1 ) la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2008 ;
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- Yvonne Bernier
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1 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N SICAV KBC SELECT IMMO M. Le Goff Président-rapporteur Mme Peton-Philippot Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Montreuil (10 ème chambre) Audience du 19 novembre 2010 Lecture du 1 er décembre C+ Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2010, présentée pour la SICAV KBC SELECT IMMO, dont le siège est situé 2 avenue du Port à Bruxelles (Belgique), par Me Louvel ; la société requérante demande : 1 ) la restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2008 ; 2 ) subsidiairement, la restitution partielle de ces impositions en application des stipulations de la convention fiscale franco-belge ; 3 ) qu il soit mis à la charge de l Etat la somme de euros au titre de l article L du code de justice administrative ; Elle soutient qu elle est un résident fiscal belge au sens de la convention fiscale francobelge et qu ainsi, à titre subsidiaire, elle peut bénéficier du taux fixé par celle-ci ; que l existence d une discrimination doit s apprécier à raison de la résidence du fonds ; que l imposition à la source des dividendes de source française versés à des SICAV belges alors que ces dividendes ne donnent lieu à aucune imposition lors de leur versement à des SICAV françaises constitue une atteinte à la liberté d établissement prévue à l article 49 du traité sur le fonctionnement de l Union européenne (article 43 du traité instituant la Communauté européenne) et à la libre circulation des capitaux prévue à l article 63 du même traité (article 56 du traité instituant la Communauté européenne) ; que ce traitement différencié n est justifié ni par la nécessité du partage des impositions entre pays, ni par la nécessité d assurer une imposition effective au niveau de l actionnaire ou du porteur de parts ; que la jurisprudence européenne en matière de
2 N retenue à la source est transposable à la France ; que, d une part, les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 de l article 65 du même traité (article 58 du traité instituant la Communauté européenne) ne doivent, en application du troisième paragraphe de cet article, constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l article 63 du même traité (article 56 du traité instituant la Communauté européenne) ; que l avantage substantiel octroyé aux seuls organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) français crée une discrimination non justifiée ; que, d autre part, la réclamation se fonde non seulement sur la décision Fokus Bank rendue par la Cour de l Association européenne de libre-échange, mais aussi sur les arrêts Denkavit et Amurta rendus par la Cour de justice des Communautés européennes, qui constituent des décisions juridictionnelles permettant d invoquer les dispositions de l article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que dans l arrêt Aberdeen, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que l argument tiré de ce qu il appartiendrait à la législation de l Etat de l actionnaire de remédier à l imposition en chaîne n est pas pertinent ; Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le directeur des résidents à l étranger et des services généraux, qui conclut au rejet de la requête ; Il fait valoir que la société requérante ne justifie du paiement de la retenue à la source que pour l année 2006 à hauteur de euros ; que sa qualité de résident au sens de la convention fiscale franco-belge est sans incidence dès lors qu il n est pas contesté qu elle a la qualité d entité établie sur le territoire d un Etat membre de l Union européenne ; que, pour apprécier l existence d une éventuelle discrimination, le régime fiscal global du binôme véhicule d investissement et porteurs de parts doit être pris en compte ; que dans les deux Etats, les OPCVM sont placés hors du champ de l impôt sur les sociétés ; que le droit fiscal de chacun des Etats n appréhende les revenus qu au moment où les fonds procèdent à la redistribution des revenus à leurs porteurs de parts ; que la thèse soutenue par la société requérante aboutit à opérer l examen des situations fiscales au niveau de ces entités sans tenir compte du régime fiscal applicable aux porteurs de parts ; que cette approche irait à l encontre des législations internes des deux Etats et de l approche de la grande majorité des partenaires de la France ; qu ainsi les recommandations de l OCDE du 31 mai 2010 soulignent la nécessité pour mener à bien une analyse de comparabilité de l imposition des OPCVM dans deux Etats de ne pas se limiter à examiner l imposition de l OPCVM lui-même mais de tenir compte de l imposition subie à la source et de celle supportée au niveau de l investisseur ; que la mise à jour du modèle de convention fiscale de l OCDE dans sa version de juillet 2010 comprend un nouveau paragraphe qui se réfère à cette analyse de comparabilité ; qu en retenant cette comparaison, l assujettissement à l impôt d un investisseur, personne physique ou morale résidente de France, à raison de produits dérivés de ses parts dans un OPCVM sera au moins égale à celle prélevée par voie de retenue à la source sinon dans la plupart des cas d un niveau bien supérieur ; qu ainsi la retenue à la source prélevée à raison de la distribution indirectement réalisée au profit des porteurs de parts du fonds belge ne peut être regardée comme une discrimination contraire au principe de liberté de circulation des capitaux ; que le mécanisme de la retenue à la source sur les revenus versés aux fonds d investissement étrangers se justifie par la nature même des organismes d investissement collectif ; que la directive CEE 85/611 relative à la commercialisation des OPCVM dans certains Etats membres n apporte aucune précision sur le régime fiscal à réserver à ces entités ou à ces revenus ; qu il appartient aux Etats membres d organiser leur système d imposition des bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l assiette imposable ainsi que les taux d imposition applicables dans le chef de l actionnaire bénéficiaire et, qu en l absence de mesures d unification ou d harmonisation communautaire, les Etats membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les
