«Mistral gagnant» de et par Renaud. Une chanson d amour d un

Transcription

1 «Mistral gagnant» de et par Renaud. Une chanson d amour d un père pour sa fille : Et si on parlait bonbons? Cette semaine, un petit peu de douceur dans un monde qui en manque parfois. Le chanteur Renaud s est d abord fait connaître comme «le chanteur des banlieues» et des zonards comme on disait à l époque, petits voyous des cités. Mais ne nous y trompons pas, ce n est pas dans les cités que Renaud a grandi mais dans un milieu qui lui a donné le goût et l aptitude à l écriture. Dans les années 70 il se taille un succès avec son image de loubard et son langage émaillé d expressions verlan et d argot. Il se positionne aussi résolument comme un chanteur révolté contre le système à l image de son titre «Hexagone» qui mériterait bien une chronique ici. Mais cette semaine nous avons décidé de donner dans la légèreté. Dans les années 80 le succès est là et fait de Renaud une des grandes figures de la chanson française. A la fin de l année 1986 il sort l album «Mistral gagnant», énorme succès mais qui change de ton. On sent le chanteur un peu désabusé («fatigué») vis à vis de la politique, déçu de l accueil réservé à son adaptation du «Déserteur» de Boris Vian (*), lors du festival mondial de la jeunesse à Moscou où une partie du public a quitté la salle lors de son interprétation, affecté par la mort de son ami Coluche. Son inspiration du moment est imprégnée de nostalgie, de repli sur sa paternité (sa fille Lolita née en 1980), ce qu illustre parfaitement le titre «Mistral gagnant», dans lequel un quotidien pas toujours joyeux, voisine l évocation nostalgique de sa jeunesse à travers les «bonbecs fabuleux». Paroles de «Mistral Gagnant»:

2 A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi Et regarder les gens tant qu'y en a Te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra En serrant dans ma main tes p'tits doigts Pis donner à bouffer à des pigeons idiots Leur filer des coups d' pieds pour de faux Et entendre ton rire qui lézarde les murs Qui sait surtout guérir mes blessures Te raconter un peu comment j'étais mino Les bonbecs fabuleux qu'on piquait chez l' marchand Car-en-sac et Minto, caramel à un franc A r'marcher sous la pluie cinq minutes avec toi Et regarder la vie tant qu'y en a Te raconter la Terre en te bouffant des yeux Te parler de ta mère un p'tit peu Et sauter dans les flaques pour la faire râler Bousiller nos godasses et s' marrer Et entendre ton rire comme on entend la mer S'arrêter, r'partir en arrière Te raconter surtout les carambars d'antan et les cocos boers Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres Et nous niquaient les dents A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi Et regarder le soleil qui s'en va Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fou Te dire que les méchants c'est pas nous Que si moi je suis barge, ce n'est que de tes yeux Car ils ont l'avantage d'être deux Et entendre ton rire s'envoler aussi haut Que s'envolent les cris des oiseaux Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie Et l'aimer même si le temps est assassin Et emporte avec lui les rires des enfants Carambars ou le caramel en barre trouve son origine dans une confiserie du nord, l entreprise Delespaul-Havez, installée à Marq-en-Bareul, dans la banlieue aisée de Lille. Elle aurait été fabriquée en 1954 par accident à partir d un mélange de caramel et de cacao, conditionné en barre (d où le nom).

3 Les Roudoudous Ces redoutables roudoudous «qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents». La particularité de ce bonbon était son emballage, constitué d une coquille de praire remplie d une pâte sucrée que seul l usage de la langue permettait de déguster. Belle longévité pour cette confiserie toujours fabriquée aujourd hui, même si le plastique a remplacé le vrai coquillage qui faisait le charme des roudoudous. Coco Boer. Vous serez sans doute surpris de découvrir que cette confiserie très célèbre en France, mais aujourd hui disparue, a été créée et fabriquée au Pouzin. C est d abord le très inventif pharmacien, M. Marchier, qui élabore un extrait à base de réglisse qui sert à la fabrication d une boisson anisée mais non alcoolisée. Le succès rencontré dans les usines locales, dans les armées et dans les colonies pousse M. Marchier à ouvrir une usine qui produit le «coco de Calabre». La réussite commerciale fait école et M. Courtier, autre pharmacien du Pouzin, crée à son tour une usine qui produit le fameux «coco boer» en C est par la voie d eau et par péniche que la réglisse arrivait de Turquie ou d Italie dans notre département. Dans le commerce de la confiserie, nous trouvions cette poudre dans de longs et fins tubes plastiques. Tout l art du consommateur tenait dans la récupération de la précieuse poudre : trop d humidité vous condamnait à mâchouiller le tube pour en extraire la saveur, mais l aspiration brutale de l ensemble du contenu pouvait engendrer une bonne dose d éternuements. L appellation «coco boer» (prononcer «bour») est un hommage à ces «paysans» d origine hollandaise, parfois anciens huguenots français émigrés sous Louis XIV, en guerre contre l impérialisme britannique qui entend faire rentrer la totalité de l Afrique du sud dans son

