique 1) Graphique 1 Dettes publiques (en % du PIB) Sources : Dat astream, Prévisions NATIXIS La vue la plus commune est que ces taux d endettement sont trop élevés et qu il va falloir passer à des politiques budgétaires restrictives pour les stabiliser et même les réduire. Les gouvernements ont ainsi annoncé un durcissement rapide des politiques budgétaires (tableau 1). Tableau 1 Prévisions des gouvernements de l'évolution des déficits publics Allemagne ,3 - - France Italie Espagne(*) Pays Bas Grèce Portugal Irlande Autriche Belgique Finlande Sources : Eurostat, NATIXIS (*) Le nouveau programme de l Espagne 91 n annonce plus les déficits intermédiaires. Donc pas de chiffres pour 111 Nous voulons examiner de plus près cette question du caractère excessif des taux d endettement publics, d abord en rappelant pourquoi une dette publique élevée est défavorable, puis dans quelles conditions on peut accepter un taux d endettement public élevé. Pourquoi on pense usuellement qu une dette publique élevée est défavorable (a) Le premier argument est un argument d éviction du capital privé L épargne (des individus en âge d épargner) est en effet partagée entre : le financement des déficits publics ; le financement de l investissement privé (des ménages, des entreprises, Flash
3 Et on a : Epargne cumulée = dette publique + capital privé Un supplément de dette publique, pour une épargne donnée, réduit donc le capital privé. Ceci n est favorable que si l épargne est tellement élevée qu il y aurait excès d investissement privé (suraccumulation de capital) avec une dette publique plus faible. (b) Le second argument vient de l équilibre des finances publiques à long terme. Pour que le taux d endettement soit stable à long terme, il faut qu on ait : Dépenses publiques % PIB (hors intérêt sur la dette) + intérêts réels* sur la dette publique % PIB = pression fiscale % PIB *= taux d intérêt réel x dette publique % PIB Un taux d endettement public plus élevé à long terme conduit donc nécessairement soit à une baisse des dépenses publiques (hors intérêt sur la dette) soit à une hausse de la pression fiscale, c est-à-dire à l inverse de ce qui a fait apparaître à court terme l endettement public élevé. Pour qu un taux d endettement public élevé soit acceptable, il faut donc qu il soit légitime de transférer des revenus depuis le futur vers le présent : pression fiscale faible aujourd hui et dépenses publiques élevées (ce qui accroît la dette publique) ; pression fiscale forte et dépenses publiques faibles dans le futur (pour stabiliser le taux d endettement public). Ceci est le cas si la situation économique est particulièrement dégradée à court terme, et sera nettement meilleure plus tard. Que penser de la situation présente? (1) Y-a-t-il éviction de l investissement privé? (a) Au niveau mondial, le taux d épargne privé monte continument, le taux d intérêt à long terme est extrêmement bas (graphiques a-b) Graphique a Monde : taux d'épargne privée*, déficit public et taux d'investissement (en % du PIB) Déficit public (G) Taux d'épargne privée* (D) Taux d'investissement (D) (*) = taux d'épargne - déf icit public (en %du PIB) Sources : Dat astream, prévisions NATIXIS Graphique b Monde : taux d'intérêt à 1 ans Taux nominal Taux réel (déflaté par le CPI) Flash
4 Il n y a donc aucun signe d éviction de l investissement privé malgré la hausse du déficit public (graphique a). Le recul de l investissement (graphique a) est lié à l excès de capacité, au désendettement des entreprises dans les pays de l OCDE (graphique 3), pas à l éviction par les déficits publics qui se manifesterait par une hausse des taux d intérêt à long terme. 3 Graphique 3 Crédit bancaire aux entreprises (GA en %) Royaume Uni Japon Ce déficit public est donc venu simplement utiliser l épargne privée qui ne pouvait plus financer des investissements privés. (b) Si la mobilité internationale des capitaux de l épargne n est pas parfaite, malgré l abondance de l épargne mondiale, des effets d éviction pourraient apparaître dans certains pays où l épargne est trop faible par rapport aux déficits publics, d où une hausse des taux d intérêt qui réduirait l investissement privé. Les zones (pays) seraient caractérisées par : un déficit extérieur (graphiques a-b) ; des déficits publics élevés (graphiques a-b) ; des taux d intérêt à long terme supérieur à la moyenne (graphiques a-b) ; un recul de l investissement (graphiques 7a-b). Ceci ne semble aujourd hui apparaître qu en Europe Centrale. Flash
