Le triomphe des méchantes

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1 l l N 874 Série Le triomphe des méchantes Les héroïnes carnassières sévissent dans «Game of Thrones», mais pas seulement. Page 25 LDD, MONTAGE: DAVID WAGNIÈRES/LE TEMPS PIETER HUGO, COURTESY GALERIE STEVENSON ET YOSSI MILO GETTY IMAGES DR Photographie Sablier Vie numérique Pieter Hugo, l Afrique du Sud si proche Le manque de temps, une fatalité? Nouvelles règles du jeu face aux écrans Le photographe sud-africain a arpenté son pays pendant huit ans. Il a d abord immortalisé les siens, son épouse enceinte, son bébé, puis a élargi le cercle à des inconnus. Ses visions touchent à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris. P. 28 Mais pourquoi éprouvons-nous si souvent cette impression de manquer de temps? Peut-être parce qu à l âge numérique nos existences se définissent non plus comme une trajectoire linéaire, mais comme un nuage de possibilités, répondent des chercheurs. P. 24 Comment faire pour que les enfants et les ados décollent, un peu, de leurs tablettes? En donnant l exemple en tant qu adulte, préconise le psychiatre et thérapeute Gérard Salem, qui constate qu une nouvelle génération de parents instaure des règles beaucoup plus strictes. P. 23

2 22 Belvédère LE DESSIN DE LA SEMAINE L EMPLOI DU TEMPS Choisi par Chappatte Mireille Delunsch soprano française, chante «Iphigénie en Tauride», de Gluck, samedi 31 janvier à 19h30 au Grand Théâtre de Genève. DR Chaque semaine, un invité repense l agenda de sa vie à l aune de chansons populaires. Avec le temps, la peur reste Hier encore, on croyait au succès Et maintenant, Wagner est possible Désormais, plus que jamais faire tout à la fois MAÎTRE DE COLLES Mauro Biani, Hipster, le post-hippie Je n aurai pas le temps d apprendre Par Olivier Perrin Un instant d éternité, ce soir dans «Ô malheureuse Iphigénie» Selon le magazine en ligne Slate, c est «le nouveau sociotype fourre-tout». Il affiche néanmoins des marqueurs: univers musical assez hype, opinions tranchées, urbanité. Et des indicateurs physiques: barbe, tatouage, chemise à carreaux. Vous l aurez reconnu: voilà le hipster. Etymologiquement, il est assez âgé, déjà, datant des années 1940, lorsque le hepcat est né, pour désigner le Blanc américain aisé qui venait s encanailler dans les clubs de jazz, chez les frères noirs. Puis il est devenu hep, par abréviation, et hip, au sens de «libéré», d où descend aussi c est un comble le hippie. Filiation étonnante. Mais les modes, ça va, ça vient; et un format marketing ciblé, ça s adapte à son temps. On y croit plus volontiers qu aux deux autres théories: celles du mot wolof hipi (voir) ou de la hanche (hip en anglais), sorte de métonymie du pantalon à taille basse. Revenons donc gaiement à l écrivain Norman Mailer qui, en 1967, dans The White Negro, parlait du Blanc affranchi, avide de savoir cool et de d énergie exotique. Tel est-il. Le retour Italie Avec la collaboration de Cartooning for Peace «Bouh!», le cadavre de la Grèce se relève et la tragédie gréco-européenne tourne à la comédie. Le caricaturiste italien Mauro Biani, collaborateur entre autres d Il Manifesto, montre sa forte prédilection pour la satire sociale et politique. Il fut lauréat en 2007 du Prix Forte dei Marmi, récompensant les meilleurs satiristes italiens. Le temps qui reste, pour créer l avenir L Heure H, c est tous les jours Aujourd hui peut-être, ce sera parfait Demain, remettre sur le métier Yesterday, jamais cru que demain serait si difficile Trois nuits par semaine, où dormirais-je demain? Propos recueillis par Sylvie Bonier FAUT VOIR Il suffit d y croire Par Caroline Stevan La vitalité du Web provoque des catastrophes. Mais aussi des élans formidables. Chaque jour depuis l été 2010, Brandon Stanton photographie des inconnus croisés dans les rues de New York. Leurs portraits, accompagnés d un bref témoignage, sont postés sur le site Le 20 janvier, c est un gosse en capuche, yeux rieurs et bouche cousue, habitant dans le quartier de Brownsville au taux de criminalité extrêmement élevé. Il évoque «Ms Lopez», la personne qui l influence le plus, la directrice de son école. «Elle nous explique que chaque fois que quelqu un quitte l école, c est une nouvelle cellule de prison qui est construite quelque part. Et une fois, elle nous a tous fait lever, un par un, et nous a dit que nous avions de l importance.» L image et les mots de l adolescent sont partagés près de fois. Brandon Stanton part à la rencontre de Ms Lopez, à la Mott Hall Bridges Academy. L enseignante lui explique qu elle organise une collecte de fonds afin de pouvoir emmener ses élèves visiter Harvard. Le photographe évoque le projet sur son site et lance un appel aux âmes généreuses; en cinq jours, dollars sont récoltés. L école entière pourra se rendre sur le mythique campus, dix années de DR PUBLICITÉ suite au moins. Des cours d été seront également organisés. Sur la page d accueil de la Mott Hall Bridges Academy, un slogan: «Connectés pour réussir». L histoire ne dit pas s il date d avant la belle aventure. Depuis, Ms Lopez dit avoir reçu des courriers d encouragement de tous les Etats-Unis et bien au-delà, à un moment où elle-même se sentait proche de flancher. Le gamin d un quartier chaud qui croit en sa directrice d école et vice versa, c est réconfortant par les temps qui courent après le drame de Charlie et tant d autres. Une histoire dans laquelle on a envie d investir.

3 23 Vienumérique Abusd écrans,responsabilitédeparents Les enfants peinent à décoller de leurs tablettes, téléphones ou ordinateurs. Et les adultes? Quel exemple donnent-ils? Par Rinny Gremaud «C Pas de modèle familial Cause et conséquence de ces sentiments paradoxaux, le nombre d écrans dont disposent les ménages suisses ne cesse d augmenter. D après l Office fédéral de la statistique, 43% des ménages possèdent deux ordinateurs ou plus, 55% possèdent deux téléphones portables ou plus, 17% ont au moins deux téléviseurs. Et encore, ces chiffres sont déjà anciens, ils datent de Cette multiplication des écrans personnels a des conséquences sur le climat des foyers. Gérard Salem, psychiatre et thérapeute de famille: «Cela fait environ cinq ans que nous constatons, en consulta- Les écrans sont des fenêtres ouvertes sur des réseaux relationnels alternatifs. AMELIE-BENOIST/BSIP est l horreur, on ne sait plus comment faire.» «Il ne se passe pas un jour sans qu on en parle à la maison, souvent pour se fâcher.» «Le pire, c est en hiver, quand on ne peut même pas sortir.» «Attendez seulement que vos enfants grandissent, à partir de l adolescence, c est ingérable!» Paroles de parents, sur ce qui est devenu le principal sujet d angoisse et de conflit familial de notre époque: les écrans. Angoisse mêlée de fascination. D un côté, la peur que l abus de ces appareils nuise au développement et au sommeil des petits, qu ils en deviennent dépendants et ne soient plus capables d autres loisirs. Pour les pré-ados et les ados, que les écrans charrient de mauvaises rencontres, du harcèlement, fassent chuter les résultats scolaires. En même temps, la fascination reste. De constater cette aisance, dès le plus jeune âge, avec les écrans tactiles. Et le développement de cette dextérité, cette rapidité, qui, dans le regard parental, inscrit leurs petits en plein dans l avenir. Ces enfants ne sont-ils pas, après tout, amenés à vivre dans un monde que l on n imagine pas encore, où l aisance numérique sera la condition même de la survie? ARCHIVES tion, que les écrans sont devenus un problème. Leur usage dans les familles, mais aussi dans les couples, est une entrave à la communication naturelle, à l attention commune que l on prête à l être ensemble. Il est aussi l un des principaux sujets de conflits. Parfois, nous sommes consultés uniquement pour cela.» Car autant de nouveaux outils appellent un encadrement nouveau. Et pour les parents, les règles sont d autant plus dures à fixer, et à tenir, qu ils se sentent, face au numérique, seuls et sans repères. «Ces questions ne se posaient pas dans mon enfance, je n ai pas de modèle familial sur lequel m appuyer», regrette ce père de deux enfants. «Avec tout ce qu on entend sur la nocivité des écrans, sur les phénomènes d addiction, mais aussi sur les vertus pédagogiques des jeux vidéo, on ne sait pas sur quoi se baser!» se lamente une mère de trois enfants en bas âge. «Quand nous avons découvert que notre fille, qui avait 13 ans à l époque, ne dormait plus et passait ses nuits à surfer sur Internet avec son smartphone, j ai instauré cette règle: tous les appareils électroniques doivent être déposés dans ma chambre avant l heure du cou- cher», raconte ce père. D autres choisissent de couper le Wi-Fi à partir d une certaine heure. Et ceux qui comptent sur les solutions techniques: filtres parentaux ou logiciels de captures d écran à intervalles automatiques. Ceux qui délimitent des plages horaires: jamais le matin avant l école, ou jamais le soir avant de dormir. Ceux qui délimitent des espaces physiques: pas de téléphone à table, ni dans les chambres à coucher, les écrans uniquement dans les pièces communes. Beaucoup accordent un «crédit écran», qui va croissant avec l âge de l enfant, par exemple une demiheure deux fois par semaine. A lui de choisir s il ira sur Internet, jouera à des jeux ou regardera un dessin animé. Certaines familles vont jusqu à négocier une charte écrite, que tout le monde contresigne. Privilégier le lien physique Oui, tout le monde. Car ce que beaucoup de parents omettent de préciser, c est que les enfants ne sont pas les seuls à avoir un rapport désordonné et compulsif aux écrans. Les parents eux-mêmes ne savent pas se mettre des limites. «Notre fille de 17 ans passe tout son temps sur sa tablette. Couper le Wi-Fi? Le problème, c est qu on s en sert tous Il arrive que nos soirées en famille se passent chacun devant son écran», admet ce père de deux grands enfants. «Ma fille de 8 ans m a dit un jour: on ne peut jamais discuter avec toi, t es toujours en train de répondre à des messages», dit cette mère, honteuse. «C est un comportement qui résulte d une absence d éducation à ce que permettent ces appareils», commente le psychiatre Serge Tisseron. «Nous vivons une période de grande insécurité psychologique. Les gens ont sans arrêt l impression qu ils sont en train de rater quelque chose d important. C est un sentiment entretenu par les médias, pour lesquels tout se joue dans le présent, ou dans l avenir immédiat.» La faute, aussi, à la possibilité de travailler en permanence, à coups de petits messages vite rédigés. «Ce n est pas que ça amuse les parents, estime Gérard Salem, mais aussi que la pression professionnelle est importante.» «La règle de base devrait être de toujours privilégier les personnes qui sont physiquement présentes avec nous, en particulier les enfants, rappelle Serge Tisseron. Donner toute son attention, sans interruption, c est montrer que l enfant compte pour nous. Avec des parents qui sont sans arrêt avec leur téléphone, comment voulez-vous que les petits se sentent valorisés et aient confiance en eux?» Sentiment d abandon «Les écrans sont un point de fuite vers un espace alternatif, loin de tout ce que l ici et maintenant peut avoir de contrariant», commente Gérard Salem, pointant la porosité grandissante de l espace familial. Chacun entretient sur son écran son réseau relationnel personnel, au détriment des personnes en présence. «Les écrans sont une brèche dans la membrane invisible qui entoure la famille et sert de filtre à ce qui provient de l extérieur. On a en permanence accès à d autres mondes, régis par d autres règles de socialisation. En conséquence, le système familial s en trouve fragilisé, mal territorialisé.» Parfois, les enfants eux-mêmes s en plaignent. Un adolescent que l on autorise à passer dix-huit heures de suite à jouer aux jeux vidéo, pendant que ses parents sont absorbés par leurs écrans, se sent aussi abandonné, rappelle encore le thérapeute. «Quand elle nous voit chacun devant notre appareil, notre fille aînée, qui a 21 ans, nous La règle « », pour se rappeler des choses simples Pour répondre aux questions des parents et des éducateurs, le psychiatre français Serge Tisseron a élaboré des repères très pratiques Regrettant «l extraordinaire pauvreté des propositions qui sont faites pour guider les parents» face à la multiplication des écrans, le psychiatre Serge Tisseron a établi une série de recommandations, aujourd hui relayées par un grand nombre d institutions et de professionnels de la santé et de l éducation. En pratique, la règle « », c est: La TV, pas avant 3 ans. La console personnelle, pas avant 6 ans. Internet, après 9 ans. Les réseaux sociaux, après 12 ans. Dans le détail, les recommandations de Serge Tisseron développent trois axes: l apprentissage de l autorégulation dans l usage des écrans; l encouragement à d autres activités mobilisant les cinq sens et les dix doigts; la nécessité de l accompagnement: faire raconter à l enfant ses expériences d écran lui apprend à construire le récit de ce qu il a vu, pour passer de la pensée spatialisée propre aux écrans à la pensée linéaire du langage parlé ou écrit. Ainsi donc: > Avant 3 ans L enfant a besoin de construire des repères spatiaux et temporels. Le meilleur des jouets, c est celui qu il fabrique; le meilleur des écrans, c est le visage des adultes. Je préfère les jeux traditionnels et les histoires lues ensemble à la télévision et aux DVD. Je laisse à mon enfant le temps de s ennuyer pour imaginer ses prochains jeux. La tablette, c est fait pour jouer à deux. > De 3 à 6 ans L enfant a besoin de découvrir toutes ses possibilités sensorielles et manuelles. Je fixe des règles claires sur le temps d écrans. Je respecte les âges indiqués pour les programmes. La tablette, la télévision et l ordinateur, c est dans le salon, pas dans la chambre. Je privilégie les jeux vidéo qu on joue à plusieurs plutôt que ceux auxquels on joue seul. > De 6 à 9 ans L enfant a besoin de découvrir les règles du jeu social. Je fixe des règles claires sur le temps d écrans et je parle avec lui de ce qu il y voit et fait. La tablette, la télévision et l ordinateur, c est dans le salon, pas dans la chambre. Je paramètre la console de jeux. Je parle du droit à l intimité, du droit à l image, et des trois principes d Internet: tout ce que l on y met peut tomber dans le domaine public; tout ce que l on y met restera éternellement; il ne faut pas croire tout ce que l on y trouve. mine avec lui l âge à partir duquel il aura son téléphone mobile. Il a le droit d aller sur Internet, je décide si c est seul ou accompagné. Je décide avec lui du temps qu il consacre aux différents écrans. Je parle avec lui de ce qu il y voit et fait. Je lui rappelle les trois principes d Internet. > Après 12 ans > De 9 à 12 ans L enfant commence à s affranchir des repères familiaux. Il surfe seul sur la Toile, mais je fixe avec lui des horaires à respecter. Nous parlons ensemble du téléchargement, des plagiats, de la pornographie et du harcèlement. La nuit, nous coupons le Wi-Fi et nous éteignons les mobiles. Je refuse d être son ami sur Facebook. L enfant a besoin d explorer la complexité du monde. Je déter- Source: traite de beaufs», raconte encore ce père. Aujourd hui, nombre de parents avouent avoir péché par ignorance, accordant un trop grand libre accès aux écrans. «Par peur d être de mauvais parents», estime Gérard Salem. Débordés à l adolescence, ces adultes tentent alors de fixer des limites et doivent faire face à de violentes oppositions. Mais pour la génération des nouveaux ou des futurs parents, la conscience d un nécessaire encadrement, pour euxmêmes et pour leurs enfants, apparaît beaucoup plus aiguë. «Je suis frappé de voir que certaines jeunes familles instaurent, très tôt, des règles beaucoup plus strictes, avec des interdits plus clairement énoncés, et c est de bon augure. Cela participe d ailleurs d un mouvement général. On sent dans cette génération un sens éthique nouveau.» PUBLICITÉ

