SPECIAL REPORT RECHERCHE ÉCONOMIQUE. Progression rapide de l'endettement des entreprises de l ASEAN : les principales fragilités
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- Cécile Lévesque
- il y a 7 ans
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1 RECHERCHE ÉCONOMIQUE 25 novembre 215 Alicia Garcia Herrero, (852) , Trinh D. Nguyen, (852) , Gary Ng, (852) , Progression rapide de l'endettement des entreprises de l ASEAN : les principales fragilités C'est quand la mer se retire qu'on voit ceux qui se baignent nus Graphique 1 Dette des entreprises/pib en 21 et en 214 La faiblesse des taux d'intérêt et la forte croissance de la consommation ont entraîné une frénésie du crédit dans les pays émergents d Asie. Si l endettement a jusqu ici largement soutenu la croissance, il peut aussi la saper dès lors que les revenus ne progressent plus aussi vite que le service de la dette. De nombreux pays de l'asean sont à la fois exposés à deux chocs de revenus découlant du ralentissement de la croissance chinoise comme de la croissance mondiale, et à un choc sur le capital provoqué par la Fed (cf. Sous la pression de la Fed et de la Chine, quel pays asiatique émergent tirera son épingle du jeu en 216?). De l'indonésie à Singapour, les pays de l'asean ont réagi par une dépréciation plus ou moins marquée de leur devise. La grande question est de savoir où se situent les fragilités des pays de l'asean-5 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande). Pour ce faire, nous analysons l'endettement des entreprises dans l'ensemble de l'asean, avant d identifier les pays, secteurs et entreprises qui sont les plus fragiles au regard de nos quatre indicateurs (cf. NATIXIS ASEAN Corporate Debt Monitor, novembre 215). Nous partons d un échantillon composé des 5 premières sociétés en termes d actifs des cinq plus grands pays de l'asean. Nous classons ces 25 entreprises en fonction d un certain nombre d'indicateurs de fragilité financière que nous calculons à partir de leur compte de résultat. Sans surprise, nous observons que les bénéfices ayant le plus souffert sont ceux des groupes appartenant aux secteurs de l'énergie et des matières premières. Enfin, nous identifions les 5 entreprises les plus fragiles composant notre «ASEAN Corporate Watch List (CWL)». * La carte est une illustration des données 214. Source : NATIXIS Premièrement : dans quel pays les entreprises sont-elles le plus endettées? Depuis 27, l encours de la dette des entreprises de l'asean-5 a plus que doublé, progressant de 788 Md$ à Md$, soit de 66% à 78% du PIB. La montée de l endettement a concerné pratiquement l ensemble des pays (graphique 1). En termes de type de dette, le crédit bancaire a été globalement privilégié (graphique 2). Cette préférence a été le plus marquée à Singapour où le crédit bancaire représente 81% de la dette totale des entreprises. Singapour se distingue également par le ratio endettement des entreprises/pib le plus élevé, à 257% en 214 alors qu il n était que de 193% en 21. Le niveau de la dette a également augmenté dans les autres pays de l ASEAN (graphique 3).
2 Graphique 2 Encours de la dette des entreprises de l'asean Prêts, MdUSD (G) Obligations, MdUSD (G) Dette des entreprises/pib, % (D) 8 75% 7 65% 6 55% Graphique 4 (MdUSD) Sources : BAD, Banque mondiale, Bloomberg, Trading Econ, banques centrales, NATIXIS 5 Sources : BAD, Bloomberg, NATIXIS Graphique 3 Encours de la dette des entreprises de l'asean-5 (% du PIB) Prêts Obligations Graphique 5 (GA en %) Sources : ADB, Bloomberg, NATIXIS Deuxièmement, obligations d entreprises et risque de change : quel pays est le plus exposé? En examinant plus en détail les obligations d entreprise, la Malaisie et Singapour représentent ensemble 65% de l encours total de ces dernières dans l'asean en 214 (graphique 4). Les marchés obligataires moins développés (Philippines et Thaïlande) progressent plus vite que les marchés plus importants (graphique 5). La montée des risques de change suscitant des inquiétudes sur leur remboursement, il est crucial de savoir dans quelle devise sont libellées ces obligations. Si l encours des obligations libellées en devises étrangères (FC) a progressé plus rapidement que celui des obligations en monnaie locale (LC), les taux de croissance ont récemment convergé (graphique 6). Les entreprises singapouriennes sont de loin les plus importantes émettrices d obligations en CF, avec 53 Md$ (graphique 7), soit 17% du PIB (graphique 8). 3 25% 2 15% 1 5% -5% Graphique 6 Encours des obligations d entreprise libellées en monnaie locale (LC) et en devises étrangères (FC) dans l ASEAN (GA en %) Sources : BAD, Bloomberg, NATIXIS Derrière Singapour, la Malaisie et l'indonésie sont également de grands émetteurs d'obligations d entreprise en FC dans l'asean. Si l encours total des obligations en circulation est comparable dans ces deux pays, leur situation est différente. L'Indonésie est le seul pays dont l encours des obligations en FC est supérieur à celui des obligations en LC. Si l encours des obligations d entreprises indonésiennes est modéré compte tenu de la taille de l économie du pays, la majeure partie de ces dernières sont libellées en FC. A l inverse, la part des obligations en FC est nettement moindre en Malaisie sur un encours total d obligations d entreprise nettement plus élevé (graphique 9). LC FC I 2
