plan paysage & patrimoine Quartier Hauts Pavés Saint Félix

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1 Ville de Nantes atelier de paysage plan paysage & patrimoine Quartier Hauts Pavés Saint Félix secteur Bellamy, Barbin, Félix Thomas L apparition du paysage 2 La valeur paysage 4 La projection du paysage 8 La dérive 12

2 L apparition du paysage Quelques outils pour voir le monde Le paysage est une notion qui n a pas toujours existé. Les hommes, dans leur rapport au monde, ont vécu sans ce filtre intelectuel particulier. En occident, le regard paysager s est formé et forgé, entre autres, au contact de l art pictural et de ses évolutions. Dans la peinture, la figure omniprésente au centre des représentations du Moyen-Âge laisse progressivement place à un arrière plan, un paysage, contexte réel ou fantasmé. À partir de la Renaissance, il est représenté avec de plus en plus de précision et de réalisme : on y voit aussi bien des villes que des campagnes, des forêts, des montagnes, des rivières et des océans, avec un rendu lumineux et des effets de profondeur... La représentation du paysage, jusqu alors toujours contenue dans le cadre d une fenêtre, finit par occuper toute la toile et devenir un sujet. La naissance du paysage en occident est liée ainsi à une médiation par l art, à un processus d «artialisation». Cette médiation par l art permet de passer du «degré zéro du paysage», le «pays», au paysage lui-même (cf bibliographie ouv.1). Paul Cézanne, avec ses représentation de la Sainte Victoire, y est si bien parvenu, que lorsqu il s agit de replanter la montagne à la suite d un incendie, on replante les masses végétales à l identique de ses tableaux! Ainsi, si un espace n est ni contemplé, ni apprécié, sa présence matérielle ne suffit pas à en faire un paysage. À un moment donné, le regard de l artiste révèle ce que la société ne voit pas. Le paysage est bien une perception intellectuelle du monde. Les paysages sont des expressions humaines de leur environnement, qui reflètent l actualité politique et sociale du moment, les avancées technologiques, les croyances. Après avoir vu La gare Saint-Lazare de Claude Monnet, l observateur ne percevra plus jamais la gare et la fumée de la locomotive de la même manière. Les représentations du paysage sont acquises par chacun comme faisant partie de sa culture. À tel point que cette culture paysagère finit par supplanter la réalité dans l esprit de l observateur. Exemple : impossible pour nous de voir en la tour Eiffel un simple pylône d acier.

3 Ci-dessus, de gauche à droite, La vierge du chancelier Rolin, Jan Van Eyck, vers 1435, Le JT de France 2, 2015, La gare Saint-Lazare, Claude Monnet, 1877.

4 La valeur paysage La perception du paysage La perception du paysage est un prisme sur le monde. C est une démarche à la fois : d observation centrée sur l observateur lui-même, tourné sur l extérieur, de prise de recul sur le monde, de questionnement intellectuel. Cette capacité de percevoir le paysage est comparable à la lecture : elle s apprend. Cet apprentissage passe par la culture : l art, la littérature, le cinéma... Pour apprendre la notion de paysage, il faut la décortiquer. Le monde en mouvement est trop complexe pour être appréhendé en tant que paysage d un seul coup. Il faut passer par «l arrêt sur image», la prise de recul, la réflexion. Notre capacité à percevoir le paysage est devenue si développée qu elle devient comme un sixième sens, qui fonctionne instantanément. À chaque paysage que nous percevons, des images et des références sont invoquées par le cerveau pour le comprendre. Pierre Donadieu dans son ouvrage «La société paysagiste» décrit notre société douée du sens critique du paysage. Le paysage est devenu une valeur commune. La définition du paysage Cette valeur est reconnue au point qu existe une convention européenne du paysage, qui définit ainsi le terme: Une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de facteurs naturels et/ou humains, et de leurs interrelations. Cette définition peut se décortiquer ainsi: Partie de territoire : référence au pays, qui a une existence physique et des limites Perçue : les sens en action, la vue en premier lieu Populations : construction commune, partagée Caractère : un esprit global, un ensemble, un tout qui fait sens Interrelations : notion transversale qui s intéresse aux vides entre les composantes. Pour comprendre le prisme du paysage, il faut analyser d autres prismes pour observer un même pays, par exemple une forêt.

5 Ci-dessus, de gauche à droite, Ville nouvelle de Cergy Pontoise, Nantes vu par l Agence d Urbanisme de la Région Nantaise.

6 Pour le forestier, un champ d arbres productif Pour le chasseur, une réserve d évolution pour le gibier convoité Pour le randonneur, un terrain de jeu et d aventure qui varie les difficultés et les plaisirs Autant de grilles de lecture que d utilisateurs. Pourquoi le paysage, plus qu un autre prisme, est-il mieux adapté pour donner une valeur au monde? Il est transversal Il invoque les cinq sens Il est désintéressé Il est partagé Il reflète physiquement la société qui en est l origine Il s applique à l action de transformer le territoire Le paysage apparaît comme une valeur absolue par rapport à d autres valeurs. Sortie de son cadre, la valeur paysage se perçoit in-situ, avec tout ses sens. On parle du paysage comme d une expérience. Le paysage alors perçu est dynamique, vivant. La convention européenne du paysage précise: Reflet de l identité et de la diversité européenne, le paysage est notre patrimoine naturel et culturel vivant, qu il soit remarquable ou quotidien, urbain ou rural, terrestre ou aquatique. La projection du paysage Comment devient-on paysage? Le paysage est vivant et dynamique. Ce qui est communément reconnu comme ses qualités est mouvant. Ce qui est dénigré à une époque peut être apprécié à une autre. Eric Rohmer, en filmant les paysages industriels des bassins miniers du Nord, est précurseur dans la reconnaissance de leur valeur paysagère. 40 ans après, les terrils sont sanctuarisés et constituent une attractivité et une valeur locale. Les artistes, une fois de plus, jouent le rôle social de révélateurs pour faire passer de simples observations dans le champ de la culture.