4 24 Chronomètre Pourquoi n avons-nous plusletemps? Plus la technologie nous fait gagner du temps, moins nous avons l impression d en avoir. Bizarre? Trois chercheurs expliquent le phénomène Par Nic Ulmi PUBLICITÉ marketing, ainsi que le poète et essayiste new-yorkais Kenneth Goldsmith. Prenant le sujet à contre-pied, ce dernier est en train de donner à ses étudiants un cours les incitant à «perdre du temps sur Internet» Voyons un peu. Je suis tout et son contraire «C est un phénomène paradoxal. Nous sommes de plus en plus efficaces, nous avons plein d outils qui nous font gagner du temps, nous avons potentiellement plus de temps libre que nous n en avons jamais eu. En même temps, nous avons un sentiment très fort de manque de temps, comme le soulignait le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa dans son livre Accélération», relève Frédéric Kaplan, professeur en humanités numériques à l Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Pourquoi avons-nous cette perception? «Nous avons perdu ou abandonnél idée,quiparaissaitévidente il y a quelques décennies, selon laquelle nous travaillerions toute notre vie dans la même entreprise, nous aurions toujours la même religion, nous serions inscritsdansunetrajectoireallantd un point A à un point B Aujourd hui, il y a une tendance généralisée à se demander: suis-je en train de faire la meilleure chose pour moi? GETTY IMAGES/VETTA À l heure qu il est, tout le monde l aura remarqué: le temps n est plus tout à fait ce qu il était. On ne parle pas ici de changement climatique, du temps météorologique qu il fait dehors. On parle du temps chronologique: celui qui passe et qui s écoule, justement, d une façon qui ne semble pas la même qu autrefois. Le phénomène ne date pas de la semaine passée, ni même de l avènement de nos sociétés numériques. Dans une nouvelle mémorable intitulée «Walter» et incluse dans le recueil Il nuovo che avanza, l écrivain italien Michele Serra imaginait, en 1989, le «temps multiplié par des millions de personnes» qu on «passe, confus, devant les étagères» d un supermarché où trônent64marquesdedentifricedifférentes, «en tentant vainement de décider laquelle acheter». Le héros delanouvelleconcluait:«jen aiplus le temps.» Et il devenait fou. L écrivain établissait là, par la fiction, un lien entre la perception du temps et celle des choix existentiels ou pas auxquels nous sommes confrontés. Un lien sur lequel se penchent, un quart de siècle plus tard et en plein âge numérique, Frédéric Kaplan, titulaire de la chaire de digital humanities à l EPFL, Jordan Etkin, chercheuse états-unienne en «Suis-je en train de faire la meilleure chose pour moi? N aurais-je pas meilleur temps d en faire une autre?» N aurais-je pas meilleur temps d en faire une autre? Comment optimiser mes possibilités? Potentiellement, je pourrais être tout et son contraire, alors je me dis que je dois pouvoir être tout» L effet est double: «D un côté, c est une libération, parce qu une trajectoire linéaire n est pas forcément le modèle de vie le plus riche et le plus plein qui soit. D autre part, c est un gros stress. Si demain je peux être quelque chose de différent de ce que je suis, eh bien, il faut que je puisse tout saisir dès aujourd hui et ce n est pas possible. Comme j ai l impression d avoir sous le nez les outils pour approcher cette possibilité, mais qu elle m échappe, il en résulte un sentiment de manque de temps.» Notre existence et chacun des actes qui la composent formeraient désormais, à nos propres yeux, un nuage de possibilités plutôt qu une trajectoire linéaire. L impression de manque de temps viendrait de là: du fait que «nos vies ne sont plus inscrites dans de grandes narrations». La fin de ces dernières, c est ce que dans les années 1980 on appelait «postmodernité» «Aux XIXe et XXe siècles, les grands récits étaient au centre de tout. On disait: demain sera différent; je suis pauvre, demain je serai riche; nous sommes opprimés, demain nous serons libres; tout cela se fera, avec le temps Le temps était une promesse narrative», reprend Frédéric Kaplan. C est au moment où cette vision de l histoire entrait en crise qu apparaissaient«l informationen continu et la narration sans fin des séries télé». La couverture médiatique de la première guerre du Golfe, Twin Peaks, Internet: autant de balises, donc, d un rapport entre le temps et la narration qui est forcément en train de se réinventer. Impossible, en effet, pour notre esprit d appréhender le temps sans le cheviller à une forme de récit. Le temps à l épreuve du choix L âge numérique ouvre donc sous nos yeux l éventail infini des chemins qu on pourrait prendre, mais il nous confronte en même, Le poète Kenneth Goldsmith donne un cours à Philadelphie incitant ses étudiants à «perdre du temps sur Internet». Un titre ironique? Il se trouve que non tempsàl impossibilitéd emprunter toutes ces voies: ce double mouvement génère l impression de ne plus avoir le temps pour rien Mais le lien entre la perception du temps et l éventail des choix est, en réalité, bien plus étrange et plus profond. C est ce que vient de montrer une étude réalisée par trois chercheurs en marketing, Jordan Etkin (Université Duke à Durham, Caroline du Nord), Ioannis Evangelidis (Université Erasme de Rotterdam) et Jennifer Aaker (Université Stanford à Palo Alto, Californie). Leur point de départ: le constat qu «on sait peu de chose sur ce qui affecte le sens subjectif du temps chez les gens». A paraître dans le Journal of Marketing Research, l étude annonce sa conclusion dès son titre: «Pressed for Time? Goal Conflict Shapes How Time Is Perceived, Spent, and Valued» («Pressé par le temps? Le conflit entre objectifs façonne la manière dont le temps est perçu, utilisé et évalué»). En clair: toutes les situations où nous devons choisir entre des objectifs contradictoires (manger sain ou se faire plaisir à table sans entraves, par exemple) seraient perçues par notre esprit comme des problèmes de manque de temps même lorsque, a priori, elles ne le sont pas. Autrement dit: chaque dilemme (achèteriez-vous une voiture sécuritaire mais polluante ou une voiture écologique mais plus dangereuse?) déclenche chez nous l impression que notre temps se rétrécit. Confirmation expérimentale, par les sciences sociales, du problème de dentifrice évoqué plus haut. Que faire? La solution proposée est tellement facile que c en est presque embarrassant. Vérification faite auprèsdessujetsdel expérience,jordan Etkin et son équipe notent en effet que «lorsque le conflit entre des objectifs contradictoires est perçu comme étant intense, respirer lentement et profondément semble être une manière simple de restaurer le sens du temps». Inspirer, expirer: unité basique du temps vécu Qui perd gagne En décembre 2014, le poète Kenneth Goldsmith défrayait quelque peu la chronique en annonçant que son prochain semestre en tant que professeur à l Université de Pennsylvanie à Philadelphie s intitulerait «Wasting Time on the Internet» («Perdre du temps sur Internet»). Un titre ironique? Renseignements pris auprès du principal intéressé, il se trouve que non: c est parfaitement sérieux. «J en avais marre de lire tous ces articles et ces livres sur le fait que le Web nous rend plus bête», raconte Kenneth Goldsmith au téléphone. Pendant trois heures par semaine, le professeur demande à ses étudiants de naviguer sur la Toile sans but, puis de produire des textes littéraires avec les matériaux trouvés. La moisson disparate de fragments, de bribes et de scories récoltés pendant une flânerie en ligne incarnerait en effet de manière emblématique notre expérience, notre manière d être au monde, notre façon de créer à l âge numérique. «On peut remonter à Baudelaire, à Walter Benjamin, aux surréalistes. En fait, d une façon assez étrange, c est comme si toute l histoire du modernisme au XXe siècle avait anticipé la condition numérique», reprend Kenneth Goldsmith. L éloge de la perte de temps comme moteur de la création a en effet un pedigree. Dans un article pour le magazine The New Yorker, le poète rappelait ainsi l enthousiasme des surréalistes pour les états psychiques situés «au crépuscule entre la veille et le sommeil», ainsi que l appel d André Breton en faveur d une philosophie somnambule. Cet idéal, avance Kenneth Goldsmith, «a été pleinement réalisé par les technologies d aujourd hui». Comment? «Nous pouvons lire tous les livres, voir tous les films, écouter tous les disques dont nous pourrions rêver, via notre ordinateur. Nous sommes devenus archivistes, collectionneurs, amasseurs d artefacts culturels. Et nous sommes tellement excités par cette orgie que nous ne réussissons même pas à rester assis tranquilles assez longtemps pour regarder un film en entier, parce que nous voulons en voir un autre. Il en résulte un montage disjoint, où nous sommes toujours en train de sauter d une chose à une autre, de plonger et de réémerger» Et? «Et c est excitant. C est génial.» Embrasser ainsi la perte de temps, c est peut-être la seule manière d échapper à l impression obsédante de ne pas en avoir assez.

5 25 Fiction L heuredesméchantesestvenue De retour sur la RTS, «Game of Thrones» consacre le triomphe des héroïnes carnassières. En termes d égalité, c est une bonne nouvelle LEWIS JACOBS/FX Par Nicolas Dufour L Ci-dessus de haut en bas: Vera Farmiga («Bates Motel»), Jessica Lange («American Horror Story»). PHOTOS: DR e mal change de visage. Il est désormais féminin. Avec le retour de la série Game of Thrones, la quatrième saison sur RTS Un lundi soir, les amateurs retrouveront les voraces intrigues de Westeros et ses fratries en guerre. Les ténors, à commencer par le nain machiavélique Tyrion, sont commentés depuis le lancement de la série sur HBO en On oublie parfois que l univers créé par l écrivain George R. R. Martin comprend de fortes têtes féminines, et des maîtresses dans l art de la manipulation. Ainsi, certaines dames de Game of Thrones consacrent l avènement de personnages féminins qui n ont plus rien à envier aux crapules masculines. Spécialiste des questions de genre dans les feuilletons, auteure notamment des Séries télé pour les nuls, Marjolaine Boutet, professeure à l Université de Picardie Jules Verne, sourit. Le triomphe des harpies est une bonne nouvelle. S agissant de la fiction TV, «la méchanceté est la dernière barrière à abattre dans l évolution hommes-femmes». Sur les terres médiévales fantastiques de Game of Thrones, il est piquant de relever que l une des rares femmes à manifester un peu d empathie, Catelyn Stark, a été massacrée lors de l effroyable neuvième épisode de la saison 3. Dureté de la mécanique des concepteurs de la série David Benioff et D. B. Weiss, qui ont attendri le personnage par rapport aux romans, pour mieux frapper avec sa mise à mort. Marjolaine Boutet nuance: «Catelyn répondait encore à un stéréotype, la veuve, la mère de» Dans la galerie féminine brillent, par leurs ombres, Arya ou Brienne, Lena Headey. La figure de Cersei Lannister dans «Game of Thrones», briseuse de destins, et incestueuse. «mais là encore, dans une catégorie, celle de femmes se comportant comme des hommes». Puis vient Cersei Lannister, séduisante quand elle ne ricane pas, reine des Sept Royaumes, épouse méprisante de Robert Baratheon, sœur de Tyrion, avec lequel, ou contre lequel, elle redouble d ingéniosité dans les manœuvres claniques. Au reste, sœur jumelle de Jaime, avec lequel elle entretient une liaison incestueuse, raison de l un des premiers drames de la saga. Et il y a la jeune Sansa Stark, un parcours, en forte évolution durant la quatrième saison, que Marjolaine Boutet veut mettre en exergue: «C est la plus intéressante, par sa manière de sortir du statut de petite princesse en attente du roi. On se rend compte que ce n est pas parce qu elle est féminine qu elle est une victime, au contraire.» Enfin, l interprète d une grand-mère dans l une des maisons, les Tyrell, n est autre que Diana Rigg, naguère batailleuse dans Chapeau melon et bottes de cuir: «Un renvoi clair à une tradition de femmes fortes» Des héroïnes jamais victimes, voire carnassières, la fiction en façonne avec générosité ces temps. Il y a les figures glaciales, Sarah Lund dans la danoise The Killing et ses variations, Saga Norén dans les versions de Bron/Broen (The Brige), ou plus encore, l implacable Stella (Gillian Anderson) dans The Fall. Là apparaît une froideur totale, mais au service de la cause. Ni bien ni mal, juste l absence naturelle de sympathie. Certains auteurs font basculer leurs créatures dans leur part la plus obscure. La série est d un intérêt discutable, mais Bates Motel a le mérite de développer avec une redoutable ambiguïté la figure maternelle dominant le futur hôtelier tueur de Psychose. La mère de Norman Bates affiche souvent un air affectueux; et parfois se glissent les allusions à cette possessivité maladive, à cette emprise néfaste, par lesquelles on expliquera, plus tard, les crimes du jeune psychopathe. En matière de figures délétères, Jessica Lange fait fureur dans American Horror Story. Au fil de cette anthologie d histoires d épouvante, l ancienne nymphe de King Kong (1976), toujours aussi belle, incarne tour à tour une voisine maléfique, une nonne diabolique, > Celles qui ont ouvert la voie Edie Falco dans le rôle de Nurse Jackie, infirmière accro aux médicaments. Grace Hanadarko, qu incarnait Holly Hunter, cumulait les addictions, brûlait sa vie à grandes bouffées, et ses excès piétinaient ses proches, sans qu elle le voie. Au sens d ailleurs littéral, puisqu un jour elle écrasait un piéton. Et rencontrait un ange. Compliqué, pour une inspectrice de police De 2007 à 2010, Saving Grace, créée par Nancy Miller, a raconté une femme qui collectionnait les béances. Avec la rédemption pour horizon. En période contemporaine, le feuilleton ouvrait une piste. Depuis 2009, toujours en production, Nurse Jackie (photo ci-contre) détaille aussi une figure ambiguë. L infirmière qu incarne Edie Falco (Les So- prano), symétrique mais différente de Dr House, revendique les hauts et surtout les bas de sa vie. Elle évoque une nonne, durant ses années d école religieuse: «Elle disait que les gars disposés à faire le bien sont souvent tout aussi disposés à faire le mal. Pas bête, la Sœur.» Mère aimante mais impatiente, épouse sensible et adultère, accro à ses médicaments comme à ses crises de mauvaise humeur De fait, Jackie n a rien de méchant, mais elle a aménagé la voie à des figures de femmes assumant leurs travers, de la même manière que les hommes des feuilletons, leur paluche concentrée sur le whisky on the rock, depuis des décennies. N. Du. une sorcière protégeant ses comparses ou une exploiteuse de monstres humains au milieu d une fête foraine. Marjolaine Boutet se régale: «C est l un des grands jalons du moment. Parce qu elle fait davantage de mal à des femmes qu à des hommes.» La liberté du mal féminin, sans nécessité de se déterminer face à l autre sexe. «Et là, sous forme de mère perverse» Bien sûr, les séries ont toujours eu leur lot de manipulatrices ou, un créneau bien connu, de garces, le versant maquillé des salopards. Au moins depuis les soaps dramatiques des années 1970, jusqu à Gossip Girl ou Glee. Mais selon l universitaire, une progression est en marche: dans l univers clos du petit écran, la femme s est d abord détachée du rôle de mère au foyer, elle est devenue active, même accaparée par sa vie professionnelle, plus seulement mère PUBLICITÉ Dans les années 2000 apparaît «la variation des corps, une diversité physique très importante, car elle garantit la diversité des représentations de la femme». Marjolaine Boutet cite la série de prison Orange is the New Black, aux protagonistes aussi fortes que différentes, voire opposées. «Il fallait encore atteindre cette liberté: pouvoir être méchante sans tomber dans le stéréotype de la femme fatale, celle qui ne fait du tort qu à des hommes.» En somme, il restait à gagner la cruauté. C est fait. Game of Thrones Saison 4, lundi 2 février, RTS Un, dès 22h25. >> Sur Internet, la version web de cet article, enrichie, et un dossier sur «Game of Thrones»:

