La descente sur Santo Domingo de la Calzada. Santo Domingo de la Calzada

Transcription

1 La descente sur Santo Domingo de la Calzada Santo Domingo de la Calzada 41

2 Puis ce sera la remontée pour arriver à Grañon (720 m). Grañon vu depuis le clocher Grañon vu depuis le clocher Dans le clocher de Grañon 42

3 Surprise : J accède à l auberge paroissiale par le clocher de l église San Juan Bautista. Les chaussures sont déposées devant une fenêtre de l escalier du clocher. Accueil sympathique et installation sur de simples matelas posés au sol. Le linge est mis à sécher dans le clocher. L auberge se remplit vite et d autres matelas sont disposés dans la tribune de l Eglise près du Lutrin où on accède directement depuis le clocher. D autres pèlerins dormiront dans la nef de l église. Le coffret où l on dispose le don «donativo» est ouvert et porte l inscription connue de tous ceux qui sont passé ici : «Si tu n as pas, tu prends, si tu as, tu donnes selon ta possibilité». 43

4 Eglise San Juan Bautista de Grañon Fonds baptismaux du XII siècle Le soir on organise un repas collectif et c est dans une chaude ambiance qu on pèle des légumes, prépare les salades et une énorme marmite de pâtes à la tomate pour 64 personnes. De joyeuses «Ola» remercient le couple d hospitaleros qui s emploient à rendre tout le monde heureux sans ménager leur peine. 44

5 La publicité d une marque de bière est souvent affichée le long du Chemin sur la façade des cafés des villages traversés et indique la distance me séparant de Compostelle. Aujourd hui, plus que 559,8 Kms à parcourir! A l intérieur du café, les hommes jouent au mus, jeu basque du XVIIIe siècle, qui se joue avec un jeu espagnol de quarante cartes. Une partie de mus au café de Grañon Je vais contempler le vaste panorama de ce qui sera mon Chemin demain matin. 45

6 Lundi 10 septembre 2007 Grañon / Tosantos 21,4 Kms Approche de Villamayor del Rio Départ plus tardif à 7h30. Je vais quitter la province de la Rioja pour entrer dans celle très vaste de Castilla y Léon. A l approche de Villamayor del Rio une très violente douleur à l aine droite m immobilise. Je pose mon sac à dos et espère qu il ne s agit que d un passage à vide, dû peut être à la fatigue. J espère qu une hernie ne pointe pas son nez à l horizon! La douleur va perdurer durant trois bonnes heures et l inquiétude me gagne. Mes amis qui ont fait avant moi le Chemin m avaient bien conseillé de ne pas trop charger mon sac, défaut de tous les débutants. Le mien fait 13 Kg avec 2 litres d eau. C est beaucoup trop et je commence déjà à réfléchir à ce que je pourrai renvoyer en France quand l occasion se présentera. Pour l heure, le doute me gagne. «Ultreia», «plus avant» c est la devise de tous les cheminant vers Compostelle. Belle devise mais quand la douleur est là, difficile de la mettre en pratique. Il me faudra apprendre à dépasser ces violentes douleurs qui se manifesteront à 5 reprises, parfois pendant 4 à 5 heures de marche. De retour en France, le médecin diagnostiquera deux hernies à faire opérer très rapidement! Cheminer vers Compostelle est possible pour tous, avec un peu d entraînement. La principale difficulté reste le portage du sac à dos. Les marcheurs «avec sac» sont tous logés à la même enseigne, et ils sont prioritaires pour avoir un lit à l étape (que l on ne peut pas réserver en Espagne). La fatigue, la lassitude et le doute font partie intégrante du Chemin. Mais on est parfois dépassé par des marcheurs «sans sac» ; je les appellerai par la suite les «sinçaks». Certes, pour des raisons médicales, on peut être empêché d avoir une charge sur le dos. Ces cas-là sont rares et tout à fait respectables. Les «sinçaks» sont de tout autre nature. Faisant appel à des sociétés taxis organisées de portage de sac, ils se devraient de respecter les règles du Chemin : ne pas loger dans les albergues réservées aux marcheurs avec sac sur présentation de leur «credential». Ils peuvent alors résider dans une «casa rural» réservée ou un hôtel voisin. Il arrive malheureusement que des «sinçaks» qui marchent plus vite que vous avec un tout petit sac pour leur gourde, récupèrent discrètement du taxi porteur, à quelques centaines de mètres de l albergue, leur énorme sac bien propre et prennent sous votre nez les places de dortoir. Leurs vêtements et leur mine bien propres et bien odorante (ils ne transpirent pas) les font vite repérer et ils ne sont pas très bien vus des autres marcheurs. Certes, le Chemin appartient à tous et on se doit d être tolérant. Difficile après 8 heures de marche quand un «sinçak» vous prend la dernière place libre! 46

