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1 Hydrological Sciences Journal ISSN: (Print) (Online) Journal homepage: Modélisation hydrologique stochastique d'un bassin affecté par des changements d'occupation: cas du Merguellil en Tunisie centrale / Hydrological stochastic modelling of a basin affected by landuse changes: case of the Merguellil basin in central Tunisia Ahmadi Kingumbi, Zoubeida Bargaoui, Emmanuel Ledoux, Mustapha Besbes & Pierre Hubert To cite this article: Ahmadi Kingumbi, Zoubeida Bargaoui, Emmanuel Ledoux, Mustapha Besbes & Pierre Hubert (2007) Modélisation hydrologique stochastique d'un bassin affecté par des changements d'occupation: cas du Merguellil en Tunisie centrale / Hydrological stochastic modelling of a basin affected by land-use changes: case of the Merguellil basin in central Tunisia, Hydrological Sciences Journal, 52:6, , DOI: /hysj To link to this article: Published online: 15 Dec Submit your article to this journal Article views: 627 View related articles Citing articles: 2 View citing articles Full Terms & Conditions of access and use can be found at Download by: [ ] Date: 21 June 2016, At: 09:30

2 1232 Hydrological Sciences Journal des Sciences Hydrologiques, 52(6) décembre 2007 Modélisation hydrologique stochastique d un bassin affecté par des changements d occupation: cas du Merguellil en Tunisie centrale AHMADI KINGUMBI 1, ZOUBEIDA BARGAOUI 1, EMMANUEL LEDOUX 2, MUSTAPHA BESBES 1 & PIERRE HUBERT 2 1LMHE, Ecole Nationale d Ingénieurs de Tunis, BP 37 Le Belvédère, 1002 Tunis, Tunisie kingumbi@yahoo.fr 2 UMR 7619 Sisyphe, Ecole des Mines de Paris CIG, 35 Rue Saint Honoré, F Fontainebleau Cedex, France Résumé Le bassin du Merguellil ayant été l objet de nombreux aménagements de conservation des eaux et des sols (CES), une étude de l impact de ceux-ci par une modélisation hydrologique a été effectuée. Le modèle MODCOU qui simule à la fois les écoulements de surface et souterrains a été utilisé. Les aménagements CES ont été pris en compte à travers une paramétrisation de la fonction de production. Le calage du modèle a été effectué par une approche stochastique multicritères sur plusieurs sites d observations. Les résultats montrent que l évapotranspiration réelle constitue la plus grande composante du système superficiel et que le système souterrain est largement déficitaire. Les sorties de ce dernier ont été estimées à quatre fois supérieures aux entrées. Il a enfin été montré l amélioration de la représentativité du modèle apportée par la prise en compte des aménagements CES au moyen de paramètres spécifiques attribués à la fonction de production. Mots clefs aquifères; bassin versant; changement d occupation du sol; modèle couplé eaux de surface eaux souterraines; ressources en eau; Tunisie centrale Hydrological stochastic modelling of a basin affected by land-use changes: case of the Merguellil basin in central Tunisia Abstract Several works in the area of water and soil conservation (WWSC) have been implemented in the Merguellil basin. In order to test their efficiency, an impact study of these works was carried out by hydrological modelling. The MODCOU model, which simulates both surface and underground flow at the same time, was used. The WWSC were considered through a parameterization of the production function. The calibration of the model was carried out with a multi-objective stochastic approach on several observation sites. The results show that the actual evapotranspiration is the largest component of the surface system. The groundwater system is largely overdrawn with outputs estimated to be four times higher than the inputs. This study has shown the improvement in model representativeness by assigning specific parameters to the production functions of the WWSC zones. Keys words aquifers; watershed; land-use change; coupled surface water groundwater flow model; water resources; central Tunisia INTRODUCTION Le bassin du Merguellil se situe en Tunisie centrale, une région caractérisée par un climat semi-aride. Il est, depuis trois décennies, considéré comme un bassin pilote pour l étude des ressources en eau de cette région. Il a ainsi fait l objet de plusieurs travaux dans le cadre d un programme de recherche (MERGUSIE) dont l objectif principal était la gestion intégrée de ses eaux. Deux axes de recherche y ont été développés en parallèle. Le premier, dans lequel se situe ce travail, a concerné l amélioration de la connaissance des ressources disponibles (Baba Sy & Besbes, 2001; Cudennec et al., 2002, 2005; Kingumbi et al., 2004; Ben Ammar et al., 2006) alors que le second s est focalisé sur les modalités de leur gestion optimale (Faysse et al., 2001; Feuillette et al., 2001; Lebdi et al., 2001). D autre part, les ressources en eau de ce bassin sont caractérisées par une très grande complexité liée notamment à une disparité spatiale de la pluviométrie, à l interconnexion des écoulements superficiels et souterrains, aux prélèvements d eau pour divers usages (agricoles, domestiques et industriels), aux La discussion concernant cet article est ouverte jusqu au 1er juin 2008

