TEMOIGNAGE d. d ISAAC BORNE. Isaac BORNE est né à Anvers en Belgique le 10 avril Son vrai nom est Isaac BORNSTEIN

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1 TEMOIGNAGE d d ISAAC BORNE Isaac BORNE est né à Anvers en Belgique le 10 avril 1923 Son vrai nom est Isaac BORNSTEIN Un père diamantaire, Zelig, né en 1891, une mère décédée en 1939 des suites d'une longue maladie, et trois frères : Léon, l aîné né en 1921 Joseph né en 1924 Albert, le plus jeune, né en 1930 En 1940, la famille BORNSTEIN quitte la Belgique à l'arrivée des Allemands et se réfugie en France.

2 Zélig le père se rend à Nice tandis que les quatre frères s installent à Carbonne près de Toulouse. Puis Toulouse où reste Léon. Les BORNSTEIN vivent ensuite à Montauban puis Nîmes où ils s installent peu de temps rue Titus puis rue des Lombards. Carbonne 21 août 1942 : Isaac est arrêté avec son frère Joseph devant son domicile rue des Lombards, par un gendarme français. Ils sont condamnés à 2 mois de prison et incarcérés à la maison d arrêt de Nîmes, à côté du Palais de Justice (du 22 août au 22 octobre 1942) Transférés au camp de Rivesaltes puis à Argelès, les deux frères s en évadent, prennent un train sans payer le billet (et pour cause ) et rentrent à Nîmes où arrivant de nuit, ils traversent la ville pour rentrer rue des Lombards Rivesaltes «Nous étions inconscients!» dit aujourd hui Isaac Borne

3 Léon BORNSTEIN a été arrêté à Toulouse le 21 janvier Interné au camp de Noé puis à celui de Gurs, il est transféré à Drancy le 2 mars, puis déporté par le convoi 51, le 6 mars 1943 au camp de MAIDANEK en Pologne. Les Bornstein à Nîmes en 1942 de gauche à droite : Joseph Zelig Isaac Léon Isaac Borne Photo prise le même jour. Il a 19 ans.

4 Avril 1943 : toute la famille sauf Léon, part à Grenoble. Isaac s'était déjà engagé comme son frère Joseph, dans le Mouvement de la Jeunesse Sioniste (MJS). Ils participent aux différentes activités du MJS en particulier des activités de résistance, convoyant des hommes et des femmes de Grenoble vers le maquis de Biques dans le Tarn, dirigé par le fondateur de l Armée Juive, Abraham Polonski. Tous deux volontaires dans l Organisation juive de Combat, font à plusieurs reprises le trajet de Grenoble vers le Tarn, dans des conditions de danger particulièrement extrêmes Les Juifs de France, français ou étrangers, n ont pas attendu les persécutions pour s engager dans la résistance. Très tôt, certains rejoignent les premiers mouvements, les premiers réseaux ou encore le Général de Gaulle à Londres, dès l appel du 18 juin Ainsi plusieurs organisations spécifiquement juives sont créées dès 1940 : pour organiser la résistance armée : c est le cas de l «Armée juive» (A.J.) fondée à Toulouse par Abraham Polonski en octobre 1940 et dont le premier maquis de l AJ est installé le 15 novembre 1943 à Biques dans la Montagne Noire (département du Tarn) pour l entraide et le sauvetage des enfants : c est le cas du «Comité de Nîmes», de l Oeuvre de Secours aux Enfants (OSE) ou encore du Mouvement de la Jeunesse Sioniste créé en mai 1942 à Montpellier

5 Isaac et Joseph ont pour chefs dans l Organisation Juive de Combat, leur cousin Henri BRODER et le capitaine Jacques LAZARUS. C est Henri BRODER qui a rédigé en 1990 cette attestation témoignant de l activité d Isaac Borne dans la Résistance dont le texte est reproduit ci-dessous

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7 Les cadres de l Armée Juive à Lacaune en 1944 Henri BRODER Jacques LAZARUS