3 N critères de répartition de leur pouvoir de taxation ; que l Etat membre est d ailleurs autorisé à subordonner le bénéfice de la compensation de la retenue à la source à une condition de réciprocité ; que le régime de la retenue à la source entre alors dans le champ des dérogations prévues par l article 58 du traité instituant la Communauté européenne paragraphe 1 point a ; que la jurisprudence applicable en matière de restitution de l impôt prélevé par voie de retenue à la source n est pas transposable ; que les libertés fondamentales garanties par le traité instituant la Communauté européenne n ont pas pour objet d éradiquer les doubles impositions juridiques ; que l article 293 du traité instituant la Communauté européenne n assigne aux Etats membres aucune obligation d éliminer ou de réduire les doubles impositions juridiques, mais n adresse qu une ardente incitation à y procéder ; qu il faut ainsi distinguer le partage du droit d imposition, exempt de toute sujétion du droit communautaire, et l exercice de cette compétence dans le respect des libertés fondamentales ; que lorsque l application d une disposition nationale aboutit à une double imposition juridique, elle n est pas critiquable au regard du droit de l Union pour autant que soient pareillement traités les revenus domestiques payés à un résident et les revenus de même nature payés à un non-résident placé dans une situation objectivement comparable ; que la question posée à la Cour de justice des Communautés européennes, dans les affaires Denkavit et Amurta, portait sur une situation de double imposition économique inhérente aux distributions de bénéfices résultant de ce qu il était reproché aux législations française et néerlandaise litigieuses d imposer à la fois les bénéfices réalisés par la société distributrice et d appliquer une retenue à la source sur les dividendes sortants quand ces revenus versés à des actionnaires résidents étaient exonérés d impôt, alors que la question posée au cas présent concerne une situation de double imposition juridique résultant de ce que l Etat de la source applique une retenue à la source sur les revenus sortants tandis que les revenus entrants sont imposés dans l Etat de résidence de l actionnaire ; que la Cour de justice des Communautés européennes admet que dans la mesure où l exercice par les Etats de leur pouvoir de taxation permettrait d éliminer la double imposition qui en résulte, malgré le fait que l imposition à la source soit constitutive d une discrimination à l encontre des sociétés mères de l autre Etat, l Etat de la source ne serait pas contraint de restituer l impôt qu il a prélevé ; qu en cas d échec du dispositif bilatéral d effacement de la double imposition mise en place par les deux Etats, le juge communautaire sanctionne alors l Etat de la source ; qu au cas présent, la France a respecté les libertés fondamentales et l Allemagne ne s est pas départie de la capacité de percevoir un impôt du chef des porteurs de parts d OPCVM résidents de cet Etat ; que, dans sa décision Aberdeen, rendue sur le terrain de la seule liberté d établissement, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que l imposition finlandaise était constitutive d une discrimination au regard du traitement applicable par le droit finlandais à une société mère en Finlande ; qu ainsi, si l approche de la Cour est transposable à une situation mettant en œuvre la liberté de circulation des capitaux, elle ne concerne que les sociétés placées sous le régime mèrefille ; que, compte tenu de la complexité des problématiques et du grand nombre d affaires représentant un fort enjeu financier, la question suivante pourrait être posée dans le cadre d une demande d avis au Conseil d Etat : dans le cadre d une législation cohérente des deux Etats membres de l Union européenne concernés par le litige, aux termes de laquelle les revenus de capitaux mobiliers perçus par le truchement d un fonds d investissement ne sont pas imposés du chef de cette entité mais de ses porteurs de parts, l examen d une éventuelle discrimination liée à l imposition par voie de retenue à la source par l un des Etats membres doit-elle être appréciée du seul chef de la SICAV ou en tenant compte également de la situation de ses porteurs de parts? ; sur le terrain de la convention fiscale franco-belge, qu aux termes de son article 1 er un résident qui n est pas victime d une double imposition se trouve placé hors de son champ ; qu au cas présent, la société requérante n est pas soumise à l impôt sur les sociétés en Belgique à raison des dividendes qu elle perçoit ; que, par suite, elle ne peut bénéficier d une réduction conventionnelle ;