3 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1233 aménagements de Conservation des Eaux et des Sols (CES), ainsi qu aux grands barrages (El Haouareb et Sidi Saad) implantés dans la partie aval du bassin. L objet de ce travail est d essayer de déterminer l impact de toutes ces actions anthropiques sur les ressources en eau de ce bassin dans le but d en fournir une estimation susceptible d être utilisée par un modèle de gestion. Une approche basée sur la modélisation couplée et distribuée du cycle hydrologique peut être utilisée à cet effet. Le choix du modèle hydrologique dépend de l échelle du bassin et de la nature des actions anthropiques à représenter. Pour les parcelles et les petits bassins, les modèles à base physique sont généralement les plus utilisés (Carluer & De Marsily, 2005). Cependant d autres approches telles que l hydrogramme unitaire peuvent être adaptées et utilisées (Cudennec et al., 2004; Nasri et al., 2004). A cette échelle, seuls les petits ouvrages sont représentés tels que les banquettes (Nasri et al., 2004), les drains (Slama et al., 2004) et les ouvrages agricoles (Carluer & De Marsily, 2005). Pour les grands bassins, les modèles distribués à base physique sont lourds à mettre en place à cause de la quantité de paramètres à mesurer ou à estimer, et du temps de calcul nécessaire (Refsgaard & Abbot, 1996). Les modèles distribués à base conceptuelle sont ainsi les plus utilisés et les actions anthropiques concernées sont celles qui couvrent de grandes superficies telles que les grands barrages (Ayadi & Bargaoui, 1998), l urbanisation ou la déforestation (Hundecha & Bàrdossy, 2004). Dans cette approche conceptuelle, les ouvrages sont pris en compte à travers les paramètres du modèle hydrologique. Elle est adaptée au bassin du Merguellil étant donné sa taille et l étendue couverte par les ouvrages de conservation des eaux et des sols. C est pour cette raison que nous avons choisi d utiliser le modèle MODCOU dont la fonction de production est de type conceptuel à réservoirs (Ledoux, 1980). D autre part, ce modèle distribué permet le couplage des écoulements superficiels et souterrains, ce qui cadre bien avec les objectifs poursuivis. Dans la première partie nous présentons le système d étude. La deuxième et la troisième parties seront réservées respectivement au modèle d écoulement et à sa mise en œuvre sur le domaine d étude. Les deux dernières sections seront consacrées à la méthode d identification des paramètres du modèle ainsi qu à la présentation et la discussion des résultats obtenus. LE SYSTEME Le bassin de l oued Merguellil draine les flancs sud de la dorsale tunisienne et a pour exutoire la plaine de Kairouan (1500 km 2 ). La zone concernée par cette étude comprend une partie de ce bassin limitée au barrage d El Haouareb (mis en eau en 1989) qui recouvre une superficie d environ 1200 km 2 (Fig. 1). Le système hydrologique et hydrogéologique Le bassin est essentiellement drainé par l oued Merguellil dont les principaux affluents se trouvent en rive droite (Fig. 1): l oued Morra, l oued Zebbes et l Oued Ben Zitoune. La région comporte quatre entités hydrogéologiques principales interconnectées: l aquifère Oligocène de Bouhafna, l aquifère Mioplioquaternaire de Haffouz, l aquifère Oligocène de Cherichira et l entité hydrogéologique d Aïn Baïdha constituée

4 1234 Ahmadi Kingumbi et al. Fig. 1 Situation géographique des principaux constituants de la zone d étude. de plusieurs formations aquifères (Mioplioquaternaire, Oligocène et Eocène). Ces entités occupent une étendue d environ 600 km 2 se trouvant globalement au sein des limites du bassin topographique de l oued Merguellil. Cependant, une bonne partie de la nappe d Aïn Baïdha (environ 75 km 2 ) et de celle de Cherichira (environ 50 km 2 ) alimentent des écoulements superficiels qui sont drainés en dehors des limites de ce bassin respectivement vers les oueds Zeroud et Cherichira (Fig. 1). Ces entités étant reliées, elles ont été délimitées par Kingumbi et al. (2005a) en nappes phréatique et profonde. Le milieu physique Le milieu naturel La population du bassin du Merguellil est globalement jeune et rurale à plus de 80%. Seuls quelques petits centres urbains tels que Haffouz et El Ala font exception à une ruralité très prononcée (Fig. 1). Les sols de ce bassin ont été inventoriés par Barbery & Mohdi (1987) et Mizouri et al. (1990). La texture de ces sols a permis de les classer en six unités visualisées sur la Fig. 2(a). L occupation moyenne de ces sols se compose de cinq entités principales (Fig. 2(b)): les forêts, les cultures (céréales et arboricultures), les pâturages, les zones bâties et les zones inondables (Barbery & Mohdi, 1987; DCES, 1996). La région est à vocation essentiellement agricole avec les cultures qui occupent la plus grande étendue du bassin (environ 55% de la superficie totale). La géologie de ce bassin est constituée de formations qui vont du Trias au Quaternaire (Kingumbi et al., 2005a). Les affleurements géologiques du Merguellil ont été ainsi identifiés et cartographiés, notamment ceux des principales formations aquifères. Les aménagements de conservation des eaux et des sols (CES) Les différents types d aménagements CES ont été implantés dans le cadre des différents projets qui se sont succédés sur ce bassin (DCES, 1991). On distingue deux principaux types d aménagements (Dridi, 2000; Ben Mansour, 2000): les aménagements des versants

5 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1235 Fig. 2 Répartition spatiale (a) de la texture des principales unités pédologiques et (b) de l occupation moyenne interannuelle du bassin du Merguellil. Fig. 3 Répartition spatiale (a) des zones homogènes initiales et (b) des principaux aménagements de conservation des eaux et des sols du bassin du Merguellil en (banquettes) et ceux du réseau hydrographique (lacs collinaires). Ces aménagements ont été inventoriés et la chronologie de leur mise en place a été reconstituée (Fig. 3(b), Tableau 1). Définition d entités homogènes Les sols et leurs occupations moyennes ont été superposés et classés en cinq entités en fonction de leurs aptitudes à favoriser l écoulement au détriment de l infiltration (Fig. 3(a), Tableau 1): croûtes (no. 1), forêts (no. 2), argiles (no. 3), et sables (no. 4). Une cinquième entité a été définie pour tenir compte des affleurements de la principale formation aquifère (Oligocène) du bassin du Merguellil: affleurements (no. 5). Ces cinq premières entités constituent les zones homogènes initiales. Deux entités supplémentaires ont été définies pour tenir compte