8 25 décembre 1943 : l'arrestation à Grenoble Isaac, son père Zelig et ses deux frères, Joseph et Albert, sont arrêtés, le 25 décembre 1943, par la Gestapo de Grenoble. Ils sont torturés pendant quatre jours sans pour autant parler comme l atteste Henri Broder, puis transféré à Drancy où ils restent trois semaines. 20 janvier 1944 : le convoi 66 quitte Drancy Le 20 janvier 1944, ils sont déportés à Auschwitz par le convoi 66. C'est un terrible voyage. Peu à manger et à boire et un seul seau pour les besoins de 120 personnes. Surtout ne pas s'asseoir au risque d'être piétiné ou étouffé. Ceux qui tentent de s'échapper sont immédiatement fusillés. Au terme de trois jours de voyage, les pieds et les mains en sang, épuisés, ils arrivent le 23 janvier à la rampe du camp d'auschwitz

9 23 janvier 1944 : l'arrivée à Auschwitz Le convoi 66 arrive le soir. Isaac BORNE se souvient de cris, de hurlements, des projecteurs, des hommes, des femmes et des enfants effrayés, des SS et des chiens. Il faut obéir tandis que le tri implacable des SS sépare aussitôt les familles. Albert, son petit frère de 13 ans, trop jeune pour être apte au travail, et son père Zelig, sont amenés aussitôt à la chambre à gaz. Albert le plus jeune frère Mort à l arrivée à Auschwitz à l âge de 13 ans Isaac et Joseph passent la nuit entière dans les douches, tondus, tatoués et désinfectés. Il ne porte désormais plus qu'un matricule, celui qui est toujours tatoué sur son bras :

10 On attribue aux deux frères un travail dans les commandos «peinture», au camp de Buna (Auschwitz III), à quelques kilomètres d'auschwitz Birkenau. Le camp de Buna en hiver Appelé également Auschwitz III ou Monowitz, il servait à fournir de la main d œuvre aux installations industrielles de I.G. Farben

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13 23 janvier janvier 1945 : survivre à Auschwitz Isaac BORNE raconte l'année de ses 20 ans avec une certaine distance, parfois un peu d'humour, avec des anecdotes prises au fur et à mesure qu'elles lui viennent ou que la question d'un élève la lui rappelle. Comme quelqu'un qui s'est beaucoup demandé comment il pouvait être possible de raconter, de dire quelque chose qui en soi, dépasse l'entendement de l'homme. Comme quelqu'un qui sait que rien de ce qu'il pourra dire ne permettra jamais à quiconque de prendre l'exacte mesure de ce qu'il a vécu. Car ce n'est pas imaginable. L'appel quotidien à 4 heures et qui pouvait durer des heures, été comme hiver, vêtus de rien. La toilette qui ne consiste qu'à s'asperger d'un peu d'eau. La faim, la crasse, l'odeur de l'urine, et la mort omniprésente. Le visage inexpressif des SS. «Des hommes qui ne montrent ni haine, ni joie, ni compassion. Des hommes qui savent qu'ils sont les maîtres de la vie et de la mort. Des hommes qui savent qu'il n'y a personne pour les juger», dit-il. Un jour, alors qu'isaac travaillait dans un fossé en chantant, contre toute interdiction, un SS passa et lui jeta un morceau de pain. Le lendemain, il l'aurait sans doute tué. C'est la part du hasard. Il faut survivre en ne pensant qu'à soi. Il n'y a aucune solidarité à Auschwitz. «Peut-être la première semaine, quand les gens étaient encore humains», précise-t-il. «On devient inhumain pour survivre». La force lui vient de son frère Joseph. Survivre pour ne pas le laisser seul. Car la tentation de mourir est une tentation facile. Les deux frères s'imposent dans ce chaos absurde, une tenue morale et physique de tous les instants. Et chacun veille à ce que l'autre ne se laisse pas aller. Isaac BORNE reconnaît que cette exigence envers eux-mêmes est peut-être ce qui les a sauvés. Et l'optimisme irréductible de son frère. Joseph était épileptique. Il n a pas eu une seule crise pendant toute sa déportation et malgré la brutalité du réveil quotidien. Mais chaque matin, Isaac a vécu avec l angoisse qu une crise n envoie son frère à la chambre à gaz. «Avez-vous pardonné à l'allemagne? demande Manon. Vous savez... pardonner... c'est un mot».