4 N Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2010, présenté pour la SICAV KBC SELECT IMMO, qui conclut aux mêmes fins que la requête ; Elle ajoute qu elle se joint à la demande d avis au Conseil d Etat formulée par l administration en proposant les questions suivantes : 1) la combinaison des articles 119 bis 2 et 187 du code général des impôts qui génère une double imposition économique des dividendes de source française perçus par les seules SICAV ayant leur siège à l étranger mais dans un autre Etat membre de l Union européenne constitue-t-elle une restriction à la libre circulation des capitaux et à la liberté d établissement? 2) la comparabilité des situations d une SICAV étrangère et d une SICAV française peut-elle être remise en cause par la situation des porteurs de parts et ce alors même que la législation française ne prend, à aucun moment, en compte leur situation lors de l imposition des SICAV étrangères ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d assistance administrative et juridique réciproque en matière d impôt sur le revenu, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2010 ; - le rapport de M. Le Goff, président-rapporteur ; - les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public ; - et les observations de Me Priol, pour la société requérante, et de M. Fancelli, pour l administration ; Considérant que la SICAV KBC SELECT IMMO, qui est une société d investissement à capital variable belge, demande au Tribunal à titre principal de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu elle a perçus au titre des années en cause ; que le litige porte sur la contrariété au droit de l Union européenne de la retenue à la source prévue à l article 119 bis 2 du code général des impôts qui résulterait de ce que cet organisme de placement collectif en valeurs mobilières aurait un traitement différent par rapport à un organisme comparable français et que celui-ci constituerait une entrave contraire à la liberté de circulation des capitaux ne pouvant être justifiée par des raisons impérieuses d intérêt général ; Considérant qu aux termes de l article L du code de justice administrative : «Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d appel peut, par une décision qui n est susceptible d aucun recours, transmettre le dossier de l affaire au Conseil d Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question
5 N soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu à un avis du Conseil d Etat ou, à défaut, jusqu à l expiration de ce délai» ; Considérant que la requête de la SICAV KBC SELECT IMMO pose la question de savoir si l organisme de placement collectif en valeurs mobilières non résident, qui conteste la retenue à la source appliquée aux distributions effectuées à son profit par une société française, doit, à l appui de sa réclamation, et afin de satisfaire aux conditions de forme de l article R* du livre des procédures fiscales, justifier que les revenus effectivement versés ont été amputés de cette retenue ou du versement effectif de ce prélèvement, notamment par la production d une attestation de l établissement payeur précisant la date et les modalités de liquidation de la retenue ; que le litige pose également la question de savoir si, s agissant de l imposition des distributions en provenance de sociétés françaises résultant d investissements réalisés par le truchement d organismes de placement collectif en valeurs mobilières, la comparaison des situations tendant à l appréciation d une différence de traitement constitutive d une entrave au regard de la liberté de circulation des capitaux, affirmée par l article 56 du traité instituant la Communauté européenne, doit se faire au niveau du véhicule d investissement, de celui du porteur de parts ou globalement ; qu en fonction du niveau de comparaison qui doit être retenu, l interrogation porte aussi sur l existence d une entrave à la liberté de circulation des capitaux que constituerait l application de la retenue à la source appliquée à des distributions effectuées par des sociétés françaises à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières non résidents, en application de l article 119 bis 2 du code général des impôts, alors que les distributions de même nature sont exonérées de toute imposition lorsqu elles sont effectuées en faveur d organismes de placement collectif en valeurs mobilières établis en France ; que si cette différence de traitement constitue une entrave au sens de l article 56 du traité, la question serait alors de savoir si celle-ci est justifiée par une raison impérieuse d intérêt général ; Considérant que ces questions constituent des questions de droit nouvelles présentant une difficulté sérieuse et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; que, dès lors, il y a lieu, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la requête de la SICAV KBC SELECT IMMO et de transmettre le dossier de l affaire, pour avis, au Conseil d Etat ; D E C I D E : Article 1 er : Le dossier de la requête de la SICAV KBC SELECT IMMO est transmis au Conseil d Etat pour examen des questions de droit définies dans les motifs du présent jugement. Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SICAV KBC SELECT IMMO jusqu à l avis du Conseil d Etat ou, à défaut, jusqu à l expiration du délai de trois mois à compter de la transmission au Conseil d Etat du dossier de cette requête. Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu au terme de l instance. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SICAV KBC SELECT IMMO et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l Etat.
6 N Délibéré après l audience du 19 novembre 2010, à laquelle siégeaient : M. Le Goff, président-rapporteur, Mme Arrivabene, premier conseiller, M. Noël, conseiller. Lu en audience publique le 1 er décembre L assesseur le plus ancien, Le président-rapporteur, A. Arrivabene R. Le Goff Le greffier, H. Herber
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