6 1236 Ahmadi Kingumbi et al. Tableau 1 Chronologie des proportions de surface (%) des entités homogènes initiales (P) concernées par un changement et le type d aménagement implanté: banquettes (B) ou lacs collinaires (L). Période Croûtes (%) Forêts (%) Argiles (%) Sables (%) Affleurements (%) P B L P B L P B L P B L P B L de l implantation des principaux aménagements mis en place dans le bassin du Merguellil: banquettes (no. 6) et lacs collinaires (no. 7). Le Tableau 1 montre, pour chaque entité initiale, l évolution temporelle du pourcentage de surface concerné par un changement et le type d aménagement implanté. Forçages atmosphériques et prélèvements dans les nappes Vingt trois stations pluviométriques situées sur le bassin et dans ses environs peuvent donner une idée du forçage pluviométrique (Fig. 1). Les données de ces stations couvrent une période d environ 40 ans avec une pluviométrie annuelle comprise entre 200 et 500 mm. Le contrôle de ces données, effectué à l aide des méthodes de double masse (Brunet-Moret, 1979) et d ellipse de Bois (Musy, 2005) à l échelle annuelle, aboutit à une seule station (Aïn Jelloula) présentant un défaut d hétérogénéité. D autre part, Kingumbi et al. (2005b) ont montré une baisse de la contribution des gros évènements (>30 mm) dans les pluies annuelles de ce bassin entre 1976 et Les températures moyennes mensuelles sont comprises entre 5 et 30 C. L humidité de l air varie entre un état moyennement sec en hiver et un état très sec en été, ce qui fait que l évapotranspiration potentielle est très élevée avec des valeurs qui fluctuent entre 50 et 250 mm/mois (Bouzaiane & Laforgue, 1986). L estimation des prélèvements en eau dans la nappe phréatique a été effectuée sur la base des annuaires quinquennaux publiés par le Ministère de l Agriculture (DGRE, ). Il en ressort qu ils ont été multipliés par six en trente ans: ils sont passés de 30 à 170 L/s entre 1970 et Pour la nappe profonde les annuaires d exploitation des nappes profondes (DGRE, ) ont été utilisés. Son exploitation est passée de 300 L/s en 1970 à près de 500 L/s en Les plus forts taux annuels d exploitation ont été observés au début des années 1980 avec un débit fictif continu d environ 800 L/s (voire Fig. 6). LE MODELE D ECOULEMENT Le modèle MODCOU (Ledoux, 1980) qui présente l avantage d avoir été appliqué dans divers contextes (Ledoux et al., 1989; Ambroise et al., 1995; Violette et al., 1997; Etchevers et al., 2001), est utilisé dans cette étude. Il simule l ensemble du cycle hydrologique continental et se présente sous forme modulaire (Girard et al., 1981).

7 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1237 Fig. 4 Paramètres et variables d état de la fonction de production standard de MODCOU (d après Ledoux, 1980). La production d écoulement se fait par une fonction conceptuelle à réservoirs (Fig. 4), qui répartit les précipitations entre l infiltration, le ruissellement, l évapotranspiration et le stockage dans le sol (Girard et al., 1981; Goula Bi Tie, 1993; Golaz- Cavazzi, 1999). Elle est définie pour chaque zone de production, et est constituée de deux variables d état (R et RNAP) et de sept paramètres dont cinq capacitifs (CRT, DCRT, FN, QRMAX et QIMAX) et deux de vidange (CQR et CQI). Les paramètres DCRT et CRT représentent respectivement les valeurs minimale et moyenne du stock en eau du sol, tandis que FN constitue la quantité maximale d eau susceptible, sur un pas de temps donné, de s infiltrer vers la nappe. Les autres paramètres caractérisent la façon dont l eau destinée à l infiltration et au ruissellement est acheminée. Le transfert en surface se fait par isochronisme et se décompose en transfert sur les versants et en rivière. Le réseau hydrographique est ainsi découpé en biefs qui se vident exponentiellement les uns dans les autres. Le transfert en zone non saturée est effectué à l aide du modèle de cascades de Nash (Besbes, 1978). Le transfert en zone saturée est effectué à l aide du modèle NEWSAM (Levassor & Ledoux, 1996), basé sur l intégration numérique de l équation de la diffusivité régissant les écoulements en aquifères multicouches par une méthode de type volumes finis sur un maillage carré emboîté de taille variable. Les échanges nappe rivière s effectuent entre les mailles rivières de la couche de surface et les mailles de la première couche souterraine qui leur correspondent verticalement. MISE EN ŒUVRE DU MODELE Discrétisation du système Maillage de la zone d étude Le système a été subdivisé en trois couches: une couche de surface et deux couches aquifères (Fig. 5). La couche de surface a été