6 26 Mouvement «Ilfautapprendreàdanserdansleschaînes» La légèreté est partout, socle d une nouvelle civilisation. Mais contrairement aux apparences, elle se conquiert, explique le philosophe Gilles Lipovetsky dans un livre stimulant Par Rinny Gremaud sommation, qui signent le triomphe du léger: «A compter de ce tournant, ce n est plus l industrie lourde qui tire la croissance et les ambitions économiques, ce sont les gadgets. Tous les objets se parent d une image jeune et ludique, l électroménager, la télévision, l électronique de loisirs, l émergence du pop dans le design, tout devient léger, dans les deux sens du terme: les nouveaux matériaux, comme le plastique, et l accélération de la miniaturisation participent à cet allégement du monde.» Depuis, toutes les évolutions technologiques ont persisté dans cette direction. «D abord, la légèreté est devenue un impératif économique et écologique, porté par la miniaturisation de l électronique et le développement de nouveaux matériaux de synthèse. Toutes les industries sont concernées, celle de l automobile, de l aéronautique, de l armement, de l électronique de divertissement, et l on pourrait multiplier les exemples. Ensuite la révolution numérique nous emmène en deçà du léger, vers la dématérialisa- tion, dans le «cloud». Enfin, il y a le potentiel incroyable des nanotechnologiques, la maîtrise de l infiniment petit, avec tous les développements que cela recèle sur le plan de la santé notamment. Autrefois, le pouvoir était du côté de celui qui avait l armée la plus lourde et la plus nombreuse. De- devenu une obsession. Tout le monde semble hanté par l idée de perdre trois ou quatre kilos. En ce qui concerne les liens sociaux, nous vivons à l ère du cool, où chaque individu évolue affranchi de toute appartenance familiale ou religieuse.» Bien entendu, ce mouvement de fond n est pas pur. Il est même plein de paradoxes, relève le philosophe. Du point de vue technologique, d abord, puisque les conditions de possibilités du léger résident encore dans le lourd: les gigantesques datacenters qui font tourner le «cloud» sont alimentés par des centrales nucléaires et des barrages, du charbon et du pétrole sorti des entrailles de la terre. Du point de vue sociétal, ensuite, notre époque a développé des angoisses nouvelles, qui sont le revers des injonctions à la légèreté des années 60. «L autonomie est devenue lourde à porter, parce qu elle contraint chacun à décider de tout en permanence. Nous vivons dans l angoisse de faire les bons choix, pour notre vie privée comme pour la consommation ordinaire. Faire ses achats est de- Il faut dépasser la légèreté pauvre du consommateur pour accéder à celle de l artiste main, c est celui qui maîtrisera l infinitésimal, l infra-léger, les composants de base de la vie, qui détiendra la plus grande puissance.» Parallèlement, le léger est aussi devenu une valeur esthétique et sociétale. «La liposuccion est l intervention de chirurgie la plus largement répandue, le fitness est venu synonyme de s informer, comparer, c est devenu un véritable travail. Enfin, la libération sexuelle a conduit à tout sauf à un échangisme généralisé. Personne ne change d amant comme de lessive, les séparations sont très mal vécues.» Et c est sans parler du corps: «Plus la légèreté est mise en avant, plus il y a d obèses. Plus l on valorise la minceur, plus elle se vit mal. Les régimes occasionnent une surveillance de soi permanente, et génèrent énormément de culpabilité. Cette légèreté que l on nous vend est tout sauf désinvolte et ludique.» Pour autant, Gilles Lipovetsky n est pas de ces moralistes qui pointent du doigt l insignifiance du monde contemporain. «Je ne suis pas du tout dans cette insupportable diabolisation du léger, qui dénonce la nullité médiatique et le kitsch de notre monde. Le léger a été un facteur considérable de consolidation de nos démocraties et un vecteur de l individualisation de nos sociétés. Je n imagine pas un retour en arrière. Je ne pense pas que la légèreté soit in- «En ce qui concerne les liens sociaux, nous vivons à l ère du cool, où chaque individu évolue affranchi de toute appartenance.» par Parker «himself», ont reçu une cinquantaine de 100/100 en deux ans. Les deux vignobles ont l habitude: ils concentrent les deux tiers des quelque 300 vins décrits comme parfaits par le spécialiste de Baltimore depuis le début de sa carrière, à la fin des années Si je compte bien, Robert Parker a décerné plus de la moitié de ses 100/100 en 2013 et Etrange coïncidence: il a vendu son magazine, The Wine Advocate, en décembre Ses nouveaux patrons, des investisseurs de Singapour actifs dans l importation de vin, l auraient-ils incité à revoir son échelle de cotation à la hausse pour favoriser la marche de leurs affaires? Le soupçon est légitime quand on connaît l effet spectaculaire d un 100/100 sur la cote d un vin dans un marché globalisé: il ne s agit plus de cuvées destinées à être bues, mais de valeurs financières. On ne parle plus d AOC mais de CAC 40. Alors Bob, j ose un conseil: prenez votre retraite. Ne dilapidez pas l immense crédit que vous avez construit depuis le millésime 1982 qui a fait votre légende. Il est encore temps: malgré les critiques, vos notes restent indispensables à l économie vitivinicole. Comme l Académie française pour les écrivains: en dire du mal tout en tâchant d en être un jour. soutenable. Etre léger, c est aussi l idée d échapper à la gravité, c est la joie, le rire, le bonheur.» La position du philosophe, c est que cette légèreté, pour faire civilisation, doit pouvoir se mériter. «Lorsque vous écoutez un pianiste exécuter une pièce avec une parfaite légèreté, vous assistez au produit d un travail immense. La poésie, un alexandrin par exemple, c est la légèreté dans la contrainte, c est «danser dans les chaînes», comme disait Nietzsche. C est vers cette légèreté-là qu il faut tendre. Celle qui naît de la maîtrise. J estime que l école doit entendre cela. Il faut donner aux enfants, aux jeunes, le goût du travail, qui permet de dépasser la légèreté pauvre du consommateur, pour accéder, enfin, à la légèreté de l artiste.» De la légèreté, Gilles Lipovetsky, Grasset, Paris, 2014, 364 p. TOUT CRU Robert Parker go home Par Pierre-Emmanuel Buss A 67 ans, Robert Parker est-il encore crédible? La question est sérieuse. Même s il est en fin de carrière, le gourou du vin reste le critique le plus influent de la planète. Alors quand il multiplie les bonnes notes, l effet sur le marché est immédiat. Comme le révèle La Revue des vins de France, l ancien avocat se montre de plus en plus généreux avec l âge. Selon des décomptes effectués sur winesearcher.com, il a décerné 103 fois la note mythique de 100/100 en 2013, contre 17 en Il a un peu baissé de rythme en 2014, avec un peu plus de 70 vins sanctifiés. Cette inflation est en partie liée aux extraordinaires millésimes DR PUBLICITÉ PLAINPICTURE/THOMAS REUTTER Q ui se souvient qu être lourd n a pas toujours été une insulte? Il fut un temps, par exemple, où la valeur d un objet était proportionnelle à sa densité. Les bois étaient massifs, les tissus étaient épais. Les bonnes idées étaient celles qui faisaient le poids, l industrie était lourde, tout comme l armement. Et c est sans parler des êtres, dont la corpulence mesurait le pouvoir, l influence et la richesse. En ce temps-là, la légèreté qualifiait les femmes et les enfants, c est-à-dire le vice et l irresponsabilité. Le pouvoir était du côté des poids lourds. Et puis il y a eu les swinging sixties, la minijupe et le walkman, et c est ainsi que le monde occidental a basculé dans la «civilisation du léger». La nôtre, celle d aujourd hui et de demain. C est le propos que développe Gilles Lipovetsky dans son dernier livre, De la légèreté, où, comme à son habitude, le philosophe-sociologue porte un diagnostic transversal et englobant sur notre époque. Qu il s agisse d idées ou de technologies, d art ou de santé, notre temps se caractériserait par un puissant désir de léger, une tendance que l essayiste français n hésite pas à ériger en fondement civilisationnel. «A ma connaissance, aucun livre n a été écrit sur la légèreté», dit-il au téléphone. Et pour cause: le sujet a longtemps été jugé sans intérêt, parce que synonyme de futilité. Si ce livre est possible aujourd hui, c est que le léger n est plus seulement associé à la rêverie, au vice ou à la pacotille. Il est devenu une valeur fondamentale de notre société, et aussi un impératif, un idéal. Nous sommes passés de la légèreté imaginaire à la légèreté-monde.» Ce sont les Trente Glorieuses, et l avènement de la société de con et 2010, avec plusieurs vins réévalués à la hausse. Bordeaux et les Côtes-du-Rhône, les deux seules régions françaises couvertes

7 MAIA FLORE/AGENCE VU teau, par une girouette, un abat-jour ou des bois de cerf. Nommé avec elle pour ce vingtième prix, le Français Guillaume Martial, ancien patineur, use aussi de son corps pour signer ses clichés (LT du ). Caroline Stevan Pleincadre L univers doux et timbré de Maia Flore Femme-tronc Un corps tronc, un corps pont, un corps matière. Des cheveux escaliers. Toujours un vêtement rouge. Maia Flore a obtenu mardi le Prix HSBC pour la photographie, avec sa très belle série Situations. Des poses poétiques et légèrement absurdes. Du rêve à peu de frais. Déjà, la jeune femme s était mise en scène en fée tirée vers le ciel par les voiles d un ba- 27

8 28 Exposition A la Fondation Henri Cartier-Bresson, le photographe sud-africain regarde dans les yeux un pays insaisissable. Album à fleur de peau PHOTOS: PIETER HUGO, COURTESY GALERIE STEVENSON ET YOSSI MILO Par Caroline Stevan, Paris A gauche, la maison des Besters. A droite, Hillbrow, un quartier de Johannesburg, en Avec des légendes sommaires et des clichés semblant isolés, Pieter Hugo raconte une Afrique du Sud fragmentée. PieterHugo,l êtreetlecontinent L Afrique du Sud est un drôle de pays. Pas marrant en réalité. La question raciale y est omniprésente, doublée de considérations économiques et sociales, entre paupérisation des familles blanches et émergence d une classe moyenne noire. La violence, forcément, découle des injustices. Lorsqu il attendait son premier enfant, le photographe Pieter Hugo s est demandé dans quelle sorte de monde le bébé allait voir le jour, et s il pourrait élever un gosse dans ces conditions. Pour trouver des réponses, il a braqué son appareil sur les quatre coins de son univers. Résultat de huit ans de travail, la série Kin est exposée à la Fondation Henri Cartier-Bresson. En afrikaans, «kin» signifie «proche». Sur les murs parisiens, Pieter Hugo affiche sa femme, nue et enceinte, sa nourrice, dont les plis du visage indiquent mille souffrances et une sagesse, sa grand-mère au duvet rose. Et puis lui, nu également, avec sa petite fille Sophia, bébé minuscule lui cachant le sexe. Les portraits, tirés en grand, sont nombreux, sans que l on sache toujours à quel cercle de connaissances appartiennent les modèles. Un jeune homme au visage entièrement tatoué nous regarde. Des yeux vert pâle qui pourraient être noirs tant ils disent la détermination, peutêtre la colère. Il porte un costume et une cravate sur une chemise rose. Est-ce la barbe et l implantation des cheveux? Il ressemble un peu au photographe. A côté, une femme blonde, des croûtes sur le nez, un collier de perles sur la blouse légère. Plus loin, un vieil homme au corps usé, marqué par les cicatrices, tatoué aussi. Presque tous, Blancs ou Noirs, disent une certaine misère et la tristesse qui va avec, la dignité aussi. Presque tous fixent l objectif. Entre eux, des natures mortes, nouveautés dans le travail du SudAfricain. Une porte défoncée. Des pommes de terre dans un carton. Une table à manger sous une affreuse photographie évoquant les peintures hollandaises, rappel de l histoire coloniale du pays. Un set de table usé sur une nappe de plastique imitant le crochet: posés dessus, deux télécommandes défoncées mais encore emballées Cinq jeunes hommes après un rite d initiation, dont le photographe ne nous révèle rien. MTHATHA, 2008 Daniel Richards et Daniela Beukman. Ont-ils un lien hormis celui d habiter Milnerton? 2013 dans un film protecteur, un cendrier contenant un mégot et quatre allumettes, un paquet de cigarettes, un peu de monnaie. Les légendes indiquent sommairement qui habite les lieux. Malgré elles, un dialogue se noue avec les portraits. Les clopes et les télécommandes vont bien avec le vieux aux cicatrices. Préjugés, évidemment. Mais il est difficile de les dépasser dans une Afrique du Sud aussi clivée. Pieter Hugo lui-même bute contre les raccourcis, essayant précisément de raconter une société plus complexe que Blancs = riches contre Noirs = pauvres. Face à la vue aérienne d un quartier sécurisé et rempli de piscines, les toits de tôle d un bidonville retenus par des planches, des tuyaux, des pneus. Bien que le pays dévoilé dans Kin penche plutôt du côté d un certain dénue- ment, on sent bien que le photographe peine à se situer dans cet enchevêtrement identitaire. «Je me sens Africain, quel qu en soit le sens, mais si on demande à n importe qui en Afrique du Sud si je suis Africain, la réponse sera toujours négative. Je ne suis pas en phase avec la topographie sociale de cette terre, et c est sûrement la raison pour laquelle je suis devenu photographe», exprime le bientôt quadragénaire. Ou encore, dans un éclairant documentaire diffusé à la fondation: «C est une étrange position d être Blanc ici. Tu fais partie du paysage, mais en fait non.» Pieter Hugo se demande «comment faire pour digérer le passé et les conneries qui vont avec», et l exposition oscille, sans cesse, entre le questionnement d une situation, celle de l Afrique du Sud des années 2010 «Dans ce projet, il y a beaucoup de colère face à l état de ce pays» et l exploration intime. Chaque image de l exposition prend place dans un ensemble tout en ayant son existence propre. L écho se fait entre elles, qu elles mettent en scène un monument dédié aux mineurs à Braamfontein, cinq ados aux faux airs de sapeurs ou la mère du photographe. De fait, le statut de journal intime est immédiatement dépassé, le premier cercle n existant que pour mieux sonder les suivants. «Regarder son pays avec un œil critique, c est se regarder soimême et regarder son prochain», écrit le jeune père. Au deuxième étage, une vitrine offre des tirages, des coupures de journaux et des notes épinglées normalement sur les murs de l atelier de l artiste. Ce sont des portraits de famille, des souvenirs de soirées visiblement arrosées, des cartes postales aux relents coloniaux, les flyers d un marabout, un numéro de Time avec Pistorius en couverture ou un bouquin de John Maxwell Coetzee. Publicité aisée ou rappels biographiques, les précédents ouvrages du photographe figurent aussi sur l étalage. The Hyena and Other Men, d abord, qui a fait la gloire de Pieter Hugo. En 2005, le Sud-Africain a suivi une famille de dresseurs de hyènes au Nigeria. Portraits puissants de ces hommes si fiers de tenir une bête sauvage en laisse, muselière sur la gueule. Ils rappellent les montreurs d ours d autrefois. La série emporte un World Press Photo en Posé à côté, Nollywood, autre excellent travail de Pieter Hugo, conçu juste après les hyènes. Une immersion dans la troisième industrie cinématographique mondiale, au Nigeria encore. Plus tard, Pieter Hugo s est penché sur les décharges numériques du Ghana ou le génocide rwandais. Une vision grise de l Afrique. Pieter Hugo: Kin, jusqu au 26 avril 2015 à la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris.

9 29 Rencontre BenoîtPoelvoorde,l ombreluivasibien Venu présenter «La Rançon de la gloire» à Vevey, le comédien belge étanche sa soif de rencontres et de pitreries, oscillant entre les gouffres du soir et l enthousiasme matinal Par Antoine Duplan FREDERIC STUCIN/PASCO Q uand il est venu à Vevey pour l avant-première de La Rançon de la gloire, Benoît Poelvoorde a abondamment arrosé l événement. Sur la scène du Rex, il a atteint des sommets flamboyants d histrionisme éthylique et remercié les spectateurs d «avoir des cheveux». Le show s est poursuivi à l hôtel des Trois-Couronnes. Tandis que Xavier Beauvois, le réalisateur du film, s abîme dans l autodépréciation anisée, le comédien belge fait la navette entre le bar et la table où se tient un dîner officiel, toujours claironnant, toujours partant pour des réjouissances délirantes («On fait un jeu? On joue à qui connaît un Québécois drôle? A qui est le pire fasciste de Suisse? A qui arrive à être le plus de mauvaise foi?»). Déchaîné, il proclame urbi et orbi son mépris du 7e art: «J en ai rien à foutre du cinéma.» Exubérant, adorable, insupportable, il est comme un gosse hyperactif rongé par le besoin d être aimé. Lorsqu il se tait, ce n est que pour raconter des obscénités dans un langage des signes de son invention dont la vis comica laisse pantois. Benoît Poelvoorde est un pitre de génie avec les gouffres d anxiété que cela implique. L énergumène s est révélé au monde stupéfait avec C est arrivé près de chez vous, ce manifeste d humour noir, dans lequel il donne la fameuse recette du cocktail «petit Grégory». Il s est aussitôt imposé comme chef de file de quelques surdoués de la bouffonnerie à valeur surréaliste ajoutée Bouli Lanners, François Damiens, et autres orfèvres de ces «mélancolie comique» et «tristesse joyeuse» qui seraient la marque de l âme belge. En vingt ans de carrière dense, Poelvoorde a eu son compte de navets Rire et châtiment, Le Boulet, Narco, Les Randonneurs à Saint-Tropez Pourtant, il tire toujours son épingle du jeu. Même dans cette ragougnasse d Astérix aux Jeux olympiques, il réussit à mettre le grain de sel de son esprit. Doté d un potentiel comique supérieur, le zigomar du Plat Pays excelle dans les rôles de salauds, de capos, de petits chefs, ces tyranneaux que son maître Louis de Funès a campés avec tant de brio. «J adore la mauvaise foi, la lâcheté, la fainéantise», se réjouit-il, et il s en donne à cœur joie. Qu on se souvienne de l odieux commercial haranguant ses troupes, le slip barré d un impressionnant goumi dans Les Portes de la gloire. Du père tyrannique des Convoyeurs attendent qui drille son gosse pour qu il entre dans le Livre des records. Du journaliste raté de Cow-Boy L «acteur fou capable de partir en spirales» quand il joue «les cré- Benoît Poelvoorde. «Sans enthousiasme, tu te noircis le cœur.» tins, les méchants bêtes» a une face d ombre. Il la laisse entrevoir quand il incarne les pauvres types, les minus, les écorchés vifs, les hypersensibles (Les Emotifs anonymes), les calcinés de l amour, (3 Cœurs, Une Histoire d amour), voire les tueurs en série (Entre ses mains). Alors le flandrin ahuri se mue en une sorte d animal nocturne. Le nez proémine, le regard s assombrit. Occlus, tendu, regard furtif de vieux rapace inquiet, le magistral Poelvoorde personnifie la détresse humaine. Vert et gris, le lac hivernal fait le gros dos dans le matin plein de lumière. Sur la terrasse des TroisCouronnes, Benoît Poelvoorde boit une petite bière, non, non, ce n est pas trop tôt car il est toujours midi sur un méridien terrestre. Le matin a chassé les démons de la nuit. Joyeux, léger, chaleureux, le comédien s excuse pour les débordements de la veille: «Il paraît que j étais saoul, j assume pleinement mon ivresse.» Nous contemplons le lac hérissé de vagues. Dessinateur à ses heures. Poelvoorde s exalte devant cette masse mouvante que nul peintre n est capable de rendre, à moins de la styliser comme Hergé, ou les maîtres japonais, ou un enfant. L embouchure du Rhône déborde de lumière comme au matin du premier jour. Seule une fumée d usine macule cet éblouissement. L œuvre du diable? «Non,, Benoît Poelvoorde «L humanité devrait admettre qu on ne travaille pas avant midi. C est une aberration» de l homme, estime Poelvoorde. L homme a toujours besoin de poser sa marque, de salir.» Lui, qui a marqué la soirée de ses fredaines tapageuses, fait son autocritique: «Je suis vraiment un tas de boue, je peux être méchant, stupide et ridicule.» Curieux des gens, il aime son prochain. En empathie avec le monde, il a le tutoiement spontané, engage la conversation avec tous ceux qu il croise. Impromptu, il demande «Tu peux m exprimer la charité? Montre-moi un geste!». Main tendue, paume en l air «C est superbeau. Regarde. Une main tendue. De l affection. Un geste dont on n attend pas un résultat. Je trouve ça gracieux dans un milieu aussi puant que celui du cinéma.» Le clown ressent de la compassion pour les personnes traduites en justice. «J ai une peur panique de la loi, du jugement des hommes. Tu es là, tout seul. Tout seul Les témoins à charge défilent. Même tes meilleurs amis. J en ai entendu un dire: «Quand j arrivais chez lui, son lit n était jamais fait.» C était à charge. Depuis ce jour-là, je fais toujours mon lit. Je suis profondément chrétien. Dieu est pardon, mais pas la justice des hommes» Intermède. «Tu sais ce que c est un comb-bower?, demande-t-il tout à trac. C est Giscard d Estaing. Les chauves qui prennent les cheveux à droite et les rabattent à gauche. Un documentaire très respectueux a été consacré aux plus beaux comb-bowers du monde. C est extrêmement émouvant. Ils sont à la merci d un coup de vent qui dresse leurs cheveux comme une saucisse sur une pizza surgelée» Les sans-grade qui se montent le bourrichon bouleversent Poelvoorde. Il évoque ce bourgeois minuscule d un dessin de Sempé qui se rengorge: «J en aurai quand même distribué, des torgnoles, dans ma vie.» Cette fanfaronnade le met en joie. Il la répète trois fois. Il imite sans effort l accent vaudois, s en excuse aussitôt, parce que c est «vulgaire» de contrefaire les accents. Il rappelle que «Sans enthousiasme, tu te noircis le PUBLICITÉ cœur». Il évoque la Belgique, «pays merveilleux, très convivial, avec des gens heureux de rien foutre». Sur sa lancée, l hurluberlu de Namur raconte celle du Belge qui boit une bière et dit «C est bon, mais j aime mieux la bière.» Il philosophe: «L humanité devrait admettre qu on ne travaille pas avant midi. C est une aberration.» Ce grand lecteur, qui a d ailleurs créé l été dernier à Namur l Intime Festival consacré au livre, se couche pour lire vers 19 h («Si je ne fais pas la fête. Si je décide de boire, cela dure des semaines»), se réveille à 4 h du matin, discute avec son chien, puis se rendort jusqu à midi. Benoît Poelvoorde annonce régulièrement qu il va arrêter le cinéma. Plus personne n y croit. «Tu devrais te méfier. Le jour où j arrêterai, personne ne le saura.» Il réfléchit un quart de seconde. «Mais bon, tu refuses de tourner avec Benoît Jacquot? Avec Xavier Beauvois, une des plus belles rencontres que j ai eues dans le cinéma? Tu vas refuser Gus et Delépine (Gustave Kervern et Benoît Delépine, ndlr)? Là, j aimerais vraiment me calmer, mais ces deux me proposent un film avec Depardieu et Houellebecq! Je les suis donc, jusqu à ce que la vie nous sépare. On dit la vie ou la mort? La mort Très beau lapsus!» Il en raconte une dernière, garantie authentique, qui exprimerait la quintessence de la belgitude. Accoudé au zinc d un petit bistrot du Plat Pays, un Belge s enquille des bières. La radio diffuse de la musique classique. Le speaker désannonce le morceau. Il était de Mozart. Alors le Belge: «Mozart, c est un imbécile.» Benoît Poelvoorde en rit de bonheur dans le matin du monde.

