Soutenir la tâche de lecture par des supports visuels

Transcription

1 1/ Petit rappel sur la transparence de la langue : La transparence orthographique désigne, pour une langue donnée, le degré de correspondance entre l orthographe et la phonologie de la langue, c'est-à-dire la correspondance entre la façon dont on écrit la langue et dont on la prononce. Une langue parfaitement transparente est une langue dans laquelle la correspondance entre graphèmes et phonèmes est univoque : à un phonème correspond un et un seul graphème, et réciproquement. On dit d'une telle langue qu'elle suit une orthographe phonétique. Ainsi, l espagnol ou l allemand sont considérés comme des langues transparentes (par exemple, il n existe aucune lettre muette). À l inverse, le Français est moyennement transparent : un même phonème, par exemple o peut s écrire avec de multiples graphies (o, au, eau, ot) et il existe de nombreux cas de lettres muettes. Enfin l Anglais est considéré comme très peu transparent ou orthographiquement opaque car la correspondance entre phonèmes et graphèmes est très variable (ainsi la suite de lettres ough peut se prononcer d une dizaine de façon différentes). Pour soutenir l élève qui apprend à lire et lui faciliter la tâche de décodage de la langue, on peut lui proposer des supports visuels comme des gestes ou des couleurs. 2/ Faciliter la tâche de lecture et d écriture avec des gestes. Suzanne Borel Maisonny est à l origine d'une méthode phonético-gestuelle où des gestes sont associés à des sons; cette méthode est connue sous le nom de méthode Borel-Maisonny ou méthode Borel depuis Cette méthode utilise principalement le canal visuel. Il s'agit de gestes symboliques utilisés au cours de l'apprentissage de la lecture. Il y a un geste par son et non par graphie. Par exemple, il y a un geste pour le son O, le même geste vaut pour les différentes graphies au, eau, os, ot, aut, aud, aux, ault, eaux. Si on adopte cette méthode pour l apprentissage de la lecture, plusieurs étapes sont à respecter. Avant de découvrir le phonème puis par la suite son graphème, il convient de faire prendre conscience à l'enfant de ce qu'est un son et d'où il vient. Pour cela, un premier travail de gymnastique phonatoire est essentiel à tout approche de l'apprentissage de la lecture : on apprend à respirer et à maîtriser sa respiration (on fait expulser l'air des poumons en l'économisant...). Puis, on commence le travail phonatoire proprement dit en travaillant sur les 1 Cette méthode de lecture dite phonétique et gestuelle a été vulgarisée grâce à l'ouvrage de C. Silvestre de Sacy : Bien lire et aimer lire, Paris, ESF éditeur, régulièrement réédité depuis En 2008, Yves Blanc a repris cette méthode pour créer des exercices pour préparer les enfants en Grande section de maternelle à la lecture (Bien lire et aimer lire, livre 4 chez ESF éditeur). Page 1 sur 5

2 caractères phonatoires de chaque phonème : vibrations glottales ou non, vibrations orales ou nasales, position de la langue... Les gestes proposés sont de quatre type : représentatifs d'une forme graphique, d'une forme articulatoire, de l'idée d'écoulement, d'une petite scène (phonomimie). Exemple pour le son b : le geste reprend la forme de la lettre avec «sa boule devant» mais aussi l idée du bébé. Exemple pour le son p : le geste reprend le dégagement d air lorsque la bouche s ouvre. Exemple pour le son o: on fait un rond avec des doigts en prononçant le son (la bouche elle aussi est ronde) Exemple pour le son on : le geste s inspire du o en se rapprochant du nez pour cette voyelle nasale. Si ces gestes sont régulièrement utilisés par les rééducateurs (et surtout les orthophonistes) ils peuvent aussi être un soutien important en classe pour l élève en difficulté d apprentissage (en conscience phonologique, en lecture, en transcription). Exemple pour soutenir la confusion p/b en lecture ou en écriture : Après avoir associé le geste associé à chaque phonème, l enseignant peut (de manière plus ou moins discrète avec un enfant en classe, en situation de soutien ou de remédiation pédagogique) : lui proposer l appui visuel du geste qui va compléter la seule écoute lors des exercices de conscience phonologique. lui éviter la confusion (et faciliter la mémorisation) lors d un exercice de lecture. lui suggérer le geste lors d un exercice de dictée. lui proposer de s aider du geste en autonomie avant de le mentaliser. Page 2 sur 5

3 3/ Faciliter la tâche de lecture avec des couleurs. Lorsque les syllabes sont connues mais que le déchiffrage est encore coûteux, on peut soulager l élève en utilisant 2 couleurs. La tâche de segmentation en syllabes devient alors plus facile, la mémoire de travail est soulagée et l élève peut privilégier l accès à la compréhension. Exemple : alternance de syllabes en rouge/bleu lettres muettes en gris mots connus en noir Texte modifié : Texte modifié et support visuel des illustrations : images : Classe du Vernay (Grenoble) Au fur et à mesure des lectures (ou des relectures), les textes ont de plus en plus de mots en noir. Le logiciel gratuit coupe-mot2 peut générer cette alternance des syllabes, mais aussi mettre en valeur de manière isolée certains sons complexes ou améliorer la lisibilité. On peut aussi associer une couleur à chaque phonème et ainsi «voir les sons» : Pour la méthode facilecture3, on utilise 11 couleurs pour les voyelles (orales, nasales et semivoyelles). Les consonnes sont en noir mais des subtilités (gras, italique, taille) permettent de leur donner des valeurs différentes. Exemple avec le codage facilecture : Page 3 sur 5

4 Pour la méthode lire en couleur4, les voyelles, mais aussi les consonnes sont associées à des couleurs. Cette méthode permet donc de travailler la combinatoire, mais aussi les opérations algébriques de la lecture dans un premier temps sans les graphèmes. Syllabes et mots 4 Page 4 sur 5

5 Combinaisons entre consonne et voyelle Tableau d imprégnation syllabique Conclusion Que ce soit par des gestes, des couleurs, ou une combinaison des deux, l objectif final reste identique : on cherche à faciliter la tâche, à soulager l élève en s appuyant sur une autre modalité (la modalité visuelle ici). Les outils présentés ici facilitent le décodage. Pour certains élèves, il faudra aussi proposer des supports pour faciliter l accès à la compréhension : en ajoutant des illustrations, en mimant, en travaillant le sens de certains mots clés. Enfin, pour que ces outils aient du sens, il est essentiel de recueillir l avis de l élève sur leur pertinence, mais aussi de les évoquer avec les différents partenaires : parents, rééducateur, maître E, Ces outils seront d autant plus efficaces s ils sont partagés. Page 5 sur 5