8 1238 Ahmadi Kingumbi et al. Fig. 5 (a) Maillage de la couche de surface et répartition spatiale des entités de production homogène sur la période ; (b) maillage, conditions aux limites et réseau de surveillance piézométrique des couches souterraines. discrétisée en 2000 mailles carrées (de trois dimensions: 500, 1000 et 2000 m) parmi lesquelles les mailles rivières, dans lesquelles s effectue l écoulement concentré, ont été individualisées (Fig. 5(a)). Les deux couches souterraines sont composées de mailles d une même taille (1000 m). La première (nappe phréatique) et la seconde (nappe profonde) sont respectivement constituées d environ 400 et 600 mailles (Fig. 5(b)). Attribution des fonctions de production La couche de surface a été subdivisée en zones de production homogène. Pour cela, à chacune des sept entités homogènes définies dans la première section a été assignée une fonction de production différente. Chaque fonction étant définitivement assignée à des mailles bien définies, tout changement dans le temps des propriétés du milieu suppose la définition d une fonction de production supplémentaire. C est ainsi que les huit changements induits par les aménagements (Tableau 1) constituent huit fonctions de production supplémentaires. La Fig. 5(a) représente la répartition spatiale des différentes fonctions de production sur le maillage superficiel pendant la période Conditions aux limites du système Le système souterrain s alimente par infiltration de la pluie sur les affleurements des aquifères et par infiltration du ruissellement au niveau des piedmonts des principaux reliefs (djebels Ouesslat, Touila et Trozza) du bassin (Fig. 5(b)). Les oueds et les sources, dont les écoulements convergent vers la plaine de Kairouan, constituent les principaux exutoires naturels de ce système (Fig. 5(b)). Interpolation spatiale des données météorologiques A l aide des polygones de Thiessen, une interpolation spatiale a permis de définir vingt zones météorologiques correspondant chacune à une station pluviométrique. Les pluies

9 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1239 journalières et les données d évapotranspiration potentielle en moyenne mensuelle (Bouzaiane & Laforgue, 1986) leur ont été ainsi attribuées. Données de calage Hydrométrie Quatre stations fournissent l essentiel de l historique hydrométrique de ce bassin: la station de Skhira installée en 1974, la station de Haffouz mise en place en 1965, la station de Zebbes bâtie en 1996, et la station de Sidi Boujdaria qui a débuté en 1974 (Fig. 1). Une étude du bilan du barrage d El Haouareb a également permis de calculer une série d apports journaliers s y déversant, depuis sa mise en eau (1989) jusqu en 1998 (Kingumbi, 1999). A l exception de la station de Sidi Boujdaria dont les mesures ont cessé après la mise en eau du barrage d El Haouareb, les mesures à toutes les autres stations sont toujours en cours. Les données hydrométriques présentent plusieurs lacunes. Elles ont été contrôlées par des comparaisons pluies lames écoulées et des débits observés en même temps sur plusieurs stations. Ce contrôle a permis la mise à l écart des évènements douteux parmi les observations aux différentes stations. Piézométrie Une carte piézométrique de référence a été construite pour l année 1970 (Kingumbi et al., 2005a) en vue de la reconstitution de l état initial du système souterrain. Treize puits on été sélectionnés pour suivre l évolution temporelle du niveau piézométrique de la nappe phréatique (Fig. 5(b)). Les mesures piézométriques sont semestrielles et le plus souvent incomplètes. Les données les plus complètes Fig. 6 Comparaison des piézométries mesurées et calculées par les 16 simulations sélectionnées sur quatre points représentatifs des principales entités aquifères du bassin du Merguellil.

10 1240 Ahmadi Kingumbi et al. montrent que les niveaux piézométriques fluctuent en fonction de la pluviométrie. Elles montrent ainsi une baisse continue de la piézométrie depuis le début des années 1970 jusqu en 1990, date à laquelle on enregistre une certaine remontée piézométrique (Fig. 6(c), (d)). Le suivi temporel du niveau piézométrique de la nappe profonde est effectué à l aide de treize piézomètres (Fig. 5(b)). Ils montrent une baisse piézométrique d une trentaine de mètres, sur la période , dans les zones de Bouhafna (Fig. 6(a)) et de Cherichira (Fig. 6(b)), due à une exploitation intensive de la nappe dans ces zones. En revanche les zones de Haffouz (Fig. 6(c)) et Aïn Baïdha (Fig. 6(d)) n ont pas subi des abaissements piézométriques de même ampleur, malgré un certain accroissement des prélèvements dans ces zones. Estimation des paramètres du modèle d écoulement Paramètres de la fonction de production La fonction de production standard de MODCOU comporte sept paramètres (Fig. 4). Les trois premiers paramètres (CRT, DCRT et FN) ont été spatialement distribués avec des valeurs différentes sur les six premières fonctions de production. Pour la septième fonction de production, concernant les aménagements en lacs collinaires, les valeurs des paramètres CRT, DCRT et FN ont été fixées conformément aux observations sur leur fonctionnement (Albergel et al., 2001): le ruissellement des superficies drainées par ces ouvrages ne participe pas à l écoulement à l aval. Pour cette fonction de production, les valeurs suivantes de ces paramètres ont été définies: CRT = 5000 mm, DCRT = 2000 mm et FN = 25 mm/jour, qui font que la totalité des pluies qui tombent sur ses zones se perd par évapotranspiration. Les valeurs des quatre autres paramètres, qui définissent la façon dont les quantités infiltrées (QIMAX, CQI) et ruisselées (QRMAX et CQR) s écoulent, ont été préalablement choisies à partir d une étude de sensibilité des paramètres de la fonction de production. Pour QRMAX et CQR, cette étude a permis de sélectionner les valeurs qui respectent la nature rapide des écoulements du Merguellil (QRMAX = 2 mm, CQR = 0.8). Etant donné que l activation du module d écoulement en zone non saturée n a pas été jugée nécessaire, les valeurs des paramètres QIMAX = 10 mm et CQI = 0.2 ont été choisies, qui permettent d instaurer un certain retard entre l infiltration et la recharge effective de la nappe. Les variables d état (R et RNAP) de toutes les fonctions de production ont été initialisées à zéro. Il en est de même pour chacun des huit changements temporels des valeurs de ces fonctions. Cette hypothèse a été validée après avoir constaté qu en début de chaque année hydrologique, les réservoirs étaient toujours à sec. Paramètres du modèle d écoulement en zone saturée Les transmissivités et les coefficients d emmagasinement constituent les principaux paramètres d écoulement en zone saturée. Ces derniers ont été estimés à partir des mesures issues des essais de pompage effectués après l exécution de chaque forage et des campagnes de pompages effectuées sur les puits de surface. Les données d une soixantaine d essais de pompage ont été utilisées pour l ensemble du système (Hamza & Ben Yarou, 1974; Gribaa, 1997; Kingumbi et al., 2005a). Paramètres de l échange nappe-rivière Le paramètre de l échange nappe-rivière est utile pour représenter la perte de charge entre la nappe phréatique et la rivière. Au