10 30 SonsetLumières Quandlejazzitalien serêveenmusique dumondedécantée Le piano de Rita Marcotulli et l accordéon de Luciano Biondini réinventent le duo sans œillères Par Michel Barbey JAZZ Rita Marcotulli & Luciano Biondini La Strada Invisibile (ACT/Musikvertrieb) E vidence, dès les premières notes, d une complicité qui rappelle des souvenirs forts. La rencontre entre Richard Galliano et Michel Portal, tiens! Parce que le climat est, en partie seulement mais tout de même, comparable. Parce que, surtout, Luciano Biondini est un développement, un cadeau de Galliano, une séquelle italienne du maître français, lui-même fils d immigré italien. Dire son amour pour l Italie sans affaiblir son ouverture à l autre, ce cosmopolitisme culturel qu on attend plus que jamais d un artiste dans l actuelle aspiration au décloisonnement stylistique, c est la posture forte qu adopte Biondini parce qu il en trouve l exemple chez Galliano: comme si le «New Musette» de ce dernier, lui-même initié par le «Tango Nuevo» de Piazzolla, lui avait donné l idée et l envie d un «New Italian Song» dont son œuvre serait de plus en plus l illustration séduisante. Par un hasard qui n en est peut-être pas tout à fait un, le label ACT, où est tracée pour la postérité déjà reconnaissante cette Strada Invisibile, est celui-là même où Vincent Peirani, l autre homme fort de l accordéon d aujourd hui, vient d enregistrer son duo d élite avec Emile Parisien, le très acclamé Belle Epoque. Tout cela pour établir des filiations et, au-delà, un certificat d excellence que l on ne saurait délivrer à tous les duettistes du moment (à preuve la série «Duo Art» à laquelle appartient cet échange, qui glisse trop souvent dans une vacuité dont ne parvient pas à la sauver un marketing pourtant appuyé). Biondini donc, qui fréquente de longue date sa compatriote la pianiste Rita Marcotulli, ose enfin la rencontre sans témoin. On ne lui en voudra pas (trop) de tirer la couverture à lui: son lyrisme sans mièvrerie emporte tout sur son passage, c est ainsi, et autant s ouvrir à ce don des dieux. Marcotulli le fait avec la délicatesse discrète mais têtue d une femme de caractère, peut-être d une muse, trop intelligente pour imposer frontalement ses conceptions. Elle se répand en suggestions et insinuations tellement pertinentes que le bondissant Biondini y inscrit, dans un rapport de subordination qui contraste avec sa fa- conde affichée, ses envolées les plus inspirées. Dans un texte de pochette inhabituellement dense, on nous rappelle la commune et initiale passion de Marcotulli et Biondini pour la musique classique, ce qui en terre italienne doit s entendre comme une exposition au rayonnement tonique de l opéra et au flamboiement d un lyrisme outrancièrement mélodique. Une posture qui n exclut pas l exposition à d autres influences, revendiquées ou non. Celle de «Choroso» l est assez clairement dans son titre, référence au choro brésilien, dont nous est donnée ici une version décantée, merveilleusement inventive, comme pour attester que la déclinaison de la musique en genres, styles, écoles étanches n est rien d autre qu une manie pathologique d un autre âge. Composé par la plus secrète Marcotulli, «Tuareg» déroule une autre cartographie. Le soleil, sa chaleur et sa lumière, l inonde pareillement, mais le thème et surtout son développement jouent sur une distanciation qui s appuie sur l exemple d un Joachim Kühn, dans l approche totalement atypique de la world music qu il propose dans son trio «Out Of The Desert». Une distance stimulante, jamais ironique, que l on retrouve lorsqu il s agit de reconfigurer l univers volontiers doucereux du songwriter Jimmy Webb. LA RÉÉDITION DE LA SEMAINE Deutsche Grammophon réunit en un coffret de 5 CD tous les enregistrements entre Claudio Abbado et Martha Argerich. On y retrouvera des gravures de légende, comme le 3e Concerto de Prokofiev, le Concerto en sol de Ravel dans deux versions (l une en 1967 avec les Berliner Philharmoniker, l autre en 1984 avec le LSO), les 1ers Concertos de Chopin, Liszt et Tchaïkovski, les Concertos Nos 2 et 3 de Beethoven et les Concertos Nos 25 et 20 de Mozart LE TEMPS DES SÉRIES TV Marco Polo avant Netflix Par Nicolas Dufour La place Saint-Marc de Venise comme on ne l a jamais vue. Aucun touriste. Des Vénitiens en costumes d époque, c est-à-dire du XIIIe siècle, qui s affairent à de sérieuses activités surtout, vendre leurs produits au marché. Les producteurs de Marco Polo étaient très fiers de leur reconstitution de la place, laquelle avait englouti une part non négligeable du budget de la mini-série. Nous sommes en 1982, 15 ans avant la naissance de Netflix. En 1982, donc, la RAI et la télévision française, avec un appui de l américaine NBC, mettaient fièrement en ondes Marco Polo. Un feuilleton en quatre à huit épisodes selon les diffusions, d une haute ambition internationale. Si le rôle-titre était joué par un quasi inconnu, Kenneth Marshall, les producteurs italiens s étaient attachés les services de Burt Lancaster pour une apparition en marchand des sables, F. Murray Abraham (qui sera Salieri dans Amadeus) en accompagnateur un peu fruste de Marco, Ian McShane (plus tard dans Deadwood) pour camper un brigand d Arabie, et même Leonard Nimoy, Dr Spock, comme intendant de l empereur de Chine Kubilaï Kahn. Appuyé par une belle partition d Ennio Morricone, ce Marco Polo brassait large. Le parallèle avec la version de Netflix peut amuser. La série de 1982, que l on trouve en DVD, voulait frapper le paysage audiovisuel par son ampleur. C était, à l époque, la plus chère du genre, assurait-on. Sans donner de chiffres, Netflix n a pas démenti les 90 millions de dollars attribués au devis de son Marco Polo. Nouvelle entrante dans la création de séries, la compagnie qui s est épanouie grâce à la Toile compte marquer les esprits, comme l alliance de chaînes de A plus de 30 ans d écart, les différences se révèlent tout aussi instructives. On l a souligné, de la part de Netflix qui brille avec House of Cards, la lecture du périple de l explorateur est fortement axée sur son rôle à la cour du khan, et les manœuvres des pouvoirs. L exotisme vient de quelques décors naturels, et des batailles. La version de 1982 avait cette fraîcheur qu elle attribuait à son héros vénitien, le promenant dans l immensité de l empire. Il y avait bien sûr intrigues et trahisons, il le fallait, mais les conteurs d alors mélangeaient les registres. Jusqu à la prenante nostalgie, après le retour à Venise, lorsque Marco regardait la mer, au-delà de la place Saint-Marc. Chez Netflix, il faudra attendre. Peu après le dévoilement de la série en décembre, le groupe a commandé une deuxième saison. CLASSIQUE Frédéric Chopin Concerto N 2, Ballade N 4 (Decca/Universal) Nelson Freire dans Chopin? Le naturel, l évidence. Le pianiste brésilien joue le 2e Concerto de manière fougueuse et sensible, accompagné par Lionel Bringuier et l Orchestre du Gürzenich de Cologne (un peu agressif dans les forte). La sonorité du piano est splendide, tout en velouté et scintillances, avec quelques coups de griffe bien placés. Une version merveilleuse qui augure de beaux concerts la semaine prochaine à Genève avec l OSR (avec précisément ce 2e Concerto!). Si la 4e Ballade n entrouvre pas les abîmes mystiques d un Cortot, Nelson Freire joue avec sa propre sensibilité, très souple dans la conduite de la ligne. La Berceuse, les 3 Mazurkas Op. 50 (magnifiques de simplicité!) et la Polonaise héroïque, plus apollinienne que dionysiaque, complètent ce très beau disque. Julian Sykes CLASSIQUE Ludwig van Beethoven Concertos 1 & 2 (Aparté/h. m. Musicora) LES NOURRITURES ÉLECTRONIQUES Capitale culturelle à pied Par Nicolas Dufour C est, en premier lieu, une application touristique comme il en existe tant. Toutefois, les responsables de la cité belge de Mons ont soigné leur promotion électronique à l occasion de la promotion de la ville en capitale européenne de la culture. Pour ces festivités 2015, le chef-lieu de Hainaut semble multiplier les efforts en matière d événements ponctuels, d animations en tout genre et d expositions, dont une amusante Range ta chambre, clin d œil au tableau de Van Gogh à l intention des enfants. Rappelant d emblée le slogan général «En 2015, je suis Montois, et toi?», l application contient de nombreuses pistes, de l éventail des manifestations 153 au moment où ces lignes étaient écrites à une section pétillante qui propose des parcours dans la ville en lien avec son histoire et les festivités dues au statut de capitale européenne. On pourra ainsi préparer la balade des rapieurs les garnements locaux ou le kilomètre culturel, qui met l accent sur l architecture contemporaine. L application est gourmande: pour un contenu quasiment complet hors ligne, compter 350 Mo. Le pianiste suisse Louis Schwizgebel se lance à l assaut des deux premiers Concertos de Beethoven. Il joue avec fraîcheur et sensibilité, anime le discours à l aide d une riche palette d articulations. La grande cadence du premier mouvement du 1er Concerto est très bien maîtrisée. Le «Largo» respire une belle intériorité, même si l expressivité semble trop contenue vers la fin du mouvement. Le finale abonde en contrastes, Schwizgebel se montrant sans cesse inventif. Le 2e Concerto est joué avec grâce et vitalité (bel «Adagio» épuré, finale enchanteur). L accompagnement de Thierry Fischer et du London Philharmonic Orchestra s inscrit dans le droit fil des versions «historiquement informées». C est vif, énergique, mais un peu maniéré et surexcité. Ce disque est une belle réussite. J. S. «Visit Mons». Pour Android et ios. Gratuit. JAZZ Orphéon Célesta Cuisine au jazz PUBLICITÉ (Frémeaux/Musicora) <wm>10casnsjy0mday0juymdc0nweau1y9-w8aaaa=</wm> <wm>10cfxksq7cmawe0c9ydhexnrspqfvfglpnqzj5_wnbxvc2dxwvdt_3_xhuzyigmta4vjtzpeypopgzqkbaulh7xcb43zcgu0preww05mi3h-zyu1t7x68plrs6yxiaaaa=</wm> BOMBINO JEUDI 5 FÉVRIER Blues touareg Salle communale d Onex 20h30 Billets: Spectacles Onésiens / Service culturel Migros / Stand Info Balexert / Migros Nyon-La Combe Sérieux comme l humour? Un adage auquel l Orphéon Célesta croit dur comme fer, lui qui a construit une carrière aujourd hui trentenaire sur le contrôle méticuleux des zygomatiques. Le quatuor français en fournit une énième illustration avec cette Cuisine au jazz qui rend évidente l existence d une école swingo-hilarante, dont l Orphéon serait, avec sa panoplie de soubassophone, kazoo, washboard et trompinette, l une des moins contestables manifestations. Si le détournement de pièces classiques ou l utilisation du gargarisme comme instrument à part entière renvoient à Spike Jones, on est moins avec eux dans la fureur iconoclaste que dans une fantaisie poétique héritée des Frères Jacques ou des Quatre Barbus. M. B.

