ENTRETIEN «retour sur chantier»

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Denise Grenier
il y a 7 ans
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1 ENTRETIEN «retour sur chantier» Georges Nave, Conducteur de travaux de l entreprise Léon Grosse Comment une entreprise entre-t-elle dans un projet comme celui-ci? L entreprise Léon Grosse a été adjudicataire de l appel d offre comme mieux disant et non pas comme moins disant. Au départ, la solution imaginée était la préfabrication sur chantier, une préfa avec un outil spécial sur le chantier. Les objectifs principaux à respecter étaient : des arêtes vives sans défaut, un béton strictement apparent, le matériau à nu sans trous de tiges. Le problème de la résistance sismique a demandé de gros ferraillages donc un coulage plus compliqué. Dès la première réunion de chantier entre Léon Grosse et Rudy Ricciotti, il apparaît que le résultat voulu est impossible à assurer en préfabrication, car les nœuds de clavetage auraient été trop visibles et laids. Donc, on est reparti à zéro pour suivre au plus près ce que voulait l architecte et on a retenu la solution traditionnelle du coulé en place. C était une reprise de méthode complète. Comment s établit le dialogue entre l architecte et l entreprise? Rudy Ricciotti : «en prescrivant le béton, on défend un savoir faire territorialisé. J élabore des projets qui sollicitent toutes les compétences, de l ingénieur à l ouvrier.» D abord il y a eu la phase de réalisation d un prototype. Il s agissait de voir les problèmes que poseraient ces poteaux. Le prototype a montré ce qui allait se passer au croisement de 2 poteaux d échelles différentes, avec les armatures, les textures de coffrage, en 2 fois et avec la reprise de coffrages. Photo1. Le prototype Page 1 / 8

2 En parallèle, pour le choix du rendu, la discussion a porté sur la façade, c est-à-dire «arêtes /peau /couleur». On recherchait une couleur brun/rouge ou noire. Le risque étant les différences de résultat entre été et hiver avec les changements d hygrométrie. Cette étape de prototype est vitale pour le dialogue architecte entreprise. Tout le monde doit pouvoir visualiser ce qu il suppose et on fait des réglages en commun. Il s agissait en plus ici d un bâtiment «cas unique». Cela nous a permis aussi une phase de validation «méthode coffrage» car au départ le système prévu était trop lourd. Cet essai prototype devient ensuite la référence. Au départ, les poteaux devaient être de section constante de bas en haut. Finalement ils ont été affinés de face et en profondeur. Il faut voir ça plus précisément avec le BET. Photo2. Les poteaux Quel béton avez-vous employé? On n a pas retenu le B.A.P. parce que le prix aurait doublé. Le béton utilisé est fait à partir de ciment CPA 52,5, enfin du CEM1 52,5, dosé à 350 kg, pour une résistance de 40MPA. Donc tout est vibré. On faisait passer un vibreur par poteau avant de fermer la banche. Un essai de vérification de vibration a été fait au départ à l étape du prototype. On s en est bien sorti! les coffrages étaient particuliers. Peut-on parler de coffrages négatifs? En ce qui concerne les coffrages, on a travaillé sur les vides plus que sur les pleins avec des mannequins et des écarteurs. Pour être sûr de la précision, c est notre atelier de charpente d Aix-les-bains qui a fabriqué les mannequins sur toute une hauteur d étage. Page 2 / 8

3 Photos. 3 & 4 Les mannequins 50 m3 de bois ont été utilisés pour travailler sur les vides. Ils étaient transportés en convois sur le chantier. Rudy Ricciotti : «c est un bâtiment de maçon et de menuisier» Photo 5. Quelques coffrages au séchage Il fallait décoffrer à la tronçonneuse et pour ne pas prendre de risque au décoffrage, certains coffrages sont restés à sécher pendant des mois. Page 3 / 8

4 Il n y a pas eu de casse sur les arêtes pendant l année de chantier. D ailleurs il y avait du respect sur ce chantier (1 seul tag à l intérieur du «bâtiment noir» et en peinture noire!). Le seul accident de coffrage, ça a été pour le 1 er coulage du panneau d entrée de la grande salle du bas. Ce 1 er coulage a eu lieu la veille des fêtes de Noël! Les planches de fond de coffrage ont cédé à l arrière du mannequin on a réalisé tout de suite mais on a décidé de finir le coulage 16m3 au lieu de 8m3 prévus!! Au retour le 27, le béton avait bel et bien forcé le coffrage et le panneau déformé montrait ses blessures. Photos 6 La porte de la grande salle On a trouvé la catastrophe On voulait le démolir Et finalement, on a décidé, avec l architecte, de «garder l erreur» et de s en servir. Pour l accès à la salle, au lieu des portes en verre prévues, on est donc passé à des portes en «faux béton» c est-à-dire projeté sur une armature en acier. Comment avez-vous géré Le coulage? Pour le coulage, on décide de couler l élévation sur une hauteur d étage complète, plus la poutre de rive, le tout en une fois pour minimiser les arrêts de coulage Autre avantage, la poutre de rive permet l équilibre provisoire sans étayage. Photo 7 & 8 coulage et rotation des banches Page 4 / 8

