Compte rendu du 7 ème colloque organisé par Groupama Asset Management, CEPII-CIREM, le 22 octobre 2009
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- François-Xavier Marier
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1 Compte rendu du 7 ème colloque organisé par Groupama Asset Management, CEPII-CIREM, le 22 octobre 2009 Politiques budgétaires et marchés obligataires européens : quel avenir? L ampleur des déficits publics peut-elle engendrer en Europe un krach obligataire et une banqueroute de certains pays? Quelles politiques budgétaires doivent être mises en œuvre et quelle gouvernance au niveau européen? Tels ont été les deux grands thèmes du 7 ème colloque organisé par Groupama Asset Management et CEPII-CIREM (*) le 22 octobre 2009 à Paris. (*) CEPII : Centre d Etudes Prospectives et d Informations Internationales CIREM : Centre d Information et de Recherche sur l Economie Mondiale Francis Ailhaud, directeur général de Groupama AM, introduit les débats. On respire : le risque de crise systémique a disparu, les banques ont retrouvé de la liquidité, la croissance est supérieure aux anticipations Mais doit-on être complètement rassuré? Les économies occidentales sont confrontées à deux problèmes : la hausse du chômage qui devrait atteindre un niveau jamais vu depuis la seconde guerre mondiale et qui induit une baisse de la consommation et l ampleur des déficits budgétaires. Les recettes seront-elles suffisantes pour faire face au paiement de la dette dans un contexte de faible croissance et de faible inflation? Telle est la grande question. Cela suppose que la politique monétaire reste accommodante et que les mesures prises soient coordonnées à l échelle européenne afin de rassurer les marchés. Il faut enfin trouver les moyens de relancer la croissance. Y arriverons-nous? 1 ERE TABLE RONDE : GESTION DES DETTES PUBLIQUES ET EVOLUTION DES MARCHES OBLIGATAIRES Autour d Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CEPII, Michel Aglietta, professeur à l université Paris Ouest Nanterre et conseiller économique de Groupama Asset Management et du CEPII, Laurent Berrebi, directeur des Etudes Economiques de Groupama AM, Marie Brière, responsable de la stratégie Taux, Change et Volatilité chez Crédit Agricole Asset Management, Laurence Boone, chef économiste France chez Barclays Capital et Philippe Mills, directeur général à l Agence France Trésor. Michel Aglietta, professeur à l Université Paris Ouest Nanterre et conseiller économique de Groupama Asset Management et du CEPII
2 La soutenabilité de la dette dépend de l excédent primaire, des taux et de la croissance. Les dettes publiques n ont pas à être remboursées. Leur montant pourrait donc croître à l infini. Mais en raison même du processus d accumulation, la charge de la dette, elle, a ses limites. Sa soutenabilité dépend de trois facteurs : l excédent primaire, les taux d intérêt et le taux de croissance. Dégager plus d excédent budgétaire passe par une hausse des impôts ou une baisse des dépenses. Or on constate une certaine inertie de la fiscalité liée notamment à l injustice fiscale et à des mouvements d évasion. D autre part, certaines dépenses contribuent à la hausse du taux de croissance. Il ne faut agir que sur les autres. Deuxième variable : les taux d intérêt. On peut espérer qu ils resteront bas et qu à l instar de ce qui s est passé entre 1947 et 1954, la Fed et le Trésor américain passent un accord pour maintenir les taux bas. Il faut enfin de la croissance, ce qui est le plus problématique. Les économistes ont simulé l impact de ces trois variables : c est la trajectoire du point Selle. Plus on s en éloigne, moins la dette apparaît soutenable. Laurent Berrebi, directeur des Etudes Economiques de Groupama AM Les taux ne sont pas si bas que cela : effet d illusion nominale La faiblesse des taux d intérêt est mise en avant pour expliquer que la hausse des déficits est «soutenable». Or, il s agit d une illusion : l illusion des taux nominaux bas. Compte tenu de la faiblesse de la croissance