11 31 Actualité Artgenèvejazzeetvocalise Mort la baguette à la main La musique est présente depuis la première édition du salon genevois en Cette année, elle s affirme avec deux créations Le chef Israel Yinon s est écroulé pendant la «Symphonie alpestre» de Strauss, jeudi soir au KKL de Lucerne Par Elisabeth Chardon Panorama NICOLAS SCHOPFE A rtgenève, ce n est pas seulement une centaine de stands de galeries et d espaces d art indépendants dans la halle 2 de Palexpo. Jusqu à dimanche, la villa Sarasin, à une volée d escaliers de ces gigantesques halles, accueille aussi un programme où arts visuels et musique sont intimement liés. Deux installations qu il faut prendre le temps de vivre, d explorer, se font écho. L artiste albanais Anri Sala déploie vidéo et musiciens dans les salons du rez-dechaussée alors que le collectif vaudois M2 a installé des chanteurs lyriques en répétition dans les bureaux du premier étage. Pianiste et musicologue de formation, le directeur d Artgenève, Thomas Hug, avait tout naturellement, dès la première édition, glissé de la musique dans le programme de son salon. Il avait ainsi invité le violoncelliste berlinois Augustin Maurs à interpréter des suites de Bach dans le noir. Le public pouvait ainsi se faire ses propres images après en avoir digéré quelques centaines en visitant les stands et expositions d Artgenève, pourtant encore modeste cette année-là. En 2015, Augustin Maurs est toujours là, mais comme curateur de ce qui prend pour la première fois le titre d Artgenève musique. Les deux hommes se connaissent de Berlin, où Thomas Hug codirigeait la galerie COMA. Le musicien français y était plusieurs fois intervenu. Pour cette nouvelle incursion sonore dans Artgenève, il a demandé à Anri Sala une pièce inédite. L artiste avait représenté la France à la Biennale de Venise en 2013 avec, déjà, une installation Le saxophoniste André Vida devant «Long Sorrow», vidéo d Anri Sala. A l image, le jazzman américain Jemeel Moondoc, suspendu au-dessus d une banlieue berlinoise. GENÈVE, LE 30 JANVIER 2014 musicale, une mise en espace du Concerto en ré pour la main gauche de Maurice Ravel. A Genève, il juxtapose deux pièces plus anciennes, Long Sorrow (2005) et Where the Moon Notes Equal the Beach Bridges (2012). Long Sorrow (longue peine) est une vidéo de toute beauté où l on voit une sorte de faune rasta avec un chrysanthème séché dans les cheveux fredonner et jouer du saxophone suspendu à la fenêtre d un immeuble de la banlieue berlinoise. Il s agit du jazzman américain Jemeel Moondoc. En 2011, Anri Sala a demandé à un autre saxophoniste, André Vida, d improviser une réponse à la musique de Jemeel Mondooc dans le cadre d une série de 400 concerts, un défi proposé à la Serpentine Gallery de Londres. A Genève, André Vida improvise à la fois avec la vidéo et avec un enregistrement de la Serpentine. Ce fascinant trio joue donc Le Prix Renfer a été décerné à l écrivain jurassien Alexandre Voisard pour l ensemble de son œuvre. La récompense dotée de francs est attribuée chaque année par la commission intercantonale de littérature des cantons du Jura et de Berne. (ATS) Arts Salzbourg restitue un pastel de Berthe Morisot Le Land autrichien de Salzbourg va restituer Jeanne Pontillon à la capeline, un pastel de la peintre impressionniste française Berthe Morisot, réalisé en 1884 et volé par les nazis en 1940 lors du pillage en France de la collection David-Weill. (AFP) Cinéma Plus de soutien de La Poste La Poste a décidé de réorienter sa politique de sponsoring. Plusieurs festivals de cinéma sont touchés par cette décision, dont ceux de Soleure, Nyon et Zurich. (ATS) Des chanteurs reprennent en boucle la même séquence d une aria de Mozart des, un échange qu ils ont eu dans l amphithéâtre d Arles en La pièce est basée sur le principe du pont, une séquence de transition, généralement en contraste avec le reste du morceau. Ici, le temps semble s étirer, tout simplement. Une ode à la danse Littérature Alexandre Voisard reçoit le Prix Renfer avec le temps et l espace bien audelà du moment partagé dans la villa Sarasin. Le tromboniste Hilary Jeffery rejoint André Vida pour l autre partie de l installation, Where the Moon Les deux musiciens rejouent entre deux salons XIXe complètement vi- David Greilsammer et le Geneva Camerata ont accompagné le beau travail formel de Cindy Van Acker, jeudi soir au BFM de Genève Jeudi soir au BFM de Genève, le chef David Greilsammer et le Geneva Camerata présentaient Magnitude de Cindy Van Acker, avec une musique nouvelle écrite expressément pour cette chorégraphie. Créée en 2013 par le Ballet Junior de Genève (sur scène jeudi soir), Magnitude fait évoluer 22 danseurs et danseuses. Cette pièce chorégraphique est une étude formelle sur le saut à pieds joints. Chaque individu saute sur place, ou de côté, se met en phase avec d autres danseurs, ou au contraire crée des dissymétries. D où l impression de voir un immense corps en mouvement qui ne cesse de se transformer sous nos yeux. Parce que le saut à pieds joints induit une musique répétitive en soi (avec le bruit des pieds atterrissant sur le sol), le compositeur brésilien Marcos Balter (né en 1974) a épousé ce processus pour sa pièce. Sa musique assez illustrative semble calquée sur les séquences de la chorégraphie. On y trouve des pulsations régulières doublées d évolutions de timbres. Or ces évolutions de timbres inventives par moments finissent par plafonner. Il y a là un effet de transe, sans que le matériau se renouvelle suffisamment. Le Concerto pour violon de Schumann, joué en seconde partie, a permis de savourer les forces et les faiblesses de cette partition. La violoniste allemande Carolin Widmann en souligne les aspérités. Elle y adopte un ton énergique. Son violon sonne un peu rêche et acidulé par instants. Et elle n est pas très sûre techniquement dans une partition certes ardue (elle a d ailleurs eu un incident avec son archet au cours du premier mouvement). Les épisodes lyriques dégagent une certaine poésie. David Greilsammer (toujours un peu excessif dans sa gestuelle) et ses musiciens l accompagnent avec fébrilité, obligés de composer avec l acoustique sèche du BFM. Ce qui reste en mémoire au terme de cette soirée? Le beau travail formel de Cindy Van Acker. Julian Sykes De loin en loin, les oreilles fines perçoivent d autres musiques, des voix venues de l étage supérieur. En haut des escaliers, rien que des chaises empilées, un canapé bizarrement désossé, une armoire ouverte sur une réserve d écrans de projection. L ambiance est étrange, on ne sait si les choses sont rangées ou dérangées, si l on est avant ou après un événement. Mais derrière les portes du fond, entrouvertes, des chanteurs vocalisent, reprennent en boucle la même séquence d une aria de Mozart, ou peut-être simplement respirent, s étirent. Le collectif vaudois M2, très actif et novateur dans les années 1990 à Vevey, a été invité par la commissaire d exposition Catherine Othenin-Girard, et a mis en place ce projet, baptisé VOX. Jean Crotti, Alain Huck, Robert Ireland, Jean-Luc Manz, Christian Messerli et Catherine Monney ont donné priorité à la musique pour cette œuvre com- mune. Ils ont demandé à une douzaine d élèves de la Haute Ecole de musique de Fribourg de se relayer pour travailler leur voix, répéter. Avec un diapason, un clavier ou un écran de poche, les chanteurs font comme si personne ne les regardait, et le public se sent intimidé. Peu osent se glisser dans la pièce. On reste sur le seuil, on retient son souffle. A l accueil d Artgenève, la voix de ses chanteurs se fait aussi entendre, grâce à quelques haut-parleurs placés sur des chaises, elles aussi plus dérangées que rangées. Oui, ici, le son est à suivre, au plus près. A la villa Sarasin, mais aussi, en pointillé, dans la halle même. Par exemple sur le stand de la galerie Rosa Turetsky, qui présente une installation poétique d Alexandre Joly. Artgenève, jusqu au 1er février, 12h20h. A la villa, visite conseillée après 16h. Effroi et consternation. Au point culminant de la Symphonie alpestre de Richard Strauss, le chef Israel Yinon s est effondré, terrassé par une attaque au KKL. Les médecins n ont pas pu le ranimer à l hôpital de Lucerne où il a été rapidement emmené. Il y est décédé dans la soirée de jeudi. A 59 ans seulement, tout juste fêtés le 11 janvier passé, le chef rejoint dans la postérité les rares directeurs musicaux ayant connu la même fin tragique. Avant lui, Felix Mottl, Joseph Keilberth, Franz Konwitschny ou Dimitri Mitropoulos sont eux aussi morts brutalement, en plein concert. Le dernier d entre eux, Giuseppe Sinopoli, a été victime d une crise cardiaque en avril 2001, pendant le troisième acte d Aida à la Deutsche Oper de Berlin. Il avait 54 ans. Si Israel Yinon n avait pas la même aura que son célèbre collègue italien, il était un chef reconnu et estimé. Invité à Berlin, Vienne, Londres ou Jérusalem et apprécié pour l intégrité de ses lectures, il enregistrait chez DGG ou Decca et défendait aussi les compositeurs contemporains ou peu connus. C est devant les étudiants de la Junge Philharmonie Zentralschweiz qu il a basculé, tête première sur le sol, avant d être évacué par une équipe médicale. Une fin spectaculaire, et traumatisante pour les proches ou tous les témoins présents, qu ils soient musiciens (une «care team» a été mise sur pied), spectateurs, responsables de la salle de concerts lucernoise ou de la Haute Ecole de musique organisatrice du concert. Mais peut-être aussi une forme de départ rêvé, baguette à la main, en pleine musique. L engagement physique, mental et affectif des chefs en maintient certains vivants longtemps. Israel Yinon a été fauché au faîte de sa vie. Sylvie Bonier La moisson de l or blanc Film documentaire d une rare beauté, «My Name Is Salt» de Farida Pacha nous emmène dans un désert indien A priori, c est un désert à perte de vue, où rien ne pousse et ne saurait attirer l humain. Surgissent deux véhicules, qui roulent jusqu à une cahute abandonnée. La famille qui en descend s installe, se met à creuser, sort de terre une pompe à eau et la remet en état de marche. Teuf, teuf, teuf: première coulée brunâtre. Doug-et-doug-et-doug: voilà l eau claire. C est le début d une formidable démonstration d ingéniosité humaine. Chaque année pendant huit mois, des milliers de familles comme celle de Sanabhai investissent le Rann de Kutch, un immense marais salant de plus de 5000 km2 au nord-ouest de l Inde, dans l Etat du Gujarat à la frontière du Pakistan. Désertique la plus grande partie de l année, il se retrouve sub- mergé au moment de la mousson. Mais durant la saison sèche, tous ces gens s y retrouvent pour produire un sel réputé le plus blanc sur Terre. Commence alors un documentaire rare, de pure observation. Sans le moindre commentaire «off», on y suit les gestes souvent mystérieux de cette famille qui délimite une quinzaine de grands bassins, creuse des canaux, piétine puis ratisse le moindre centimètre carré. Pour finir, des cristaux de sel se forment. Mais attention! Ils doivent être d un blanc parfait et pas trop gros pour que la récolte soit achetée par les revendeurs, tenus au courant de l évolution par téléphone Sisyphe heureux? Spectacle rébarbatif, ennuyeux? Tout sauf ça, les auteurs ayant su transformer leur matériau en véritable poème visuel. Cinéaste originaire de Bombay mais établie à Zurich depuis 2011, Farida Pacha est ethnologue de formation. Son compagnon germano-suisse Lutz Konermann (Der Fürsorger, Dharavi Slum for Sale) tient ici les rôles de chef-opérateur et de producteur. Ensemble, ils ont façonné un film qui évoque la sculpture, à force d attention aux détails, de plans amoureusement composés et de montage millimétré. Bien sûr, le rythme est comparativement lent. Mais surtout juste. Quelques visiteurs ailés inattendus, des jeux d enfants mais aussi une école improvisée, une virée du dimanche au marché le plus proche: tels sont les seuls «événements» à attendre ici. Le reste n est que labeur épuisant rythmé par le bruit continu de la pompe, juste interrompu le temps d une panne inquiétante. Ce n est pas pour rien que le film s ouvre sur une citation du Mythe de Sisyphe d Albert Camus Pour signifier le désespoir derrière cette beauté, comme dans le classique L Ile nue du Japonais Kaneto Shindo? Plutôt un paradoxal «bonheur» à vivre dignement d un travail bien fait, peu importe la dureté des conditions et la répétition, de génération en génération. Décidément, ce documentaire «contemplatif» a beaucoup à nous dire. Norbert Creutz VVV My Name Is Salt, documentaire de Farida Pacha (Suisse Inde, 2013), 1h32.

12 32 Actualité Golfetdécadenceaucœurdel Arizona Plongée dans le Phoenix Open, un tournoi à succès où il est tout autant question de bières et de grosses blagues que de golf L es locaux nous avaient pourtant bien prévenus, avec leurs grands yeux écarquillés à chaque fois qu on abordait le sujet. «C est votre première fois au Phoenix Open? Préparez-vous à voir des filles spectaculaires par dizaines. Elles ne sont pas là pour le golf, juste pour boire. Et pour certaines, trouver un mari qui joue sur le PGA Tour», avait dit le premier. «De toute façon, tout le monde est saoul, c est n importe quoi», ajoutait l autre. On s attendait donc au pire et au meilleur, et on a eu les deux. Au sommet de la liste: la décontraction légendaire des Américains, la galerie de décolletés comme nulle part ailleurs, et un concours permanent de vannes dans les tribunes. Le pire? On aura bien le temps d y revenir. L intitulé officiel du tournoi est le «Waste Management Phoenix Open», du sponsor-titre qui vient afficher toute la responsabilité d une région dans sa lutte contre les abus environnementaux. Mais les fans ont préféré détourner l appellation en «Get Wasted Open», qu on peut traduire par «Allons donc nous déchirer la tête». Car il est ici beaucoup question de picoler, et à très grande échelle spectateurs ont été recensés le samedi de l édition 2014, pour un total de sur la semaine. C est trois fois plus que sur un tournoi du Grand Chelem. Pourquoi autant de monde? Geoff Ogilvy, né Australien mais résident à Scottsdale, l explique ainsi: «Les trois quarts des Etats-Unis ne peuvent pas jouer au golf pendant deux mois en raison des conditions climatiques. Il y a donc plein de gens qui se disent: on part jouer au golf en Arizona et on en profitera pour aller voir le tour- noi. Il y a de plus en plus de monde avec les années, pour arriver aujourd hui à personnes sur le week-end. C est un vrai carnaval, avec plein de gens avinés et toutes ces filles en robes très courtes et perchées sur leurs talons hauts. C est vraiment «the place to be» aux Etats-Unis cette semaine-là, pour qui aime le sport.» Pas le matin, où les spectateurs sont certes déjà nombreux, mais tous sobres. L après-midi, en revanche, les bières et cocktails commencent à produire leur effet. Il existe un lieu privilégié pour assister à l irrationnel: le trou numéro 16. C est un par 3 de 145 mètres, tout ce qu il y a de plus simple. Mais il est cerné par des tribunes qui peuvent accueillir jusqu à personnes. Et tout autour du tee de départ, on trouve de grandes allées transformées en bars géants, qui servent tout et n importe quoi. Du coup, les fans ne «J adore ce tournoi, c est la seule fois de l année où on peut se sentir comme une rock star» montrent plus aucune retenue. Les joueurs doivent taper leur balle dans un bourdonnement permanent, avec force rires et hurlements. «C est juste un petit coup de fer 9 pour moi. Et pourtant, je rate le green quatre fois sur cinq», avoue l Américain Pat Perez. «C est un pur bonheur à vivre quand vous jouez bien, et hélas très pénible quand vous jouez mal. Les spectateurs CLIFF HAWKINS/GETTY IMAGES/AFP Par Philippe Chassepot, Scottsdale Le trou No 16 du Phoenix Open, un point de vue idéal où le public s échauffe au rythme des vannes et des bières écoulées. SCOTTSDALE, 28 JANVIER 2014 peuvent être assez cruels ici. Ils sont tous en train de parier à chaque partie: sur le joueur qui va se mettre le plus près du drapeau, celui qui va faire birdie, ou je ne sais quoi encore. Et donc, quel que soit le coup que vous frappez, la moitié du public va vous adorer, et l autre vous détester. Et ceux à qui vous faites perdre un pari vous le font savoir bruyamment Je ne voudrais pas vivre un truc comme ça chaque semaine de l année, mais une fois par an, c est l éclate», selon Geoff Ogilvy. Le trash talking est parfois très recherché. Des petits malins s amusent à mener leur enquête sur les joueurs, histoire de dénicher une bonne histoire. Ainsi, l Américain Scott Piercy a fréquenté le même lycée que Jenna Jameson, une star du porno des années Peu importe qu il ait quatre ans de moins qu elle et qu il ne la connaisse pas, il se fait systématiquement chambrer là-dessus depuis «J adore ce tournoi, c est la seule fois de l année où on peut se sentir comme une rock star», juret-il dans un grand sourire. Cette année, les fans avaient décidé d accueillir Tiger Woods avec un masque de ski, en référence à sa dent cassée par un photographe voilà dix jours, en Italie Le golf est souvent secondaire ici, les gens viennent avant tout pour se marrer. Amy, une belle Arizonienne un peu enveloppée, nous dit: «J ai passé ma journée à boire et à regarder des gens, mes deux sports favoris. J ai même vu un peu de golf entre les deux» Un autre porte une casquette logotée «beers, birdies and bitches» (bières, birdies et bonasses). D autres s affichent avec une tête de cheval en guise de masque, et des jeunes filles peu farouches tiennent une pancarte «Get in the hole!» On vous laisse interpréter comme vous le souhaitez. Le PGA Tour a tenté cette année de casser un peu la folie ambiante, en interdisant aux joueurs de lancer quoi que ce soit dans la tribune du 16. La fin d une tradition qui «Un match difficile à comprendre» Marc Rosset analyse la défaite de Wawrinka face à Djokovic Pour la quatrième fois d affilée, le match entre Wawrinka et Djokovic s est joué en cinq sets. Vendredi, en demi-finale de l Open d Australie, le numéro 1 mondial a éliminé le tenant du titre (7-6 (7/1) ). Courant sans cesse après le score, Stan Wawrinka est plusieurs fois revenu à hauteur de son adversaire, avant de s effondrer dans la cinquième manche. Au terme de ce match étrange, où les deux joueurs ont parfois très bien joué, mais jamais en même temps, nous avons demandé son sentiment à Marc Rosset. L ancien champion genevois n avait pas toutes les réponses On ressort de ce match avec un sentiment étrange. Au fond, on ne sait pas trop quoi en penser. C était un bon match, mais avec un scénario assez bizarre, compliqué à décrypter. D habitude, leurs jeux s emboîtent bien et ça produit des étincelles. Lors de leurs précédents affrontements à Melbourne, en 2013 et 2014, il y avait eu une vraie empoignade, des éclairs, des éclats, des coups gagnants dans tous les sens. Là, on sentait que les deux joueurs se craignaient. Chacun restait sur la défensive en cherchant le contre. Djokovic n a pas fait beaucoup de points gagnants, il n en fait même aucun dans le quatrième set. Le cinquième set se goupille mal pour Stan, qui fait deux fautes directes pour offrir le break d entrée. Pourtant, même à 4-0, on sentait Djokovic nerveux. Le 6-0 est sévère, immérité et ne reflète pas le match. Que s est-il passé? Je ne sais pas. Pour le savoir, il faudrait être dans la tête de Stan. Je pense que son entraîneur va surtout l écouter, pour savoir ce qu il a ressenti. Il n a pas pu effectuer une préparation complète cet hiver à cause de la Coupe Davis. Cela s est-il fait sentir en fin de match? Je ne sais pas. J ai l impression que Stan a intelligemment mené sa barque cet hiver. Il ne s est pas dispersé, il n est pas allé faire des exhibitions en Inde comme Roger. Il n a peut-être pas le gaz pour enchaîner les tournois, mais il avait affiché jusqu ici un bon niveau de jeu. Le bilan de sa quinzaine est tout de même positif? Bien sûr! Il avait beaucoup de pression. Il est en demi-finale, parmi les quatre meilleurs. Il perd en cinq sets contre le numéro 1 mondial. On peut être déçu de la manière dont ça se termine, mais pas de son parcours. Il sera 9e au classement ATP lundi. Faut-il s en inquiéter? On savait qu il avait 2000 points à défendre à Melbourne, qu il lui serait dur de rééditer son exploit. Il ne doit rien changer. Vous savez, ce sont les joueurs classés 30e ou 60e qui jouent en fonction de leur classement, parce que pour eux, cela fait une grosse différence. Les meilleurs joueurs du monde savent que leur niveau de jeu moyen leur garantit une place dans le top 10 ou le top 5. Si Stan garde sa confiance et parvient à devenir un peu plus constant face aux meilleurs, il n y a pas de raison qu il ne remonte pas au classement. A part à Monte-Carlo, il n a plus beaucoup de points à défendre. En début d année, vous nous expliquiez que la saison allait sûrement être très disputée, avec beaucoup plus de joueurs compétitifs que l an dernier. Cela semble se confirmer. A Melbourne, on a surtout pu constater que la surface a été rendue plus rapide. Il y a plus d aces, plus de points sur les premières balles de service. Je pense qu il s agit d une volonté délibérée de l ATP et ça me plaît. Cela a permis à plus de joueurs de s exprimer. On voit sur cette demi-finale que le match se joue en cinq sets mais qu il ne dure que 3h30. Par le passé, on a eu des Nadal-Djokovic qui duraient six heures avec des joueurs assis sur une chaise pour recevoir leur coupe. Pour les télés comme pour l image du tennis, c est mieux. Entre Djokovic, qui a gagné quatre finales sur quatre à Melbourne, et Murray, qui en a perdu trois sur trois, le suspens risque d être mince dimanche Avantage Djokovic, c est certain, mais plus sur le niveau de jeu que sur le passé. Murray revient bien mais il risque quand même de manquer de compétition. Il me fait penser à ces joueurs qui, régulièrement à Melbourne, déjouent les pronostics et se hissent en finale. Généralement, ils perdent contre le favori. Murray n est pas n importe qui, il a déjà gagné l US Open et Wimbledon, mais face à Djokovic, cela risque d être insuffisant. Propos recueillis par Laurent Favre voyait Phil Mickelson balancer des ballons de football ou Nicolas Colsaerts envoyer des chocolats belges à la foule. Mais l incivilité gagne même les joueurs dans l Arizona. Jeudi, l Américain Jason Kokrak a bravé l interdit et jeté un sac plein de goodies à la foule. Idem pour son compatriote Ryan Palmer, qui a, lui, envoyé des balles de golf enveloppées dans un billet de dix dollars avec cette inscription: «Allez descendre une bière à ma santé!» Il y a quand même un revers à cette médaille du tournoi le plus déglingué de l année. La sortie des spectateurs en toute fin de journée est un spectacle parfois consternant. La plupart des jeunes filles titubent, incapables de marcher convenablement, soutenues par des gaillards tout aussi ivres qu elles et qui hurlent des insanités sans aucune censure. Une ambiance sortie de boîte que les policiers locaux regardent d un air amusé, avec leurs tests d alcoolémie à disposition: «On n impose rien à personne, on propose, et les tests se font sur la base du volontariat. On insiste sur la responsabilisation. On discute, on ne suit personne, on ne met pas d amende.» L Arizona, cool jusqu au bout Les Africains trop frileux A la Coupe d Afrique des nations, peu de buts et beaucoup de matches nuls Dans l imaginaire collectif, le football africain est une réserve inépuisable de talents offensifs. Même les supporters européens deviennent griots pour conter la force de Didier Drogba, l élégance de Larbi ben Barek, la puissance de George Weah, la finesse de Japhet N Doram, la ruse de Rabah Madjer, l habileté d Abedi Pelé. Tous, de Roger Milla à Samuel Eto o, si différents et pourtant semblant descendre d une même lignée de joueurs offensifs libres et inspirés. Déception dans le stade La Coupe d Afrique des nations, du 17 janvier au 8 février en Guinée équatoriale, devait être leur biennale du dribble, leur festival de CAN. Depuis le début de la compétition, et en attendant le début des rencontres à élimination directe ce week-end, c est au contraire une succession de matches fermés, stériles, frileux, d une indigence tactique désolante et gangrenés par la peur de perdre. Sur les 24 matches déjà disputés, 13 se sont soldés par un nul. Cinq matches seulement ont généré plus de deux buts. Les 45 buts inscrits lors des 24 matchs de poules font tomber la moyenne (1,875) à un niveau rarement atteint. A titre de comparaison, le premier tour de la Coupe du monde, en juin dernier au Brésil, n avait connu que 9 nuls en 48 matches. On y avait marqué 137 buts, soit 2,83 buts par rencontre. A quand la prise de risque? A force de matches nuls, il a fallu un tirage au sort pour départager le Mali et la Guinée, à égalité parfaite après un score de parité (1-1). Le cas est prévu par le règlement, mais il est rare qu il faille s y référer. Ce fut le cas en 1988 (l Algérie avait «battu» la Côte d Ivoire), mais aussi en 1968 en Europe, au terme de la demi-finale de l Euro entre l Italie et l Union soviétique. L Italie s était qualifiée, avant de remporter le titre. Cette Squadra-là jouait un «catenaccio» de sinistre mémoire. Les Italiens se sont depuis convertis aux charmes du football offensif. Pas l Afrique, toujours tentée de céder à la tentation du combat physique et de la prise de risque minimale, plus petits dénominateurs communs entre des joueurs rarement mis dans les meilleures conditions et des entraîneurs étrangers (3 sélectionneurs sur 16 sont Africains) parant au plus pressé. Voilà qui confortera peut-être ceux qui pensent comme Willy Sagnol que «le joueur typique africain est prêt au combat et puissant» mais qu il manque de «technique, de l intelligence, de la discipline». A moins que ce ne soit la Ligue 1 qui pervertisse la CAN. Le Championnat français, réputé le plus défensif et le moins enthousiasmant d Europe, fournit le plus gros contingent de joueurs présents en Guinée. L. Fe