5 On réalisait une largeur entière ou une demi-longueur sur une hauteur. On n était plus dans le domaine du bâtiment mais plutôt du génie civil. Une phase ou une levée prenait 5 jours (par ½ longueur ou largeur). Le coulage durait 6 semaines par étage plus la double travée latérale, donc 8 semaines. Puis à chaque niveau il y a le phasage des dalles. Photo 9. Dalles montées à la grue mobile Le chantier était difficile pour d autres raisons, structurellement. Les dalles alvéolaires de 17 mètres par 1m20 pesaient 12 tonnes. Elles étaient montées à la grue mobile, et reposaient sur des étaiements spéciaux de plus de 6m de haut. Le fabricant des dalles ne pouvait pas donner exactement la fréquence de résonance, d où le besoin de raccourcir la portée à 10m pour les planchers de danse. On s est trouvé en «portée inversée», pour les ateliers de danse, avec des poutres-voiles qui faisaient la largeur du bâtiment sur une hauteur d étage pour reprendre ces dalles alvéolaires. Vous ne voyez pas les talons de ces poutres voiles, elles sont dans les fauxplafonds. Pour les couler il a fallu étayer par-dessous jusqu en bas : 3 étages, une forêt d étais au même moment! Puis on coulait les dalles flottantes sur des boîtes à ressorts en métal galvanisé avec un maillage de 1m20. (polyane + résiliant, laine de roche en rive de dalle). Photos 10 & 11. Les boîtes à ressorts Page 5 / 8

6 Une fois sèches, ces dalles étaient «relevées» de la dalle béton basse de 2 cm environ par l intermédiaire des ressorts. Les planchers de danse, en bois, sont ensuite posés sur ces dalles béton. Les particularités et les difficultés de ce chantier Pour l aspect humain Ce qui est sûr, c est que l équipe a joué un rôle important. Les ouvriers? on avait un bon noyau de chez Léon Grosse + des intérimaires formés. L accès au chantier dans cet environnement urbain dense a demandé beaucoup de précision au grutier et aux chauffeurs. Aussitôt après la réalisation de la grande salle, l architecte concepteur a fait une présentation du projet sur place, pour l équipe de chantier. Cela a eu un effet vraiment important : l adhésion au projet, une conscience des problématiques de finition, une motivation et une responsabilité partagées, un élan collectif pour un niveau d exigence particulier! Photo 12. La grande salle est coulée Page 6 / 8

7 Les ajustements techniques Le plancher de l accueil a une pente de 12 cm sur sa longueur pour se mettre en concordance avec la voie. Pour implanter les poteaux et «s auto-contrôler» chaque droite était repérée par 3 points, 3 cotes altimétriques NGF prévues par le Bureau d études. Il fallait être précis. Photo 13. Banches et mannequins Pour la mise en place de la première peau, on utilisait une première banche en peau-bois avec un système d ossature en acier. Puis on traçait les droites sur la face interne des banches, avant de positionner les mannequins. Au départ, la salle du sous-sol devait être une salle de répétition. Le Ballet a demandé qu elle devienne une vraie salle de spectacle. Des ajustements notamment au niveau des corps d états techniques ont été nécessaires Page 7 / 8

8 Le béton, son aspect, sa surface, son toucher Le choix du noir a été fait après les essais. La coloration est obtenue avec un oxyde qui représente 4% du poids en ciment. Le ciment était référencé à la centrale de production sur Les Milles (à côté du chantier) pour l incorporation du colorant et les granulats assez fins (de 0/14 0/16) étaient bien repérés et provenaient de la même carrière. Une fois le béton coulé, selon l humidité, on a vu sortir des traces blanches de carbonatation. Il a fallu alors nettoyer le béton avec une solution acide (faible), puis le rincer. Ensuite, il a été frotté au «tampongex» on l achetait par rouleaux entiers! Puis il a été protégé par un hydrofuge. Photos 14 & 15 Retour sur chantier Pour Léon Grosse, quand on a décroché le CCN, c était un challenge. C est allé bien au-delà : un défi. On s est pris au jeu. C était une aventure. En termes d image, cela a dépassé nos hypothèses. Pour nous ce bâtiment, c est un totem! Page 8 / 8

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