7 Après un petit café réparateur (poudre diluée dans de l eau froide) pris sur un pont, je décide de continuer en essayant de penser à autre chose. Je dépasse Belorado à 12h et décide d aller jusqu au petit village de Tosantos. L auberge San Francisco de Asis réserve un accueil spartiate mais très chalheureux et «donativo». Simples matelas posés sur le sol, équipement réduit mais propre. Dans l après-midi, après un peu de repos, je vais visiter le sanctuaire troglodyte de la Virgen de la Peña perché sur une falaise dominant le village. Comme il n y a rien dans le petit village, le repas sera préparé en commun et sera suivi d une veillée de méditation dans une pièce aménagée en chapelle pour ceux qui le désirent. Ce sera un moment de spiritualité forte où dans les langues de leur pays, de nombreux pèlerins liront les petits papiers porteurs d intentions à déposer à Compostelle. On trouve en effet souvent sous de petites pierres du Chemin, des petites lettres d intention rédigées par des personnes qui ne peuvent aller jusqu à Compostelle et qui espèrent que leur demande aboutira grâce aux marcheurs. Je n ai pas vu Claude, mon aigle de Saint Jean. Il a dû continuer plus loin. 47

8 11 septembre 2007 Tosantos / San Juan de Ortega 20 Kms Départ à 7h de Tosantos (820 m) avec toujours un très beau temps. Dès le deuxième kilomètre, ma douleur violente à l aine reparaît et durera deux bonnes heures, augmentant mon inquiétude. Je retrouve Claude à Villafranca de Oca juste avant d entreprendre la forte montée vers l Alto de la Pedraja (1163 m). Durant cette ascension assez douloureuse, je suis dépassé par un homme extraordinaire, «El veterano del Camino 2007» : Jean-François, âgé de 85 ans qui grimpe cette forte pente avec une apparente facilité, son sac étant posé sur une astucieuse charrette à une roue. Très impressionné par sa détermination, je lui dis mon admiration devant ce que je considère comme un exemple. Il me répond avec une très grande délicatesse qu il n est en rien un exemple. Arrivé à l alto de la Pedraja nous échangeons quelques réflexions sur la spiritualité du Chemin. Mes douleurs se sont envolées au contact de ce pèlerin exceptionnel qui refait son Chemin une nouvelle fois. Cette année, son dos le faisant souffrir, il a tenu quand même à se déplacer avec son sac grâce à cet équipement. Il file aussitôt d un pas très rapide que je ne puis suivre. De retour en France j aurai de précieux échanges avec cet homme exceptionnel de grande spiritualité. Après le col se trouve un monument commémoratif de la Guerre Civile toujours en place et ne rendant hommage qu aux victimes franquistes. Peu après, je comprends qu il va falloir descendre une forte pente et atteindre un petit ruisseau pour remonter au même niveau que je viens de quitter. C est là que mon aigle de Saint Jean (Claude) espère planer pour effacer ces dénivelés! Le Chemin est souvent fait de ces surprises de niveaux. Nous arrivons à San Juan de Ortega (1050 m) par un très beau soleil mais un vent froid. Le linge est rapidement lavé à la fontaine. Il n y a rien d autre que le refuge et un petit café restaurant dont le patron se soucie fort peu des pèlerins affamés. Alors pourquoi choisir ce lieu désolé et glacial comme étape? La réponse est la magnifique église romane, construite vers 1150 et qui porte le nom de son bâtisseur Juan de Ortega qui fit le pèlerinage de Jérusalem et édifia ce monastère dans ce lieu plein d orties («ortegas», du latin urtica!). Un de ses riches amis a fait sculpter un magnifique sarcophage qui lui était destiné. Dans son agonie, le lucide Juan de Ortega demanda a être enseveli dans de la pierre nue. Le sarcophage n a pas été terminé. 48

9 Le chevet de l église de San Juan de Ortega 49

10 Le sarcophage destiné à Juan de Ortega. 50