13 l Policier Un privé viril et taiseux. Que demander de plus? Roman Chez Lawrence Block, les bars de New York sont vraiment louches. Mais Matt Scudder veille au grain «Gil», roman sensuel sur une vocation de chanteur Célia Houdart fait passer un jeune ténor par le Grand Théâtre de Genève et se demande ce que c est qu un don Essai La République des lettres ou l esprit européen Roman Marc Fumaroli retrace les contours de l Europe des lettrés. Mais cette Europe rêvée n est-elle pas un mirage? «UneVieaprèsl autre», lelivreoùl onnemeurtpas Kate Atkinson donne plusieurs chances à son héroïne qui traverse le XXe siècle en ressuscitant plusieurs fois Rencontre avec Chimamanda Ngozi Adichie Mes histoires africaines Le voyage d une Nigériane en Occident CARACTÈRES Chronique Mozart et Camus Julio Cortázar face à la mort en direct Par Eléonore Sulser Rentrée littéraire. Janvier Traditionnellement, la rentrée d hiver est plus douce que celle d automne: les prix littéraires ont été distribués, la compétition entre auteurs est moins tendue, les polémiques moins féroces. Rien de tel cette année. Nous voici avec Michel Houellebecq. Un coup de tonnerre en France puis en Allemagne où il sort conjointement; succès savamment organisé par l éditeur et renforcé peutêtre encore après les attentats de Paris. Soumission n incite pas à la joie. Il crée un climat polémique, en dépeignant la France livrée aux tenants d un islamisme mou, misogyne et caricatural. Il y a des émeutes, presque une guerre civile. Même purement romanesque, le tableau est déprimant. Curieux, intrigués, les lecteurs se précipitent et le roman est en tête des ventes Autre succès de librairie de la rentrée, le dernier livre de Virginie Despentes, intitulé Vernon Subutex. Si son sujet est moins polémique que celui de Soumission, il n est guère plus gai. Le roman raconte la lente déchéance d un jeune quinquagénaire, ancien bellâtre des années 1980 devenu disquaire et qui se retrouve SDF après avoir épuisé une à une les possibilités d hébergement chez ses anciens potes. Lesquels, d ailleurs, ne sont guère mieux lotis: pour avoir un toit sur leur tête, il n en ont pas moins complètement raté leur vie. Et c est une succession de misères morales ou matérielles que Virginie Despentes fait défiler dans cette petite comédie humaine façon XXIe siècle, sardonique et désenchantée, même si un fond de tendresse subsiste. Ajoutez à cela une actualité qui semble confirmer dans le réel la sinistrose et les chocs romanesques; et vous obtenez une rentrée d hiver plutôt glaçante. Un de mes collègues, grand lecteur, qui vient de prendre une semaine de repos, a lu ces deux livres coup sur coup. Passionné, il a aimé plonger dans ces deux romans, suivre ces deux écrivains qui, pour n être pas franchement de joyeux drilles, possèdent néanmoins un remarquable savoir-faire. Et pourtant, au sortir de cette double lecture, il m a avoué se sentir un peu déprimé. Nous étions au diapason. Je lui dis avoir entendu par hasard, sur les ondes d une radio, un air de Mozart et m être sentie, tout à coup, soulagée, un peu allégée de tant de misères. «Pareil pour moi, me dit-il. J ai aussi cherché quoi faire pour respirer un peu après tout ça. Toi, c est Mozart. Pour moi, c est Camus: La Chute.» Samedi, au Caire, un photographe a saisi la mort d une manifestante. Le drame fait écho à l œuvre de l écrivain Témoins Remontés de la mine Héctor Tobar a recueilli le récit des survivants d Atacama

14 34 Effeuillage > Pépite La Première Cigarette de Johnny, Johnny s First Cigarette, Nick Tosches, trad. de l anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié, ill. par Lise-Marie Moyen, bilingue, Ed. Vagabonde, 64 p. En rentrant de l école avec sa maman, Johnny a vu un garçon qui fumait une cigarette au coin de la rue. Et il a compris ce que signifiait «cool», ce mot mystérieux de la cour d école. Johnny avait 6 ans. Il a extorqué à sa maman la promesse de pouvoir allumer sa première clope quand il aurait l âge du fumeur «cool»: 12 ans. Elle pensait qu il oublierait. Bien sûr que non. Comment s en sortir sans trahir sa parole quand on a élevé son enfant dans le culte de la vérité? De Nick Tosches, historien du rock, auteur de romans sulfureux, cette idylle familiale surprend d abord. Qu est-il arrivé au rocker? Faites-lui confiance, attendez la chute, elle est délicieuse! Sur le site des éditions Vagabonde, Tosches s explique: «Johnny n est qu un très jeune homme quittant la pureté de l enfance pour les mensonges de l âge adulte.» Il ajoute, citant Rimbaud: «Tout ce qu on nous enseigne est farce.» Les images de Lise-Marie Moyen entourent ce récit initiatique de volutes psychédéliques. Isabelle Rüf > Le poche de la semaine «Quand j étais petit garçon, mon père avait des chevaux, plus d une centaine» é dans un ranch du Wyoming, Mark Spragg appartient à cet escadron de nostalgiques Rick Bass, James Galvin, Thomas McGuane et bien sûr Jim Harrison qui réinventent Sitting Bull dans les décors sauvages d un Far West toujours légendaire. Là où les rivières se séparent a été traduit en 2005 chez Gallmeister et il ne faut pas manquer la réédition de cette élégie flamboyante qui se situe à quelques coudées du parc de Yellowstone, au ranch des Sabres Croisés, où le jeune narrateur sosie de Mark Spragg a traversé les sixties à cheval, N travaillant avec son père pour une poignée de dollars. L histoire qu il nous raconte est celle d une petite communauté de cow-boys auprès desquels il a appris à affronter les éléments, à chasser, à soigner les troupeaux. Pas d intrigue dans sa confession, mais de longs travellings où il évoque les rituels du quotidien, les travaux dans les corrals, la vie du ranch et surtout ses folles cavalcades au pied de la Mountain Creek. Avec des pages d anthologie lorsqu il parle des chevaux, qui furent ses plus fidèles confidents. Dépouillé comme les paysages qui lui servent de théâtre, le récit de Spragg est une merveilleuse invitation à la bourlingue, au cœur d une nature encore idyllique. Tout est là, les bouffées de lavande, les senteurs de sauge et de bouse, le staccato des sabots dans la poussière des pistes, l écume argentée des rivières, les prairies qui pâlissent sous la chaleur d août, les caresses des vents qui «murmurent leur hymne au cosmos». Entre Giono et Hemingway, Spragg a signé une country song envoûtante, lyrique, en hommage au lointain Wyoming de son adolescence: cette terre enchantée est là, devant nous, à portée de lasso André Clavel ROMAN Mark Spragg Là où les rivières se séparent Trad. de l anglais (Etats-Unis) par Laurent Bury Gallmeister/Poche, 350 p. > Meilleures ventes en Suisse Semaine du 19 au 24 janvier 2015 PAYOT > 1. Soumission > 6. Juliette dans son bain > 7. Michel Houellebecq Flammarion > 2. Virginie Despentes Grasset Metin Arditi Grasset > 3. Changer d altitude Quelques solutions pour mieux vivre sa vie > 8. Deux Veuves pour un testament Donna Leon Points Seuil Les Enquêtes de Maëlys T6: L Espion de la Gruyère > 9. Faiseurs de secrets et dons de guérison: comment ça marche? > 10. Berezina. En side-car Christine Pompéï Auzou > 5. Les Aventures de Blake et Mortimer T23: Le Bâton de Plutarque Sente, Juillard, Schréder, DeMille Dargaud Bertrand Piccard Stock > 4. Vernon Subutex T1 Un Membre permanent de la famille Russell Banks Actes Sud Fabienne Derivaz, Françoise Clerc Favre avec Napoléon Sylvain Tesson Guérin PUBLICITÉ AUX DU AU TIRAGE : DES ANS D ARCHÉOLOGIE EN NUBIE ORIORI GINES <wm>10casnsja1mluw1duwmdi3mwua5ob3rw8aaaa=</wm> PHARAONS <wm>10cfxkqw7dmaxg4sdy5nvvojoswqkcatxkgt77o7vjbuehfhmwgv_bx_eaz0iihzh1c5rgnmdwftnaxtxflcufypqu0fpmz4u5y12gujpoeimngi0b2vf9-qgypzbvcgaaaa==</wm> NOIRS

15 CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD 35 Enexergue «Jeveuxparler desafricainsdelaclassemoyenne» Dans «Americanah», Chimamanda Ngozi Adichie décrit la vie de jeunes Nigérians qui naviguent entre l Afrique, les Etats-Unis et l Angleterre et découvrent les délices et les cruautés du monde occidental. Rencontre Par Eléonore Sulser ROMAN Chimamanda Ngozi Adichie Americanah Trad. de l anglais (Nigeria) par Anne Damour Gallimard, 526 p. «J avais envie d écrire sur ce que je connais. Ces histoires-là, on ne les entend pas beaucoup hors d Afrique. On s attend à ce que les histoires venues de pays africains soient misérables, parlent de pauvreté, de guerre, des maladies, du sida, d Ebola. Ces histoires-là sont intéressantes, bien sûr, mais elles sont loin de moi. Avec Americanah, dit Chimamanda Ngozi Adichie, je voulais parler de ce que je connais: des Africains de la classe moyenne, de ceux qui émigrent, quittent leur pays, pas parce qu ils sont pauvres mais parce qu ils cherchent quelque chose en plus. Ils attendent d avantage de la vie et, surtout, ils veulent avoir le choix.» Ma maison, c est Lagos Chimamanda Ngozi Adichie (Autour de ton cou, L Autre Moitié du soleil) est en Europe pour parler de son dernier roman Americanah. Dans le superbe bureau de Claude Gallimard à Paris, entre les miroirs, les hautes fenêtres et les bibliothèques pleines de livres rares, elle raconte, posée, réflé- chie, enjouée tout à coup, sa condition de Nigériane qui «partage désormais sa vie entre Chicago et Lagos», selon la formule de son éditeur. Elle rit: «Je ne vis pas quelque part, dans les airs, suspendue entre les Etats-Unis et l Afrique Je passe régulièrement du temps aux Etats-Unis, mais j ai décidé que ma maison, c est Lagos.» Malgré la violence? Malgré Boko Haram? «Le Nigeria n est pas spécialement violent, c est surtout un pays sans institutions. Si la Suisse n avait pas d institutions fiables, ce serait pareil. Quant à Boko Haram, c est une menace terrible, mais elle est loin de Lagos et il n est pas facile de savoir précisément ce qui se passe. Nous ne sommes pas le seul pays à avoir des problèmes avec une guérilla islamiste, c est aujourd hui un défi mondial.» Chimamanda Ngozi Adichie, née en 1977, a grandi sur un campus universitaire à Nsukka. Son père y enseigne les mathématiques, sa mère est administratrice. A 18 ans, elle part pour les EtatsUnis: «Je ne rêvais pas spécialement d Amérique. J y étais allée enfant, un été, quand mon père enseignait là-bas. Ça nous avait plu, c est sûr. Mais l Amérique n a jamais été un but pour moi, plutôt un moyen de m échapper Et comme ma sœur y vivait déjà, j y suis allée.» Peau noire Dans Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie s invente une sorte de double littéraire nommé Ifemelu. Cette jeune Nigériane, confrontée aux grèves récurrentes de son université, poussée aussi par la curiosité, part pour les Etats-Unis rejoindre une tante, tandis que son amour d enfance, Obinze, reste au Nigeria. Ses expériences américaines, d abord très amères et dures, l éloigneront de son amour nigé- rian. Mais peu à peu, sa vie américaine deviendra de plus en plus fructueuse et riche. La galère de l immigration s estompe, mais pas la couleur noire de sa peau qui, découvre-t-elle avec stupeur, la range aux yeux des Américains dans une catégorie sociale bien précise: «Ma vie a été plus facile que celle d Ifemelu. Mais là où mon expérience rejoint le roman, c est dans ma découverte des races. Ifemelu découvre qu elle est Noire en arrivant aux Etats-Unis. Au Nigeria, je n avais jamais pensé à la race comme à un marqueur identitaire. Aux Etats-Unis, je me suis retrouvée avec une nouvelle identité, imposée. Et je n avais pas le choix: en Amérique, j étais Noire.» La découverte de la condition des Noirs en Amérique est l un des nœuds principaux du roman. «Arrivée là-bas, j ai commencé à lire fiévreusement sur l Amérique, continue la romancière. Je voulais comprendre ce qui se passait avec la race. Je regardais la télévision, je lisais des magazines très attentivement. Je voulais en tirer tout ce que je pouvais; donner du sens à ce que je voyais et qui m était incompréhensible. Americanah est une version longue, plus complexe, de ce processus-là. C est un voyage, un voyage vers soi.» Un blog Ifemelu, l héroïne d Americanah, trouve une forme moderne pour partager ses observations sur le monde américain. Elle ouvre un blog frondeur, impertinent, féministe, dont voici un échantillon: «De nombreux Noirs américains disent avec fierté qu ils ont du sang indien. Ce qui signifie, Dieu merci nous ne sommes pas cent pour cent nègres. Ce qui signifie aussi qu ils ne sont pas trop foncés. (Pour être précis, quand les Blancs disent «foncé», ils pensent, Chimamanda Ngozi Adichie A propos de son roman «Americanah» «Ifemelu découvre qu elle est Noire en arrivant aux Etats-Unis. J ai fait la même découverte» aux Grecs ou aux Italiens, mais quand les Noirs disent «foncé», ils pensent à Grace Jones.)» «Cela n aurait pas marché si Ifemelu avait tenu une chronique dans un journal, dit Chimamanda Ngozi Adichie. Son rédacteur en chef lui aurait dit: non, tu ne peux pas dire ça et ça non plus, etc. Il lui fallait la liberté totale du blog» Très vite, le blog d Ifemelu prend de l ampleur et lui permet de mener une vie de plus en plus confortable. De posts en amours nouvelles, Ifemelu reste plus de dix ans aux Etats-Unis, où elle suit notamment l élection de Barack Obama, avant de décider brusquement de rentrer au Nigeria. Mais c est une nouvelle Ifemelu qui revient au Nigeria, devenue un peu mais pas trop «Americanah». «C est un mot nigérian, qu on utilise pour se moquer gentiment des gens, s amuse la romancière. C est un mot rigolo, du langage parlé qu on utilise à propos des gens américanisés ou qui ont passé quelques années aux Etats-Unis et qui reviennent avec tous les travers des Nord-Américains, afin qu on comprenne bien combien ils ont changé là-bas Ce n est pas méchant.» Immigrée en Angleterre Déplacement, déclassement, frottement des cultures et des modes de penser, voilà les expériences que font les jeunes héros d Americanah. Pour écrire l aventure d Obinze, l amour d enfance d Ifemelu, qui se retrouve sans papier au Royaume-Uni, passant d un univers cultivé en Afrique sa mère est professeure de littérature aux bas-fonds de Londres, Chimamanda Ngozi Adichie a multiplié les rencontres, les entretiens pour récolter des histoires vraies. La romancière se documente beaucoup, écrit lentement cinq ans pour écrire Americanah, un roman plein de souffle, ciselé avec patience, épicé avec amour, parfois peut-être un peu lisse, mais très séduisant: «Je suis assez lente», avoue-t-elle lorsqu il s agit d écrire. Pourtant l écriture est là, depuis toujours: «J ai l impression d être née pour ça, ditelle. Je n ai pas de souvenirs sans l écriture. Petite, je voulais plus de livres et de cahiers, c est ce qui me rendait heureuse. J étais la seule de la famille à être «étrange». Ecrire n est pas un projet considéré comme sérieux. Devenir docteur ou avocat, oui. Personne ne vous dit: tu dois devenir écrivain.» Afropolitaine? A Lagos, aujourd hui, où le livre a beaucoup de succès «mes lectrices me demandent le numéro de téléphone du bel Obinze, rit-elle» l aventure d Ifemelu se prolonge hors du roman. Chimamanda Ngozi Adichie a retrouvé son double littéraire, Ifemelu, pour s essayer, en vrai, à l art du blog. «Je n imaginais pas que ça serait aussi difficile!» Pour les gens comme elle, pour cette classe moyenne, voyageuse, diplômée et qui écrit, on a forgé un mot: «Afropolitain». Chimamanda Ngozi Adichie le récuse: «Je suis Africaine. Un Européen cosmopolite est Européen. Un Américain cosmopolite est un Américain. Pourquoi faudrait-il un mot différent pour un Africain cosmopolite? Parce que l Afrique est tellement à part du reste de l humanité? Parce que c est tellement improbable qu un Africain soit cosmopolite? «Afropolitain», ça veut dire: regardez, un Africain est parvenu à passer de New York à Londres? Incroyable! Ouhou! Bravo! Mais, enfin, les Africains voyagent depuis longtemps. Moi, je suis Africaine et je me se bien dans le monde.»