et de l inflation, les taux réels ne sont en réalité pas si bas que cela. Pendant la décennie 90, c est l importance de l écart entre le taux de croissance et les taux d intérêt qui ont permis à des pays comme l Irlande ou l Espagne d améliorer leur solde budgétaire. La croissance future le permettra-t-elle? Si tous les pays enregistrent une hausse de leurs déficits, les besoins d ajustement des soldes budgétaires pour stabiliser les dettes ne sont pas les mêmes : ils représentent 5 points de PIB en Allemagne, 8 points en France, 10 en Espagne, 18 en Irlande. De même, au regard des comportements depuis le début des années 80, les délais d ajustement du solde budgétaire ne sont pas non plus identiques : ils sont 3 à 4 fois plus élevés en Irlande et en Italie qu en Allemagne et qu aux Pays-Bas. Le cas de l Irlande apparaît problématique : sa dette publique qui représentait 25% du PIB en 2007, devrait s élever à 80% en 2010 et pourrait par la suite augmenter d autant si des décisions drastiques n étaient pas prises. Marie Brière, responsable de la stratégie Taux, Change et Volatilité chez Crédit Agricole Asset Management Les écarts de spread entre les Etats devraient perdurer La crise a engendré une hausse des taux mais surtout des augmentations différenciées. Jamais la zone euro depuis sa création n avait connu une telle
3 dispersion. Au contraire, d avril 1999 à juin 2006, les écarts étaient devenus quasi-inexistants. Vont-ils de nouveau disparaître avec la sortie de crise? Rien n est moins sûr! Le mouvement s est fait en plusieurs étapes. Les taux ont commencé à monter uniformément. Puis ils se sont différenciés. Depuis février, ils chutent mais la dispersion reste forte. Ces écarts de spread peuvent s expliquer par une importance accrue des facteurs domestiques venus s ajouter à l aversion au risque. Ces facteurs, ce sont notamment le montant du déficit public par rapport au PIB et l exposition de l Etat au secteur financier. Or sur ces deux points, tous les pays ne sont pas dans la même situation. La recapitalisation des banques représente un effort beaucoup plus important par exemple pour la Hollande, la Grèce ou l Irlande que pour la France ou l Italie. Les écarts de taux risquent donc de perdurer. Laurence Boone, chef économiste France Barclays Capital Les marchés peuvent absorber la forte augmentation des émissions obligataires des Etats L aversion au risque des investisseurs pendant la crise qui les a conduit à se réfugier dans les produits monétaires et obligataires, a permis d absorber la hausse des émissions obligataires des Etats. En sera-t-il de même en période de sortie de crise? Je le pense! Les besoins des Etats et des banques centrales sont colossaux. En Europe, le montant des émissions pourrait dépasser 900 milliards d euros cette année contre 368 milliards en Aux Etats-Unis entre 1000 et 1500 milliards de dollars. Néanmoins, je ne pense pas qu il y ait un risque de krach obligataire à deux ans. Pour trois raisons. Il y a un appétit pour ces émissions qui sont sursouscrites. La part des emprunts d Etat dans les actifs totaux est faible : 4,3% dans la zone euro contre une moyenne historique de 7%. Enfin, la régulation qui va être mise en place suite aux accords du G20, obligera les banques à accroître le volume de capitaux liquides. Pour les banques anglaises, il pourrait passer de 220 milliards de livres à plus de 600 et pour les banques américaines de 1100 à 1700 voire 2200 milliards de dollars à quatre ans. Dans le passé, on a réussi à réduire la dette. On devrait y parvenir de nouveau même si ce sera long et douloureux. Philippe Mills, directeur général de l Agence France Trésor L environnement est favorable au financement des dettes publiques La baisse continue des taux facilite les émissions pour tous les Etats de la zone euro. Les différences de taux s expliquent en partie par des raisons techniques et notamment par la concentration des émissions en début d année. L inflation restant sous contrôle (inférieure à 2%), les taux devraient rester bas. Enfin, les différences de niveau de dettes entre les Etats ne sont pas aussi importantes que