11 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1241 niveau du bassin du Merguellil, l aquifère phréatique étant constitué d une même formation géologique du Mioplioquaternaire, assez homogène, le paramètre de l échange nappe-rivière a été supposé constant pour toutes les mailles rivières et pris égal à une valeur de m 2 /s obtenue par calage manuel. CALAGE STOCHASTIQUE Plusieurs auteurs (Sorooshian & Gupta, 1983; Duan et al., 1992; Beven, 1993; Freer et al., 1996; Beven, 2000) ont montré que la procédure conventionnelle de calage, qui consiste à obtenir une seule série optimale des valeurs des paramètres, admettait des limites. Il a ainsi été montré que pour une série de mesures, on peut trouver plusieurs séries de paramètres qui conduisent à une solution acceptable selon l objectif fixé. C est pour cette raison que l approche consistant à chercher plusieurs séries de paramètres qui donnent les meilleures valeurs d une fonction objectif préalablement choisie, a été adoptée. Cette approche ressemble à l approche GLUE (Binley & Beven, 1991) qui est une méthode basée sur la technique de Monte Carlo et qui permet de combiner les informations de plusieurs séries d observations par une approche bayésienne en vue d estimer l incertitude sur les simulations. Domaine de variation des paramètres Les valeurs des paramètres CRT et DCRT retrouvées dans la littérature varient généralement entre 0 et 150 mm pour les modèles élaborés dans les régions tempérées (Tableau 2). Ces valeurs peuvent augmenter et atteindre presque 300 mm dans les régions sahéliennes (Goula Bi Tié, 1993). L évapotranspiration étant plus importante dans le contexte de cette étude, un intervalle plus large [0, 500] mm a été choisi pour ces paramètres afin de balayer un champ plus représentatif du climat semi-aride. Pour le paramètre FN, le domaine de variation considéré est compris entre 0 et 25 mm/jour. Ces valeurs cadrent avec celles qui ont été utilisées dans la littérature (Tableau 2). Tableau 2 Valeurs des paramètres CRT, DCRT et FN issues de la littérature. Paramètres Bassin de la Haute Lys (France) Bassin du Massilli (Burkina Faso) Bassin du Rhône (France) Girard et al. (1981) Goula Bi Tié (1993) Golaz-Cavazzi (1999) Min Moyen Max Min Moyen Max Min Moyen Max DCRT (mm) CRT (mm) FN (mm) Schéma de génération des paramètres A chaque simulation p, une génération aléatoire de valeurs, suivant une loi uniforme, a été effectuée pour les paramètres CRTkp et DCRTkp des k fonctions de production (k = 6). Dans cette génération, il fallait respecter la condition que CRTkp soit toujours supérieur à DCRTkp. Pour les paramètres FNkp, une relation a été supposée exister

12 1242 Ahmadi Kingumbi et al. entre les k fonctions de production, qui affecte à chacune d entre elles un coefficient entier Ck compris dans l intervalle [0,5] en fonction de leur aptitude à favoriser l infiltration. Une valeur entière Ip a ensuite été uniformément générée entre [0,4] et a été multipliée par le coefficient Ck pour donner la valeur du paramètre FNkp assignée à chaque fonction de production k de la simulation p. Dix milles jeux de paramètres du modèle Modcou ont été ainsi générés (1 p ) avec lesquels une reconstitution des débits et des piézométries observés dans la région d étude a été effectuée. Critère de choix des solutions Il existe plusieurs critères d évaluation des performances des modèles (Dezetter, 1991; Ayadi, 2000). Un critère numérique a été choisi et utilisé pour la sélection des meilleures simulations (équation (1)). Ce critère inspiré de Lamb et al. (1998) ressemble au maximum de vraisemblance. Il présente l avantage de pouvoir comparer les sorties du modèle aux mesures sur un ou plusieurs sites (monosite et multisite) en utilisant un ou plusieurs critères (monocritère et multicritère). Fonction objectif = M j= 1 W j ( y y ) nj 2 o, i, j c, i, j i= 1 exp nj ( ) (1) 2 yo, i, j yo, j i= 1 avec y c i,j et y o i,j des valeurs (débit ou piézométrie) calculée et observée à l instant i à la station j; y o i,j la moyenne des nj valeurs observées à la station j;w j le poids affecté à la station j; et M le nombre total des sites de mesures. La fonction objectif choisie ressemble au critère de Nash & Sutcliffe (1970). Cependant, les valeurs de ce dernier varient, mathématiquement, entre moins l infini et 1, alors que celles de la fonction objectif sont comprises entre 0 et 1: intervalle unitaire qui permet une pondération des valeurs (de la fonction objectif calculées pour différentes stations) de même ordre de grandeur. Le critère Erreur absolue (équation (2)), qui représente la moyenne de la valeur absolue de l erreur, a également été utilisé pour une meilleure appréciation de la qualité de reconstitution des niveaux piézométriques. 1 Erreur absolue = nj nj i= 1 y oi y ci (2) Procédure de calage Le pas de calcul du modèle est journalier, mais son exploitation a été faite au pas de temps mensuel. Par ailleurs, les coefficients (W j ) affectés aux stations hydrométriques ont été attribués en fonction de la longueur de leurs observations (Tableau 3) alors que ceux des stations piézométriques l ont été en se basant sur l importance des volumes prélevés dans les différentes nappes que ces stations captent (Tableau 4). Dans un premier temps un calage monocritère, portant sur la reconstitution piézométrique au niveau de plusieurs sites, a été effectué. Il montre que la quasitotalité des piézomètres de ce système ont enregistré un critère erreur absolue inférieur