16 36 Fiction Unété,unjeunepianistese metàchanterunairquipasse àlaradio.ilnesereconnaîtpas «Gil», de Célia Houdart, est traversé par les sons, leur beauté, leurs maléfices. Bref roman d apprentissage, biographie imaginaire d un talent qui se révèle, l ouvrage est porté par une attention aux corps et aux signes, parfois magiques Par Lisbeth Koutchoumoff, Célia Houdart «Gil» ROMAN Célia Houdart Gil P.O.L, 240 p. C est la sensible précision des mots qui frappe d emblée chez Célia Houdart. Ils semblent avoir été roulés, taillés, placés. Et puis comme rincés à grande eau. Pour que ne demeure, aux yeux du lecteur, qu une impression de fluidité, d aisance presque quotidienne. Gil, son quatrième roman, est placé sous le signe de la voix, celle qui sort, un été, en voiture, d un jeune homme, tandis qu une chanson passe à la radio. Gil, puisqu il s agit de lui, est pianiste en formation au Conservatoire. Il parle si doucement dans la vie que son père et ses professeurs lui demandent sans cesse de répéter. Et puis, ce jour-là, en vacances avec un ami, sort de lui une voix qu il ne pouvait pas soupçonner. Gil se lit comme la partition sensorielle d un être qui se découvre un talent de chanteur lyrique et se laissera guider par ce don. Le livre progresse à la façon d un bref roman d apprentissage, des débuts à une réussite ouverte sur «Un matin, en se rendant au cours de solfège, Gil fut saisi, devant l étal d une poissonnerie, par l étrange vision de homards, s aidant de leurs pinces bleu sombre» le large ou le lointain. Toute l écriture est traversée par les sons et d une façon générale par une sensorialité délicate où le peu exprime le plein. Des bruits (comme le chant d un merle, un cri poussé par Gil lors d une baignade) éclatent dans la page et aux oreilles du lecteur rendu très attentif aux détails physiques, visuels, olfactifs. Sous ses abords limpides, la partition de Célia Houdart se révèle étonnamment sonore, à la façon d un tapis de sons d où se détacheraient les sensations de Gil et, en écho, celles du lecteur. Proche de la Suisse, Célia Houdart a vécu à Lausanne. La ville est devenue le décor de son premier roman, Les Merveilles du monde (P.O.L, 2007). Genève joue sa part dans Gil. La mère du jeune homme est hospitalisée à BelleIdée. Il vient lui rendre visite, passe à Manor pour lui acheter un fraisier. Plus tard, quand sa carrière aura pris son envol, Gil viendra chanter au Grand Théâtre. La romancière nous fait pénétrer dans l atelier de travail du musicien, sans tous les lustres, les discours, les savoirs qui entourent la discipline artistique. Il y a l étrangeté du don pour celui-là même qui le possède. A fortiori quand il s agit de la voix. Il y a le difficile abandon du piano pour Gil, lui qui faisait corps avec son instrument. Il y a aussi la relation si intense, si particulière qui se noue entre un élève et un professeur de musique. Comment faire passer par les mots, par le corps une façon de jouer, une façon de chanter? Des pages restituent ces monologues de professeurs qui mêlent onomatopées, injonctions, chant, poésie. Dans Gil, tous les noms de compositeurs et d opéras sont fictifs. Plaisir de l invention mais aussi, sans doute, souhait de ne pas bloquer la lecture par de multiples références. Le livre est placé sous le signe d Orphée, lui qui «de son chant apprivoise les bêtes féroces». Ce climat diffus de magie qui irrigue de bout en bout le roman par des signes furtifs (une empreinte de chaussure qui ressemble à une patte d animal, un oiseau qui tournoie dans le ciel, un homme qui suit Gil de représentation en représentation) laisse présager des forces à l œuvre, ou pas. Gil ne maîtrise pas le pouvoir de sa voix. Elle lui permet d atteindre sa mère, par-delà les barrières psychotiques. Elle attise aussi ses propres démons. Ombres, lumières, chant du merle, eau froide d une rivière qui étreint les chevilles. Et la voix humaine qui surgit et semble lancer un sort. Promenade parmi les ombres de San Michele RÉCIT Thierry Clermont San Michele Seuil, 220 p. Une déambulation dans Venise et dans les rêveries que la Cité des Doges provoque chez quiconque entend son nom, ainsi se présente San Michele du poète et critique littéraire Thierry Clermont. Une promenade qui s attache plus précisément à un pôle de fixation, c est le cas de le dire, de la ville aux canaux: l île de San Michele, devenue cimetière par décret de Bonaparte en San Michele, une quinzaine d hectares ceints par des murs ocre, rassemble peut-être tout ce que Venise peut lever comme sortilèges. Les gondoles mortuaires, les bateoni, qui convoyaient les morts, «dans l arythmie des clapotis» jusqu à leur repos insulaire, ont disparu depuis les années Ce sont des vaporetti spéciaux et bien bruyants qui les ont remplacés. Une association, apprend-on, milite pour la remise à flot des «noires balancelles d une douzaine de mètres de long, poussées en silence vers la nécropole par quatre gondoliers en uniforme d opérette». Circuler dans San Michele est une expérience. Saluer les morts revient à honorer la vie. Elle exulte sur l Ile des morts. Cohabitent ici «pour l éternité veuves anonymes, gloires de la littérature, musiciens oubliés, princesses russes, peintres, nourrissons fauchés par la maladie, militaires tués en mission, religieuses et prêtres morts sans mémoire». Le narrateur se perd dans les allées bordées de cy- près avec pour guide une amante romanesque et théâtrale, Flore, collectionneuse d épitaphes et amatrice «des mélodies molles de Leonard Cohen». Avec une érudition virevoltante, nourrie de trouvailles bibliophiliques, le promeneur, sensible à chaque teinte des ciels, à chaque variation de saison, caresse du regard le gisant sensuel de Sonia Kaliensky, jeune aristocrate russe qui s est donné la mort à Venise en L article de la Gazzetta di Venezia qui annonçait son décès lançait en guise de chute: Si ammazza in piena carnavale!, elle s est tuée en plein carnaval. Séduite par un bellâtre cubain ou pas? Amante du poète Alexander Blok ou pas? Sonia a emporté son mystère avec elle. Carré des enfants, carré orthodoxe, protestant Inconnus, oubliés ceints par des monuments de haute vanité posthume. Et puis l Europe des écrivains et des compositeurs semble s être donné rendez-vous par-delà les années à San Michele. Ezra Pound repose dans une sépulture modeste, dans le carré protestant. Le poète américain des Cantos est mort à Venise en 1972 dans la petite maison de sa femme, la violoniste Olga Rudge. Plus loin repose Joseph Brodsky, le poète et dissident russe. Il a été retrouvé mort dans son bureau à New York en Sur sa table de travail, un livre ouvert, Greek Anthology avec un passage souligné: «Bitter is my life, my death is sweet, and both are water.» C est par la lecture d Henri de Régnier que le poète russe avait découvert Venise, dès ses années pétersbourgeoises. La ville inspire nombre de ses poèmes, dont Aqua Alta où on lit: «L eau est égale au temps et procure à la beauté son double.» A l évocation de la vie des artistes qui ont choisi San Michele pour dernière demeure s ajoute les citations d amoureux de la ville, Chateaubriand, Théophile Gautier, Blaise Cendrars en tête. San Michele offre une riche bibliographie en fin de volume, ainsi qu une discographie. A lire et à prendre avec soi avant tout séjour vénitien. L. K.

17 37 Fiction Enprestidigitatrice,l EcossaiseKateAtkinson joueaveclavieetlamortdesonhéroïne Ursula s est-elle étranglée à la naissance? S est-elle noyée à l âge de 5 ans? A-t-elle succombé à la grippe espagnole? La romancière invente une saga fantasque peuplée de résurrections en série. Un vibrant hommage à la fiction Par André Clavel ROMAN Kate Atkinson Une Vie après l autre Trad. de l anglais par Isabelle Caron Grasset, 525 p. C est sur un air paisible de cornemuse qu on va à la rencontre de Kate Atkinson, dans la brumeuse Edimbourg, sans savoir qu on aura droit à une douche écossaise! Son œuvre? Un château hanté édifié aux confins du pays des merveilles, sous le signe de Lewis Carroll, qui n a cessé d enchanter l enfance de Miss Atkinson. Elle a donc fréquenté très tôt le monde des songes et de la fantasy, mais elle a attendu d avoir passé le cap de la quarantaine pour publier en 1996 son premier roman, Dans les coulisses du musée. D emblée, elle y démontrait qu elle sortait bien du terrier d Alice et qu elle n avait pas sa pareille pour traverser les miroirs: elle avoue d ailleurs avoir une imagination délirante et les histoires qu elle concocte sont toujours vertigineuses, avec des intrigues et des sous-intrigues acrobatiques, des secrets à l intérieur des secrets, des parenpublicité thèses qui s ouvrent et se referment comme autant de boîtes de Pandore. Avec Une Vie après l autre, Kate Atkinson a de nouveau revêtu son habit d illusionniste pour donner chair et crédibilité, grâce à la toute-puissance de la littérature à cette phrase de Nietzsche citée en exergue: «Que dirais-tu si, un jour, un démon se glissait jusque dans ta solitude la plus reculée et te dise: cette vie telle que tu la vis maintenant et que tu l as vécue, tu devras la vivre encore une fois et d innombrables fois.» Ursula Todd, la très virtuelle héroïne de Kate Atkinson, va expérimenter ce vieux rêve d un éternel recommencement et, chaque fois qu elle mourra, elle renaîtra aussitôt Comme Phénix, l oiseau miraculé de la mythologie antique. Une vie et plusieurs morts C est le 11 février 1910 que Sylvie Todd donne naissance à Ursula, une «pauvre petiote» qui s étrangle aussitôt avec son cordon ombilical, dans un manoir bucolique de la banlieue huppée de Londres Hugh, le père, est banquier à la City. Morte, vraiment? Quelques pages plus loin, le lecteur se dit que la diabolique Kate Atkinson est déjà en train de jouer avec ses nerfs puisque Ursula vient de ressusciter: le destin a été corrigé par le médecin de la famille, arrivé à temps pour sauver le bébé de l étranglement qui lui fut fatal quelques minutes auparavant. Ce scénario se reproduira tout au long du récit, un exercice de prestidigitation où Kate Atkinson ne cesse de défier la vraisemblance, tout en brouillant très ha-, Kate Atkinson «Une Vie après l autre» «Et si nous avions la chance de recommencer encore et encore jusqu à ce que nous finissions par ne plus nous tromper? Ce ne serait pas merveilleux?» bilement les points de vue. Après avoir remis en selle son héroïne, elle nous entraîne sur une plage des Cornouailles où, à l âge de 5 ans, la malheureuse Ursula se noie, emportée par une vague assassine. On la retrouve pourtant deux ans plus tard non, elle n est toujours pas morte, elle a été sauvée de la noyade par un témoin, alors qu elle vient de grimper imprudemment sur le toit du manoir pour récupérer un jouet: elle glisse, tombe dans le vide, se tue. Mais ce sera une fausse sortie, de nouveau, puisqu elle resurgit, à 8 ans, bon petit diable jouant avec ses poupées dans des am- biances dignes de la comtesse de Ségur. Pas pour longtemps, car la grippe espagnole aura raison d elle. En fait, non De réincarnation en résurrection il y en aura d autres, tout au long de la vie d Ursula!, l auteure de Sous l aile du bizarre nous mène par le bout du nez avant d offrir à son héroïne une destinée que pourraient partager beaucoup de femmes de son époque. D abord, il y aura la belle insouciance de l enfance, sous l œil d une gouvernante bovarysée et d une cuisinière bougonne. Puis on découvre l adolescence d Ursula, ses premiers émois, les lectures qui la comblent, ses relations avec une tante romancière aussi fantasque que providentielle l alter ego de Kate Atkinson?, sa découverte du bouddhisme la métempsychose, ça lui parle!, son entrée au lycée où elle excelle en latin et en grec avant qu un jeune soudard ne la viole, avec passage par la case avortement. A moins qu elle ne lui fiche son poing dans la figure pour éviter cet outrage Kate Atkinson donne souvent deux versions du même fait, toujours prête à tendre une main charitable à son héroïne quand le sort s acharne contre elle. Terriblement vulnérable, jamais vaincue, Ursula fera des études de sténo, épousera un béotien lourdingue qu elle ne tardera pas à plaquer, ira découvrir le Munich des jeunesses hitlériennes au début des années 1930 nouveau coup de baguette magique, elle rencontre le Führer et lui loge une balle en plein cœur, rentrera en Angleterre pour travailler au Ministère de l intérieur, verra son père partir au front, essuiera à Londres les orages d acier ennemis pendant le Blitz des pages effroyables et traversera alors les moments les plus noirs de son existence, prête à sombrer de nouveau. En attendant que Kate Atkinson se précipite à sa rescousse. Hommage à la fiction A la lecture d Une Vie après l autre, on se dit, une fois de plus, que la grande dame des lettres britanniques est une conteuse hors pair. Et que sa liberté n a pas de limites. Malgré ses audaces narratives, elle n ennuie jamais parce qu elle est sensible aux moindres frémissements de la vie, aux moindres soubresauts de cette Histoire qui sert de toile de fond à son récit. Ce que l on y découvre, c est une profonde méditation sur notre fragilité, une angoisse constante, une peur de voir disparaître les êtres chers, un désir effréné de ne pas les perdre. Jouant sur de nombreux registres du ludique au tragique en passant par la chronique familiale, Une Vie après l autre est un formidable hommage aux vertus rédemptrices de la fiction qui, seule, peut défier le temps, changer le cours des choses, refuser l inexorable, nier la fatalité. Et terrasser la mort en explorant le champ des possibles, avec le rêve pour seul horizon. Kate Atkinson Le succès, dès le départ Une Vie après l autre a été le grand succès de l année 2013 dans les pays anglophones. Kate Atkinson, née à York en 1951, est une habituée des meilleures ventes. Dans les coulisses du musée, son premier roman, a été salué comme le livre de l année 1996 par le Prix Whitbread, un prix qui entend réunir qualités littéraires et large audience. Kate Atkinson est aussi connue pour son personnage de détective privé Jackson Brodie, que l on retrouve dans quatre romans policiers (adaptés pour le petit écran par la BBC). Une Vie après l autre, ou Life after Life en version originale, a reçu le Prix Costa (nouveau nom du Prix Whitbread) en Le prochain roman de Kate Atkinson, à paraître en anglais en mai, A God in ruins, sera une suite d Une Vie après l autre. L. K.