4 cela. Selon les chiffres de Moody s, ce niveau tourne entre 85 et 95% du PIB : 90% en France, 85% en Allemagne, 94% au Royaume Uni La France a pour elle sa notation Triple A. Si bien que lorsqu il émet, l Etat a aujourd hui le même délai d exécution qu avant la crise. L augmentation de la demande des banques et des établissements de crédit, les nouvelles règles imposées par Solvency 2 aux assureurs permettent d accroître le montant des émissions. Question : Existe-t-il un consensus sur le niveau de la croissance future dans la zone euro? Laurence Boone : Les écarts d estimation sur la croissance potentielle tant du FMI, de l OCDE ou de la Commission européenne sont aujourd hui importants. Laurent Berrebi : Au-delà des différences de mesure de la croissance potentielle entre les différents instituts, les faibles hausses des prix prévues pour les prochaines années réduisent sensiblement le taux de croissance de long terme nominale des économies. Question : N y a t-il pas un risque d éviction des émetteurs privés? Laurence Boone : Aujourd hui les émissions souveraines représentent 78% du marché et les émissions privées 22%. Les besoins des entreprises sont moins importants. Jusqu alors, elles ont pu émettre sans difficulté. Mais c est vrai que la baisse du recours au crédit devrait les inciter à augmenter leurs émissions. Il faudra surveiller cela de près. Philippe Mills : En 2009, on n a pas constaté de phénomène d éviction. Le volume des émissions corporate a augmenté et progressivement les conditions de marché ont permis le retour des émetteurs moins bien notés. Question : Quelle appétence du reste du monde pour les titres de la zone euro? Philippe Mills : La proportion de la dette publique détenue par les non résidents est passée de 60 à 66%. Un tiers dans la zone euro, un tiers en dehors. Depuis 2006 par exemple, tous les mois, les investisseurs asiatiques sont des acheteurs nets en flux. 2 EME TABLE RONDE : L AVENIR DES POLITIQUES BUDGETAIRES ET LA GOUVERNANCE DE L EUROPE Autour de Francis Ailhaud, Philippe Herzog, président de Confrontations Europe, ancien député européen, Philippe Marini, rapporteur de la Commission des Finances du Sénat, Jean Pisani-Ferry, directeur de Bruegel et Agnès Benassy-Quéré.
5 Philippe Herzog, président de Confrontations Europe, ancien député européen Se saisir du budget européen pour agir En dépit des déclarations de José Manuel Barroso prônant le renforcement de la convergence et une meilleure coordination des politiques pour réussir une sortie de crise durable, on constate l inverse. Certains pays ont entamé une cure d austérité (Royaume Uni, Irlande, Espagne, Pays d Europe centrale), d autres continuent d augmenter leurs déficits Or l ampleur des déficits, l évolution démographique défavorable, l existence de petits pays au sein de l Union imposent une politique commune, une meilleure gouvernance qui permettrait de prévenir les risques systémiques et d éviter la formation de bulles, de définir l action que pourraient avoir les banques centrales pour inciter les banques à faire du crédit, de revoir les sujets d intérêt commun Le Traité de Lisbonne offrira un nouveau cadre. Il permettra d élaborer une politique pour l eurozone. Mais ce n est pas suffisant. Nous ne pouvons pas en rester à une gouvernance technique. C est un défi démocratique. Nous devons utiliser le budget européen pour agir et ce, en cohérence avec les politiques nationales. Sans cela, il existe un vrai risque de repli national. Philippe Marini, rapporteur de la Commission des Finances du Sénat Les Etats sont en apesanteur financière Le pacte de stabilité même assoupli en 2005 n a rien pu éviter. Depuis la crise, les Etats sont en apesanteur financière. Les normes communes s évanouissent. Chacun s efforce dans le respect de son modèle national de gérer au mieux les difficultés. Preuve que la crise met à mal toutes les croyances : les deux pays qui connaissent l accroissement le