14 27 janvier 1945 : la marche de la mort Ce jour là, l'armée soviétique approchant d'auschwitz, les Allemands entament l'évacuation du camp. Commence alors une marche terrible de 70 kilomètres d Auschwitz à Gleiwitz, au cours de laquelle le froid, la neige qui tombe sans interruption, la faim, l'épuisement tuent des centaines de déportés. Puis le train jusqu'au camp de Buchenwald. Entassés sur des wagons à ciel ouvert, dans le froid glacial de l'hiver, il faut là encore ne pas s'asseoir au risque d'être étouffé. Les bagarres sont fréquentes lorsque des gens le long du convoi jettent parfois quelques morceaux de pain. Les deux frères survivent en restant debout dos à dos, chacun s'appuyant sur le corps de l'autre. A l'arrivée à Buchenwald, le train est à demi rempli de morts. Isaac et Joseph se retrouvent dans un camp de désinfection. Eli Wiesel, futur Prix Nobel de la Paix est là également. Dans l'anarchie de la défaite inéluctable désormais, jusqu'au dernier moment les SS s'évertuent à poursuivre leur entreprise d'extermination, arrosant au lance-flammes ceux qui se présentent à l'appel. Surtout ne pas sortir des baraquements. Photo prise à Buchenwald le 16 avril 1945

15 11 avril 1945 : libéré par les Américains Les premiers soldats américains arrivent ce jour-là. Isaac BORNE se souvient avoir vu les déportés se jeter sur la nourriture. Ces squelettes vivants n'ont plus que cette obsession. Certains en meurent de dysenterie. Le retour en France se fait à Paris, gare d'orsay. Ce n est qu un peu plus tard qu Henri Frenay réquisitionne l Hôtel Lutetia. Les deux frères sont accueillis par deux jeunes filles scoutes. L'une d'elles les envoie chez ses parents en Normandie où ils vont petit à petit se reconstituer. Nourriture, soins, médecin, tout doucement les deux frères retrouvent un semblant d'apparence normale. Cette jeune fille épousera par la suite Joseph. Isaac quant à lui rentre à Nîmes. Le gendarme qui l'avait arrêté en 1942 lui a fait demander après la guerre, qu'on ne lui fasse rien. Mais Isaac retrouve surtout sa fiancée. Ils se marient le 30 décembre Ils eurent une fille et un garçon. Et ils sont toujours là, face à nous, extrêmement touchants. Mais Madame Borne nous précise que pendant dix ans les nuits de son mari furent peuplées de cauchemars. Joseph trop affaibli, s est donné la mort en Quand Clovis lui demande comment on reconstruit sa vie après avoir vécu tout cela, la réponse d'isaac traduit avec une grande pudeur la difficulté à revivre comme tout le monde. «Un déporté ne peut pas retrouver la normalité... J'ai fait ma vie comme un arbuste sauvage». Isaac BORNE En conversation avec Manon PLARD Lycée DHUODA 31 mars 2009

16 L inscription des noms et des années de naissance d Isaac BORNE, de ses frères et de son père sur le «MUR des NOMS» au Mémorial de la Shoah à Paris En 1950, Isaac BORNSTEIN a obtenu que son nom soit officiellement Isaac BORNE. Il vient tout juste d être fait Chevalier dans l Ordre de la Légion d Honneur Les insignes de cette distinction lui seront remis par le Sénateur-maire de Nîmes le 15 octobre 2009

17 Madame et Monsieur Isaac BORNE Entourés des élèves de la 1 ère STI-Génie Civil 2 De gauche à droite : Céline ROCHER, Clovis GROS, Manon PLARD Alexandre BENOÎT, Thomas MARTINEZ Entretien réalisé au lycée DHUODA le mardi 31 mars 2009 par les élèves de la 1 ère STI- GCi-2 en présence d Hélène PASCOT (documentaliste), Patrice BILGORAI (CPE) et de Didier LAVRUT (professeur d Histoire de la classe) Dossier réalisé par Manon Plard et Didier Lavrut