3 Comparé aux autres pays de l'asean, l encours des obligations d entreprise en FC des Philippines et de Thaïlande est relativement faible. De fait, Singapour, la Malaisie et l'indonésie figurent parmi les pays de l'asean les plus fragilisés, mais Singapour et l'indonésie sont plus exposés au risque de change que la Malaisie Graphique 7 (MdUSD) LC FC Sources : ADB, World Bank, Bloomberg, Central Banks, NATIXIS Graphique 8 (% du PIB) LC FC 1' 14' 1' 14' 1' 14' 1' 14' 1' 14' Sources : ADB, World Bank, Bloomberg, Central Banks, NATIXIS Graphique 9, en 214 (proportions) 59% 41% 82% 82% 38% 62% 64% 36% LC FC Troisièmement : quel est le pays le plus fragilisé par l endettement des entreprises? Si Singapour se distingue par le ratio dette des entreprises en FC/PIB le plus élevé, la situation des entreprises indonésiennes est néanmoins plus fragile. A partir de nos observations à l échelle microéconomique (reposant sur les comptes de 25 entreprises comme précisé ci-dessus), nous développons ici deux grandes origines de cette fragilité. Premièrement, la majeure partie des émissions d obligations en FC sont le fait d entreprises non financières en Indonésie, alors qu elles concernent principalement les financières à Singapour (graphiques 1 et 12) Graphique 1 débiteur (MdUSD) Sources : BAD, Banque mondiale, Bloomberg, NATIXIS 2 16% 14% 12% 1 8% 6% 4% 2% Graphique 11 débiteur (% du PIB) Sources : BAD, Banque mondiale, Bloomberg, NATIXIS Graphique 12 débiteur, en 214 (proportions) 86% 14% 43% 42% 57% 58% 89% 11% 28% 72% I 3
4 Deuxièmement, en tenant compte de la garantie des pays, c'est-à-dire du montant de leurs réserves, l'indonésie présente un ratio encours des obligations d entreprise en FC/réserves plus élevé (graphique 13). Comme pour l Indonésie, la dette obligataire des entreprises philippines est concentrée sur les secteurs non financiers, mais le pays se démarque par un ratio dette en FC/réserves nettement inférieur (graphique 12). 3 25% 2 15% 1 5% Graphique 13 ASEAN-5 : encours des obligations d entreprise en FC rapporté aux réserves par pays Troisièmement, nous montrons à quel point la liquidité des actifs peut relativiser le problème de l'endettement Conclusion La dette des entreprises de l'asean a fortement progressé ces dernières années jusqu à représenter 75% du PIB de l'asean-5 en 214, contre 66% en 21. L accélération récente des sorties de capitaux, avec la chute du prix des matières premières et la perspective de la normalisation de la politique monétaire de la FED, impose de déterminer à quel point cette progression de la dette des entreprises est inquiétante pour la région. Les statistiques agrégées montrent que Singapour présente le ratio dette des entreprises/pib le plus élevé à 257% en 214, mais à l échelle microéconomique, ces mêmes données indiquent que les entreprises indonésiennes sont les plus fragilisées. La moindre vulnérabilité des entreprises singapouriennes s explique par le fait que leur dette est concentrée sur les institutions financières et que le montant des réserves du pays est plus important et peut ainsi alléger le fardeau de la dette en FC. Une analyse plus détaillée à partir des comptes des 25 premières sociétés de l'asean (cf. NATIXIS ASEAN Corporate Debt Monitor, novembre 215) confirme la plus grande fragilité des sociétés indonésiennes, comparativement à celles de Singapour et de Malaisie. Celles des Philippines et de Thaïlande suivent, mais de plus loin. En partant de nos données microéconomiques sur les 25 premières sociétés, nous nous penchons sur leur dette nette (total du passif moins actifs liquides) comme mesure de leur capacité à rembourser leurs dettes si elles étaient exigibles aujourd'hui. Comme pour la dette brute, nous observons que la dette nette des entreprises a progressé plus rapidement en Indonésie et à Singapour depuis 21 (graphique 14). En fait, leur dette nette a plus que doublé. Celle de la Malaisie et des Philippines a également bondi de respectivement 93% et 68%. Si la Thaïlande est le seul pays à s être désendetté en 214, la croissance de sa dette nette depuis 21 est encore largement positive (53%). 25 Graphique 14 Entreprises de l ASEAN : dette nette par pays (21=1) Sur les 5 premières entreprises non bancaires en termes d actifs Sources : Bloomberg, NATIXIS I 4
5 I 5
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