4 empire. Le nom de la confiserie est donc tout trouvé comme le logo qui figure sur la boite. La production de coco boer s est achevée définitivement en Mistral Gagnant Comme le Coco Boer, Le Mistral gagnant se présentait sous la forme d une poudre. Dans un petit sachet vert, une poudre sucrée qui pétille sur la langue et que l on aspire grâce à une paille consommable en réglisse. Certains emballages, comportant le mot «gagnant» à l intérieur, permettaient de doubler la mise avec un autre sachet.

5 Car en sac minto Ces petits bonbons multicolores sont bien sympathiques. Ils cachent sous leur enveloppe de sucre un petit bout de réglisse qui leur donne leur originalité. Fabriqués au départ par la société Car, avant d être racheté par la firme Ricqlès, puis par le géant Haribo, bel exemple de concentration industrielle dans la confiserie. Caramel à un franc comme son nom l indique était un caramel à un franc, mais un franc d avant 1959 et la création des nouveaux francs qui valaient cent anciens francs (vous me suivez?). En fait les caramels à un franc étaient devenus des caramels à un centime (ou un ancien franc comme on disait alors), mais dans la vie quotidienne ils sont toujours restés «les caramels à un franc», et c était clair pour tout le monde, vendeurs et clients. Une situation

6 qu analyse très bien Françoise Asso, universitaire lilloise et auteur de nombreux ouvrages, dans le texte suivant : «Les caramels à un franc et la liberté (Forces de la répétition). Il y avait autrefois des caramels qui, dans mon souvenir, n avaient pas d autre nom que celui de «caramels à un franc». Un jour, nous sommes passés des francs aux nouveaux francs et l on a continué à dire «caramels à un franc». Comme s il y avait eu, parallèles, deux systèmes monétaires : celui selon lequel on connaissait le prix des «car en sac», des carambars, des malabars, par exemple, et celui dans lequel apparemment on continuait à vivre lorsqu on disait «caramels à un franc». Mais cela apparemment : car nous savions bien qu un car en sac, qui coûtait dix centimes, était plus cher qu un caramel à un franc, très précisément dix fois plus cher ce qui était normal, d ailleurs, les dits caramels à un franc étant incroyablement minces. On n en achetait d ailleurs jamais un seul : ils se vendaient par dizaine, plus souvent par centaine. Il y a donc eu un moment pendant lequel on donnait un franc pour avoir cent «caramels à un franc» peut-être disions-nous ou pensions-nous un «nouveau franc», mais les caramels à un franc se sont toujours appelés ainsi : ils ne sont pas devenus «caramels à un centime», on n a jamais pensé ni dit que chaque caramel coûtait «un ancien franc». Il me semble que cela n a jamais gêné personne : d un côté, il y avait un syntagme longtemps répété, avalé, si j ose dire, et conservé tel quel, même si son sens, en fonction de la nouvelle réalité monétaire, était devenu inexact ; de l autre, il y avait donc cette réalité monétaire elle-même, sur laquelle personne ne se trompait : une pièce de un franc pour cent caramels à un franc. Il a bien fallu que cela cesse un jour et les caramels à un franc ont tout simplement disparu.» (*) «Le déserteur» est une chanson de Boris Vian. Elle a fait l objet d une chronique dans la chanson de la semaine. Voir le lien : L adaptation qu en a faite Renaud est un petit modèle d humour à ne pas mettre entre toutes les mains. En plus elle parle de l Ardèche. Ecoute ici :