7 Ci-dessus, de gauche à droite, Première image de la requête du mot paysage sur Google, les défricheurs, KingKong, campagne Produit en Bretagne. plan paysage & patrimoine - Quartier Hauts Pavés Saint Félix

8 Paysage et patrimoine Puisque le paysage fait référence à ce qui est acquis et a une valeur, on peut parler de patrimoine. Le paysage et le patrimoine sont donc liés. Mais le paysage est vivant, il se construit en permanence par l action de l homme et de la nature. C est donc avant tout la traduction d un patrimoine immatériel et culturel, avant de passer dans le champ du patrimoine historique. Le bocage: c est bon et beau Pour satisfaire la demande paysagère des habitants et des planificateurs, l agriculteur entretien le bocage, à travers une action de service dans le cadre d un contrat passé avec la collectivité. Mais les débouchés pour le «bois bocage» sont inexistants, le bois de coupe est un déchet. On a donc perpétué une action pour sanctuariser le paysage du bocage sans perpétuer les leviers socio-économiques qui l ont fabriqué : la production d une matière première valorisée. La notion de conservation apparaît alors. On souhaite conserver une image qui a été intégrée à la culture paysagère locale et que la population refuse de perdre, au prix de l entretien à perte que cela engendre. En revanche, le paysage ordinaire n est souvent pas encore perçu comme digne d intérêt, de valorisation et donc d une forme de conservation. L agriculture moderne avec ses grands champs n est pas perçue comme un paysage de qualité. Pourtant, c est le résultat de l économie rurale actuelle qui fabrique ce paysage. Cela veut-il dire que l on n apprécie pas le paysage que l on fabrique au présent? Bords d autoroute, zones commerciales, opérations immobilières... Gilles Clément: révélateur de l ordinaire. Le paysagiste a fait sortir de l invisible ce qu il appelle le Tiers-Paysage. C est le paysage des mauvaises herbes, les interstices et les friches qui se développent spontanément dans les espaces oubliés de l organisation du territoire.

9 Ci-dessus, paysage de terril dans le Nord, le bocage dans les études de paysage.

10 La dérive Cet acte de prendre conscience de ce qui fait paysage, en quoi consiste-t-il? Il faut tenter de créer l arrêt sur image. Arrêter le temps, entrer dans les plis du présent pour comprendre les processus à l œuvre. C est le principe de la dérive : se débarrasser de toute obligation, de tout objectif temporel ou spatial, arpenter l espace en toute liberté, à la recherche d une intuition paysagère, habituellement ensevelie sous les contingences du quotidien et sous les idées reçues qui formatent l avis général. Dans cette posture réceptive, on veillera à se concentrer sur l ensemble de ces sens, on fera en sorte d éveiller l ouïe, le toucher et l odorat en masquant le vue. Lorsque le ressenti s exprime, il faut le capter, le figer pour le ramener avec soi et l intégrer dans son «catalogue paysager» intérieur, avant de pouvoir le restituer à autrui. L exercice proposé au groupe des participants est de partir à la recherche de ce que l on ne voit pas dans le paysage, et qui pourrait être digne d intérêt. Se poser la question: qu est-ce qui fera patrimoine? La sensibilité au paysage sera notre outil pour percevoir le monde à la fois dans sa globalité et dans ses infimes détails. BILIOGRAPHIE: Augustin Berque, Michel Conan, Pierre Donadieu, Bernard Lassus, Alain Roger, Mouvance. Cinquante mots pour le paysage. Editions de la Villette, Paris, Collection Passage, 1999, 99 pages. Alain Roger, Court traité du paysage. NRF Editions Gallimard, Paris, Bibliothèque des sciences humaines, 1997, 199 pages. Pierre Donadieu, La Société paysagiste. Actes Sud ENSP, Arles-Versailles, 2002, 142 pages. Sous la direction de Jean-Luc Brisson, Le jardinier, l artiste et l ingénieur, Les éditions de l imprimeur, collection Jardins et Paysages, Besançon, 2000, 93 pages. Simon Schama, Le paysage et la mémoire. Editions du Seuil, 1999, 722 pages. John Brinckerhoff Jackson, A la découverte du paysage vernaculaire. Actes Sud ENSP, Arles- Versailles, 2003, 276 pages. Jean-Marc Besse, Habiter. Un monde à mon image. Flammarion, Collection Sens propre, Paris, 2013, 252 pages. Bernard Gauthiez. Espace urbain. Vocabulaire et morphologie. Centre des monuments natio-

11 Ci-dessus, paysage agricole de la Beauce, friche Meuse Miséry à Nantes investie par les élèves de l Ecole de Design.

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