5 Graphique a Balance courante (en % du PIB) PECO 1 Graphique b Balance courante (en % du PIB) Amérique latine yc M exique Chine Emergents d'asie yc Inde Graphique a Déficit public (en % du PIB) 1 Graphique b Déficit public (en % du PIB) (Hors opération en capital) * PECO (*) Besoin de f inancement de l'et at Fédéral (inclus les opérations de capital) Sources : Datast ream, prévisions NATIXIS Amérique latine yc M exique Chine Autres émergents d'asie + Inde Sources : Datast ream, prévisions NATIXIS Graphique a Taux d'intérêt à 1 ans 1 1 Graphique b Taux d'intérêt à 1 ans PECO Amérique latine yc M exique Chine Emergents d'asie yc Inde Flash
6 3 1 Graphique 7a Investissement total (volume, GA en %) PECO Graphique 7b Investissement total (volume, GA en %) Amérique latine yc M exique Chine Emergents d'asie yc Inde () La situation économique serait-elle meilleure dans 1 ou ans? Ceci concerne les pays de l OCDE : une situation économique meilleure dans 1 ou ans : justifie-t-elle le transfert de revenu du futur vers le présent associé à la hausse présente du taux d endettement public? La perte de production est certes très forte aujourd hui (graphique ), mais, dans le futur : les délocalisations vers les pays émergents se seront poursuivies, avec l avantage de croissance (graphique 9a) et de coût (graphique 9b) de ces pays ; le vieillissement démographique (graphique 1) exigera au contraire des transferts de revenus vers le futur pour couvrir les dépenses de retraite et de santé (tableau ) ; la hausse des prix des matières premières, due à la forte demande de matières premières dans les pays émergents (graphiques 11a-b), va affaiblir les économies des pays de l OCDE. Il est donc difficile de prévoir une nette amélioration des économies des pays de l OCDE dans 1 ou ans. 11 Graphique PIB volume (1 en :1) 11 Graphique 9a Croissance du PIB en volume (GA en %) Japon Ensemble des Emergents yc Russie, OPEP et Chine US + UE à 1 + Japo n Sources : Dat astream, prévisions NATIXIS Flash
7 1 Graphique 9b Coût salarial unitaire* 1 13 Graphique 1 Population supérieure à ans en % de la population de à ans 13 9 US + UE à 1 + JP =1 9 Ensemble des émergents yc Russie, OPEP et Chine 7 7 (*) Calculé par PIB$/PIB$PPA Sources : Census, Datastream, NATIXIS Graphique 11a Ensemble des émergents y compris Russie, OPEP et Chine : consommation de matières premières (en % par an) Pétrole Alimentation Métaux Sources : Oil Intelligence, Bureau Stat istics of M et al, OCDE, prévisions NATIXIS Graphique 11b Ensemble des émergents y compris Russie, OPEP : part dans la consommation mondiale (en %) Pétrole Métaux Alimentation Sources : Oil Intelligence, Bureau St atist ics of M etal, OCDE, prévisions NATIXIS 7 7 Tableau a Dépenses publiques de retraite (en % du PIB) Allemagne France Italie Espagne Pays Bas Portugal Belgique Grèce Autriche Irlande Finlande Luxembourg Sources :OFCE-DREES, Bureau Fédéral du Plan Belge, Eurostat Flash
8 Tableau b Dépenses publiques de santé (en % du PIB) Allemagne France Italie Espagne Pays Bas 1. 1 Portugal Belgique 9 1. Grèce Autriche Irlande.3 9. Finlande Luxembourg 9. Sources :OFCE-DREES, Bureau Fédéral du Plan Belge, Eurostat Synthèse : les dettes publiques très élevées qui sont accumulées aujourd hui sont-elles acceptables? Pour qu une dette publique très élevée soit acceptable, il faut : que l épargne soit suffisamment importante pour que la hausse du taux d endettement public ne réduise pas le capital privé ; que la situation économique soit nettement meilleure dans le futur qu aujourd hui, ce qui justifie d avoir aujourd hui une politique budgétaire expansionniste (celle qui accroît le taux d endettement public) et dans le futur une politique budgétaire restrictive (celle qui le stabilise). La première condition est vérifiée, l épargne mondiale privée étant très abondante et aucun effet d éviction n apparaissant (sauf peut-être en Europe Centrale). Il est difficile par contre de parier sur une amélioration forte des économies des pays de l OCDE, même si elles sont aujourd hui très déprimées, avec la poursuite des délocalisations vers les émergents, le vieillissement démographique, la hausse des prix des matières premières. Transférer du revenu du futur vers le présent est donc bien un prélèvement anormal sur les générations futures. Flash
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