13 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1243 Tableau 3 Coefficients de pondération (W j ) affectés aux différentes stations hydrométriques pour calculer la fonction objectif. Station Bassin drainé Historique observé Coefficient de hydrométrique Surface Bassin Période Nombre pondération (Wj) (km 2 ) d années Skhira 193 Merguellil Haffouz Zebbes Sidi Boujdaria El Haouareb Cherichira 54 Cherichira Zeroud 79 Zeroud Total Tableau 4 Coefficients de pondération (W j ) affectés aux piézomètres des différents systèmes aquifères pour le calcul de la fonction objectif. Système aquifère Exploitation sur la période (10 6 m 3 ) Coefficient de pondération (W j ) Bouhafna Haffouz Aïn Baïdha Cherichira El Ala Total Fig. 7 Valeurs moyennes (a) de la fonction objectif et (b) du pourcentage de piézomètres dont le critère erreur absolue est inférieur à un seuil, calculées à partir de 50 et 69 meilleures solutions des calages monocritères et multicritères. à 3 m (Fig. 7(b)). Par contre les valeurs de la fonction objectif obtenues pour les données hydrométriques sont très faibles (Fig. 7(a)). Ainsi, ce calage reconstitue bien la piézométrie tandis que les données hydrométriques sont très mal reconstituées. Etant donné ce résultat, un autre calage monocritère basé cette fois-ci sur la reconstitution hydrométrique a été tenté. Ce dernier a donné des résultats assez satisfaisants sur l ensemble des stations hydrométriques, à l exception de la station de Zebbes dont les mesures ne couvrent que deux années d observations (Fig. 7(a)). En ce qui concerne les niveaux piézométriques, ce calage a abouti à des résultats intéressants mais moins bons (Fig. 7(b)) que ceux qui ont été obtenus par le calage basé sur la reconstitution

14 1244 Ahmadi Kingumbi et al. Fig. 8 Distributions empiriques des débits mensuels calculés par les (a) 69 et (b) 16 meilleurs jeux de paramètres sélectionnés à l aide de la fonction objectif. Tableau 5 Valeurs numériques de la fonction objectif calculées à partir des 16 jeux de paramètres sélectionnés et pour les différentes mesures d observation. No. du jeu de paramètres Valeurs numériques de la fonction objectif calculées pour différentes données Toutes les Données Données des stations hydrométriques données piézométriques El Sidi Haffouz Zebbes Skhira Haouareb Boujdaria Moyenne piézométrique. Il a donc été décidé d effectuer un calage multicritères basé sur la reconstitution simultanée des données hydrométriques et piézométriques dans lequel les pondérations (W j ) ont été attribuées à parts égales entre les stations hydrométriques et piézométriques. Les valeurs de la fonction objectif calculées pour chacun des jeux de paramètres (simulations) générés aléatoirement sont toutes inférieures à 0.7 (voire Fig. 15(a)). Ainsi en premier lieu 69 simulations, qui donnent les valeurs de cette fonction supérieures ou égales à 0.65, ont été sélectionnées. Cependant, en ne considérant que les simulations dont la fonction objectif est strictement supérieure à 0.65, on obtient seulement 16 jeux de paramètres. Mise à part l amélioration des

15 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1245 critères numériques dans la reconstitution des données piézométriques et hydrométriques, on constate qu en ce qui concerne les débits les 16 jeux de paramètres reconstituent toute la variabilité des 69 jeux de paramètres initialement sélectionnés. En effet, la Fig. 8 montre la ressemblance des distributions empiriques des débits simulés à l exutoire du bassin du Merguellil avec les 16 et 69 meilleurs jeux de paramètres sélectionnés. Les reconstitutions des 16 meilleurs jeux de paramètres, dont les résultats sont donnés Tableau 5, ont ainsi été retenues pour représenter le modèle du bassin du Merguellil. Le Tableau 5 montre que pour les données hydrométriques, on obtient les meilleures valeurs à El Haouareb avec une moyenne de la fonction objectif de 0.75 alors que les faibles valeurs se dégagent à Zebbes avec une moyenne des critères d environ Les données piézométriques donnent une moyenne des critères numériques de l ordre En dehors d El Haouareb, cette valeur est supérieure à toutes les moyennes calculées aux autres stations hydrométriques, ce qui montre que la reconstitution des historiques piézométriques est meilleure que celle des débits. RESULTATS ET DISCUSSIONS Le calage multicritères est intermédiaire entre les deux méthodes monocritères (Fig. 7) et conduit ainsi à un bon compromis entre les reconstitutions des données hydrométriques et piézométriques. Cependant, deux des solutions retenues (7210 et 7211) donnent des critères numériques particulièrement petits (0.02) à la station hydrométrique de Zebbes (Tableau 5). Par ailleurs, les distributions empiriques des débits calculés par ces solutions s écartent du comportement des autres jeux de paramètres sélectionnés (Fig. 8). Ces dernières auraient tendance, pour des faibles valeurs des débits (<5 m 3 /s) à produire plus d écoulement que le reste des simulations. D autre part, les principaux éléments du bilan reconstitués par ces deux simulations s écartent complètement des autres simulations. En effet, la Fig. 9 montre que l évapotranspiration réelle enregistre une baisse d environ 40 mm par rapport à celle calculée par les autres simulations tandis que le drainage de la nappe par les oueds, le ruissellement et l infiltration connaissent une augmentation d environ respectivement 7, 25 et 10 mm par rapport aux autres jeux de paramètres sélectionnés (Fig. 9). Fig. 9 Valeurs moyennes interannuelles des principaux éléments du bilan hydrologique reconstitués par chacun des 16 jeux de paramètres sélectionnés par le calage multicritère.