18 38 Livres > Polar Jusqu au dernier verre de bourbon é Lawrence Block La Musique et la Nuit Trad. de l anglais (Etats-Unis) par Alain Defossé Calmann-Lévy, 272 p. MarcFumarolicartographiela «Républiquedeslettres»,invisibleet idéalepatried uncertainespriteuropéen Mémoire vivante et encyclopédique de la culture française, le critique retrace les contours de l Europe des lettrés. Mais cette Europe rêvée, éclairée, unie n est-elle pas un mirage? Par John E. Jackson C est exactement comme ça qu on les aime, les polars. Dans La Musique et la Nuit de l excellent Lawrence Block, les bars de New York regorgent de mecs louches, les meurtres sont crapuleux, le détective privé est viril et taiseux et les verres de bourbon se multiplient au fil des pages. Franchement, que demander de plus? De l originalité? Il y en a aussi. Ce recueil de dix nouvelles traverse toute la carrière de Matt Scudder. Une manière de combler les lacunes entre les différentes enquêtes du privé que l on connaît surtout par Tuons et créons, c est l heure (1996) ou Le Blues des alcoolos (1987). Et incarné au cinéma par Jeff Bridges ou Liam Neeson. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Matt Scudder, c est l archétype du privé qu on trouve dans les romans policiers américains. Un ancien flic qui a malencontreusement abattu une fillette lors d une opération qui a mal tourné. Cette tragédie l a foutu en l air, précipitant sa consommation d alcool et, dans la foulée, la fin de son mariage. Il passe désormais ses journées avachi dans son bar fétiche (Chez Amstrong, sur la Neuvième Avenue) à siroter des cafés entrecoupés de verres de bourbon. Sa réputation d excellent enquêteur fait venir les clients à sa table. Ainsi, Matt Scudder se penchet-il sur une partie de poker qui a dégénéré ou sur un mystérieux legs de 2000 dollars venu d une sans-abri assassinée. Entre deux, il prouve que telle défenestration n était pas un suicide et explique les dessous d un cambriolage crapuleux. Chaque fois, avec brio. Mais le plaisir que l on prend à enquêter avec Scudder n est pas la seule qualité du livre. Au fil des nouvelles, Lawrence Block déconstruit les clichés qu il a lui-même tissés. Scudder retrouve une compagne (une ex-prostituée qui s occupe désormais d une galerie d art). Il se pose des questions éthiques. Et se met au thé glacé Valère Gogniat ESSAIS Marc Fumaroli La République des lettres Gallimard, 480 p. La Grandeur et la Grâce Robert Laffont, coll. Bouquins, 1065 p. L e propre d une utopie, on le sait, est d élargir les marges d un état de fait présent aux dimensions d un avenir imaginé. A l étroitesse de la réalité existante y répond la désirable majesté d un rêve projeté dans une forme à venir. Les utopies semblent ainsi par essence appartenir au futur. Mais il arrive aussi qu elles trouvent leur lieu d élection dans le passé. Tel est le cas du riche et vivace plaidoyer auquel Marc Fumaroli a donné le titre de La République des lettres. La «République des lettres» est l utopie d une Europe lettrée, chrétienne et irénique, fondée sur le culte du savoir, de l éloquence et de l échange intellectuel qui aurait dominé, si même de façon souterraine ou invisible, le monde de l esprit entre, disons, Pétrarque et la fin du XVIIIe siècle. Cette Europe, dominée par la France et la langue française, mais inspirée par l héritage antique comme par le modèle italien, et ouverte aux nations du Nord, sert ici, en sous-œuvre, de contrepoint à l expérience de l éclatement ou de l insignifiance promue en valeur marchande de notre culture contemporaine. Bien plus encore qu un érudit, Marc Fumaroli est un amoureux de la tradition culturelle, dont il incarne superbement les prestiges. Professeur émérite au Collège de France, membre éminent de l Académie française, doué d une curiosité et d une volonté de se maintenir au courant qui lui font honneur, il est non seulement une sorte de mémoire vivante et encyclopédique de la culture de son pays mais aussi le propagandiste le plus habile de celle-ci. Son éloquence est telle qu on lui résiste mal. Qui, à le lire, ne s associerait au rêve de cette courtoisie de l échange lettré qui, selon lui, a réglé, dans le sillage de Pétrarque puis d Erasme, la conversation culturelle et savante qu écrivains, scientifiques, philosophes mais aussi gens d Eglise et dames aristocratiques ont mené par-dessus les frontières et les siècles jusqu à ce que, dans le sillage de la Révolution et du romantisme qui la suivit, cette respublica litteraria ne cède peu à peu la place à l émergence bien moins pacifique des nations et des politiques nationales. Cette «République des lettres», marchant main dans la main avec la respublica christiana, fut bien, au moins sur le plan intérieur des esprits, cet espace d utopie où l Europe put au moins rêver avoir trouvé son unité. Formateur de ce qu il nomme «une citoyenneté idéale», ce rêve innerva symboliquement les académies qui, en dehors des universités mais non, Marc Fumaroli «La République des lettres» «L idéal de l homme noble [ ] se conjugue au XVIIe siècle avec le prestige social de la noblesse d épée, et avec l idéal, monastique et humaniste, de la «piété lettrée» sans lien avec elles, tissèrent cette grande toile qui de Moscou à Lisbonne, comme de Rome à Berlin, mais centrée sur Paris, tendit ses rets sur tout le continent. Souvent empruntés à ses cours du Collège de France, les chapitres de ce livre font revivre telle ou telle des grandes figures de cette toile avec toujours le même souci de précision savante et d élégance qui caractérise son auteur. Irénisme Que celui-ci soit le premier des critiques français vivants ne fait aucun doute dans mon esprit. Son livre, comme presque tous ceux qui le précèdent, est admirable. Et pourtant, quelque chose aussi m y gêne ou du moins m y paraît passible d être mis en question. Ce quelque chose est l importance accordée au caractère idéal de cette Europe en vérité bien moins unie. Certes Fumaroli ne dissimule pas les clivages, les schismes, voire les luttes qui opposèrent les membres de cette république savante. Mais, porté par son amour pour la culture qu il défend, il invente une patrie intellectuelle qui n a sans doute jamais existé. Il y a autrement dit chez lui un irénisme, un parti pris en faveur de l harmonie, une volonté délibérée d ignorer ou de minimaliser les tensions ou les conflits qui n ont cessé de déchirer cette Europe, même pendant les époques qu il privilégie, qui a pour conséquence de substituer une image rêvée à une image réelle. La «République des lettres» ne me paraît jamais avoir été aussi unie qu il l écrit. Ce n est guère là un péché capital, j en conviens, et d autant moins que l auteur évite avec autant de savoir-faire que d à propos les polémiques inutiles qui, si souvent, dénaturent les ouvrages de critique ou d histoire littéraire. Rien dans ce livre ne trahit l aménité voulue du propos. En cette époque d affrontements si cruels, on conviendra que ce n est pas là un mince mérite. Portrait de La Fontaine Concurremment à La République des lettres, Fumaroli rassemble dans un seul volume de Bouquins, chez Laffont, deux ouvrages parus séparément par le passé chez Bernard de Fallois: sa biographie de La Fontaine, Le Poète et le Roi (1997) et Quand l Europe parlait français, un recueil de portrait et de témoignages d une série de figures, françaises et étrangères, témoignant au XVIIIe siècle de l éminence de la France. La Fontaine, le plus discret et le plus subtil des grands écrivains de l âge classique, a trouvé en Fumaroli le meilleur de ses interprètes. L édition que celui-ci procura jadis de ses Fables est, à tout point de vue, une leçon de lecture exemplaire. Le Poète et le Roi est en vérité plus qu une biographie: l auteur y recrée tout le contexte dans lequel l ami de Nicolas Foucquet eut à défendre sa liberté de créateur contre le regard courroucé du roi et avec quel sens incomparable de l ironie il y réussit. >> Consultez les critiques littéraires sur Internet PUBLICITÉ > Enfants Petites histoires en demi-teintes é Deux ouvrages empruntent des chemins rares pour dire la vie, entre tourments et questionnements Marie Colot Les dimanches où il fait beau Møtus. Dès 9 ans Jürg Schubiger, Illustr. de Jutta Bauer Facile à trouver, facile à manquer La Joie de lire/philo et autres chemins Dès 12 ans et pour tous Les mini-récits de la collection Mouchoir de poche des Editions Møtus sont souvent des condensés: de poésie, d humour, ici d émotions, le tour de force de Marie Colot étant de nous les offrir en quelques phrases et quelques photographies. «Mon père, il pense que je suis un attardé.» C est la première phrase du livre, et elle dit beaucoup: la souffrance morale de l enfant qui raconte, ses problèmes physiques et peut-être psychiques, et surtout combien l amour de son père compte pour lui. Un père qui voudrait secouer son fils, le sortir de sa maladresse, en faire, tout comme lui l était, un champion de foot. Il est très touchant, le petit Adam, dans son immense désir de plaire, d être aimé. L auteure fait parler ce narrateur légèrement déficient, ce qui est en soi rare et intéressant. Et quelle lucidité, quelle sensibilité dans le discours: positivité et négativité résonnent comme dans une chambre d échos, les jugements du garçon sont justes sauf lorsqu il risque sa vie pour aller repêcher le ballon fétiche de son père, envoyé par d autres enfants dans le lac. Et si l adulte a alors le geste qu il faut, ce petit ouvrage trouve, d un bout à l autre, les mots qu il faut. Une douce mélancolie accompagne et prolonge la lecture du dernier livre de Jürg Schubiger, grand auteur zurichois décédé en septembre dernier. Magnifiquement traduit par Marion Graf, et ici très finement illustré par Jutta Bauer, le texte se compose de multiples histoires, dont les personnages principaux ne changent pas: une fillette, une grande femme, un puissant taureau et un loup sauvage. Voici un ouvrage qui n usurpe pas son sous-titre: Une histoire assez philosophique; la fillette cherche de l aide, parce que ça peut servir, les protagonistes parlent du langage, du temps qui passe, de l aspect des corps, de l utilité des uns et des autres, de la vie et de la mort. On retrouve cette tonalité qui fait le charme des écrits de Schubiger, avec peut-être une sorte de torpeur, de détachement (face à ce qui a été vécu, à ce qui le sera, à ce qui compose une histoire, ou une existence) plus présents que jamais. Un livre précieux, signé par des créateurs dont la subtilité n égale que la profondeur et qui inaugure une nouvelle collection des Editions La Joie de lire. Sylvie Neeman

19 39 Livres Aufonddelamine,ilss étaientpromisdenerien diresurleurcalvaire.unefoisdehors,lessurvivants d Atacamasesontconfiésàunécrivain Le 5 août 2010, l écroulement d un bloc de diorite de tonnes bloque 33 mineurs à 700 mètres sous terre, au nord du Chili. Ils resteront enfermés pendant 69 jours, battant un record de survie. Les étapes de leur sauvetage seront suivies en direct par toute la planète. Héctor Tobar a récolté leurs témoignages et parvient à leur rendre leur individualité Par Isabelle Rüf RÉCIT Héctor Tobar Les 33. La fureur de survivre Trad. de l anglais par Anne-Sylvie Homassel REVUE Feuilleton n 12 Hiver 2015, 192 p. L Entre le 13 et le 14 octobre 2010, les 33 mineurs d Atacama au Chili, prisonniers au fond de leur mine depuis plus de deux moins, seront libérés. AFP e 5 août 2010, l écroulement d un bloc de diorite de tonnes bloque trente-trois mineurs à 700 mètres sous la surface de la mine de San José, dans le désert d Atacama, au nord du Chili. Ils resteront enfermés pendant 69 jours, battant un record de survie. Il faudra 17 jours aux sauveteurs pour établir un contact avec eux, et 52 autres avant de réussir à les extraire. Pour les sortir de leur enfer, des forces exceptionnelles sont mises en œuvre. Extraordinairement médiatisées, les étapes de leur sauvetage sont suivies en direct par toute la planète. Les 33 deviennent des vedettes mondiales. Quand, au fond de leur refuge, ils prennent la mesure de leur célébrité, ils se rendent compte qu elle risque de les diviser et que leur survie dépend de leur cohésion. Ils font le serment de garder secret ce qui s est passé entre eux et de ne parler que collectivement ou après accord des autres, et de rester maîtres de leur histoire. C est à Héctor Tobar, journaliste et auteur de best-sellers, né aux Etats-Unis de parents immigrés du Guatemala, qu ils décident de la confier, un à un, et parfois collectivement. Les 33. La fureur de survivre est un excellent reportage à l américaine, informatif, empathique et distancié à la fois, passionnant de bout en bout. Les mineurs, au Chili, forment une aristocratie ouvrière. Si leurs salaires ne correspondent pas aux risques encourus, ils sont quand même relativement élevés, et leur permettent d atteindre le niveau de la petite-bourgeoisie. La vieille mine de San José cuivre et or appartient, depuis 1957, à un immigrant hongrois qui a fait fortune. Mais ses héritiers ont laissé se dégrader les installations. Les conditions de travail sont désastreuses, mais les chefs ne font que pallier les dangers les plus apparents par crainte des contrôles. La montagne gronde depuis longtemps, il aurait fallu fermer la mine depuis longtemps, et quand elle s écroule, le 5 août, ce n est pas une surprise. Les patrons se terrent, refusent de communiquer. Devant l immense émotion soulevée par l accident, c est le gouvernement qui intervient à leur place. Le président de droite, Sebastian Piñera, nouvellement élu, voit le bénéfice d image qu il peut retirer de cette opération dans ce pays où les mines jouent un si grand rôle économique et social. Quand son ministre des Mines, Laurence Golborne, aura pris la mesure des moyens à mettre en œuvre, il fera appel à l aide internationale, entre autres, la NASA. Les mineurs de San José viennent de tout le Chili: épouses, familles s installent devant l entrée, un camp s organise, des secours affluent. Au fond de la mine, les 33 tentent de comprendre leur situation, cherchent des issues, se heurtent à l immense colonne de diorite. Personne n est blessé mais ils sont prisonniers, incapables de communiquer qu ils sont vivants. Pendant les jours qui vont suivre, dans la chaleur, l humidité et bientôt la pénombre, une vie souterraine s organise. Elle va durer 17 jours avant qu un contact avec l extérieur s établisse enfin. Dans le «refuge», ils disposent de quelques provisions boîtes de thon, biscuits, lait condensé qu ils vont gérer de manière admirable après quelques accrocs au début. L eau, ils la prennent dans les citernes qui ont servi à laver les machines. Une dynamique de groupe se met en place, des leaders se profilent. Le syndicaliste Mario Sepúlveda, 41 ans, est l un d eux, il deviendra «Super Ma- rio», une des figures médiatiques les plus en vue et les plus ambiguës. Le touchant chef d équipe, Luis Urzúa, malheureux dans son rôle, sera pourtant un élément pacificateur. Des bagarres risquent d éclater à tout moment entre ces hommes en manque d alcool (les mineurs boivent beaucoup), sous-alimentés, angoissés, en colère. Le journal que tient Victor Segovia (50 ans) sur des fiches de contrôle reflète ces tensions et la manière remarquable dont elles ont été gérées. Certains se recroquevillent et attendent une issue quelconque, pendant que la montagne gronde et lâche des pierres; d autres tentent des sorties vite vouées à l échec. Mais tous savent que leur sort est lié à celui des autres. Ils entendent le bruit des foreuses, tout près, sans pouvoir signaler leur présence. Certains trouvent un réconfort dans la prière, l accident est-il la punition de leurs péchés? Cha-, Victor Segovia L un des 33 mineurs prisonniers a tenu un journal. Voilà ce qu il écrivait au quatrième jour: «Ici, il n y a pas de jour, juste la pénombre et des explosions. Notre volonté est au plus bas, on frôle la folie» cun reconsidère sa vie, ses liens de famille. Le plus âgé a 64 ans, le plus jeune, 21. Les vieux ne sont pas les plus sages. Quand, au bout de dix-sept jours, ils sont repérés et peuvent communiquer, ce sont des hommes à bout de forces, qui reçoivent à peine cent calories par jour. Ils sont en grand danger psychique et physique. Quand les sauveteurs réussissent à leur faire passer de la nourriture, leur réalimentation est gérée de manière exemplaire. Ils peuvent communiquer brièvement avec leurs proches, recevoir des informations. Un milliardaire leur offre à chacun un an de salaire. Le président leur parle. Ils comprennent qu ils sont des vedettes. Et c est là que leur enfermement devient intolérable et les tensions, extrêmes. Il leur faudra attendre encore 52 jours avant de ressortir. Tous vivants. Mais dans quel état! Leurs vies privées, leurs adultères ont été exposés dans les médias. Ils sont traités comme des rock stars et comme des marionnettes, couverts de cadeaux, baladés dans le monde. Beaucoup tombent dans la dépression ou l alcoolisme, ils subissent le contrecoup de leurs angoisses. Ils ont le sentiment d avoir été exploités. Ils sont fâchés, à raison, contre les propriétaires de la mine, et le seront encore plus quand les plaintes contre ces derniers seront classées en Ceux qui s en sortent le mieux sont ceux qui reprennent le travail, dans une mine ou ailleurs. A force de les fréquenter au long de ces 400 pages, eux et leurs familles compliquées, on les quitte à regret: Héctor Tobar a réussi à leur rendre leur individualité et leur dignité. Si toutefois on ne souhaite pas partager leurs angoisses si longuement, la revue Feuilleton offre la version abrégée, très efficace aussi, parue dans le New Yorker en juillet En annexe, quelques schémas montrent une coupe de la mine, les techniques de forage, des chiffres éclairants. Ce n est pas un hasard si ce reportage ouvre un numéro consacré pour l essentiel aux prisons: les 33 ont souvent ressenti leur sort comme une punition. 69 jours sous terre Chronologie 5 août 2010 Un éboulement souterrain prend au piège 33 mineurs de la mine d or et d argent d Atacama, au nord du Chili 23 août Premier contact entre les mineurs et l extérieur 13 octobre Début de l opération de sauvetage. Les mineurs sont hissés dehors un par un. L opération durera 24 heures et sera suivie par des millions de téléspectateurs et d internautes 5 août 2013 La justice chilienne classe la plainte contre les propriétaires de la mine. Les mineurs déclarent «être enterrés une deuxième fois» L. K.

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