plus fort de la dette publique (Espagne, Royaume uni) étaient ceux qui étaient les plus vertueux avant la crise. L Espagne avait, par exemple, un solde budgétaire positif égal à 2,2 points de PIB. Même si elle peut apparaître légère car les Etat émettent aujourd hui des obligations à moins de trois mois à taux d intérêt bas voire négatifs, la dette publique pour bien des Etats risque de ne pas être soutenable. C est «l insoutenable légèreté de la dette publique». Or, il faudra bien revenir à l équilibre et cela se fera sous la pression des pairs et des marchés. Déjà avec le relèvement des taux de la banque d Australie, après les derniers commentaires de la BCE, le retournement des politiques monétaires n est peut être pas aussi éloigné qu on le pensait il y a encore quelques semaines. Or une hausse de 1% des taux, c est pour l Etat français, 2,5 milliards d euros de hausse de la charge de la dette. Plus inquiétant encore, même si elle affirme qu elle ne laissera pas tomber un de ses membres, l Europe n a pas défini de mécanisme de solidarité. Le FMI impose actuellement à la Lituanie une déflation sans que la zone euro ait son mot à dire alors même que c est Bruxelles qui lui apporte son aide financière.
6 Peut-on dans ces conditions continuer à exprimer l idée d une extension de la zone euro? Autre remise en cause : la classification des dettes en vertueuses ou calamiteuses. Les frontières sont en train de bouger. Le Royaume Uni est le seul pays à avoir intégré que la crise allait avoir non seulement des effets conjoncturels mais structurels et que ceux-ci seraient durables sur le PIB potentiel. Si la croissance est inférieure à 2%, les efforts devront être plus importants. Jean Pisani-Ferry, directeur de Bruegel L Europe a besoin d un nouvel outil de régulation Les économies vont devoir prendre la mesure de ce qui les attend. Une baisse de la croissance potentielle induit une augmentation des déficits. Pour le Royaume-Uni par exemple, une perte de 5 points de PIB génère une hausse supplémentaire de 2,5 points du déficit. On change de paradigme. Or a-t-on les instruments pour gérer cette évolution? Le pacte de stabilité n a pas été fait pour cela. Il a été conçu pour traiter le cas de quelques Etats s écartant de la norme, pas de tous! L Europe a besoin d un nouveau dispositif d ajustement et de définir les ordres de priorité. Il n y a aucune raison de retarder la consolidation du secteur bancaire. La réduction des déficits doit venir ensuite et seulement après la révision de la politique monétaire. La coopération européenne est souhaitable mais la discipline budgétaire est avant tout une question nationale. L Allemagne et le Royaume-Uni se sont dotés de règles. Les autres pays devront suivre. Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CEPII La crise remet en cause les dogmes Tous les pays devant s ajuster en même temps, les marchés vont être abreuvés d actifs publics ce qui aura un impact sur les taux. La crise implique une meilleure coordination des politiques d ajustement. Surtout, la crise met à mal les dogmes macro-économiques. Avant, on pensait que l impact des dépenses publiques et de la fiscalité était proche de zéro et qu une crise avait le mérite de purger les excès et de permettre la relance de la croissance. Aujourd hui, on estime que le multiplicateur keynesien est supérieur à zéro, que l instabilité est plus onéreuse que la régulation. Assistera-t-on à un nouveau revirement une fois sorti de la crise? Il n y a pas de raison en effet pour que le multiplicateur keynesien reste élevé. Le pacte de stabilité a montré également ses failles. Les premiers de la classe en termes de déficit budgétaire sont devenus les derniers. En se focalisant sur les dépenses publiques, le pacte n a pas suffisamment pris en compte l importance du solde extérieur. Le règlement des déficits publics qui ne pourra pas faire l économie de hausses d impôt implique enfin une plus grande coordination des pays sur la fiscalité.
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