16 1246 Ahmadi Kingumbi et al. Ces constatations montrent que le choix de la pondération est intimement lié aux résultats des simulations. A titre d exemple, si on avait choisi une pondération égale pour toutes les stations hydrométriques, les deux solutions (7210 et 7211) auraient pu ne pas être sélectionnées parce qu elles fournissent des valeurs très faibles du critère numérique à la station de Zebbes (Tableau 5). On constate aussi que les mesures ne sont jamais suffisantes pour étudier le comportement d un bassin hydrologique. En effet, malgré l utilisation de données météorologiques et hydrogéologiques diverses, il faudrait des mesures de l évapotranspiration réelle (ETR) pour départager les deux tendances dans les solutions choisies (Fig. 9). Ce type de mesure est malheureusement en général non disponible à l échelle d un bassin versant. Malgré les différences constatées entre ces deux solutions particulières et le reste des simulations (14), il a été décidé de les garder puisqu elles représentent un scénario de fonctionnement plausible du système. En effet ces deux simulations apportent une certaine variabilité dans les valeurs générées et font que le modèle moyen est plus proche des observations. D autre part, les critères numériques qu elles fournissent sont supérieurs à la moyenne pour l ensemble des données piézométriques (Tableau 5) et pour les données hydrométriques des stations de Haffouz, Sidi Boujdaria et El Haouareb (Tableau 5). Les Figs 6 et 10 correspondent respectivement aux reconstitutions piézométrique et hydrométrique obtenues par les 16 meilleurs jeux de paramètres sur la période La Fig. 6 montre que les niveaux piézométriques reconstitués sont assez proches de ceux mesurés dans les différentes localités du bassin du Merguellil. Les données hydrométriques mesurées sont aussi bien reconstituées, notamment pour ce qui concerne la dynamique des pointes de crue (Fig. 10). Fig. 10 Comparaison des débits mesurés et calculés par les 16 simulations sélectionnées sur les principales stations hydrométriques du bassin du Merguellil.

17 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1247 Les paramètres du modèle Fig. 11 Visualisation, pour les différentes fonctions de production, de toutes les valeurs des paramètres CRT et DCRT aléatoirement générées ainsi que de celles des 16 simulations présentant les meilleures valeurs de la fonction objectif. Les jeux de paramètres sélectionnés montrent que la fonction de production croûtes s accommode de valeurs du paramètre CRT regroupées autour de 400 mm alors que celles du paramètre DCRT s étalent sur un grand intervalle allant de 0 à 400 mm (Fig. 11(a)). Ceci indique que cette fonction de production favorise l évapotranspiration au détriment du ruissellement et de l infiltration. Ce comportement s observe aussi au niveau des fonctions de production forêts (Fig. 11(b)) et banquettes (Fig. 11(f)). Les fonctions de production argiles (Fig. 11(c)) et sables (Fig. 11(d)) se retrouvent avec des valeurs des paramètres CRT et DCRT dispersées sur tout l intervalle de variation [0 500]. La fonction de production affleurements est la seule qui comporte un nuage des 16 jeux de paramètres sélectionnés regroupé dans une même zone (Fig. 11(e)). Les valeurs des paramètres CRT et DCRT de cette fonction sont en général inférieures à 100 mm, ce qui fait que, par rapport aux autres fonctions de production, cette fonction favoriserait plutôt la production des écoulements (ruissellement et infiltration) au détriment de l évapotranspiration. Analyse des résidus du modèle La visualisation des résidus en fonction des débits calculés montre qu il n y a pas de tendance systématique à la sous-estimation ou à la surestimation des valeurs calculées par le modèle (Fig. 12(a)). Cette constatation ne se vérifie cependant pas pour la station

18 1248 Ahmadi Kingumbi et al. Fig. 12 Relation entre les résidus et les variables calculées par le modèle: (a) les débits calculés à toutes les stations hydrométriques et (b) les rabattements calculés à tous les piézomètres. de Zebbes où un biais assez net vers la surestimation des valeurs générées par le modèle a été mis en évidence. On peut cependant relativiser ce constat étant donnée la modeste longueur de l historique disponible en cette station qui n est que de deux années. Pour les données piézométriques, la visualisation des résidus en fonction des rabattements calculés à tous les piézomètres semble ne pas montrer de biais significatif (Fig. 12(b)). Cependant si on regarde chaque piézomètre un à un, on constate généralement qu il existe une tendance persistante soit à la surestimation soit à la sousestimation des rabattements calculés. Cette situation est due au fait que le calcul de la piézométrie à un pas de temps donné, est fait en partant de la valeur du pas de temps précédent. Ainsi l erreur commise à l étape courante est influencée par celle de l étape précédente. Validation des paramètres du modèle Les 16 meilleurs jeux de paramètres sélectionnés ont été appliqués, en validation, aux données de l année hydrologique exceptionnelle (1969/70) qui n avaient pas été utilisées en calage. Durant cette année, les plus grands événements hydrologiques récents, que la Tunisie centrale ait connus, ont été enregistrés. La Fig. 13 montre au pas de temps de cinq jours la comparaison entre les débits mesurés et ceux calculés par les 16 solutions du modèle. Malgré des écarts entre valeurs mesurées et calculées, on constate une assez bonne reconstitution de la dynamique et des pointes des débits à la station de Haffouz. La valeur de la fonction objectif obtenue en validation pour la moyenne simulée est d environ 0.6, valeur qui est comparable à celle obtenue en calage (Fig. 7(a)) à cette station. Reconstitution des éléments du bilan hydrologique L exploitation du modèle a permis de reconstituer et d analyser les éléments du bilan hydrologique. On constate que l évapotranspiration constitue de loin l élément prépondérant du bilan hydrologique de surface (Fig. 14(a)). Sur la période étudiée ( ), elle représente environ 92% des précipitations tombées annuellement sur le bassin du Merguellil. Le ruissellement et l infiltration représentent des parts très

19 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1249 Fig. 13 Utilisation des 16 meilleurs jeux de paramètres sélectionnés pour la reconstitution des crues exceptionnelles de l année hydrologique 1969/1970 à la station hydrométrique de Haffouz. Fig. 14 (a) Estimation des éléments du bilan interannuel du bassin du Merguellil sur la période et sa comparaison avec (b) un scénario sans prélèvements dans les nappes. faibles si on regarde le bassin dans son ensemble (respectivement 5% et 3% des précipitations). Le système souterrain a connu un déficit d environ 16 mm/an. En effet, ses sorties constituées essentiellement par les pompages (16 mm), le drainage par les rivières (7 mm) et les percolations vers la nappe de la plaine aval de Kairouan (2 mm) représentent 25 mm alors que l alimentation du système constituée principalement par l infiltration ne représente que 8 mm. Ce déficit est dû à une action conjuguée de trois phénomènes: le déficit pluviométrique sur la période (Kingumbi et al., 2005b), les prélèvements dans le système souterrain, et l important tarissement consécutif à la hausse du niveau piézométrique liée aux évènements exceptionnels de Ce tarissement a été analysé en effectuant les 16 simulations sélectionnées tous pompages annulés. Le bilan obtenu est schématisé sur la Fig. 14(b) qui montre que, malgré l annulation des prélèvements, le système souterrain se retrouve avec un déficit moyen annuel de 9 mm sur la période Par contre, il y a une augmentation conséquente du débit de drainage qui suggère que le système souterrain fonctionnerait en tarissement pur. Le système est ainsi déficitaire sur l ensemble de la période ( ), mais ce déficit est surtout concentré sur la période , la période étant caractérisée par un certain rééquilibre entre les entrées et les sorties, ce qui impliquerait la résorption de l effet des évènements exceptionnels de 1969 sur la dernière décennie de la période d étude.

20 1250 Ahmadi Kingumbi et al. Apport de la prise en compte des aménagements CES Pour évaluer l impact de la prise en compte des aménagements CES sur la modélisation entreprise, nous avons fait fonctionner le modèle en considérant seulement les cinq fonctions de production initiales, représentatives du bassin avant aménagement. Cela a été fait sur les jeux de paramètres générés aléatoirement. La comparaison de la distribution des valeurs de la fonction objectif obtenue à partir des simulations qui ne tiennent pas compte des aménagements avec celle des simulations qui en tiennent compte, montre que pour une même fréquence les dernières produisent toujours une meilleure valeur de la fonction objectif (Fig. 15). A titre d indication, la médiane du critère global calculée à partir des simulations qui tiennent compte des aménagements est égale à 0.49 alors que celle des simulations qui n en tiennent pas compte est égale à Nous avons donc un gain d environ 3% sur la distribution empirique de la fonction objectif. Malgré des valeurs modérées du critère numérique (fonction objectif < 0.7), ce résultat met en exergue l apport de la prise en compte des aménagements CES dans le modèle. Fig. 15 Comparaison des distributions empiriques des valeurs de la fonction objectif, calculées en utilisant les données hydrométriques et piézométriques pour jeux de paramètres, qui tiennent compte ou pas des aménagements CES. CONCLUSIONS Le bassin du Merguellil constituant un site pilote pour l étude des ressources en eau de la Tunisie centrale, nous avons essayé de faire une estimation de ses ressources à travers une modélisation hydrologique couplée des écoulements superficiels et souterrains. Cette dernière a tenu compte du type et de la chronologie de nombreux aménagements CES mis en place depuis plusieurs décennies à travers une paramétrisation spécifique de la fonction de production du modèle hydrologique. Une méthode de calage stochastique par une approche multicritère sur plusieurs sites de mesures a été mise en œuvre. Les paramètres sélectionnés pour ce modèle montrent que les zones forestières et aménagées en banquettes favoriseraient l évapotranspiration par rapport au ruissellement, ce qui correspond au comportement attendu. Les résultats montrent que sur la période , l évapotranspiration a récupéré 92% des précipitations. Le ruissellement et l infiltration vers les aquifères n ont transféré respectivement que 5 et 3% des précipitations. De plus, le système souterrain apparait largement déficitaire, sur la période d étude, les sorties étant environ quatre fois

21 Modélisation d un bassin affecté par des changements d occupation 1251 supérieures aux entrées. Ce déficit est dû à l action conjuguée du déficit pluviométrique sur la période , des pompages équivalant au double des infiltrations vers les nappes, et du tarissement naturel des aquifères consécutif aux évènements exceptionnels de Il a été aussi montré que la prise en compte des aménagements CES dans la définition des fonctions de production a permis d améliorer la représentativité du modèle. Remerciements Les auteurs voudraient remercier l Institut de Recherche pour le Développement (IRD) pour toute l aide matérielle apportée à la réalisation de ce travail et la Direction Générale des Ressources en Eau (DGRE) pour avoir mis à leur disposition ses différentes bases de données. REFERENCES Albergel, J., Selmi, S. & Balieu, O. (2001) Les petits barrages dans la zone semi-aride méditerranéenne. PHI-V/Documents techniques en Hydrologie no. 51, UNESCO, Paris, France. 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